Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2010 à la loupe

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2010 a été rendu public et il est plein de surprises. Ceux qui s’intéressent aux chiffres s’en remettront au texte pour savoir où en sont les déficits, les objectifs de dépenses et les prévisions de recettes. Les autres vont pouvoir découvrir ce que cette première mouture, qui ne fait actuellement que 76 pages, propose. La grippe A, les dépenses de transport sanitaire et les fraudes sont très présentes dans ce PLFSS 2010. Gageons que ce texte comptera bien des articles supplémentaires lorsqu’il sera passé entre les mains des parlementaires.

La grippe A(H1N1) a contaminé le PLFSS 2010 dès son article 10 et les complémentaires santé pourraient devoir contribuer de façon exceptionnelle « au financement de la mobilisation nationale contre la pandémie grippale ».Le PLFSS 2010 à la loupe Le gouvernement ayant acheté 94 millions de doses de vaccin, soit presque 1,5 dose par Français recensés, il faut de l’argent pour couvrir cette dépense imprévue. Comme « il n’est pas possible d’assurer automatiquement la prise en charge du ticket modérateur par les organismes d’assurance complémentaire en santé » en raison du caractère collectif de la campagne de vaccination, une contribution exceptionnelle de 0,94 % assise sur le chiffre d’affaires des complémentaires en santé devrait rapporter 300 millions d’euros à l’État. Il serait étonnant que cet effort ne soit pas répercuté, d’une façon ou d’une autre, sur les Français qui payent ces complémentaires santé…

Les citoyens ne sont pas les seuls à être grippés, l’économie l’est aussi, même si le plus fort de la crise est censé être passé. Résultat, l’industrie pharmaceutique a souffert. À tel point que les taxes dont elle s’acquitte chaque année pourraient baisser de par l’article 11 du PLFSS. Le taux K, qui détermine le seuil de déclenchement de la clause de sauvegarde à la charge des entreprises exploitant des médicaments remboursables, serait limité à 1 %, contre 1,4 % les années précédentes. « […] pour 2010, ce taux pourra être fixé à un niveau inférieur en raison, d’une part, du ralentissement de la croissance économique et, d’autre part, des prévisions actuelles pour l’année 2010, qui, contrairement aux années précédentes, ne font pas état de l’arrivée sur le marché de potentiels “blockbusters”, médicaments innovants avec un chiffre d’affaires élevé ». Voilà qui a de quoi surprendre ! Pas un mot concernant les énormes profits de l’industrie pharmaceutique liés à la grippe A… Sans compter qu’en cette période de crise les Français, eux, voient leurs impôts augmenter (tout du moins pour ceux qui en payent) à l’image du foncier, de la taxe d’habitation ou de la taxe carbone. Il y a là un paradoxe dont on peut s’étonner.

Face à la crise : deux poids, deux mesures

La crise ne touche pas tous les professionnels de santé de la même façon, si l’on en croit le projet de loi. « Le secteur des dispositifs médicaux, en particulier certains dispositifs du titre II de la liste des produits et prestations remboursables (notamment l’optique et les audioprothèses), connaît un très fort développement commercial. » Il devrait donc être plus fortement taxé. En acceptant que les opticiens puissent renouveler les équipements optiques pris en charge par l’assurance-maladie sans prescription médicale systématique, il est assez logique de voir ce secteur en forte progression. Là encore, l’augmentation de la taxe sur les dispositifs médicaux, prévue à l’article 12, devrait être répercutée, d’une façon ou d’une autre, sur le consommateur.
D’autres mesures tendant à diverses hausses cherchent à compenser le déficit de la branche retraite. Des réformes des « niches sociales », en particulier sur les revenus du capital, ou une augmentation du forfait social sont proposées.

La caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) va devoir, quant à elle, faire des efforts dans le domaine de la prévention et du recouvrement des indus. L’article 26 du PLFSS 2010 prévoit, pour les principales prestations, « un mécanisme de plafonnement de la prise en charge par l’État des pertes sur créances d’indus ».

La grippe A(H1N1) revient à l’article 28 où il est prévu de ne pas se servir de ce prétexte pour pénaliser l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (ONDAM). Le surcoût induit par les dépenses liées à la pandémie grippale ne devrait pas être pris en compte pour l’évaluation du risque de dépassement de l’ONDAM en 2010.

Être atteint d’une affection de longue durée (ALD) ne veut pas dire que l’on bénéficie toute sa vie du taux de remboursement à 100 % des soins qui lui correspondent. Un patient qui guérit d’un cancer pour lequel il était en ALD ne remplit plus les conditions de prise en charge et ne bénéficiait plus de celle-ci pour les examens nécessaires au suivi et au dépistage d’une récidive. L’article 29 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2010 préconise une exonération des examens de suivi après la sortie d’ALD.

