Le gouvernement de la santé remanié

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Dérouler le tapis rougeTout le monde l’attendait depuis plusieurs semaines… Un nouveau gouvernement Fillon a été annoncé le 14 novembre 2010, en plein débat à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2011.

Tout d’abord, Roselyne Bachelot-Narquin quitte l’avenue de Ségur, dont elle était locataire depuis le 18 mai 2007, pour s’occuper du ministère des solidarités et de la cohésion sociale. Fidèle de François Fillon, sa parfaite gestion de la campagne de vaccination contre la pandémie grippale et son soutien sans faille aux médecins libéraux qui a renforcé la cohésion au sein de la profession, en totale solidarité avec l’industrie pharmaceutique française qui était durement touchée par la crise, lui valent d’être reconduite au sein d’un gouvernement qui devrait gérer les affaires de l’État jusqu’aux prochaines élections présidentielles de 2012. Omnipraticien de la politique, Roselyne Bachelot-Narquin qui, d’après Wikipedia, a été déléguée à l’information médicale au sein du laboratoire ICI Pharma de 1969 à 1976, puis titulaire d’une pharmacie à Angers de 1984 à 1991 et, en parallèle, chargée des relations publiques chez Soguipharm de 1984 à 1989, devrait pouvoir mettre son expérience du contact au service de ses nouvelles fonctions.

La ministre de la santé et des sports tire sa révérence, place au ministère du travail, de l’emploi et de la santé et à un secrétariat d’État à la santé.
À la tête de ce grand ministère, un homme à la hauteur de la tâche, connu pour dormir très peu, qui sait à quoi il s’attaque puisqu’il a déjà été ministre de la santé dans le gouvernement Fillon 1 : Xavier Bertrand. Cet homme du Président a la lourde tâche de reprendre les affaires et le travail d’Éric Woerth, de décharger Christine Lagarde et Laurent Wauquiez de la charge que représentait l’emploi pour eux, tout en assurant le suivi de la santé.
Dans ce dur labeur, Xavier Bertrand sera secondé par Nora Berra qui devrait sans difficulté trouver les mots qui réconfortent la population médicale vieillissante depuis qu’elle a occupé les fonctions de secrétaire d’État aux aînés. Fille d’un tirailleur algérien, nul doute qu’elle mènera un combat acharné pour défendre les intérêts de la santé. Pour Wikipedia, elle a grandi « dans le quartier des RZD et dans la banlieue de Lyon, étudié au lycée Ampère avant de partir faire médecine à Oran. De retour en France, elle travaille à partir de 1991, au service d’immunologie à l’hôpital Édouard Herriot de Lyon, puis dans divers laboratoires pharmaceutiques entre 1999 et 2009. » Dans sa biographie officielle, encore en ligne pour quelques heures sur le site du secrétariat d’État aux aînés, il est facile de trouver les précisions sur son parcours sont un peu différentes : « Après avoir fait son internat en pharmacologie clinique à l’hôpital Édouard Herriot, elle devient à 1992 praticien attaché au service d’exploration fonctionnelle rénale. De 1992 à 1999, elle a enseigné notamment dans deux écoles d’infirmières lyonnaises et a parallèlement encadré des internes et des étudiants.
Elle travaillera pendant 10 ans, de 1999 à 2009, en tant que médecin des affaires médicales au sein de laboratoires pharmaceutiques français et internationaux dans les domaines d’expertise suivants : VIH, Hépatite B et cancer du col de l’utérus.
Par ailleurs, de 1991 à 2009, Nora Berra est également praticien attaché au service d’immunologie clinique à l’hôpital Édouard Herriot, s’occupant principalement des patients atteints du VIH. Elle poursuit son engagement en étant membre du réseau ville-hôpital, réseau entre professionnels de santé, dans le cadre de la formation des médecins libéraux dans la prise en charge de la pathologie du VIH.
Elle poursuit ses travaux de recherche en étant investigatrice des essais de recherche clinique, à travers une dizaine de publications. » Seules trois d’entre elles semblent être reprises par PubMed, dont une lettre publiée dans le Lancet en 1992 relative aux effets bénéfiques des immunoglobulines en intraveineux chez les patients atteints par le sida.

La fin du mois de novembre devrait être chargée pour le ministre et la secrétaire d’État : reprises des débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2011, remise du rapport de la mission confiée à Élizabeth Hubert par le chef de l’État sur la médecine de proximité, etc. De quoi se faire rapidement une idée de l’orientation que souhaite donner ce nouveau gouvernement à la politique de santé dans les deux années qui viennent.

Statut professionnel, arrêt de travail et chirurgie du canal carpien

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Début 2010, l’assurance-maladie a distribué aux médecins concernés des référentiels d’arrêt maladie concernant les suites de la chirurgie du canal carpien. Ce référentiel, basé sur des travaux réalisés pour le système de santé anglais (le NHS) et d’autres études réalisées outre-Manche, ainsi que sur des données de l’Anaes (l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, ancêtre de la Haute Autorité de santé)1, conseille aux médecins de prescrire un arrêt de travail compris entre 7 jours et 56 jours, en fonction de la technique chirurgicale utilisée et du travail effectué par le patient (Tableau I).

