Évolution de la définition du préjudice d’agrément

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique Jurisprudences

Kit de premiers secoursLorsqu’il existe des séquelles d’un accident du travail, la victime perçoit une rente d’incapacité permanente partielle dont le montant est fixé par le médecin-conseil de la Sécurité sociale. Pour fixer ce taux, ce dernier prend en compte les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle de l’incapacité et le déficit fonctionnel permanent.

Si la faute inexcusable de l’employeur est établie, la victime peut alors obtenir une majoration de cette rente, mais également la réparation de plusieurs préjudices listés par l’article L 452-3 du code de la Sécurité sociale : le préjudice causé par les souffrances physique et morale ; les préjudices esthétiques et d’agrément ; le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

Dans un arrêt du 9 juillet 2009 (pourvoi no 08-11804 08-12113), la Cour de cassation avait précisé que cette liste fixée par l’article L 452-3 du code de la Sécurité sociale était limitative. Par conséquent, le préjudice sexuel n’avait pas à être indemnisé n’étant pas listé dans cet article. « Alors qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime d’un accident du travail a le droit de demander à l’employeur, indépendamment de la majoration de la rente qu’elle reçoit, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales, celle de ses préjudices esthétique et d’agrément, ainsi que la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; que cette liste est limitative, les autres chefs de préjudice étant déjà réparés par la rente accident du travail ; que la cour d’appel, qui a fixé le préjudice de M. X… en lui allouant des indemnités au titre du préjudice sexuel, du préjudice résultant de son handicap dans tous les actes de la vie courante de la date de l’accident jusqu’au jour de la consolidation, ainsi qu’au titre du préjudice résultant de la perte de salaires et de primes, et du préjudice résultant de l’incapacité permanente partielle et de l’incidence professionnelle, a violé l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L 751-9 du code rural. »

Depuis quelques mois, par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation inclut dans les préjudices d’agrément à la fois les difficultés ressenties dans la pratique d’activités ludiques ou sportives (déjà admis par la Cour de cassation dans une jurisprudence de 1998, pourvoi no 97-17333), mais également les préjudices de nature sexuelle, alors que l’indemnisation de ces derniers avait été écartée en 2009.
Dans un premier arrêt du 2 avril 2010 (pourvoi no 09-14047), la Cour de cassation juge que la cour d’appel a violé le code de la Sécurité sociale en indemnisant d’une part le préjudice d’agrément et d’autre part le préjudice sexuel, la victime de l’accident prétendant ne plus avoir de relations sexuelles en raison de l’accident du travail en décidant qu’ « au sens de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, le préjudice d’agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d’existence, notamment le préjudice sexuel ».
Dans un second arrêt du 2 avril 2010 (pourvoi no 09-11634), la Cour décide qu’ « au sens de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, le préjudice d’agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d’existence ; […] ayant relevé que M. X… soutenait qu’il ne pouvait plus s’adonner au vélo et à la boxe anglaise qu’il pratiquait auparavant, en raison d’une diminution de la force musculaire et de la sensibilité de son avant-bras, l’arrêt retient que les séquelles qu’il présente handicapent les activités ludiques, sportives ou occupationnelles auxquelles peut normalement prétendre tout homme de son âge et constituent un handicap, voire un obstacle, aux actes les plus courants de la vie quotidienne, définissant une atteinte constante à la qualité de la vie »

Le préjudice d’agrément est donc maintenant celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d’existence, notamment la capacité à pratiquer l’acte sexuel ou à avoir une activité ludique ou sportive. Le préjudice sexuel n’est pas distinct du préjudice d’agrément, il en fait partie.

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