Tâches, compétences et protocoles entre professionnels de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

L’article 51 de la loi no 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite HPST, a permis l’élaboration de protocoles entre professionnels de santé. Ces professionnels de santé peuvent, à leur initiative, désormais s’engager dans une démarche de coopération ayant pour objet de transférer entre eux, des activités ou des actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès des patients. Une idée séduisante pour certains médecins qui ne voient là qu’« un transfert de tâches » leur permettant de mieux gérer leur temps tout en gardant la main sur les actes qu’ils acceptaient ainsi de déléguer. Une aubaine pour de nombreux professionnels paramédicaux qui voient surtout là « un transfert de compétences » qui va leur permettre de réaliser à moyen terme des actes jusque-là effectués par les professions médicales.

Accord passé entre deux personnes

Une chose est sûre, c’est que dans l’esprit du ministre de la Santé, Marisol Touraine, il n’y a pas de doute quant à la finalité de ces protocoles de soins entre professionnels de santé. En effet, dans sa réponse à une question écrite du député Jean-Michel Villaumé, appartenant au groupe « Socialiste, républicain et citoyen », lui demandant de reconnaître l’optométrie au titre des professions relevant du code de la santé publique, le ministre explique clairement le principe de ces protocoles : « dans le cadre de l’article 51 de la loi no 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, de nombreux protocoles de coopération organisent un transfert d’activités entre les ophtalmologistes et les orthoptistes et opticiens-lunetiers. Leur évaluation en matière de qualité et de sécurité des soins permettra de juger de la pertinence d’inclure ces nouveaux actes dans le champ de compétence des professions concernées. Ces mesures sont en cours de déploiement. »

Les « tâches » transférées par les médecins vont donc pouvoir devenir de nouveaux actes pour les professionnels de santé chargés de les exécuter et devenir ainsi de nouvelles « compétences » pour ces derniers. Sachant que la mission d’évaluation est confiée aux agences régionales de santé (ARS), il va s’en dire qu’en plus des notions de qualité et de sécurité, c’est avant tout celle d’économie qui pourrait entrer en considération à un moment ou à un autre. Car si ces protocoles ont été mis en place, c’est certes pour pallier la désertification médicale au sein des banlieues difficiles et, accessoirement, des espaces ruraux, mais aussi dans un esprit visant à réaliser des économies en santé.

Celui veut-il dire qu’il suffit d’un accord entre un médecin et un professionnel de santé pour que les actes du premier, « saucissonnés » en différentes tâches deviennent des compétences du second ? Non, car jusque-là les ARS respectent l’avis consultatif de la Haute Autorité de santé (HAS). Un avis défavorable a, par exemple, été émis concernant l’extension de la période de renouvellement de verres correcteurs par un opticien, après un premier équipement prescrit par un ophtalmologiste, de 3 ans à 5 ans, proposée en Auvergne.

Faut-il croire que seuls les actes médicaux sont concernés et que les actes chirurgicaux ne feront pas l’objet de transferts ? Non, le domaine des greffes de tissus fait déjà l’objet d’un protocole. En effet, la HAS a émis un avis favorable concernant les prélèvements de cornée. Ils pourront être réalisés par des infirmiers dans les régions Bretagne et Bourgogne. Une mesure qui pourra être étendue au reste de l’Hexagone, dans un an, si l’expérience est jugée concluante, comme la loi le permet.

Faible rempart tout de même que les avis de cette autorité « indépendante » lorsque l’on se souvient de son rôle dans quelques affaires politico-sanitaires ou lorsqu’il a été question de liens d’intérêts, il y a quelques années. Le fait que les demandes émanent de praticiens exerçant dans des hôpitaux publics, des établissements privés ou en libéral, aura-t-il une influence sur les avis rendus ? La HAS fera-t-elle l’objet de pressions lorsque des « économies de santé » ou les intérêts de l’industrie seront en jeu au sein de l’un de ces protocoles ? On est en droit de se poser la question lorsque l’on voit la coquille vide qu’est devenu le Sunshine Act à la française.

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Commentaires (1)

  • antonin

    |

    Qu’elles différences y a-t-il entre transfert de tâches, délégation de taches et délégation d’activité?

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