Les excès des compléments alimentaires surveillés par l’Afssa

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Et si le principal avantage des compléments alimentaires n’était que commercial ? De plus en plus de voix s’élèvent pour affirmer que leurs bénéfices pour la santé des patients sont loin d’être évidents et que ce qui peut sembler prévenir certaines maladies, pourrait en favoriser d’autres… Pourrait-on envisager un contentieux entre un fabricant et un patient, pour défaut d’information, au sujet d’un effet secondaire connu de l’un de ces produits ? Pourquoi pas.


La mode des compléments alimentaires est arrivée en France depuis quelques années, importée des rivages californiens où le culte de la jeunesse et du bronzage mène à tous les excès.Les compléments alimentaires sont-ils vraiment bons pour la santé ?
Le décret n° 2006/352 du 20 mars 2006, publié au Journal officiel du 25 mars 2006, transpose dans le droit national la majeure partie des dispositions de la directive n° 2002/46/CE, fournissant ainsi un cadre juridique complet pour les compléments alimentaires.

Les études médicales sont, le plus souvent, axées sur le bénéfice d’un complément donné ou d’une association de complément pour une pathologie ciblée. Chaque laboratoire ajoutant sa touche personnelle pour se différencier de la concurrence. Mais ces études ne font que très rarement état des effets délétères que peuvent avoir les mêmes compléments alimentaires sur d’autres organes ou sur d’autres pathologies.

Si intérêt pour la santé est de plus en plus discuté, il ne faut pas non plus oublier l’aspect économique des compléments alimentaires. Ces produits ne sont pas considérés comme des médicaments, discours hypocrite puisqu’ils ont tout du médicament par présentation, si ce n’est par fonction. Il faut dire que cette duplicité arrange Sécurité sociale et laboratoires, car ces produits ne sont pas pris en charge par l’assurance maladie et leur prix est ainsi libre. Les bénéfices tirés de ces substances sont donc très importants. Il arrive même d’entendre un discours expliquant que ces produits permettent à l’industrie pharmaceutique de compenser les pertes dues aux génériques afin de continuer à pouvoir investir dans la recherche. Des bénéfices qui intéressent toute la filière, jusqu’aux pharmaciens.

La dérive vient aussi du fait qu’il peut être tentant pour un praticien, qui ne dispose pas vraiment d’un traitement efficace dans une pathologie invalidante, de « rassurer » le patient en lui prescrivant un produit qui, s’il ne fait pas de bien, ne fait pas de mal non plus. Qu’un régime alimentaire puisse aboutir à un résultat sensiblement équivalent importe peu. Il est plus simple et plus rapide de rédiger une prescription que de donner des conseils diététiques. D’autant que cette prescription ne creuse pas le déficit de la sécurité sociale, puisque laissée à la charge des patients. On en arrive alors à voir des retraités, sensibles au discours sur les compléments alimentaires, prêts à faire des sacrifices chaque mois pour se payer un traitement qui leur donne l’impression de ralentir les effets du vieillissement…
Alors que les compléments alimentaires peuvent servir dans les pays en voie de développement pour éviter les carences ou qu’ils sont utiles dans certaines situations thérapeutiques (supplémentation en acide folique après l’arrêt d’une contraception orale chez une femme ayant un désir de grossesse ou complémentation vitaminique en vitamines B1 et B12 chez les patients alcooliques, par exemple), c’est le détournement de leur usage pour lutter contre le vieillissement qui peut conduire à des excès.
Les conseils de traitement dans le domaine de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) en sont le parfait exemple. Maladie des pays riches où l’espérance de vie fait que des retraités ayant un pouvoir d’achat suffisant sont une cible de choix pour ce type de produits. Il aura suffi d’une étude (AREDS), pourtant réalisée à des doses très nettement supérieures aux apports journaliers recommandés, pour que l’industrie pharmaceutique s’engouffre sur ce marché. Pas d’autorisation de mise sur le marché, pas de tests coûteux à mener, pas de prix imposer, un simple marquage CE et chacun y est allé de ses gélules ou de ses comprimés, inondant le marché, à grand renfort d’information du public et des professionnels de santé. Et ce n’est qu’à l’usage qu’un risque accru de cancer chez le fumeur ou d’autres maladies a été démontré, en fonction de la composition du produit, imposant aux fabricants de modifier la teneur en bêta-carotène de leurs produits dès 2003. Les doses conseillées ont, elles aussi, été revues à la baisse.

En parallèle de ces pratiques, en 2002, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) révélait que 60 % des échantillons de compléments alimentaires, provenant de 700 sociétés différentes qu’elle avait contrôlées, n’étaient pas conformes à la législation. Les infractions relevées concernaient le plus souvent l’adjonction de substances non autorisées, en particulier les plantes et les substances qui en sont extraites, mais aussi les allégations.

Il aura pourtant fallu fin novembre 2009 pour que l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) puisse mettre en place un dispositif national de vigilance sur les compléments alimentaires, dans le cadre de l’une de ses nouvelles attributions au titre de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Ce dispositif « devrait permettre de mieux identifier les effets indésirables liés à leur consommation ». Il « comprend la déclaration, par les professionnels de santé, des effets indésirables observés chez les personnes ayant consommé des compléments alimentaires. Ces déclarations, préservant l’anonymat du consommateur, seront adressées via internet ou par voie postale à l’Afssa ».
Les professionnels de santé savent que la vigilance est un outil efficace quand on la rend facile d’emploi et pratique. Ils savent aussi que l’exemple donné par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) dans les domaines de la matériovigilance et de la pharmacovigilance serait l’un des pires à suivre. Bien qu’obligés par la loi, un grand nombre de médecins reconnaissent qu’ils sont découragés face à la lourdeur administrative des procédures, au manque d’outils performants et pratiques mis à leur disposition pour déclarer, au mépris des incidents graves mais n’engageant pas le pronostic vital et, enfin, au rôle prépondérant joué par les laboratoires dans les décisions quant à savoir si un signalement doit être suivi d’effets ou non. Un système qui dessert les patients, qui n’encourage pas les professionnels de santé à respecter leurs obligations déclaratives, donnant ainsi moins de travail à l’Afssaps et préservant la quiétude de l’industrie pharmaceutique.
Discours démagogique ou réelle volonté de santé publique, c’est à l’usage qu’il faudra juger le dispositif de vigilance des compléments alimentaires.

 

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Commentaires (2)

  • Nicolas Bles

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    Encore une fois beaucoup d’opinions dans ce texte et pas beaucoup de droit!

    Répondre

  • Droit-medical.com

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    leur libre arbitre…
    Charles Duchemin et Droit-medical.com n’ont aucun intérêt dans la vente des compléments alimentaires.
    Et vous ?

    Répondre


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