 

Tableau I : seuil fixé pour un arrêt de travail après chirurgie du canal carpien
Suite à une chirurgie par voie endoscopique Suite à une chirurgie à ciel ouvert
Sédentaire –> 7 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 14 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 21 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 28 jours

Sédentaire –> 14 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 28 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 42 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 56 jours

 

La Haute Autorité de santé a été saisie à ce sujet par la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts). La HAS a fait remarquer que le rapport d’évaluation technologique de l’Anaes réalisé en l’an 2000, travail comparant les techniques à ciel ouvert et endoscopique dans le cadre de la prise en charge chirurgicale du syndrome du canal carpien, n’avait montré aucune différence en termes d’efficacité clinique ni de sécurité d’utilisation en fonction de la méthode utilisée. Ce rapport propose de réserver l’utilisation de la technique endoscopique à des chirurgiens expérimentés. La HAS explique que la recherche bibliographique portant sur les recommandations de pratique clinique publiées en France ou au niveau international n’a pas permis d’identifier de préconisations concernant les durées d’arrêt de travail après intervention chirurgicale du canal carpien.La lumière sur la chirurgie du canal carpien Néanmoins, pour la Société française de chirurgie de la main, le travail ou l’activité sont repris selon le type d’occupation, en général après 15 à 21 jours et pour le Royal College of Surgeons of England, la durée d’arrêt de travail varie entre 1 et 10 semaines selon le type d’activité (sédentaire : 1 à 2 semaines / travail manuel léger : 2 à 4 semaines / travail manuel moyen : 4 à 6 semaines / travail manuel lourd : 6 à 10 semaines). « Dans tous les cas, le type de technique chirurgicale n’apparaît pas comme un facteur discriminant. »

L’uniformisation des durées d’arrêt de travail est discutable lorsque l’on part du principe que chaque patient est unique, mais on comprend aisément l’intérêt de telles pratiques quand il est question d’économies de santé. S’il fallait s’en convaincre, il suffirait de se référer à une étude publiée en 2001 par une équipe de chirurgiens de la main nantais, intitulée « Interruption professionnelle et chirurgie des syndromes du canal carpien. Résultats d’une série prospective de 233 patients ». Réalisée pour évaluer les liens entre protection sociale et interruption professionnelle après chirurgie des syndromes du canal carpien, ses résultats sont particulièrement intéressants. Pour un même protocole thérapeutique, réalisé par le même chirurgien, chez 233 malades, ce travail montre que le type de couverture sociale des patients a une influence sur la durée de l’interruption professionnelle postopératoire dans le cadre de la chirurgie des syndromes du canal carpien idiopathique. Même s’il a été recommandé à tous les patients une mobilisation active des doigts et l’utilisation de la main opérée, dans la limite des douleurs, dès les premières heures postopératoires, pour les non-salariés, l’interruption de travail est en moyenne de 17 jours ; pour ceux du secteur privé, elle est de 35 jours ; pour les fonctionnaires et assimilés, elle passe à 56 jours. Ces différences sont statiquement significatives.
Les patients du régime maladie interrompent en moyenne leur travail 32 jours, alors que l’arrêt est de 49 jours lorsque c’est le régime des maladies professionnelles qui est concerné.
Si l’activité manuelle ou non entraîne une différence significative pour les non-salariés et les employés du secteur privé, cette différence disparaît quand on s’intéresse aux fonctionnaires et assimilés sans qu’un état pathologique particulier (douleurs spontanées, douleurs cicatricielles, diminution de la force de prise) ait pu être mis en évidence.

Même si des études à grande échelle seraient très éloignées du politiquement correct ambiant, on voit l’intérêt qu’elles auraient sur un plan économique et surtout l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’émergence d’une assurance sociale tendant à motiver tous les patients dans leurs efforts de rééducation, leur permettant ainsi de retrouver leur indépendance plus rapidement et de lutter contre une sédentarité délétère. Voilà qui donne à réfléchir…

 


1- Medical Disability Advisor, 5th Edition, 2008 ; Official Disability Guidelines, 14th Edition, 2009, NHS ; Royal College of Surgeons ; Anaes 2000

 

 


 

Droit-medical.com tient à remercier le Dr Virginie Berard, chirurgien de la main à Rouen, pour l’aide qu’elle a apportée à la rédaction de cet article.

