Les recommandations HAS remises dans le droit chemin

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Jurisprudences

Chemin baliséQui aurait pu croire il y a encore quelques mois que les effets secondaires du Mediator affecteraient le président de la Haute Autorité de santé (HAS) ou, tout du moins, ses décisions ? Qui aurait pu imaginer que les « recommandations » de bonne pratique de cette instance officielle, imposées à tous les médecins dans un but d’uniformiser les dépenses de santé, sous couvert d’améliorer la qualité de la prise en charge en méprisant l’unicité de chaque patient, et reconnues par le Conseil d’État comme opposables aux praticiens, ne s’appuyaient pas toujours sur des fondements scientifiques transparents ? Qui aurait pu douter de la détermination des experts à faire passer l’intérêt des patients avant celui de l’industrie ou d’un besoin de reconnaissance que chacun trouve légitime ? Pas grand monde, si ce n’est quelques rares médecins qui semblent avoir continué à faire leur l’un des préceptes de leur Art, garder l’esprit critique, plutôt que de sombrer dans le conformisme bien pensant par facilité, par compromission ou au nom de la sauvegarde du spectre de notre système de protection sociale…

C’est en 2009, bien avant que n’éclate le scandale du Mediator, que le Formindep, association pour une formation médicale indépendante, a déposé un recours en Conseil d’État contre le refus par le président de la HAS d’abroger deux recommandations émises par ses services, la première concernant le traitement du diabète de type 2 et la seconde la maladie d’Alzheimer, pour non-respect des règles de déclaration de liens d’intérêts des experts les ayant établies. Un combat qui valait la peine d’être mené puisque le 27 avril 2011, le Conseil d’État a annulé la décision par laquelle le président de la Haute Autorité de santé a refusé d’abroger la recommandation intitulée Traitement médicamenteux du diabète de type 2 et l’a contrait à abroger cette recommandation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision. En ce faisant, le Conseil d’État a reconnu que « la recommandation litigieuse a été élaborée en méconnaissance du principe d’impartialité dont s’inspirent les dispositions rappelées ci-dessus [article L 161-44 du code de la Sécurité sociale et L 5323-4 du code de la santé publique, NDLR], en raison de la présence, au sein du groupe de travail chargé de sa rédaction, d’experts médicaux apportant un concours occasionnel à la Haute Autorité de santé ainsi que d’agents de la Haute Autorité de santé et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui entretenaient avec des entreprises pharmaceutiques des liens de nature à caractériser des situations prohibées de conflit d’intérêts ».

Suite à ce camouflet et alors qu’une décision était attendue pour la recommandation Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, le président de la HAS a préféré couper court aux critiques. Dans un communiqué du 20 mai 2011, la HAS précise qu’elle retire cette recommandation de bonne pratique « dans un contexte d’exigence accrue en matière d’indépendance et de transparence des institutions et afin de restaurer la confiance avec les usagers du système de soins ». Prenant acte de la décision du Conseil d’État, la HAS décide par ailleurs de lancer l’analyse de toutes les recommandations élaborées entre 2005 et 2010 pour vérifier qu’elles sont conformes aux règles en matière de déclarations publiques d’intérêt. Cette mission est confiée au groupe Déontologie et Indépendance de l’expertise de la HAS présidée par Christian Vigouroux, conseiller d’État. La HAS suivra les conclusions de cette mission et s’engage à retirer immédiatement les recommandations qui seraient concernées et à réinscrire les thèmes à son programme de travail. » Il est aussi question d’un audit externe de ses procédures de gestion des conflits d’intérêts en 2012.

La décision du Conseil d’État a un autre intérêt, celui de préciser le rôle des recommandations de bonne pratique. Il considère que ces dernières « ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en oeuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ». Il estime aussi « qu’eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».

