Tout un pays non-fumeur…

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Fumer tueAlors que la France a été à deux doigts, ces derniers jours, de voir sa législation sur le tabac assouplie sur le modèle électoraliste de ce qui a été fait pour le permis à points ces derniers mois, avec sans doute la même augmentation du nombre de décès à la clé, un pays a le courage de faire des choix de santé publique loin d’être démagogiques en matière de tabagisme : La Nouvelle-Zélande.

Réputée pour ses joueurs de rugby et ses moutons, la Nouvelle-Zélande, située à quelques encablures de l’Australie, est un pays fort de plus de quatre millions d’habitants où des sujets peuvent tout de même la quasi-unanimité au sein de la classe politique : tel est le cas de la lutte contre le tabagisme. C’est en effet le 14 juillet 2011 avec 119 voix sur 122 qu’un projet de loi interdisant les présentoirs de paquets de cigarettes et autres tabacs vient d’y être adopté par ses députés. Principalement visés, les présentoirs qui tapissent les murs des épiceries, des stations-service ou des supermarchés, autorisés à vendre du tabac dans ce pays, même si les buralistes ne sont pas en reste. Tous les magasins vendant des cigarettes ont douze mois pour les faire disparaître de la vue de leurs clients et doivent aussi faire disparaître toute référence à une marque de tabac afin d’éviter les moyens détournés utilisés par l’industrie de ce secteur pour attirer l’attention des clients. Pour la secrétaire d’État à la santé, Tariana Turia, il s’agit là de combler un vide juridique que les cigarettiers avaient mis à profit pour capter une clientèle toujours plus jeune. « Mettre des présentoirs de cigarettes à côté de ceux des confiseries au quotidien, c’est un excellent moyen d’attirer les plus jeunes pour en faire des fumeurs », a-t-elle déclaré. Ces présentoirs n’encouragent pas seulement les jeunes gens à essayer la cigarette, ils rendent aussi les choses plus difficiles à ceux qui arrêtent de fumer, selon Tariana Turia.

Autre mesure votée par le parlement néo-zélandais, l’augmentation de la valeur des amendes encourues en cas de vente de produits du tabac à une personne de moins de 18 ans qui s’échelonnent maintenant de 2 000 $ à 5 000 $ pour un particulier et vont jusqu’à 10 000 $ NZ (presque 6 000 euros) pour une entreprise. Sachant qu’il existe là-bas une véritable police antitabac, ces sanctions sont fortement dissuasives d’autant que le contrevenant pourra maintenant être verbalisé directement par les agents plutôt que de devoir attendre d’être condamné par un tribunal.

Les parlementaires néo-zélandais ne vont pas s’arrêter là. Il est déjà prévu que leur soit soumis un projet de loi rendant totalement neutres les paquets de cigarettes, comme cela se fait déjà en Australie. En France, une telle mesure avait été proposée par Roselyne Bachelot en 2010, mais très vite abandonnée face aux pressions de l’industrie et de la filière du tabac.
Les distributeurs automatiques de cigarettes devraient aussi être interdits.

Les trois députés qui n’ont pas voté la loi ont argué de la liberté individuelle et du choix rationnel que chacun pouvait faire. L’un de leurs collègues leur a répondu qu’en matière de tabac, il n’y avait rien de rationnel puisqu’il s’agissait d’une véritable addiction.

La Nouvelle-Zélande n’en est pas à son coup d’essai dans la lutte contre le tabagisme puisque ce pays a été parmi les premiers dans le monde à interdire de fumer dans les bars et les restaurants, par exemple. Depuis le 1er juillet 2011, afin de préserver la santé des personnels pénitentiaires et des détenus non-fumeurs, toutes les prisons du pays sont devenues des espaces où le tabac est interdit, y compris lors dans les cours de promenade : une décision courageuse lorsque l’on sait que trois quarts des prisonniers néo-zélandais étaient fumeurs d’après une enquête de 2005 et qui semble être couronnée de succès puisque presque tous les détenus se sont engagés dans un plan de sevrage.
D’autres initiatives voient le jour, comme celle de la ville d’Auckland qui voulait interdire de fumer dans la rue, proposition qui a pour le moment été rejetée par son conseil municipal.
Même si les recettes fiscales liées au tabac sont importantes et malgré le mécontentement des buralistes et autres vendeurs de tabac, la Nouvelle-Zélande a décidé de poursuivre dans cette voie. La route est encore longue, mais grâce à ce consensus politique, le pays pourrait être un espace totalement non-fumeur en 2025.

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Commentaires (1)

  • PatrickD

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    Excellent article, qui, par contraste, montre que la France régresse en matière de prévention, et en particulier de lutte contre le tabagisme, tant les lobbys industriels et autres ont le haut du pavé au Palais de l’Élysée, à Matignon et à Bercy. Alors que la Nouvelle Zélande montre la voie, luttant avec conviction contre le tabagisme, la France, depuis 4 ans, n’a fait que de faire des cadeaux (teintés d’arrière pensées électorales) aux industriels du tabac et aux buralistes, avec des augmentations réduites des taxes, calculées précisément pour n’avoir aucun impact négatif sur la demande et pour permettre aux cigarettiers d’engranger un maximum de profits supplémentaires. Cette politique de compromission avec l’industrie du tabac a eu pour conséquence l’accroissement du cheptel de jeunes fumeurs – indispensable à la survie de cette industrie – qui, pour la première fois depuis longtemps, a augmenté pendant cette période.

    Une précision s’impose. Chaque décès évitable est un drame humain intolérable, et les décès des accidents de la route sont tout aussi inadmissibles que ceux provoqués par le tabac. Cela étant dit, on peut observer qu’une politique déterminée de santé publique permettrait de réduire rapidement la prévalence du tabagisme de 30% à moins de 20%, comme cela a été parfaitement démontré dans d’autres pays – les méthodes pour y arriver sont connues et sont codifiées dans un traité international ratifié par la France: il suffit donc que nos dirigeants honorent les engagements pris par notre pays. Une telle réduction d’un tiers du taux de tabagisme permettrait de sauver annuellement plus de 20’000 vies – c-à-d qu’une mesure simple qui ne coûte rien à mettre en oeuvre, qui est même une obligation légale, et qui ne requiert que la conviction des dirigeants en matière de santé publique, permettrait de préserver cinq fois plus de vies qu’il y a de tués sur les routes de France, pour un coût qui n’est qu’une fraction négligeable du budget de la prévention routière.

    Qu’on me comprenne bien: cette comparaison ne remet d’aucune façon en cause la nécessité de cette même prévention routière – on a d’ailleurs récemment vu comment cette dernière pouvait être victime du même manque de conviction des législateurs et de leur tendance à se coucher devant les lobbys; elle ne fait qu’illustrer le fait que la lutte contre le tabagisme semble tomber dans la tache de Mariotte du système de vision de nos décideurs politiques en matière de santé publique et de prévention.

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