 

2011, année des patients et de leurs droits

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Informer les patientsTambours et trompettes pour une nouvelle opération gouvernementale, « 2011, année des patients et de leurs droits », lancée le 5 octobre depuis les hautes sphères ministérielles de l’avenue de Ségur. « Défendre les droits des patients, leur garantir une prise en charge respectueuse de leur singularité, mieux prendre en considération les nouvelles attentes des citoyens vis-à-vis de leur santé », tel est le programme de cette année, centrée sur tous ceux qui auront besoin de soins un jour ou l’autre… Un discours très éloigné des recommandations de bonne pratique qui laissent penser qu’une approche unique est la meilleure solution au respect de la singularité des patients.

Une présidente de charme est chargée de mener les travaux de cette année : Marina Carrère d’Encausse, médecin échographiste, mais aussi journaliste et co-présentatrice de l’émission Le Magazine de la santé sur France 5, chaîne du service public. Habituée des médias et ancienne animatrice du Disney club, Marina Carrère d’Encausse n’a eu aucun mal à exposer à ses confrères de la presse les trois principales orientations retenues pour cette année des patients et de leurs droits. Il est question de réflexion et d’action pour prendre en considération « les nouvelles attentes du citoyen, acteur de santé », pour promouvoir « la bientraitance à l’hôpital » et pour « faire vivre les droits des patients ».
Aux côtés de Marina Carrère d’Encausse, on retrouve Christian Saout, président du collectif interassociatif sur la santé (CISS) et Christine d’Autume, inspectrice générale des affaires sociales. Le choix ministériel de Christian Saout n’est pas vraiment étonnant puisque c’est un habitué de l’émission Bonjour, docteur, cette désignation ne laissant, par ailleurs, aucun doute sur l’orientation que souhaite donner le gouvernement à cette initiative.

Il est donc question de « faire vivre les droits des patients », car ils sont actuellement insuffisamment connus si l’on en croit le ministère. Malgré la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, malgré le CISS, le pôle santé du Médiateur de la République, le pôle démocratie des agences régionales de santé, les campagnes de l’assurance-maladie ou les émissions télévisées consacrées à ce sujet, les patients manquent d’informations sur leurs droits. Cette année sera donc l’occasion de porter à la connaissance du public, cette fois de façon efficace, un maximum d’indications sur ses droits en tant que patient. Une nouvelle fois, il n’est question que de droits : pas un mot sur les devoirs que peut avoir le patient vis-à-vis du système de santé et rien sur le respect des acteurs du soin…

Concernant « la bientraitance à l’hôpital », une mission a deux mois pour établir des propositions qui seront soumises à discussion lors de six débats en région, partout en France, au premier semestre 2011, suivis d’un colloque de restitution en mai. L’accueil du patient et de ses proches, l’assistance dans certains besoins fondamentaux tels que la toilette ou repas, l’annonce d’une mauvaise nouvelle, le soin invasif et bien d’autres sujets devront être au coeur de réflexions, car il semble que nombre d’équipes hospitalières ne sont pas au point dans ces domaines…

Une autre mission, tout aussi courte, sera menée sur « les nouvelles attentes du citoyen, acteur de santé ». Il est question d’éducation thérapeutique du patient (ETP) et d’évolution de la relation médecin-patient liée à Internet, par exemple, mais « là aussi, la ministre a souhaité que soit traitée la question des inégalités devant la capacité à s’informer et à agir vis-à-vis de sa santé. »

Enfin, un colloque d’ouverture de « 2011, année des patients et de leurs droits » est prévu à la fin du mois de janvier, tout comme la deuxième édition du Prix des droits des patients, dans le cadre de la Journée européenne des droits des patients qui se tient chaque 16 avril, et un site Internet dédié et participatif sera créé en début d’année.

L’information étant un droit pour le patient et le citoyen, il sera sans doute aisé de connaître le coût de cette année des patients et de leurs droits, de son site Internet, de son rapport et des différentes missions. Après les déboires connus par Christine Boutin quant à sa rémunération pour une mission tout aussi capitale pour le pays et à un moment où la recherche médicale indépendante peine à trouver des fonds, il paraît fondamental que de telles données soient facilement accessibles. Sur le site dédié, peut-être ?

Encore un rapport sur la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1) en France

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Une campagne pas vraiment transparenteDécidément, la période estivale est propice aux rapports de l’Assemblée nationale et du Sénat destinés à faire le point sur la gestion de la pandémie de grippe A(H1N1) et de la campagne de vaccination qui s’en est suivie… ou qui l’a précédée diront certains. Après la publication le 8 juillet 2010 du rapport intitulé « La gestion des pandémies : H1N1, et si c’était à refaire ? » (compte rendu de l’audition publique du 14 juin 2010), reprenant les travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques composé de députés et de sénateurs, deux autres rapports ont été publiés.

