Les recommandations de bonne pratique en médecine ne sont pas données

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Il est recommandé d'aller dans la bonne direction.En plus de s’être intéressé à la façon dont les liens d’intérêt peuvent influencer la rédaction des recommandations de bonne pratique en médecine, Roger Collier, journaliste au Canadian Medical Association Journal (CMAJ), a publié dans le numéro du 22 février 2011 de cette revue un article intitulé Clinical practice guidelines as marketing tools (Les recommandations de bonne pratique clinique comme outils marketing) sur lequel il peut être intéressant de se pencher.

Si, en France, la majorité des recommandations de bonne pratique est élaborée sous l’égide de la Haute Autorité de santé et financée par celle-ci, ce n’est pas le cas pour celles qui sont publiées chaque semaine un peu partout dans le monde. Être réalisées à l’aide de fonds publics pourrait donner l’impression que les recommandations hexagonales ne sont pas biaisées par l’industrie pharmaceutique, mais il faut comprendre que les travaux étrangers servent bien souvent de sources aux experts français, faisant ainsi d’eux, consciemment ou non, des relais d’une information sous influence. S’il est admis que les résultats d’essais cliniques tendent à favoriser ceux qui les financent, cet impact est rarement mis en avant lorsqu’il est question de recommandations de bonne pratique alors qu’elles sont largement utilisées par les médecins, quand elles ne leur sont pas tout simplement imposées. Elles jouent donc un rôle particulièrement important dans la prise en charge des patients.

Publier des recommandations de bonne pratique de qualité n’est pas chose aisée. Il s’agit souvent d’un processus long et coûteux, comme l’explique Roger Collier, processus qui oblige les auteurs qui se lancent dans l’aventure à trouver un financement pour mener à bien leurs travaux et y consacrer le temps nécessaire (de 18 mois à 3 ans, habituellement). En fonction du sujet traité, les besoins ne seront pas les mêmes, mais il arrive souvent que les promoteurs des recommandations soient contraints de se tourner vers l’industrie pour obtenir les fonds suffisants, surtout dans le cas de projets ambitieux portant sur la prise en charge globale de pathologies comme le diabète ou l’hypertension artérielle.

À quoi sert cet argent ? Il faut tout d’abord identifier de façon précise ce sur quoi vont porter les recommandations et identifier les priorités en tenant compte de l’avis des personnes concernées qu’il conviendra de cibler (médecins, patients, administratifs, etc.), effectuer un examen approfondi et systématique de la littérature scientifique sur le sujet choisi en remontant parfois sur plusieurs décennies, évaluer et faire la synthèse des preuves scientifiques ainsi recueillies, convoquer un groupe d’experts pour examiner ces preuves et formuler des recommandations cliniques, présenter ce travail à des experts “indépendants”, publier les recommandations et trouver les moyens de les diffuser pour qu’elles soient prises en compte par le plus grand nombre. Tout ceci a un coût.
Quand on est un médecin salarié et que cela ne pose pas de problèmes à l’organisation dans laquelle on travaille, il est aisé de participer à de tels travaux. Quand on travaille en libéral, le temps consacré à participer à des réunions de ce type est un manque à gagner. Si le promoteur des recommandations n’a pas prévu d’indemnisation, cela peut avoir un retentissement sur le recrutement des participants, voire même sur le fait qu’ils soient tentés d’accepter un financement extérieur pour participer tout de même à ces travaux. Doivent aussi être financés les coûts générés par la bibliographie qui peut nécessiter que l’on fasse appel à du personnel qualifié ; les déplacements et l’hospitalité offerts aux experts lors des indispensables réunions ; l’impression et la reliure des recommandations.

Pour le docteur Valerie Palda, directeur médical du comité consultatif relatif aux recommandations d’une organisation médicale indépendante canadienne, interrogée par Roger Collier, « L’édition n’est pas ce qui coûte le plus cher. Ce qui est le plus onéreux, c’est la revue systématique de la littérature et les réunions ». Pour elle, utiliser l’argent de l’industrie pour ça est acceptable si des garanties sont prises pour éviter les biais liés à ce financement. « Ce n’est pas trop de savoir si l’on peut accepter une aide financière de l’industrie qui importe, mais de savoir si on peut en atténuer l’impact ».

Des médecins, en toute bonne foi, pensent qu’il est possible de mettre ces garanties en place. Selon eux, il suffirait pour cela de bien encadrer l’élaboration des recommandations, de poser une question claire à laquelle on doit s’attacher de répondre sans s’écarter de cette problématique, publier la méthodologie afin que d’autres équipes puissent reproduire les travaux réalisés, de soumettre les recommandations cliniques à des experts indépendants de plusieurs spécialités et à de nombreux organismes de santé pour qu’ils les critiquent et les valident et, enfin, les publier dans des revues, comme le CMJA, spécialisées dans l’édition de ce type de travaux.
D’autres reconnaissent que le meilleur moyen d’éviter toute influence des laboratoires pharmaceutiques, c’est de trouver d’autres sources de financement. Mais cela serait plus facile à dire qu’à faire, s’empressent-ils d’ajouter…

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