Congé d’allaitement pour les pères salariés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Père s'endormant en donnant le biberonLa Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché : les pères salariés ont droit à un congé dit « d’allaitement » indépendamment du statut professionnel de la mère de leur enfant.

C’est une nouvelle fois au motif de « discrimination par le sexe » que la Cour s’est prononcée dans une affaire (C 104/09) opposant un salarié espagnol à son employeur. La loi ibérique, dans le cas où les deux parents travaillent, prévoit que les mères ou les pères peuvent, pendant les neuf premiers mois suivant la naissance de leur enfant, bénéficier d’un congé dit « d’allaitement », congé qui permet de s’absenter du lieu de travail pendant une heure ─ celle-ci pouvant être divisée en deux fractions ─ ou de réduire la journée de travail d’une demi-heure. Conformément à ce texte, un salarié a demandé ce congé d’allaitement à la société qui l’emploie. Cet avantage, prévu par la loi, lui a été refusé au motif que sa femme était travailleuse indépendante. En effet, le texte espagnol relatif au congé d’allaitement précise que les deux parents doivent être salariés pour que le père puisse bénéficier du congé. L’employé a décidé de faire appel à la justice pour ce qu’il estimait être une discrimination.

La Cour supérieure de justice de Galice (Tribunal Superior de Justicia de Galicia), saisie en instance d’appel, a relevé que « les évolutions réglementaires et jurisprudentielles nationales ont détaché ce congé du fait biologique de l’accouchement. Alors qu’il avait été institué en 1900 pour faciliter l’allaitement naturel de la mère, il peut être octroyé, depuis quelques années, même en cas d’allaitement artificiel. Désormais, il doit être considéré comme un simple temps d’attention à l’enfant et comme une mesure de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle à l’issue du congé de maternité. Néanmoins, aujourd’hui encore, ce n’est que si la mère est une travailleuse salariée et jouit donc, à ce titre, du droit au congé d’allaitement, que le père peut bénéficier du congé à sa place. »

Subodorant le caractère potentiellement discriminatoire d’un tel texte, la cour espagnole a préféré utiliser une procédure de renvoi préjudiciel avant de prendre sa décision. En agissant ainsi, elle a pu interroger la CJUE sur l’interprétation du droit européen en la matière. Il existe, en effet, des directives relatives à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, la dernière en date étant la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006.

Pour la CJUE, « ces directives s’opposent à une mesure nationale qui prévoit que les mères travailleuses salariées peuvent bénéficier d’un congé d’allaitement alors que les pères travailleurs salariés ne peuvent en bénéficier que lorsque la mère de leur enfant est également une travailleuse salariée. » Pour la Cour, il y a bien là une discrimination fondée sur le sexe, discrimination qui « ne peut être justifiée ni par des objectifs de protection de la femme ni par la promotion de l’égalité de chances entre hommes et femmes. » Pas question non plus pour la CJUE de rester sur une vision passéiste du rôle du père au sein de la famille : « le fait que seule la mère salariée soit titulaire du droit de bénéficier du congé, alors que le père ayant le même statut ne peut pas en bénéficier directement, est de nature à perpétuer une distribution traditionnelle des rôles, en maintenant les hommes dans un rôle subsidiaire en ce qui concerne l’exercice de leur fonction parentale. »

Messieurs, à vos biberons !

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Commentaires (1)

  • HILD

    |

    « Subodorant le caractère potentiellement discriminatoire d’un tel texte,… »,

    Partant du principe que les individus Européens de sexe masculin naissent libres et égaux en droit,
    Comment explique t on que lorsque qu’on fonde une décision sur la non discrimination,
    On commence par y mettre une clause suspensive à la solidarité sociale réservée aux salariés exclusivement.
    Refusant un droit fondamental à toutes les masses laborieuses en référence à la première ligne de ce commentaire ?

    C’est une question que pose le néophyte,
    C’est uniquement un éclaircissement de lanterne sur les fondements de la « justice sociale » défendue par Jaurès, que je demande.

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