Le premier, le 13 juillet 2010, est le fruit du travail d’une commission d’enquête composée de députés, rapport sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1). Sous la présidence d’un député du Nouveau centre, Jean-Christophe Lagarde, et ayant pour rapporteur Jean-Pierre Door, député de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), les conclusions de ce document ont donné l’absolution aux autorités de santé et ont encensé la gestion administrative de cette crise sanitaire. Résultat surprenant ? Pas vraiment si l’on en croit les propos de Bernard Debré, pourtant lui aussi député de l’UMP, membre de ladite commission d’enquête et du comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, expliquant que ce rapport « n’avait qu’un objet : réhabiliter la politique du gouvernement ! ». Selon lui, « Ce travail parlementaire n’est pas sérieux. Il est lénifiant et évite soigneusement de poser les questions dérangeantes. » Il le considère même comme « une mascarade ». On peut penser qu’un tel témoignage aurait mérité un peu plus de publicité médiatique, mais les journalistes avaient déjà fort à faire avec la pluie ayant gâché le défilé du 14 juillet où des hôtes de marque étaient invités et, surtout, les nombreuses révélations de l’“affaire” Woerth-Bettencourt. 

Le second rapport est, cette fois, l’oeuvre d’une commission d’enquête composée de sénateurs et a été publié le 5 août 2010. Il y est question du « rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe A(H1N1) ». Présidé par un sénateur communiste de Loire-Atlantique, François Autain, et bien qu’ayant un rapporteur issu de l’UMP, Alain Milon, les travaux de cette commission sont plus critiques à l’égard du gouvernement. Pour les élus, les contrats signés entre les pouvoirs publics et les laboratoires ayant fourni les vaccins « se caractérisent par leur remarquable déséquilibre et par la légalité douteuse de certaines de leurs clauses ». Les sénateurs remettent en cause le fait que l’État ait accepté le transfert de responsabilité relatif au fait des produits défectueux, alors même que la Pologne le refusait. Ils s’étonnent aussi de l’absence d’une clause de révision dans ces mêmes contrats. Tout comme dans le rapport de la commission d’enquête européenne, les sénateurs s’interrogent sur les agissements de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et sur les conflits d’intérêts en son sein.

Face à de telles interrogations et aux questions que posent les propos de Bernard Debré, on comprend facilement que le gouvernement et une partie des parlementaires incriminent Internet et les professionnels de santé dans l’échec de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1). Il est indispensable de trouver des boucs émissaires pour pallier le manque de transparence qui semble caractériser la gestion de cette crise sanitaire. Vraisemblablement, pour des raisons politiques, les vraies leçons de cette histoire ne seront pas tirées. Voilà qui n’est pas sans rappeler la gestion des crises sanitaires précédentes (amiante, sang contaminé, canicule). Décidément, en France, politique et intérêts économiques continuent à s’opposer à la santé publique quelle que soit la saison…

Mortalité “évitable” chez les jeunes : la France peut mieux faire

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Comment réduire la mortalité évitable ?C’est à l’occasion de la sortie du rapport 2009-2010 de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) sur l’état de santé de la population qu’un constat relatif à la mortalité “évitable” chez les jeunes a pu être dressé par les pouvoirs publics.

En 2010, les causes de décès “évitables” sont principalement liées à des comportements à risque (tabagisme, alcoolisme, conduites dangereuses, suicides, etc.) et représentent un tiers des morts prématurés (décès avant 65 ans) dans l’Hexagone. Pour 2006, le nombre de ces décès a été estimé à 36 000 pour la seule France métropolitaine, avec une forte propension à toucher les hommes (77,6 %). La part de la mortalité “évitable” par rapport à la mortalité prématurée est de 37,5 % chez les hommes et de 23,8 % chez les femmes, selon le rapport.
« Entre 2000 et 2006, les diminutions les plus importantes ont été observées pour les accidents de la circulation, le sida et les causes de décès liées à l’alcool. En revanche, les tumeurs malignes du larynx, de la trachée, des bronches et du poumon ont augmenté de 50 % chez les femmes et ne diminuent que faiblement chez les hommes (-9 %). Ces cancers ont connu un développement important chez les femmes : en vingt ans, les taux de décès par cancer du poumon ont doublé et cette augmentation a davantage touché la classe d’âge des 25-44 ans. Le suicide reste aussi une cause de mortalité “évitable” préoccupante : il baisse peu chez les hommes et stagne chez les femmes.
En 2006, parmi les 27 pays de l’Union européenne, c’est en France que l’on observe chez les hommes le taux de mortalité “évitable” le plus élevé après les nouveaux adhérents d’Europe centrale, les Pays baltes et la Belgique. »

Le suicide reste en France une cause de morts “évitables” non négligeable chez l’homme. Le pays est d’ailleurs dans le peloton de tête des pays de l’Union européenne dans ce domaine. Même si la tendance est à la baisse, ce ne sont pas moins de 10 500 suicides qui ont été comptabilisés pour les deux sexes en 2006. Entre 15 et 24 ans, le suicide représente 15 % du total des décès et constitue la deuxième cause de décès après les accidents de la circulation, la moto étant le moyen de transport le plus dangereux.

