Psychothérapeutes : réglementation de la profession

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

psychothérapeutes et réglementationIl est difficile de comprendre pourquoi il faut tant de temps au législateur pour réglementer la profession de psychothérapeute à la lecture du rapport 2008 de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Les dispositions d’application de l’article 52 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique n’ayant jamais été prises jusque-là, la Miviludes a constaté un « dévoiement des pratiques psychothérapeutiques à des fins sectaires ».

La psychothérapie n’a que peu de recul comme l’explique le rapport : « Avec la fin du XIXe siècle, la pratique de l’hypnose puis l’introduction avec Freud de l’inconscient dans le soin psychique, font apparaître deux professionnels, le médecin ou psychiatre et le psychanalyste. Cette dichotomie dans le champ psychologique sera au cours du XXe siècle et de manière très marquée à partir des années 1970, suivie par l’apparition d’un nouveau venu, le psychothérapeute.
Le rapide succès de ce dernier s’explique par la demande de personnes désirant un suivi non médical et non institutionnel dans le traitement de leur mal-être, la recherche de la performance individuelle et professionnelle ou encore la quête de nouvelles valeurs. » Si les techniques utilisées par les psychothérapeutes peuvent néanmoins être bénéfiques à de nombreuses personnes, elles peuvent aussi être utilisées à des fins de manipulation mentale en utilisant un état de sujétion. Cela n’a rien d’anodin lorsque l’on peut estimer que 12 millions de Français sont soumis à l’impact d’une psychothérapie ou à celle de l’un de leurs proches. Ce nombre est en constante augmentation, car la souffrance morale au travail ou à l’école est devenue des sujets très médiatisés, ce qui implique un regain de la demande et de l’offre psychothérapeutiques dans ces domaines, comme le ticket psy l’a bien mis en évidence.
Il n’est pas question de condamner une profession dans son ensemble puisque la Miviludes reconnaît que 70 à 75 % des psychothérapeutes bénéficient d’une formation ou d’un encadrement de qualité (dont 10 à 15 % de médecins), mais de s’intéresser au 25 à 30 % dont le parcours avant de se déclarer psychothérapeute reste de qualité très inégale.

La loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), adoptée en juin 2009, a fini par prendre en compte ces considérations dans son article 91.

 

Article 91 de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009

Les deux derniers alinéas de l’article 52 de la loi nº 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article et les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir les professionnels souhaitant s’inscrire au registre national des psychothérapeutes. Il définit les conditions dans lesquelles les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur agréent les établissements autorisés à délivrer cette formation.

« L’accès à cette formation est réservé aux titulaires d’un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d’exercer la médecine en France ou d’un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse.

« Le décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l’article 44 de la loi nº 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations peuvent bénéficier d’une dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique.

« Le décret en Conseil d’État précise également les dispositions transitoires dont peuvent bénéficier les professionnels justifiant d’au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du décret. »

 

Reste à savoir combien de temps le Conseil d’État va mettre pour prendre le décret nécessaire à l’application de cette nouvelle avancée législative. En attendant, les dérives sectaires vont malheureusement continuer à faire des victimes…

Cet article sera remis à jour lorsque le décret du Conseil d’État paraîtra.

 

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Commentaires (2)

  • Pierre NANTAS

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    Je suis globlament d’accord avec votre article, ayant moi même suivi une psychothérapie pendant plus de 5 ans et une formation d’une durée de 3 ans avec en plus un DU d’alcoologie et différentes formations complémentaires. Je voudrais cependant attirer votre attention sur deux points importants
    Premier point:Les dérives sectaires ne sont pas seulement le fait de psychothérapeutes auto-proclamés mais peuvent aussi être initiées par des médecins et ces cas la on n’en parle pas (sauf quand les media s’en emparent) car le Conseil de l’Ordre est chargé de faire le ménage.
    Deuxième point: Comment les médecins (sauf quelques spécialistes) peuvent ils prétendre posséder les mêmes savoirs, savoir faire et savoir être alors que moins de 24h de formation sont consacrées à la psychopathologie dans le cursus des études de médecine? A titre d’exemple, un article récent dans une revue médicale signalait le surdiagnostic des troubles bi-polaire par ignorance des autres troubles de l’humeur ou troubles de la personnalité.
    Le problème ont le voit, est ailleurs….

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  • Droit-medical.com

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    Le rapport ne met pas les médecins à l’abri des dérives sectaires. Il signale 10 à 15 % de titulaires d’un doctorat en médecine « notamment dans la spécialité psychiatrique » dans la population des psychothérapeutes, mais il indique aussi 25 % à 30 % de « psychologues formés sur les bancs des facultés de sciences humaines et en possession de masters en psychologie clinique », de 15 à 20 % de psychanalystes « bénéficiant d’un encadrement et d’une régulation par leurs pairs » et de « 25 % à 30 % de professionnels se déclarant psychothérapeutes, se réclamant de disciplines diverses et avec des parcours de formation hétérogènes ».

    Tous les médecins ne se proclament pas psychothérapeutes. Ceux qui le font, qu’ils soient psychiatres ou non, ont vraisemblablement plus de 24 h de formation à leur actif en psychopathologie… Le conseil de l’ordre, si l’on en juge par sa jurisprudence, est rarement compatissant à l’égard d’un praticien qui se proclame spécialiste en quelque chose sans pouvoir en apporter la preuve. N’est-il pas rare qu’un médecin soigne un patient bipolaire sans avoir pris l’avis d’un psychiatre ?

    Sans référence, il est difficile de juger de la pertinence d’une étude. Concerne-t-elle des généralistes, des psychiatres, des médecins exerçant la psychothérapie ? Quels auraient été les résultats de cette même étude réalisée sur un échantillon de psychothérapeutes faisant partie des 25 à 30 % autoproclamés ?

    Nul n’est à l’abri des dérives, mais on peut penser que réglementer une formation et une profession peut concourir à voir leur nombre diminuer de façon significative. La loi ne semble pas faite pour attiser les querelles partisanes, mais pour imposer une formation correcte permettant aux patients d’être pris en charge avec le maximum de sécurité.

    Vous reconnaissez être globalement d’accord avec le travail présenté. Qui pourrait lui être opposé si ce n’est ceux qu’il dénonce comme des charlatans ou des manipulateurs ?

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