Médecins et Internet : une journée d’éthique au programme décevant

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Web santéC’est près d’un an après la publication d’un livre blanc intitulé Déontologie médicale sur le Web par le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) que va se tenir sa journée d’éthique 2012 consacrée à ce sujet. Tout du moins, c’est ce que l’on pouvait espérer suite aux nombreuses questions qu’avait soulevées sa parution. Malheureusement, il n’en est rien au regard du programme de « L’éthique dans les usages du numérique en santé » qui doit avoir lieu, le 14 novembre 2012, avenue George V à Paris.

Le médecin de terrain et sa pratique quotidienne de l’Internet semble avoir été “remisés” pour laisser place à la nébuleuse du « numérique en santé », notion générique qui va sans doute permettre aux uns de se féliciter du travail accompli au sein de l’organisme dont ils dépendent et aux autres de faire leur publicité… Quel intérêt pour le praticien de tous les jours d’une telle grand-messe ? Quid des questions relatives à la « Web plaque » des médecins financée par l’industrie ? Qu’en est-il du développement d’un téléconseil de proximité géré par des médecins de ville indépendants et non par des sociétés liées aux complémentaires santé ? Que faut-il penser, sur un plan éthique, de la façon dont les médecins utilisent maintenant Facebook, à l’image de la page « Les médecins ne sont pas des pigeons » ? Pourquoi oblige-t-on les médecins désireux de mettre en ligne un site santé digne de ce nom à faire appel à un hébergeur agréé de données de santé alors que l’on fait confiance à l’ordinateur de ce même médecin, connecté à Internet, pour stocker les dossiers des patients à son cabinet ? Pourquoi certains assureurs, dont celui qui couvre le plus grand nombre de médecins libéraux, refusent-ils de prendre en charge les activités du type téléconseil ? L’éthique, en France, doit-elle évoluer au regard de la mondialisation de la médecine et de la façon dont circulent maintenant les informations sur le Net ? Ces questions et bien d’autres risquent de rester, une nouvelle fois, sans réponse.

Autre élément décevant, le fait que la santé soit, comme c’est devenu une habitude, confondue avec le social. Est-ce vraiment au président de la Mutualité française ou à la Direction des assurés de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) de discuter d’un GPS pour s’orienter dans le système de soins et sur le web santé ? Est-il certain que ces organismes soient les mieux placés pour parler de qualité de l’information médicale sur Internet ou même, tout simplement, d’informatique médicale  ? Qu’ils mettent en place des systèmes d’information en ligne pour permettre à leurs assurés d’être remboursés au mieux de leurs intérêts peut se comprendre, mais quel lien avec une journée d’éthique médicale ?
Enfin, il semble surprenant de voir les acteurs du fiasco du dossier médical personnel (DMP) venir débattre des technologies visant à renforcer le lien humain, les coopérations et la continuité des soins…

Il y a donc bien de quoi être déçu pour les praticiens à l’annonce de cette journée de l’éthique. Il n’y a plus maintenant qu’à attendre la fin des débats pour voir si cette première impression se confirme et si les médecins auront ou non obtenu des réponses utiles à leur pratique auprès des patients à l’issue de ces rencontres. À suivre…

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