Fin des restrictions sur la vente par Internet des médicaments non soumis à prescription

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique Jurisprudences

Dans le cadre du renforcement de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement des médicaments, de l’encadrement de la vente de médicaments sur internet et de la lutte contre la falsification de médicaments, François Hollande a signé le 19 décembre 2012 l’ordonnance no 2012-1427. Ce texte avait pour but, entre autres, de mettre un peu d’ordre dans le commerce électronique de médicaments par une pharmacie d’officine et ajoutait un nouveau chapitre au Code de la santé publique à cet effet, au prétexte de transposer en droit français la directive 2011/62/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 ayant modifié, en ce qui concerne la prévention de l’introduction de médicaments falsifiés dans la chaîne d’approvisionnement légale, la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain. C’est dans ce cadre que l’article L 5125-34 prévoyait que « seuls peuvent faire l’objet de l’activité de commerce électronique les médicaments de médication officinale qui peuvent être présentés en accès direct au public en officine » ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché ou un des enregistrements prévus par le code de la santé publique pour certains médicaments homéopathiques ou traditionnels à base de plantes. Ce texte interdisait donc à un pharmacien installé en France de vendre tous les médicaments non soumis à prescription par le biais d’un site Internet, seule la vente de certains d’entre eux lui était autorisée.

ePharmacie

Si une partie des pharmaciens voyait dans cette décision un gage de sécurité dans un marché du médicament sujet à bien des controverses, une autre y voyait une atteinte à la liberté du commerce et un frein face à la concurrence, alors même qu’elle avait déjà investi dans l’ePhamarcie et ouvert des sites de vente en ligne. Dans ces conditions, c’est donc fort logiquement qu’un pharmacien basé à Caen, détenteur d’un tel site dont 58 % du chiffre d’affaires reposait sur des médicaments non soumis à prescription obligatoire, mais ne figurant pas sur la liste des médicaments en accès libre, a saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une demande de suspension de l’exécution des dispositions de l’ordonnance du 19 décembre 2012.

Dans une ordonnance du 14 février 2013, le juge des référés du Conseil d’État a considéré « qu’est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de ces dispositions le moyen tiré de ce qu’elles méconnaissent le droit de l’Union européenne en ne limitant pas aux seuls médicaments soumis à prescription obligatoire l’interdiction de vente par internet. Il estime par ailleurs qu’eu égard au préjudice que ces dispositions sont de nature à faire subir au requérant et à l’intérêt public de faire cesser immédiatement l’atteinte portée aux droits conférés par le droit de l’Union européenne, l’urgence justifie la mesure de suspension demandée. Il ordonne donc cette suspension », comme le précise un communiqué de la haute juridiction.

Suite à cette décision, tous les médicaments non soumis à prescription peuvent maintenant être vendus par le site Internet d’un pharmacien installé en France. Concernant les médicaments soumis à prescription, l’ordonnance du Conseil d’État ne remet pas en cause « la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, notamment son arrêt C-322/01 du 11 décembre 2003 », qui veut que les États membres ne puissent exclure de la vente à distance au public au moyen de services de la société de l’information que les médicaments soumis à prescription. Si les États membres peuvent autoriser leurs pharmaciens à vendre les médicaments soumis à prescription, il n’est pas question de l’imposer aux États qui s’y refusent.

Dans le même temps, le juge des référés du Conseil d’État n’a pas suspendu les nouvelles dispositions liées à l’introduction de l’article L 5125-36 du code de la santé publique, qui soumet à autorisation du directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétente la création d’un site internet de commerce électronique de médicaments par une officine de pharmacie.
Malgré cette mesure, il est fort probable que le nombre de sites français de vente de médicaments augmente de façon importante dans les mois qui viennent. Pour s’en convaincre, il suffit de voir que le pharmacien à l’origine de l’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État a indiqué que son activité de vente de médicaments en ligne, a connu, depuis novembre 2012, date de sa création, un développement constant et rapide. En décembre 2012, 767 commandes ont été effectuées à distance pour un chiffre d’affaires de 37 000 euros environ ; en janvier 2013, 1569 commandes ont été passées pour un chiffre d’affaires de près de 83 000 euros. Des résultats qui devraient attiser bien la convoitise…

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