Le Conseil d’État oblige le directeur de l’UNCAM à revoir sa copie concernant la contribution forfaitaire sur les feuilles de soins papier

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carte de santé électroniqueC’est au plus grand désarroi des professionnels de santé que le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) avait rendu le 19 mars 2010 une décision fixant le montant de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels, organismes ou établissements qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes, produits ou prestations aux organismes d’assurance maladie obligatoire. Il s’agissait là d’une décision prise en application de l’article L 161-35 du code de la santé publique qui prévoit que « les professionnels, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables par l’assurance maladie, qui n’assurent pas une transmission électronique, acquittent une contribution forfaitaire aux frais de gestion. Le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie […] fixe le montant de cette contribution forfaitaire. Cette somme, assimilée pour son recouvrement à une cotisation de sécurité sociale, est versée à l’organisme qui fournit lesdits documents. »

Pour les chantres des économies de santé et pour les personnels de l’UNCAM, la télétransmission est présentée depuis longtemps comme la solution idéale pour le remboursement des frais engagés par les patients. Personne ne conteste qu’il s’agit d’un système simplifiant la vie de l’assuré qui n’a plus à compléter une feuille de soins qu’il doit ensuite adresser à son organisme d’assurance-maladie. Cette procédure lui permettant d’être remboursé plus rapidement, elle est bien souvent appréciée par le patient. Mais il faut reconnaître que si elle est mise en avant par les services de la Sécurité sociale, c’est aussi parce qu’elle a de gros avantages pour ces derniers. Le traitement d’une feuille papier est bien plus lourd que celui d’une feuille de soins électronique et, en cette période de déficit chronique de l’assurance-maladie, pouvoir réduire le nombre d’agents chargés de ce travail n’est pas chose négligeable. D’autant que si un problème survient à l’occasion du remboursement, c’est en premier vers le praticien qui a pris la carte vitale et assuré la télétransmission que le patient se tourne, allégeant ainsi la charge des personnels d’accueil des caisses. Les récriminations iront d’abord au secrétariat ou au praticien lui-même avant d’arriver de façon atténuée aux guichets des organismes sociaux.
Outre le fait de devoir investir dans du matériel non standardisé, spécifique à la télétransmission, associé à un onéreux contrat de maintenance, les praticiens ont de nombreux reproches à faire à ce système et ils n’y ont pas tous adhéré de gaîté de coeur. Même ceux qui ont été parmi les plus motivés sont bien souvent confrontés à de multiples problèmes et acceptent mal que le manque de responsabilisation de l’usager et la stigmatisation dont ils ont l’impression de faire l’objet de la part des caisses d’assurance maladie viennent refroidir leurs ardeurs à poursuivre sur le chemin de la télétransmission. En effet, comment ne pas être étonné qu’un médecin puisse être pénalisé parce que le patient a oublié sa carte vitale nécessaire à l’élaboration de la feuille de soins électronique ? Comment comprendre qu’un praticien, qui est souffrant et qui doit s’en remettre à un remplaçant pour assurer la continuité du service durant parfois plusieurs mois en raison de l’affection grave, dont il est atteint puisse être sanctionné du fait de l’utilisation de feuilles de soins papier par son confrère venu éviter la fermeture du cabinet ? Comment expliquer que de nombreux concepteurs de logiciels médicaux n’aient pas développé de solution de télétransmission faute d’un cahier des charges stable privant ainsi le médecin de solutions adaptées ou que les matériels proposés n’acceptent pas la carte professionnelle d’un remplaçant ? Comment accepter que des services de l’assurance-maladie conseillent aux praticiens de laisser leur carte de professionnel de santé (CPS) à leur remplaçant pour qu’il puisse télétransmettre en parfaite contradiction avec le principe voulant que cette carte soit personnelle, poussant ainsi les médecins à agir de façon illégale ?

Il est évident que, dans un tel contexte, la décision du directeur général de l’UNCAM du 19 mars 2010 prévoyant une sanction financière de 50 centimes d’euros pour les professionnels de santé utilisant des feuilles de soins papier pour plus de 25 % des actes réalisés sur une année ne pouvait ressentie que comme une injustice par les médecins « de base ». Alors que les grandes centrales syndicales médicales, censées pourtant les représenter, semblaient résolues à accepter ce qu’elles avaient peut-être négocié officieusement, c’est un syndicat régional qui a attaqué cette décision. Bien lui en a pris puisque le Conseil d’État lui a donné raison le 7 avril 2011 après avoir estimé que le directeur général de l’UNCAM avait outrepassé les droits que lui confère la loi en imposant que cette contribution forfaitaire soit appliquée aux supports de facturation établis sur papier à l’exclusion des supports concernant les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, les nourrissons de moins de trois mois et les prestations de soins effectuées dans leur totalité hors de la présence du patient ; en déterminant les catégories de professionnels et organismes débiteurs ou en décidant que la notification de la contribution est effectuée par la CPAM au 1er juillet de l’année suivante, la contribution étant exigible au 1er septembre.

Si l’obligation d’être en mesure de télétransmettre pour les professionnels de santé est toujours d’actualité, la menace des sanctions pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas utiliser ce système pour la majorité de leurs actes est une nouvelle fois repoussée. Bien malin celui qui est en mesure de dire quand et comment cette situation évoluera dans l’immédiat. Les échéances électorales qui approchent ne vont pas être propices à de nouvelles sanctions, surtout dans des domaines où les praticiens ont l’impression que les intérêts des personnels de l’assurance-maladie passent bien avant les leurs ou ceux des patients…

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