Contraception orale : la psychose médiatique cache un meilleur remboursement par la Sécurité sociale

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Evolution

Presse écrite, radio, télévision : tout le monde fait sa Une sur les soi-disant dangers de la contraception orale suite à la mise à jour, le 26 mars 2013, par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) de son dossier Pilules estroprogestatives et risque thromboembolique veineux. Ce travail se compose d’un rapport pharmacoépidémiologique sur le risque thromboembolique veineux attribuable aux contraceptifs oraux combinés (COC) depuis 10 ans, en France, et d’une analyse de « l’évolution rapide de l’utilisation des pilules estroprogestatives et des autres moyens de contraception. » Plus que de vouloir informer, il semble bien question, pour les médias, de chercher un nouveau scandale sanitaire propice à une augmentation de l’audience là où il n’y a pourtant que des faits connus et reconnus de longue date. Car c’est bien à une mise à jour que se livre l’ANSM : les risques de thrombose et d’embolie chez les patientes prenant un contraceptif oral ont été identifiés depuis de nombreuses années ; n’importe quel praticien en a conscience et se pose des questions avant de les prescrire. Mais les médecins connaissent aussi les risques d’une grossesse non désirée, les inconvénients des autres moyens de contraception ou les complications des interruptions volontaires de grossesse (IVG), dont les médias ne semblent pas vouloir parler.

Femme dubitative face à sa plaquette de pilules

Oui, il existe un risque thromboembolique à utiliser un contraceptif oral combiné, mais ce risque existe aussi pour les femmes qui n’en utilisent pas. D’après l’ANSM, « le risque d’accidents thromboemboliques veineux existe en population générale, mais il est faible ; il augmente avec l’âge chez toutes les femmes, qu’elles soient ou non utilisatrices d’un COC. Il est plus important sous COC de 3e ou de 4e génération que sous COC de 1re ou de 2e génération.
Entre 2000 et 2011, le risque thromboembolique veineux lié aux COC est estimé à 2 529 par an dont 1 751 sont attribuables aux pilules de 3e et de 4e génération.
Le nombre de décès annuels par embolie pulmonaire attribuables à l’utilisation des COC est estimé à 20 : 6 décès attribuables aux COC de 1re et de 2e génération et 14 attribuables aux COC de 3e et de 4e génération. »

Vingt décès sur onze ans seraient dus à une embolie pulmonaire liée à la prise d’une contraception par estroprogestatifs, ce qui représente 1,8 décès par an. Chaque décès est un drame qu’il ne faut pas sous-estimer, mais il convient de rappeler que, chaque année, toutes causes confondues, 40 000 embolies pulmonaires surviennent en France, d’après le Collège des enseignants de pneumologie, et que dans 25 % des cas elles sont fatales au patient dans l’année qui suit leur survenue…
Le Tabac, qui revient en force au cinéma et par là même sur les petits écrans, est à l’origine de plus de 60 000 décès par an. L’alcool, dont la publicité est faite quotidiennement sous couvert de la richesse du terroir dans les médias audiovisuels quand elle n’est pas tout simplement autorisée comme sur Internet grâce à la loi Bachelot, c’est plus ou moins 40 000 morts par an… Des dizaines de milliers de décès qu’il est préférable de ne pas mettre en avant, surtout quand d’énormes budgets publicitaires sont en jeu, que de gros versements pour des placements-produit sont négociés ou que le lobbying sait remercier ceux qui jouent le jeu… Les liens d’intérêts sont très loin d’être l’apanage des médecins et de l’industrie pharmaceutique.

Pour ceux qui ne sont pas dupes, le tapage médiatique, repu de sensationnalisme, fait autour de la contraception orale donne la nausée, surtout lorsque l’on sait que les députés ont voté récemment un meilleur remboursement de celle-ci… En effet, sur proposition du Gouvernement, l’article 52 de la loi no 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la Sécurité sociale pour 2013 a institué une prise en charge élargie aux mineurs âgés de 15 ans à 17 ans des contraceptifs au rang desquels figurent les COC de 1re et 2e génération. Le décret no 2013-248 du 25 mars 2013 relatif à la participation des assurés prévue à l’article L 322-3 du code de la sécurité sociale pour les frais liés à une interruption volontaire de grossesse et à l’acquisition de contraceptifs par les mineures, publié au Journal officiel du 27 mars, permet un remboursement à 100 % par la sécurité sociale des contraceptifs oraux de 1re et 2e génération pour les mineures de 15 ans et plus. Il leur permet aussi de bénéficier de cette prise en charge dans n’importe quelle pharmacie et de ne plus avoir à se rendre dans un centre de planning familial pour bénéficier de la gratuité. Ces mesures sont applicables au 31 mars 2013.
Certes, les pilules de 3e et 4e génération, à l’origine du plus grand nombre d’accidents thromboemboliques, ne sont pas concernées par cette prise en charge, mais la campagne médiatique actuelle ne fait plus vraiment la différence. C’est la contraception orale dans son ensemble qui est vilipendée ces derniers jours et présentée comme une nouvelle affaire Mediator…

Hasard ou clairvoyance, la prise en charge à 100 % des contraceptifs pour les mineures de 15 ans et plus s’accompagne de celle des frais de soins, de surveillance et d’hospitalisation liés à une interruption volontaire de grossesse par voie instrumentale ou médicamenteuse pour la même tranche d’âges. L’article 50 de la loi du 17 décembre 2012 et le décret du 25 mars l’ont instaurée. Une mesure qui ne va pas manquer d’être utile quand on sait que toute campagne de dénigrement de la contraception orale s’accompagne d’une augmentation du taux de grossesses non désirées…

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Commentaires (1)

  • docteurdu16

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    Bonjour,
    Votre article passe à côté de l’essentiel.
    Non, les médecins généralistes et / ou spécialistes ne connaissaient pas le véritable risque des pilules estro-progestatives. Et d’ailleurs de grands experts continuent de ne pas le savoir.
    Vous comparez le nombre de cas graves dus à la pilule et le nombre d’embolies pulmonaires. Vous mélangez des choux et des carottes : les choux ce sont les notifications spontanées et leur imputation (en France 1 effet indésirable grave sur 500 ou sur 4110 selon les sources) est déclaré ; les carottes : le nombre brut d’embolies pulmonaires sans imputation.
    Enfin, vous parlez du tabac mais vous ne dites pas, tous les médecins ne le savent donc pas, qu’il multiplie par SEPT le risque d’événements thromboemboliques artériels (et probablement veineux) chez les femmes qui sont sous pilules estro-progestatives.
    Et il n’y a pas qu’en France qu’on se pose des questions : Pays-Bas et Suède notamment.
    Bonne journée.

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