Le rapport de la DRESS reconnaît que la consommation excessive d’alcool est à l’origine de nombreux maux : cancers, maladies chroniques du foie, atteintes psychiques, séquelles d’accidents, etc. Cette consommation a diminué au cours des neuf dernières années, tout particulièrement en ce qui concerne le vin, avec un pic à la baisse en 2008 (ce qui pourrait expliquer la mansuétude dont ont fait preuve les parlementaires concernant la publicité pour l’alcool sur Internet récemment malgré les enjeux de santé publique). Malgré ce ralentissement de la consommation, la France reste toujours parmi les pays de l’Union européenne les plus consommateurs d’alcool…

Le tabac n’est pas en reste. Pour les auteurs du rapport, « le tabagisme est l’un des problèmes de santé publique les plus importants de par ses répercussions sur la mortalité et la morbidité ». En 2008, 30 % des hommes de 18-74 ans déclaraient fumer habituellement, contre 22 % pour les femmes, ce dernier chiffre étant stable depuis les années 80. Plus grave, « en 2003, environ 2 femmes enceintes sur 10 déclaraient fumer tous les jours au troisième trimestre de leur grossesse ». Dans la population féminine de moins de 65 ans, le taux de décès liés au tabac a augmenté de 125 % entre 1990 et 2006… Dans ces conditions, comment ne pas s’étonner que les lois visant à lutter contre le tabagisme actif, mais aussi et surtout passif, ne soient pas appliquées avec plus de fermeté par les pouvoirs publics.

Enfin, le surpoids et l’obésité ne cessent de gagner du terrain. Un manque d’activité physique, des comportements sédentaires et des excès alimentaires expliquent cette poussée. En 2009 13,9 % des hommes français de 18 ou plus sont obèses contre 15,1 % des femmes.

Ce triste constat et de tels chiffres laisseraient penser que les pouvoirs publics vont renforcer la lutte contre les facteurs à l’origine des décès “évitables”. Si de sérieux efforts ont été faits en matière de sécurité routière, l’expérience montre que certains intérêts économiques priment souvent sur la santé publique, surtout à l’approche des grands rendez-vous électoraux…

Enterrement du contrat santé solidarité et de la déclaration obligatoire des absences pour les médecins ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Désert médicalAprès les tumultes relatifs à l’élimination de l’équipe de France de football du Mondial 2010, Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, s’intéresse à nouveau aux médecins ; aux généralistes pour être plus précis. Après avoir mécontenté cet électorat potentiel depuis sa prise de fonction, il semble être temps de brosser à nouveau dans le sens du poil ces praticiens dont le ras-le-bol devenait trop évident, d’autant qu’après le fiasco de la gestion de la grippe A(H1N1), l’ancienne députée du Maine-et-Loire doit temporairement faire profil bas. Rien de mieux pour ce faire que d’annoncer à l’occasion de l’ouverture du 4e congrès national de médecine générale qu’il ne sera pas nécessaire de recourir aux contrats santé solidarité pour relever le défi de la démographie médicale. Au moins jusqu’aux prochaines élections, ce sont les mesures incitatives qui vont être à nouveau privilégiées, avec la mise en place d’un contrat basé sur le volontariat entre les agences régionales de santé (ARS) et les médecins. « Des contreparties seront proposées aux médecins qui s’engagent à exercer dans une zone sous-dotée plusieurs demi-journées par semaine. »

Le contrat santé solidaire, apparu à l’occasion du vote de la loi 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), prévoit que les médecins exerçant dans les zones dans lesquelles le niveau de l’offre de soins médicaux est particulièrement élevé d’adhérer à ce contrat par lequel ils s’engagent à contribuer à répondre aux besoins de santé de la population des zones où les besoins en implantations ne sont pas satisfaits. Faute d’avoir signé un tel contrat, les médecins concernés se verront contraints de payer des pénalités financières sous forme d’une contribution annuelle forfaitaire en 2013. Ne devant s’appliquer que dans trois ans, c’est une fausse bonne nouvelle pour les praticiens qu’annonce ainsi Roselyne Bachelot quand elle affirme « mettre entre parenthèses » ces mesures. Rien ne dit qu’une fois les échéances électorales de 2012 passées, ces mesures ne seront pas appliquées, puisque toujours présentes dans la loi.

Concernant l’obligation pour un médecin d’informer le conseil départemental de l’ordre de ses absences programmées, elle est elle aussi mise entre parenthèses. Le discours de Roselyne Bachelot paraît clair : « Je confierai prochainement à l’ordre des médecins la mission de repérer les territoires et les périodes où la continuité des soins risque de ne pas être assurée, afin de trouver, avec les médecins concernés et les pouvoirs publics, les réponses les plus adaptées.
Nous déterminerons ensemble les modalités de ce dispositif.
En le développant le plus rapidement possible, nous serons tous ensemble en mesure de prouver que nous n’avons pas besoin de passer par une obligation de déclaration des absences. Le succès de ce dispositif, très proche d’une logique conventionnelle, nous permettra de supprimer, à terme, cette obligation législative. » Mais là encore, il ne s’agit que de promesses qui ne seront pas nécessairement suivies d’effets après 2012.

