Statut professionnel, arrêt de travail et chirurgie du canal carpien

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Début 2010, l’assurance-maladie a distribué aux médecins concernés des référentiels d’arrêt maladie concernant les suites de la chirurgie du canal carpien. Ce référentiel, basé sur des travaux réalisés pour le système de santé anglais (le NHS) et d’autres études réalisées outre-Manche, ainsi que sur des données de l’Anaes (l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, ancêtre de la Haute Autorité de santé)1, conseille aux médecins de prescrire un arrêt de travail compris entre 7 jours et 56 jours, en fonction de la technique chirurgicale utilisée et du travail effectué par le patient (Tableau I).

 

Tableau I : seuil fixé pour un arrêt de travail après chirurgie du canal carpien
Suite à une chirurgie par voie endoscopique Suite à une chirurgie à ciel ouvert
Sédentaire –> 7 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 14 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 21 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 28 jours

Sédentaire –> 14 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 28 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 42 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 56 jours

 

La Haute Autorité de santé a été saisie à ce sujet par la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts). La HAS a fait remarquer que le rapport d’évaluation technologique de l’Anaes réalisé en l’an 2000, travail comparant les techniques à ciel ouvert et endoscopique dans le cadre de la prise en charge chirurgicale du syndrome du canal carpien, n’avait montré aucune différence en termes d’efficacité clinique ni de sécurité d’utilisation en fonction de la méthode utilisée. Ce rapport propose de réserver l’utilisation de la technique endoscopique à des chirurgiens expérimentés. La HAS explique que la recherche bibliographique portant sur les recommandations de pratique clinique publiées en France ou au niveau international n’a pas permis d’identifier de préconisations concernant les durées d’arrêt de travail après intervention chirurgicale du canal carpien.La lumière sur la chirurgie du canal carpien Néanmoins, pour la Société française de chirurgie de la main, le travail ou l’activité sont repris selon le type d’occupation, en général après 15 à 21 jours et pour le Royal College of Surgeons of England, la durée d’arrêt de travail varie entre 1 et 10 semaines selon le type d’activité (sédentaire : 1 à 2 semaines / travail manuel léger : 2 à 4 semaines / travail manuel moyen : 4 à 6 semaines / travail manuel lourd : 6 à 10 semaines). « Dans tous les cas, le type de technique chirurgicale n’apparaît pas comme un facteur discriminant. »

L’uniformisation des durées d’arrêt de travail est discutable lorsque l’on part du principe que chaque patient est unique, mais on comprend aisément l’intérêt de telles pratiques quand il est question d’économies de santé. S’il fallait s’en convaincre, il suffirait de se référer à une étude publiée en 2001 par une équipe de chirurgiens de la main nantais, intitulée « Interruption professionnelle et chirurgie des syndromes du canal carpien. Résultats d’une série prospective de 233 patients ». Réalisée pour évaluer les liens entre protection sociale et interruption professionnelle après chirurgie des syndromes du canal carpien, ses résultats sont particulièrement intéressants. Pour un même protocole thérapeutique, réalisé par le même chirurgien, chez 233 malades, ce travail montre que le type de couverture sociale des patients a une influence sur la durée de l’interruption professionnelle postopératoire dans le cadre de la chirurgie des syndromes du canal carpien idiopathique. Même s’il a été recommandé à tous les patients une mobilisation active des doigts et l’utilisation de la main opérée, dans la limite des douleurs, dès les premières heures postopératoires, pour les non-salariés, l’interruption de travail est en moyenne de 17 jours ; pour ceux du secteur privé, elle est de 35 jours ; pour les fonctionnaires et assimilés, elle passe à 56 jours. Ces différences sont statiquement significatives.
Les patients du régime maladie interrompent en moyenne leur travail 32 jours, alors que l’arrêt est de 49 jours lorsque c’est le régime des maladies professionnelles qui est concerné.
Si l’activité manuelle ou non entraîne une différence significative pour les non-salariés et les employés du secteur privé, cette différence disparaît quand on s’intéresse aux fonctionnaires et assimilés sans qu’un état pathologique particulier (douleurs spontanées, douleurs cicatricielles, diminution de la force de prise) ait pu être mis en évidence.

Même si des études à grande échelle seraient très éloignées du politiquement correct ambiant, on voit l’intérêt qu’elles auraient sur un plan économique et surtout l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’émergence d’une assurance sociale tendant à motiver tous les patients dans leurs efforts de rééducation, leur permettant ainsi de retrouver leur indépendance plus rapidement et de lutter contre une sédentarité délétère. Voilà qui donne à réfléchir…

 


1- Medical Disability Advisor, 5th Edition, 2008 ; Official Disability Guidelines, 14th Edition, 2009, NHS ; Royal College of Surgeons ; Anaes 2000

 

 


 

Droit-medical.com tient à remercier le Dr Virginie Berard, chirurgien de la main à Rouen, pour l’aide qu’elle a apportée à la rédaction de cet article.

 

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