Pas de faute pour les fabricants de vaccins aux États-Unis

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L'injection est prêteLes fabricants de vaccins pour les enfants ne peuvent être poursuivis pour des défauts de conception de leurs produits aux États-Unis, ainsi en ont décidé les membres de la Cour suprême de ce pays par 6 voix contre 2.

Cette décision fait suite à la plainte des parents d’une enfant ayant souffert de convulsions après avoir reçu une injection de vaccin contre la diphtérie, la coqueluche et le tétanos (affaire Bruesewitz v Wyeth Inc). Pour la Cour, une loi adoptée par le Congrès des États-Unis en 1986 exclut toutes poursuites contre les fabricants de vaccins dans un tel cas : ce texte prévoit en effet qu’aucune faute ne pourra être reprochée à un laboratoire si un enfant est victime des effets secondaires d’un vaccin.
La loi, appelée The National Childhood Vaccine Injury Act, « écarte toutes réclamations contre les fabricants pour des défauts de conception de vaccins par des plaignants qui demandent une indemnisation pour des blessures ou des décès causés par les effets secondaires du vaccin ».

Russell et Robalee Bruesewitz voulaient voir reconnue la responsabilité du laboratoire Wyeth après que leur fille de 6 mois ait présenté de nombreuses crises convulsives après avoir été vaccinée en 1992. Cette injection n’a rien de particulier et est pratiquée de façon habituelle chez les enfants de cet âge. Malheureusement, chez cette enfant, les médecins ont diagnostiqué en 2003 un trouble épileptique résiduel et une encéphalopathie.
La loi exclut les plaintes pour les effets secondaires “inévitables”, mais pour les avocats de la famille, au moment où a été réalisée l’injection, ce produit était dépassé, mal conçu et ses effets secondaires évitables.
Pour le juge Antonin Scalia, membre de la Cour suprême qui a voté pour cette décision, « à condition que la fabrication soit correcte et qu’il n’y ait pas de mise en garde, les autres effets secondaires, y compris ceux résultant de défauts de conception, sont réputés avoir été inévitables ».

Comment expliquer qu’un tel texte ait pu être adopté ? Tout simplement parce qu’il a été voté à un moment où les États-Unis étaient confrontés à une pénurie de vaccins pour les enfants après que les fabricants aient décidé de se retirer de ce marché face à l’augmentation du nombre de plaintes auxquels ils avaient à faire face justement pour le vaccin tout-en-un diphtérie-coqueluche-tétanos. L’adoption de cette loi s’est accompagnée de la création d’un tribunal dédié à ces produits, appelé Vaccine court et financé par les fabricants par le biais d’une taxe sur chaque dose, qui doit déterminer si les dommages d’un plaignant sont dus à un vaccin ou non. Dans le cas d’Hannah Bruesewitz, ce tribunal a estimé que le produit n’était pas en cause.

Le jugement de la Cour suprême a été salué par l’Académie américaine de pédiatrie, qui s’était jointe à 21 autres associations du monde de la santé, y compris l’American Medical Association, pour déposer un amicus curiae, contribution versée spontanément au débat, exhortant le tribunal à rendre une décision qui sauvegarde l’approvisionnement du pays en vaccins.

« Les vaccins destinés aux enfants font partie des plus grands progrès de la médecine du siècle dernier », a déclaré la présidente de l’Académie de pédiatrie, Marion Burton. « La décision de la Cour suprême protège les enfants par le renforcement de notre système national de vaccination et veille à ce que les vaccins continuent à empêcher la propagation de maladies infectieuses dans ce pays. »

Pour le juge Scalia, les fabricants sont déjà obligés par la loi de financer un programme informel et efficace d’indemnisation des victimes des vaccins. « En échange, il faut leur éviter de coûteux litiges et de se voir de temps en temps condamner de façon disproportionnée par un jury ».

Le laboratoire Wyeth a fait valoir pour sa part que si la décision lui était défavorable, cela pourrait ouvrir la voie à une déferlante de poursuites alléguant un lien de causalité entre les vaccins et l’autisme.

Sonia Sotomayor et Ruth Bader Ginsberg, juges à la Cour suprême elles aussi, ont quant à elles voté contre cette décision. Pour Sonia Sotomayor, ce jugement « laisse un vide réglementaire dans lequel personne ne veille à ce que les fabricants de vaccins tiennent compte de manière adéquate des progrès scientifiques et technologiques lors de la conception ou de la distribution de leurs produits. »

Cette affaire montre bien à quel point il est difficile pour les autorités d’un pays, fût-il aussi puissant que les États-Unis, de ne pas plier face à l’industrie pharmaceutique qui semble ne pas hésiter à arrêter la production de produits indispensables à la santé publique si elle se sent menacée. Un procédé auquel les assureurs ont eux aussi eu recours quand leurs intérêts ont été attaqués. Volià qui pourrait expliquer, sans le justifier, que de nombreuses victimes soient encore sacrifiées pour ne pas nuire à des intérêts qui les dépassent…

[Source : BMJ 2011;342:d1292]

Tags :, , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Trackback depuis votre site.



Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.