Secteur optionnel pour les médecins conventionnés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un protocole d’accord tripartite entre les syndicats médicaux représentatifs pour la convention médicale, l’union nationale des caisses d’assurance-maladie (UNCAM) et l’union nationale des organismes complémentaires d’assurance-maladie (UNOCAM) a été signé récemment après une longue période de négociations. Il porte sur la création d’un nouveau secteur conventionnel appelé « secteur optionnel ».

Contrairement à ce que pensent certains médecins, ce secteur n’est pas fait pour revaloriser le prix des actes effectués par les médecins du secteur 1, mais pour pallier l’installation de trop nombreux médecins en secteur 2 dans certaines spécialités, car ceci pose « d’indéniables difficultés d’accès aux soins » d’après les syndicats censés représenter les médecins, l’UNCAM et l’UNOCAM. La maîtrise des tarifs est l’un des objectifs clairement défini de ce protocole. Que peut-on en dire ?

Quels sont les médecins concernés ?

Réduire à tout prix les honoraires des médecinsSeuls les médecins conventionnés « relevant de spécialités de chirurgie, anesthésie-réanimation et gynécologie obstétrique », ayant une activité technique prépondérante avec un plateau technique lourd, sont concernés.  Pour adhérer à ce protocole, encore faut-il avoir opté à la date d’entrée en vigueur de la convention (le 12 février 2005), pour le secteur 2 ou pour l’option de coordination. Sont aussi concernés les praticiens secteur 1 avec droit à dépassement permanent.
À titre exceptionnel, les médecins anciens chefs de clinique des universités — assistants des hôpitaux, les anciens assistants des hôpitaux spécialisés ou non, les praticiens — chefs de clinique ou assistants des hôpitaux militaires, les praticiens temps plein hospitaliers dont le statut relève du décret nº 84-131 de février 1984 et les praticiens temps partiel hospitaliers ayant au minimum cinq années d’exercice de ces fonctions et dont le statut relève du décret nº 85-384 du 29 mars 1985 pourront adhérer à ce protocole. Les médecins qui s’installent pour la première fois en exercice libéral et qui sont titulaires de l’un de ces diplômes sont aussi éligibles à la signature du protocole. Il est important de rappeler que ces différents diplômes donnent actuellement droit au secteur 2.

Quels avantages pour le médecin à signer le protocole ?

Trois types d’avantages sont proposés, selon les auteurs du protocole. Il est tout d’abord question d’avantages offerts par l’assurance-maladie obligatoire. Comme pour les secteurs 1, l’assurance-maladie prendrait en charge une partie des cotisations sociales dues par le médecin. Elle s’appliquerait sur la part de l’activité du praticien remboursable dans la limite du tarif opposable. Les autres avantages proposés par l’assurance-maladie, en l’état actuel, semblent ne pas vraiment en être, par rapport à un médecin secteur II. Ce dernier dispose déjà de tarifs de remboursement identiques aux tarifs en vigueur dans le secteur à honoraires opposables. Un médecin informatisé n’a que faire des informations que peut lui fournir l’assurance-maladie sur son activité ou sur ses pratiques professionnelles, d’autant que ces données sont déjà fournies aux médecins conventionnés. Il en va de même d’un bilan annuel d’activité au tarif opposable…

Il est ensuite question d’avantages offerts par les organismes complémentaires d’assurance-maladie. « L’UNOCAM et ses membres s’engagent à inciter les organismes d’assurance-maladie complémentaire à prendre en charge ce nouveau secteur auprès de leurs assurés et adhérents et, sans préjudice de leur liberté contractuelle, de s’assurer dans leurs offres de la prise en charge préférentielle des compléments d’honoraires maîtrisés demandés par les professionnels dans ce cadre ». Inciter ne veut pas dire obliger et l’avantage est surtout pour les organismes complémentaires qui voient les dépassements d’honoraires ainsi réglementés. De plus, il est peu probable que ces organismes prennent en charge ces nouveaux tarifs sans répercuter leur remboursement, d’une façon ou d’une autre, sur le prix des contrats. Les assurés ont actuellement le choix, en fonction du contrat auquel ils souscrivent, d’être remboursés ou non des dépassements d’honoraires d’un médecin secteur 2. Ils ont aussi le choix de s’adresser à un médecin secteur 1 qui lui ne prend pas de dépassement. Que leur apporterait un nouveau type de contrat ?
Figurer sur une liste fournie par les organismes complémentaires est présenté comme un autre avantage de signer ce protocole. Avec une démographie médicale en baisse et des délais de rendez-vous qui s’allongent, quel intérêt pour un praticien de se voir imposer des tarifs, qu’il ne sera jamais certain de voir réévalués, juste pour figurer sur une liste ?

Avantage qui n’en est pas un pour le médecin, le fait que l’UNOCAM fasse de la publicité pour ses organismes en publiant tous les ans une liste de ceux qui prennent en charge les compléments d’honoraires du secteur optionnel.

Dernier avantage mis en avant, des promesses de revalorisation des actes techniques pour les médecins qui choisissent le secteur optionnel. On est en droit de se demander si ces promesses sont du même type que celles auxquelles les praticiens ont cru en choisissant le secteur 1 à sa création?

