Études de médecine à l’étranger : les restrictions pour passer l’ECN annulées

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Actualités, Jurisprudences

En août 2011, le décret no 2011-954 du 10 août 2011 modifiait certaines dispositions relatives au troisième cycle des études médicales. Suite à ce texte, nul ne pouvait « se présenter aux épreuves donnant accès au troisième cycle des études médicales s’il a épuisé les possibilités d’être admis à suivre des études médicales en France […] et à les poursuivre en application de la réglementation relative aux premier et deuxième cycles des études médicales ». Il s’agissait là d’éviter que des étudiants désireux de devenir médecin, mais ayant échoué à plusieurs reprises en première année en France, puissent aller se former hors de l’Hexagone avant de revenir quelques années plus tard leur cursus sur le territoire national et obtenir un diplôme de médecine français.

Voyageurs en transit

Sachant que « nul ne peut être autorisé à prendre plus de deux inscriptions en première année des études de santé, sauf dérogation accordée par le président de l’université sur proposition du ou des directeurs des unités de formation et de recherche de santé concernés », les candidats qui n’avaient pas réussi à deux reprises (exceptionnellement trois) à figurer en rang utile sur la liste de classement correspondant à la filière médicale à la fin de la première année commune des études de santé (PACES), malgré l’augmentation régulière du numerus clausus, n’étaient plus autorisés à se présenter à l’épreuve classante nationale (ECN), examen ayant remplacé le concours de l’Internat, afin d’accéder au troisième cycle des études médicales en France.

Face à ces dispositions qui risquaient de compromettre une partie du recrutement de certaines universités étrangères et de pénaliser des étudiants ayant échoué en France, mais prêts à partir se former dans un autre pays de l’Union européenne, l’opposition à ce texte s’est rapidement organisée et il n’aura pas fallu longtemps à l’association Corporation Médecine CLUJ pour déposer une requête au secrétariat du contentieux du Conseil d’État demandant l’annulation pour excès de pouvoir des passages du décret prévoyant l’interdiction de se présenter à l’ECN.
Cette association ayant, « selon ses statuts, pour objet de défendre les intérêts des étudiants francophones de médecine à l’université de médecine et de pharmacie Iuliu Hatieganu Cluj-Napoca, sans que cet objet soit limité dans le temps ; que, par suite, cette association défendant, en particulier, la possibilité, que viennent restreindre les dispositions attaquées, pour les étudiants francophones suivant un cursus de médecine dans cette université de s’inscrire à l’internat de médecine en France », le Conseil d’État a considéré qu’elle justifiait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir.

Après avoir examiné la requête, le Conseil d’État a reconnu le 23 janvier 2013 (décision no 353300, 353350), au regard du code de l’éducation (art. L 632-2), que les étudiants qui ont validé, soit le deuxième cycle accompli en France, soit une formation médicale de base d’au moins six ans acquise dans un État membre de l’Union européenne, un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la Confédération suisse ou la Principauté d’Andorre conformément à l’article 24 de la directive 2005/36 du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, doivent disposer d’un droit égal d’accéder au troisième cycle.
Partant de ce principe, les dispositions attaquées représentaient bien « une différence de traitement entre les étudiants qui ont accompli la totalité de leur formation dans l’un des États mentionnés ci-dessus, sans, le cas échéant, de condition limitative en ce qui concerne les possibilités de redoublement, et ceux qui, ayant commencé leur formation en France et ayant épuisé les possibilités d’être admis en deuxième année, ont poursuivi leur formation et l’ont achevée dans l’un de ces États ». Cette différence de traitement n’étant pas « fondée sur la différence de situation existant entre ces étudiants au regard du niveau de diplôme exigé pour se présenter au troisième cycle d’études médicales mais sur les conditions de déroulement du premier cycle de ces études » et n’étant pas expliquée par « un intérêt général lié à la politique de santé publique suffisant pour justifier légalement la distinction établie par la disposition litigieuse », elle méconnaissait le principe d’égalité. En conséquence, les dispositions litigieuses du décret ont été annulées.

Il est donc à nouveau possible d’avoir échoué deux fois en première année commune des études de santé à faire médecine, d’aller effectuer les deux premiers cycles de ces études à l’étranger et de se présenter à l’épreuve classante nationale afin de réaliser le troisième cycle en France. Les filières médicales en Roumanie, en Croatie ou des initiatives comme celle basée dans le sud de la France pour obtenir un diplôme de pharmacien, de chirurgien-dentiste, d’orthophoniste ou de nutritionniste, ont encore de beaux jours devant elles…

Tags :, , ,



Laisser un commentaire

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.