Des objectifs à respecter pour les gros prescripteurs et pour les établissements de soins

C’est à l’article 30 que le PLFSS commence à s’intéresser aux médecins avec l’épineux sujet de la mise sous entente préalable des « gros prescripteurs » d’arrêt de travail ou de transports. Sur trois ans, ce dispositif aurait permis d’économiser 47,7 millions d’euros, mais ce que l’on peut comprendre à demi-mot, c’est ces économies doivent être en partie grevées par les dépenses qu’entraînent la gestion de ce dispositif par les organismes locaux qui doivent mettre en place un circuit de liquidation dérogatoire. Ces mesures obligent aussi les services du contrôle médical à donner des avis sur toutes les prescriptions concernées dans un délai très bref, ce qui semble ne pas être du goût de tout le monde au sein des caisses d’assurance-maladie. Une nouvelle approche est donc envisagée : le directeur de l’organisme local, en lien avec l’échelon médical du service médical, devrait pouvoir proposer à ces gros prescripteurs d’atteindre un objectif de réduction des prescriptions en cause dans un délai maximum de 6 mois. Si cet objectif n’est pas atteint, le médecin se verra infliger une pénalité financière. Le contrat d’amélioration des pratiques (CAPI) semble avoir donné de nouvelles idées au législateur…
À noter que l’exposé de l’article reconnaît que les fortes activités à l’origine des dépenses les plus importantes ne sont pas nécessairement l’expression de mauvaises habitudes de prescription. Ces praticiens « gros prescripteurs », même si leurs prescriptions sont justifiées, se verront contraints à respecter de tels objectifs ?

Les transports de malades vont devoir, eux aussi, être réduits. L’argument écologique, très tendance, n’a pas été avancé et ce n’est pas le caractère polluant des véhicules sanitaires qui est mis en avant. Il s’agit tout simplement de faire des économies. Les dépenses des établissements de santé ne devraient pas dépasser des prévisions annuelles. Il est question de fixer « un taux national d’évolution des dépenses de frais de transport des établissements de santé et de sanctionner les établissements dont la prescription dépasserait ce taux ». Dans le même temps, il est demandé aux établissements de prendre en charge les frais de transport des personnes adultes handicapées (article 33).

Un ONDAM internationalisé

Bonnes nouvelles pour les hôpitaux publics, le PLFSS 2010, en son article 32, propose le report de la convergence tarifaire intersectorielle des établissements de santé à 2018. Obliger le personnel hospitalier à être aussi efficient que celui des cliniques privées pour un même coût est une source de conflits qu’il est préférable de repousser…
Le même article souhaite que les soins effectués dans des hôpitaux établis hors de France puissent être pris en charge directement par la Sécurité sociale. Il n’est pas question ici des ressortissants français tombant malade à l’étranger, mais bien des Français « résidant et exerçant leur activité en France et tombant malade sans avoir quitté la France » qui veulent être traités dans un hôpital étranger, en substitution d’un établissement français. Ces dépenses seraient comptabilisées dans l’ONDAM. S’il s’agit là d’une mesure devant servir à améliorer certaines situations transfrontalières, il est possible de se demander dans quelle mesure cela ne favorisera pas encore un peu plus le tourisme médical.

Cette année encore, selon la Cour des comptes, l’ONDAM pour les soins de ville, contrairement à celui concernant l’hôpital, ne pourra pas être tenu en raison de son mode de calcul. Il est néanmoins fixé à 75,2 milliards d’euros à l’article 37 du PLFSS 2010.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 19 février 2009 (pourvoi nº 07-20668), ayant décidé que le dispositif actuel de majoration de durée d’assurance de 2 ans prévu par l’article L 351-4 du code de la Sécurité sociale n’était pas compatible avec l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme qui interdit les discriminations fondées sur le sexe, de nouvelles mesures sont proposées à l’article 38 du projet de loi. Il devrait exister maintenant deux majorations distinctes, l’une accordée à la mère « à raison de l’incidence sur la carrière de la grossesse et de l’accouchement », l’autre au couple « à raison de l’incidence sur la carrière de l’éducation de l’enfant pendant les 4 années suivant sa naissance ou son adoption » si l’article 38 était voté en l’état.

Les entreprises pourraient recevoir des incitations financières pour améliorer la sécurité et la protection de la santé au travail (article 42). Mieux vaut en effet faire de la prévention dans le domaine puisque l’exposé des motifs de l’article 43 tend à prouver qu’un équivalent temps plein auprès du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante correspond à un budget de 1 million d’euros par an !

La fraude, encore et toujours…

La lutte contre la fraude n’a pas été oubliée. La détection des logements fictifs ouvrant droit au versement d’aides personnelles au logement est abordée, par exemple, à l’article 50. Il faut dire que « la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) souligne régulièrement l’importance des fraudes aux aides personnelles aux logements, qui représentent 30 % des fraudes détectées par la branche famille en 2008. Ces fraudes sont rendues possibles par la production de fausses déclarations notamment d’un faux bail correspondant à un logement fictif. »
Le renforcement du contrôle des arrêts maladie est prévu, quant à lui, à l’article 52. La coordination des actions des médecins-conseils des organismes de sécurité sociale et des médecins contrôleurs mandatés par l’employeur devrait se généraliser, car elle a montré des résultats encourageants. Il va être intéressant de voir si les parlementaires suivent l’État sur cette mesure de bon sens, mais peu démagogique. Cette mesure, qui existait déjà dans certaines conditions, devrait maintenant obliger les médecins-conseils à réagir rapidement et à chaque déclaration lorsqu’un rapport de contrevisite privée leur parvient.
L’article 54, dernier article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2010 concerne l’adaptation des pénalités aux fortes activités de soins de santé. Jusque-là, les pénalités susceptibles d’être infligées ne peuvent être que proportionnelles qu’au nombre d’actes effectivement contrôlés. Il est question « de réaliser des contrôles sur la base d’un échantillon et d’en déduire une pénalité se rapportant à l’ensemble de l’activité sur la période considérée. »

Comme on peut le voir, les activités libérales ne sont pour l’instant que peu concernées par le PLFSS 2010. Comme chaque année, il est probable que l’Assemblée nationale et le Sénat viennent ajouter à ce texte de nouvelles contraintes. Il ne faudra pas attendre trop longtemps pour le savoir.

 

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