Pour la ministre de la santé, tout est une question de confiance et de responsabilité. Si elle fait à nouveau confiance aux généralistes, il n’est pas certain que la réciproque soit vraie.

Un rapport accablant du Conseil de l’Europe sur la gestion de la grippe A(H1N1)

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Une seringue bien remplie« L’Assemblée parlementaire est alarmée par la façon dont la grippe pandémique H1N1 a été gérée non seulement par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) mais aussi par les autorités de santé compétentes tant au niveau de l’Union européenne qu’au niveau national. Elle s’inquiète notamment de certaines répercussions de décisions et d’avis ayant entraîné une confusion des priorités au sein des services de santé publique de toute l’Europe, du gaspillage de fonds publics importants et de l’existence de peurs injustifiées relatives aux risques de santé encourus par la population européenne.
L’Assemblée fait état d’un grave manque de transparence dans les prises de décisions liées à la pandémie, qui soulève des préoccupations concernant l’influence que l’industrie pharmaceutique a pu exercer sur certaines décisions parmi les plus importantes. L’Assemblée craint que ce manque de transparence et de responsabilité ne fasse chuter la confiance des citoyens dans les avis des grands organismes de santé publique. Cela pourrait se révéler désastreux en cas de nouvelle maladie de nature pandémique beaucoup plus grave que la grippe H1N1 », c’est ainsi que commence le rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille du Conseil de l’Europe intitulé La gestion de la pandémie H1N1 : nécessité de plus de transparence.

Surprenant que de telles affirmations ne fassent pas la Une des médias, quand on se souvient du battage ou des déclarations des responsables politiques français ayant accompagné la campagne de vaccination contre cette grippe. Personne pour féliciter la majorité des médecins « de base » qui a refusé de céder à la panique, aux pressions politiques et de l’industrie, ou à son soi-disant devoir déontologique. De nombreux praticiens ont su garder un oeil critique malgré les dénigrements dont ils faisaient l’objet.

Aucune louange pour la Pologne et son ministre de la santé, médecin et non ancien visiteur médical, qui a su faire les bons choix alors que l’on tente de nous faire croire qu’à l’époque ce n’était pas possible. Seul le Conseil de l’Europe semble lui rendre hommage : « D’autres États membres ne se sont pas précipités pour agir suite à l’annonce de la pandémie. La Pologne, par exemple, est l’un des rares pays d’Europe à ne pas avoir acheté des vaccins en grande quantité en raison de craintes sur leur innocuité et de la défiance manifestée à l’égard des firmes pharmaceutiques qui les fabriquent. Lors de l’audition publique organisée par l’Assemblée à Paris le 29 mars 2010, la ministre polonaise de la Santé, Mme Ewa Kopacz, est revenue sur l’approche adoptée par la Pologne pour préparer la pandémie. Elle a expliqué qu’elle faisait l’objet d’une étroite collaboration avec le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (CEPCM) et les centres nationaux. Elle comportait une analyse approfondie veillant à dissiper tout sentiment de panique et de malaise social général au sein de l’opinion publique. La Commission polonaise sur la pandémie de grippe a identifié un groupe à haut risque de 2 millions de personnes et alloué des ressources pour l’acquisition du nombre nécessaire de vaccins. Toutefois, la ministre a estimé que les conditions offertes par les groupes pharmaceutiques pour l’acquisition des vaccins étaient inacceptables. Les vaccins ne pouvaient être achetés que par le gouvernement (ils ne pouvaient être commercialisés pour des particuliers) lequel devait endosser l’entière responsabilité de tous les effets indésirables du vaccin (lequel constituait visiblement une menace d’après le système Eudravigilence). Les vaccins affichaient en outre des prix 2 à 3 supérieurs à ceux pratiqués pour les vaccins pour la grippe saisonnière. Comme l’a elle-même souligné la ministre polonaise lors de l’audition publique en mars 2010, elle a pris la responsabilité – en tant que responsable politique et médecin – de ne pas accepter ces conditions pour ne pas être prise en otage par des groupes d’intérêts privés ou être contrainte de prendre des décisions majeures découlant d’annonces alarmistes. »

Pas de publicité, non plus, autour des choix faits par la France. Le Conseil de l’Europe est pourtant particulièrement critique : « Les chiffres dont on dispose pour la France montrent très bien jusqu’à quel point la pandémie H1N1 a pu être surévaluée, et quelles ont été les conséquences pour les budgets de santé publique […]. La France se retrouve en définitive avec une facture de santé publique pour les vaccins qui s’élève à 365 millions d’euros et avec un stock de 25 millions de doses de vaccins dont la durée de conservation expire fin 2010. Le rapporteur considère qu’avec du recul on peut considérer que la France n’est pas dans une position enviable. »
Ce ne sont pas non plus les conclusions de l’Assemblée nationale et de sa « Commission d’enquête sur la manière dont a été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la Grippe A (H1N1) », qui doit présenter son rapport le 13 juillet 2010, qui devraient faire beaucoup de bruit dans l’Hexagone. Le 13 juillet, veille de fête nationale, qui y prêtera attention ? Peut-être la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, même si elle ne devrait pas être trop inquiétée par ses pairs désignés pour que les apparences soient sauves. Elle pourrait s’y intéresser, à moins qu’elle ne soit en vacances…