Quelles nouvelles contraintes pour le praticien ?

Plus que des avantages en trompe-l’oeil, ce sont bien de nouvelles contraintes que semble imposer ce protocole aux médecins qui choisiront de le signer. Elles concernent principalement les tarifs que s’engage à pratiquer le praticien. Il n’est pas ici question d’incitation, mais d’engagement. Le médecin s’oblige à réaliser 30 % ou plus d’actes au tarif opposable avec contrôle par rapport au total des actes remboursés par l’assurance-maladie qu’il réalise. Il renonce à la liberté de pratiquer des dépassements d’honoraires supérieurs à 50 % de la base de remboursement de l’acte, comme le lui permet le secteur 2. Il se voit infliger de nouvelles contraintes d’information sur les honoraires, dont il n’aura pas la maîtrise, ainsi que des critères de qualité supplémentaires et de nouvelles règles de bonne pratique. Une démarche d’accréditation est imposée au praticien, ainsi qu’un nombre minimum d’actes à réaliser par an pour « assurer un niveau raisonnable de sécurité de soins ». On sait à quoi ont abouti de telles exigences pour les hôpitaux de proximité…
Des « référentiels de pertinence » doivent aussi être mis en oeuvre pour encadrer les deux actes les plus fréquents, voilà qui n’est pas sans rappeler les références médicalement opposables (RMO). Il est aussi question de réaliser des performances et d’atteindre des objectifs. Un chiffrage des actes, peut-être pour faciliter une maîtrise comptable des dépenses de santé, mais présenté sous couvert de transparence, doit aussi être mis en place.

Dénonciation et déploiement du contrat

Il s’agit d’un contrat réversible. Là encore, on se souvient des promesses faites aux médecins secteur 1 sur la possibilité de revenir sur leur choix par la suite…

Pour ce qui est de la mise en place du secteur optionnel qui s’adresse aux médecins, il est surprenant de constater les mesures envisagées pour “encourager” les praticiens à s’engager. C’est en faisant pression sur les établissements de soins, en leur refusant au besoin les missions de service public, qu’il est prévu de faire signer les médecins. Des objectifs à atteindre sont précisés. Dans les 3 ans, 80 % des anesthésistes et 55 % des chirurgiens secteur 2 ou répondant aux autres critères d’éligibilité au contrat doivent avoir choisi de rejoindre le secteur optionnel…

Le premier pas vers la suppression du secteur 2

À la lecture du protocole, il est évident qu’il n’y a aucun avantage pour un médecin secteur 2 ou répondant aux critères pour l’obtenir de se laisser tenter par l’aventure. Seuls les médecins secteur 1 disposant des titres adéquats peuvent avoir intérêt à s’engager. Ce protocole n’a de sens que si l’on considère que les parties se sont entendues pour, qu’à terme, le secteur 2 disparaisse. Il y a tout lieu de penser que des mesures seront prises pour imposer aux médecins secteur 2 des spécialités concernées le secteur optionnel. Tout est prévu pour cela : « Au cours des six premiers mois suivants la création du secteur optionnel les médecins souhaitant opter pour ce secteur le font connaître à l’assurance-maladie.
À l’issue de cette phase, dès lors que les praticiens issus du secteur à honoraires libres ou pouvant s’installer dans ce secteur sont majoritaires au sein des optants, le secteur optionnel est effectivement mis en place.
À l’issue d’une année, en cas d’écart par rapport à une montée en charge raisonnable permettant d’atteindre les objectifs fixés par le présent accord, les parties signataires s’engagent à examiner toutes mesures pouvant permettre l’atteinte des objectifs. » Les menaces sont à peine voilées…

Bien peu de doutes peuvent subsister à la lecture de ce protocole, tous les acteurs semblent décidés à faire disparaitre le secteur 2, en commençant par les spécialités à plateau technique lourd. Sachant que dans ces spécialités, seuls les praticiens secteur 2 ont encore les moyens d’investir dans des matériels de plus en plus couteux ou pour répondre aux nouvelles exigences en matière de sécurité, il est difficile de comprendre qu’on cherche à les voir disparaitre. Quel intérêt pour les patients d’accéder à des soins moins chers, si c’est pour que leur qualité baisse ? Car la qualité, dans ces conditions, ne peut que baisser ; les lois n’y changeront rien. Faire baisser les honoraires des médecins n’empêche pas le cout des soins d’augmenter… Si le combat de l’assurance-maladie est purement idéologique et démagogique, puisqu’il est plus intéressant pour elle qu’un médecin soit en secteur 2 (sachant qu’elle rembourse de la même façon les soins pour un secteur 1 ou un secteur 2, alors qu’elle prend en charge une partie des cotisations sociales des praticiens secteur 1 et pas des secteurs 2), c’est l’intérêt des complémentaires santé et des mutuelles qui semble primer… Voir les remboursements d’honoraires diminuer, tout en conservant des tarifs de contrats élevés, est une aubaine qu’il n’est pas question de laisser passer.

Tags :, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Trackback depuis votre site.


Commentaires (1)

  • Omar YAHIA

    |

    J’ignore qui est l’auteur de cet article mais il m’a l’air particulièrement bien informé des inconvénients dont le protocole d’accord est porteur. Bravo !

    Répondre


Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.