Site Internet d’un médecin, d’un chirurgien-dentiste ou d’une sage-femme : où commence la publicité ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Si je suis médecin, chirurgien-dentiste ou sage-femme, à partir de quel moment risque-t-on de me reprocher d’utiliser le site Internet que j’ai créé pour me faire de la publicité ? Voilà une question que se posent encore fréquemment les membres des professions médicales reconnues par le code de la santé publique (CSP). La réponse à cette question a pourtant été donnée depuis près d’un an par le Conseil d’État dans une décision concernant le site Internet un chirurgien-dentiste.

Médecin et ordinateur

Le 27 avril 2012 (réf. no 348259), les 4e et 5e sections du Conseil d’État réunies ont estimé que, si un chirurgien-dentiste pouvait bien ouvrir un site Internet à titre professionnel, ce site ne devait pas constituer un élément de publicité et de valorisation personnelles du praticien et de son cabinet au regard des interdictions relatives à la publicité lui étant imposées par son code de déontologie.

Pour le Conseil d’État, le site Internet d’un chirurgien-dentiste ne peut comporter que des informations médicales à caractère objectif et à finalité scientifique, préventive ou pédagogique, outre les indications expressément mentionnées dans le code de la santé publique. En effet, selon l’article R 4127-215 du CSP : « La profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce. / Sont notamment interdits : […] 3° Tous procédés directs ou indirects de publicité ; / 4° Les manifestations spectaculaires touchant à l’art dentaire et n’ayant pas exclusivement un but scientifique ou éducatif. […] » ; qu’aux termes de l’article R 4127-225 du même code : « […] Sont également interdites toute publicité, toute réclame personnelle ou intéressant un tiers ou une firme quelconque » ; qu’enfin, les articles R 4127-216 à R 4127-219 du même code précisent les indications que le chirurgien-dentiste est autorisé à faire figurer sur ses imprimés professionnels, dans un annuaire, sur une plaque professionnelle ou dans un communiqué public.

Le chirurgien-dentiste, qui « avait publié sur un site internet des éléments en vue de présenter son cabinet mettant en avant son profil personnel, des réalisations opérées sur des patients, les soins qu’il prodigue et les spécialités dont il se recommande », a donc bien fini par être condamné à une une interdiction temporaire d’exercer la profession de chirurgien-dentiste avec sursis.

Suite à cette affaire, en août 2012, l’Ordre national des chirurgiens-dentistes a publié une nouvelle version de sa Charte ordinale applicable aux sites Internet professionnels des chirurgiens-dentistes. Ce document se fonde « sur les dispositions du code de la santé publique, du code de déontologie des chirurgiens-dentistes et sur les données apportées par le suivi des sites déjà créés par et pour les chirurgiens-dentistes, le conseil national de l’Ordre, dans le cadre de sa mission de protection de la santé publique et des patients, a décidé d’une charte applicable à ces sites.
Cette charte intègre les règles du code de déontologie. Qui la respecte se met à l’abri de poursuites disciplinaires initiées par l’Ordre.
La charte s’applique au site Internet de tout chirurgien-dentiste, personne physique ou morale, inscrit au tableau de l’Ordre. »

Fort de la décision du Conseil d’État, le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) indique dans les commentaires de l’article 11 du code de déontologie relatif à la profession dont il a la charge (art. R 4127-19 du CSP) qu’« un site Internet qui met en avant le profil personnel du praticien, des réalisations opérées sur des patients, les soins qu’il prodigue et les spécialités dont il se recommande et excèdent de simples informations objectives constitue une présentation publicitaire du cabinet, constitutive d’un manquement aux devoirs déontologiques ». Il est important de savoir que la décision du Conseil d’État étant postérieure à la rédaction du livre blanc du CNOM intitulé Déontologie médicale sur le web, ouvrage de référence sur la question, et à la Charte de conformité ordinale applicable aux sites web des médecins, ces précisions n’y figurent pas.

Concernant la profession de sage-femme, le décret no 2012-881 du 17 juillet 2012 a modifié l’article R 4127-310 du CSP comme suit :
« La profession de sage-femme ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
Sont interdits les procédés directs ou indirects de publicité et, notamment, tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale.
Ne constitue pas une publicité au sens de cet article, la diffusion directe ou indirecte, notamment sur un site Internet, de données informatives et objectives, qui, soit présentent un caractère éducatif ou sanitaire, soit figurent parmi les mentions légales autorisées ou prescrites par les articles R 4127-339 à R 4127-341, soit sont relatives aux conditions d’accès au lieu d’exercice ou aux contacts possibles en cas d’urgence ou d’absence du professionnel. Cette diffusion d’information fait préalablement l’objet d’une communication au conseil départemental de l’ordre.
Le conseil national de l’ordre émet, dans ce domaine, des recommandations de bonnes pratiques et veille au respect des principes déontologiques. »

Comment ne pas sourire en voyant que l’on veut obliger les professionnels à communiquer à leur ordre toutes les données figurant sur leur site Internet, comme c’est déjà le cas pour les sages-femmes ? Sans compter qu’il n’y a pas de raison pour que les mises à jour échappent à la règle. À quoi bon communiquer si ces informations ne sont pas contrôlées ; cela signifie que le personnel des conseils départementaux va passer son temps à surfer sur le Net ? Il y a des décrets qui semblent parfois bien éloigné des réalités du terrain…

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