Une nouvelle mission pour la médecine de proximité

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Vers une réforme de la médecine de proximitéCe n’est que quelques semaines après avoir confié au président du conseil national de l’ordre des médecins une mission sur les possibles évolutions de la médecine libérale que le chef de l’État a annoncé avoir décidé d’en confier une autre à Élisabeth Hubert sur la médecine de proximité. Pour Nicolas Sarkozy, en déplacement dans une maison médicale à Livry-Gargan en Seine-Saint-Denis, à douze kilomètres au nord-est de Paris, lieu même où ont commencé les émeutes urbaines de novembre 2005, et justement au lendemain de la parution des Atlas régionaux de la démographie médicale, « il n’est pas acceptable qu’il y ait des quartiers à sur-densité médicale et des départements entiers à sous-densité médicale ». « Dans un département comme le département de la Seine-Saint-Denis, en 10 ans il y a eu 300 médecins généralistes de moins », et le président de la République de vouloir « apporter des réponses structurelles au malaise de la médecine de proximité ». Il faut dire que la Seine-Saint-Denis n’est plus le havre de paix où aimait venir se reposer Madame de Sévigné…

Choix politique, c’est donc à l’ancien ministre de la santé du premier gouvernement d’Alain Juppé, Élisabeth Hubert, en poste au moment de la fameuse réforme de la Sécurité sociale à coups d’ordonnances, médecin de formation et ancien directeur des Laboratoires Fournier, que le chef de l’État a choisi de s’en remettre pour brosser le tableau de ce qui pourrait bien être la fin de la liberté d’installation. L’enjeu : imposer aux jeunes (et aux moins jeunes) médecins un exercice dans les banlieues, plus encore que dans les campagnes. Appelée de leurs voeux par de nombreux praticiens installés de longue date et proches de la retraite, qui voient là un moyen de valoriser leur cabinet en se moquant bien de l’avenir de leurs jeunes confrères tout juste bon à courber l’échine pour pallier l’incurie de leurs aînés, la suppression de la liberté d’installation ne devrait pas être trop difficile à mettre en musique. Même si le Chef de l’État parle des dégâts causés par le numerus clausus et d’une réforme de la formation des médecins, c’est bien d’un des piliers du système de santé actuel dont il est question et d’une liberté de plus que l’on aimerait voir disparaître.

Cette mission « va s’étaler entre le mois de mai et le mois de septembre » et devra « proposer des mesures structurelles de façon à ce qu’il y ait à nouveau des jeunes qui souhaitent épouser la carrière de généraliste ».

Qu’en sera-t-il vraiment ? Il s’agit d’un thème politique récurrent, médiatiquement porteur et relancé chaque année quelques jours après la parution de l’Atlas de la démographie médicale par le conseil national de l’ordre des médecins. La crise de la médecine libérale est profonde et l’on voit que l’on cherche habilement à la dissocier de celle de la médecine de proximité. Reste à voir comment il sera possible d’imposer à des étudiants, au terme de leur long apprentissage durant lequel ils font déjà de nombreux sacrifices, d’aller s’installer dans des banlieues censées devoir être nettoyées « au kärcher » depuis quelques années, sans les détourner un peu plus de l’exercice libéral…

La retraite des médecins compromise ?

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Des retraités se promènentAlors qu’il est question de discuter d’une réforme des régimes de retraite à l’automne, Gérard Maudrux, président de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), organisme imposé aux praticiens conventionnés exerçant en France, a adressé à ses adhérents en ce début d’année un courrier qui donne à réfléchir.

Gérard Maudrux compare dans cette lettre la mafia des Pays baltes à l’État français. Cette idée lui est venue après avoir participé à un repas au cours duquel un entrepreneur se voyait reprocher d’avoir pris un risque en installant sa société dans l’un de ces nouveaux pays de nord de l’Union européenne, sachant que pour y travailler il était indispensable de verser son obole à la mafia locale. Ce chef d’entreprise aurait répondu : « Effectivement, je dois payer la mafia pour pouvoir travailler, mais je vais t’expliquer comment cela fonctionne en pratique. Tous les mois ils viennent me voir pour me demander si tout va bien, pour savoir s’ils peuvent faire quelque chose pour moi, pour me faciliter la tâche, pour m’aider à augmenter ma production. À l’inverse, vous en France, au lieu de la mafia, vous avez un État, qui vous prend deux à trois fois plus, et qui en échange fait tout ce qu’il peut pour vous empêcher de travailler. »

Il est peu probable que Gérard Maudrux ait relaté de tels propos en croyant à l’angélisme d’une quelconque mafia, mais cette réflexion reflète le ressenti qu’ont de nombreux praticiens à l’égard du système actuel, qu’il soit de retraite ou de soins. Et les médecins ne sont pas les seuls à partager ce sentiment, semble-t-il.
Les charges sociales ne cessent d’augmenter, bien plus rapidement que les revenus malgré une explosion du coût de la vie, bien mal dissimulée par les chiffres officiels, et le système de retraite, imposé au nom d’une solidarité nationale en trompe-l’oeil, ne survivra pas à la pénurie d’actifs prévue dans quelques années.

