Le droit à l’oubli en médecine ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

FichierGrâce à l’Internet et aux supports numériques, le droit à l’oubli s’est rappelé aux juristes ces dernières années. Denis Ettighoffer, dans son droit à l’oubli de l’Homme numérique en explique les arcanes. Il est question de limiter « dans le temps la conservation des données nominatives stockées dans la mémoire des ordinateurs afin d’éviter d’attacher aux personnes des étiquettes définitives ». La loi no 78-17 du 6 janvier 1978, modifiée par la loi no 2004-801 du 6 août 2004 transposant la directive no 95/47/CE réglemente en ce sens la constitution des fichiers nominatifs.
Dans un registre différent, mais toujours au prétexte du droit à l’oubli, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) recommande depuis 2001 l’anonymisationdes décisions de justice librement accessibles sur l’Internet, au mépris du principe de publicité attaché aux décisions de justice en matière civile.

Sur le même modèle, on veut imposer le droit à l’oubli dans le dossier médical, véritable recueil de l’histoire du corps et de ses maux. Qu’il soit question de son archivage, pour lequel le droit à l’oubli sert à pallier l’enjeu économique et la complexité de conserver des dossiers sur de très longues durées pour des établissements de soins ou qu’il soit le prétexte au masquage des antécédents au sein du dossier médical personnel au motif que le patient a toujours pu mentir par omission au médecin qui le prend en charge et va engager sa responsabilité, le droit à l’oubli s’immisce dans le droit de la santé.

Loin de la démagogie et de l’hypocrisie, le corps humain se moque du droit à l’oubli. Rares sont les maladies qui ne laissent aucune séquelle dans l’organisme : modifications du métabolisme, fragilisation des tissus, sensibilisation à des médicaments utilisés pour traiter l’affection, etc. Ces changements peuvent continuer à affecter un patient, pourtant considéré comme guéri, jusqu’à la fin de sa vie. La génétique est une autre preuve que les influences du passé jouent un rôle considérable sur la santé au présent. Il n’y a pas de prescription en matière de maladies génétiques…

L’immunité peut aussi, dans certains cas, être prise comme exemple. C’est ce que confirment des chercheurs du New Jersey dans une étude sur des survivants à la grippe espagnole de 1918. Ce travail, intitulé « Remembrance of virus past« , a été publié dans la revue Nature et montre que des individus qui n’ont pas été emportés par l’épidémie, qui a fait plus de 50 millions de morts, produisent toujours de puissants anticorps contre le virus de l’époque. Ces défenses sont toujours actives et pourraient, selon les chercheurs, permettre de lutter contre une résurgence d’un tel virus, voire même de nouveaux virus apparentés.

Dans ces conditions et même si le Conseil national de l’ordre des médecins s’est prononcé en faveur du droit à l’oubli en matière de santé, se rangeant en cela à l’avis des politiques, comment peut-on permettre à un patient de supprimer des données de ses antécédents au sein d’un dossier dit « médical » censé améliorer la qualité des soins ? Comment peut-on faire primer pour l’archivage des dossiers des considérations économiques quand on sait que les informations qui seront détruites sont susceptibles d’être la clé permettant de venir à bout d’un virus mortel ?

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