Information médicale, classement des établissements de soins : les mutuelles s’en mêlent

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Information médicale par téléphone par les mutuellesLa Mutualité française a lancé, le 28 mai 2009, « Priorité santé mutualiste ». Il s’agit d’un service téléphonique présenté comme un outil « d’information, d’aide à l’orientation et d’accompagnement sur des questions majeures de santé ». Ouvert à tous dans un premier temps, puis uniquement accessible aux adhérents d’une mutuelle de la Mutualité française et à leur entourage, à partir du 1er octobre 2009, à l’aide d’un code d’accès qui leur aura été fourni, cette offre a plusieurs objectifs et le site Internet de la Mutualité donnent plusieurs exemples pour les illustrer. « Un adhérent d’une mutuelle a un rendez-vous pour une première chimiothérapie et se demande en quoi cela consiste ? Il souhaite en savoir plus sur les risques cardio-vasculaires ? Il recherche un établissement de qualité proche de son domicile qui prenne en charge son cancer ? Il s’interroge suite à l’annonce d’une maladie ? Il rencontre des difficultés sociales ou administratives liées à sa pathologie ? Ou encore il souhaite arrêter de fumer, adopter un bon équilibre alimentaire ? » Axé initialement sur quatre thèmes de santé (le cancer, les maladies cardio-vasculaires, les addictions et le maintien de l’autonomie des personnes âgées ou en situation de handicap), ce système d’information comptera une nouvelle thématique fin 2009 : la santé visuelle.

Cette initiative semble séduisante, mais ne soulève-t-elle pas des questions de droit et de santé ?

Censée être gage de qualité, c’est vers un “conseiller” que sont dirigés les appels… Le contenu des réponses de ce préposé est validé par un comité d’experts. Face à des patients fragilisés par une maladie comme le cancer, que peuvent valoir des réponses stéréotypées ? Ont-ils besoin que le colloque singulier avec leur médecin ou avec d’autres professionnels de santé, adapté à leur propre cas, soit complété par des informations standardisées ? Il est vrai que la tendance actuelle est à la délégation des tâches, dont les mutuelles sont très demandeuses. Elle est aussi à la médecine en fiches, laissant penser que tous les patients sont identiques et qu’une démarche uniformisée, moins coûteuse, est susceptible de répondre à tous les cas. Les nombreuses jurisprudences en droit de la santé semblent indiquer que tel n’est pas le cas et que tout est loin d’être aussi simple.
Pour les mutuelles, il n’est pas question pour ce numéro d’être un simple service d’écoute, même si ces malades ont souvent besoin d’être écoutés et rassurés avec de simples paroles compréhensives. C’est bien d’information médicale dont il s’agit.

Dans quelle mesure le secret médical sera-t-il respecté ? La Mutualité française assure que l’anonymat et la confidentialité seront respectés. Comment est-il possible de donner une information médicale à un patient, en lui proposant si besoin de transmettre des documents par boîte postale ou sous forme électronique, sans recueillir des informations propres à l’identifier ? Si une erreur dans l’information délivrée au malade se fait jour, dans quelle mesure la responsabilité du conseiller sera-t-elle engagée, d’autant qu’il ne sera pas en mesure d’identifier l’appelant ? Les conversations téléphoniques seront-elles enregistrées et les numéros d’où appellent les clients de la mutuelle répertoriés pour qu’une traçabilité soit possible ? Que deviendront les documents transmis par les patients ? Il est même proposé à la personne qui appelle de lui adresser des brochures ou de lui envoyer une réponse à une question à laquelle le conseiller ne pourrait pas répondre : difficile dans ces conditions de respecter l’anonymat.
Si les différentes mutuelles disposent d’un service médical autorisé à collecter ce type d’informations, sous la responsabilité d’un médecin qui doit veiller au respect du cloisonnement entre les données de santé personnelles des clients et les services chargés de l’administratif et du remboursement, que penser du fonctionnement d’un organisme comme « Priorité santé mutualiste » ?
Même si le patient, client d’une mutuelle, exerce son libre choix en appelant le numéro mis à sa disposition, qui l’informera du risque encouru de voir être réalisé un éventuel recoupement entre son dossier et son identité ? Il peut être intéressant de savoir qu’un client est fumeur ou qu’il présente des risques cardio-vasculaires.  Certes, les mutuelles ne sont pas des assureurs privés, mais les diverses offres disponibles dans ce domaine laissent parfois penser que les frontières entre ces deux mondes tendent à s’estomper…
Que penser du code d’accès « permettant d’identifier l’appelant comme un adhérent d’une mutuelle de la Mutualité française » ? Individuel, il permet d’identifier chaque client, unique pour une mutuelle donnée ou pour tous les clients de la Mutualité française, il sera vite connu du grand public, diffusé et utilisé par n’importe qui, se substituant ainsi à des initiatives publiques offrant pourtant des garanties de sérieux et d’impartialité, comme Cancer ou Tabac info service.

La Mutualité française propose que son conseiller oriente les patients vers un établissement plutôt que vers un autre à l’aide d’un classement établi grâce à une évaluation de la qualité, basée sur des critères objectifs recommandés par des sociétés savantes indépendantes. Il est intéressant de constater, qu’alors que le médecin du patient n’a pas le droit de lui conseiller un professionnel de santé, un groupement de mutuelles, en se basant directement sur les données de santé d’un patient, peut orienter un malade vers ses centres mutualistes… Dans ces conditions, on comprend que la santé visuelle soit le prochain thème traité par cet organisme. Le marché de l’optique est très concurrentiel et il existe un grand nombre d’opticiens mutualistes sur le territoire français. Il est préférable de s’assurer que les adhérents disposent bien de cette information, même si elle est fournie avec d’autres propositions.

Autre élément qui peut surprendre : des médecins tabacologues disponibles par téléphone pour mettre en place un programme d’accompagnement personnalisé et assurer un suivi. Voilà qui est louable, les médecins tabacologues libéraux seront ainsi déchargés de leur travail… Il en est de même pour le programme d’accompagnement personnalisé par téléphone « équilibre alimentaire » et les diététiciens.
D’autant qu’une grande campagne de publicité est prévue à partir du 4 juin 2009, les mutuelles, contrairement aux médecins, ayant le droit d’user de ce moyen pour promouvoir leur information médicale. Elle est « construite autour d’une question clef : “En matière de santé, êtes-vous sûr d’être bien informé ?”. La finalité est de créer un réflexe dans l’esprit du public : je me pose une question sur ma santé ou celle d’un proche, j’appelle Priorité santé mutualiste ».

Avant, quand on avait un problème de santé, on appelait son médecin. Maintenant, on appellera le conseiller de sa mutuelle… Véritable gain de qualité pour le système de santé français ?

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Commentaires (2)

  • mutualité

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    Ce service peut être très utile pour donner des informations générales à des personnes qui autrement devraient consulter leur médecin. Il faut simplement s’assurer que la confidentialité soit respectée. 8)

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  • mutualité

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    J’ai oublié de dire que si le patient n’a pas accès à un service téléphonique, il utilisera Internet pour s’informer, ce qui peut s’avérer plus hasardeux.

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