« Le régime de base est pillé par une compensation démesurée qui va dépasser 65 % de nos prestations (+ 26 % prévu pour cette année), au nom d’une solidarité que l’on a du mal à saisir quand les hommes de l’État, politiques, fonctionnaires, services publics en sont pour la presque totalité dispensés », explique le président de la CARMF. Les prestations diminuent et les coûts augmentent…

Un discours très éloigné du « politiquement correct » habituel. Une raison d’espérer ?

Aucun lien entre le tabac et le cancer

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Les poumons des fumeursC’est le 2 novembre 2009 que le chef de l’État a présenté un nouveau plan cancer. Alors que le déficit budgétaire s’élèvera à plus de 117 milliards d’euros en 2010 d’après la loi de finances, le président de la République a annoncé que 750 millions d’euros seraient consacrés à des dépenses nouvelles sur 4 ans (soit moins de 200 millions par an) en matière de cancer. Trois objectifs : l’excellence des soins ; réduire les inégalités face à la maladie ; vivre après le cancer.
20 % de spécialistes en plus en oncologie, en radiothérapie ou en hématologie à l’horizon 2013, telle est l’une des volontés affichées de ce plan cancer. 15 % du budget de la recherche devrait être alloué à l’étude des risques environnementaux afin de mieux appréhender les risques émergents.

C’est pour cette raison que quand, tout juste une semaine plus tard, le gouvernement et les députés de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), sous la bannière du Président, font bloc pour que la hausse du tabac soit limitée à 6 %, alors que seule une augmentation de 10 % a un véritable impact en santé publique, il est logique de penser que le tabac et le cancer ne doivent pas être liés. À moins que certains ne pensent qu’il est plus intéressant de collecter les taxes sur le tabac ou les bénéfices sur les ventes plutôt que d’éviter aux citoyens d’avoir un cancer, et que d’autres estiment qu’il est bon pour l’emploi au sein de l’industrie pharmaceutique de pouvoir continuer à vendre de coûteuses chimiothérapies, il y a des décisions difficiles à comprendre.
La répartition des recettes liées à cette augmentation du prix du tabac est intéressante : 80 % pour l’État ; 11 à 12 % pour les fabricants, satisfaits par cette décision, ce que l’on peut comprendre en cette période de crise pour les ménages et de nombreuses petites et moyennes entreprises ; 6 % pour les buralistes, dont le chiffre d’affaires a augmenté depuis 2004, et le reste pour la société qui distribue le tabac.
Cette hausse représente 50 millions d’euros pour les buralistes, en plus des 162 millions reçus chaque année au titre du contrat d’avenir. Sur quatre ans, s’il n’y a pas de nouvelle hausse d’ici là, cela représente 698 millions d’euros…

Il y a d’autres raisons de croire que le tabac et le cancer, ou la santé tout simplement, ne sont pas liés : les avis du ministre de la santé, Roselyne Bachelot, ne sont pas suivis. Elle souhaitait une augmentation du prix du tabac de 10 %, c’est le chiffre de 6 % qui a été retenu. Elle souhaitait des photos-chocs de grande taille sur les deux faces des paquets de cigarettes, ce n’est qu’une image de petite taille sur le seul verso du paquet qui sera présente.
Le président de la République aime à donner la France en exemple quand elle fait mieux que ces voisins, mais pour le tabac, il semble préférer que l’Hexagone fasse tout simplement la même chose que les autres états membres… Encore une fois, pas question de mécontenter le « premier réseau français de service de proximité », comme aiment à se faire appeler les buralistes. Alors que les émissions de décoration d’intérieur font fureur, ces commerçants ne voulaient pas voir leurs rayonnages ressembler « à des salles mortuaires ». On ne sait jamais, cela aurait pu faire chuter leurs ventes, peu importe l’épidémie de tabagisme

Pour la grippe A, il n’aura fallu que l’avis de quelques experts, dont les déclarations d’intérêts étaient, pour certains, confuses au moment du choix, pour débloquer un milliard d’euros pour une maladie infectieuse que l’on a très vite su moins meurtrière que la grippe saisonnière. Pour le cancer, dont les facteurs de risque et la mortalité sont documentés depuis de nombreuses années, 750 millions d’euros sur quatre ans seront suffisants…