Malgré tout, les recommandations de bonne pratique ont encore de belles années devant elles. Beaucoup de médecins en redemandent, car il est plus simple de suivre une recette universelle toute faite que d’élaborer un diagnostic en tenant compte des spécificités de chaque patient, surtout quand cette réflexion chronophage, pourtant salutaire au malade, leur attire les foudres de l’assurance-maladie.
Les professions paramédicales en redemandent elles aussi. À l’heure où la délégation des tâches est portée aux nues, mieux vaut disposer de conduites à tenir élaborées par des experts pour pouvoir jouer au docteur sans trop engager sa responsabilité.
Les juristes en sont friands, habitués qu’ils sont aux normes, les utilisant pour faire condamner, plus souvent que pour défendre, les praticiens faisant preuve de sens critique (ou d’incompétence).
L’industrie les réclame, puisqu’elle ne doute pas un seul instant de réussir à nouveau à influencer d’une façon ou d’une autre leur contenu d’ici quelques mois.
La Sécurité sociale, les complémentaires santé et les décideurs, enfin, qui voient en elles un formidable frein aux dépenses de santé et la mise sous coupe réglée des professionnels de santé.
Médecine et indépendance ne sont décidément pas prêtes à ne plus être antinomiques…

Le Conseil d’État oblige le directeur de l’UNCAM à revoir sa copie concernant la contribution forfaitaire sur les feuilles de soins papier

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carte de santé électroniqueC’est au plus grand désarroi des professionnels de santé que le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) avait rendu le 19 mars 2010 une décision fixant le montant de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels, organismes ou établissements qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes, produits ou prestations aux organismes d’assurance maladie obligatoire. Il s’agissait là d’une décision prise en application de l’article L 161-35 du code de la santé publique qui prévoit que « les professionnels, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables par l’assurance maladie, qui n’assurent pas une transmission électronique, acquittent une contribution forfaitaire aux frais de gestion. Le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie […] fixe le montant de cette contribution forfaitaire. Cette somme, assimilée pour son recouvrement à une cotisation de sécurité sociale, est versée à l’organisme qui fournit lesdits documents. »

Pour les chantres des économies de santé et pour les personnels de l’UNCAM, la télétransmission est présentée depuis longtemps comme la solution idéale pour le remboursement des frais engagés par les patients. Personne ne conteste qu’il s’agit d’un système simplifiant la vie de l’assuré qui n’a plus à compléter une feuille de soins qu’il doit ensuite adresser à son organisme d’assurance-maladie. Cette procédure lui permettant d’être remboursé plus rapidement, elle est bien souvent appréciée par le patient. Mais il faut reconnaître que si elle est mise en avant par les services de la Sécurité sociale, c’est aussi parce qu’elle a de gros avantages pour ces derniers. Le traitement d’une feuille papier est bien plus lourd que celui d’une feuille de soins électronique et, en cette période de déficit chronique de l’assurance-maladie, pouvoir réduire le nombre d’agents chargés de ce travail n’est pas chose négligeable. D’autant que si un problème survient à l’occasion du remboursement, c’est en premier vers le praticien qui a pris la carte vitale et assuré la télétransmission que le patient se tourne, allégeant ainsi la charge des personnels d’accueil des caisses. Les récriminations iront d’abord au secrétariat ou au praticien lui-même avant d’arriver de façon atténuée aux guichets des organismes sociaux.
Outre le fait de devoir investir dans du matériel non standardisé, spécifique à la télétransmission, associé à un onéreux contrat de maintenance, les praticiens ont de nombreux reproches à faire à ce système et ils n’y ont pas tous adhéré de gaîté de coeur. Même ceux qui ont été parmi les plus motivés sont bien souvent confrontés à de multiples problèmes et acceptent mal que le manque de responsabilisation de l’usager et la stigmatisation dont ils ont l’impression de faire l’objet de la part des caisses d’assurance maladie viennent refroidir leurs ardeurs à poursuivre sur le chemin de la télétransmission. En effet, comment ne pas être étonné qu’un médecin puisse être pénalisé parce que le patient a oublié sa carte vitale nécessaire à l’élaboration de la feuille de soins électronique ? Comment comprendre qu’un praticien, qui est souffrant et qui doit s’en remettre à un remplaçant pour assurer la continuité du service durant parfois plusieurs mois en raison de l’affection grave, dont il est atteint puisse être sanctionné du fait de l’utilisation de feuilles de soins papier par son confrère venu éviter la fermeture du cabinet ? Comment expliquer que de nombreux concepteurs de logiciels médicaux n’aient pas développé de solution de télétransmission faute d’un cahier des charges stable privant ainsi le médecin de solutions adaptées ou que les matériels proposés n’acceptent pas la carte professionnelle d’un remplaçant ? Comment accepter que des services de l’assurance-maladie conseillent aux praticiens de laisser leur carte de professionnel de santé (CPS) à leur remplaçant pour qu’il puisse télétransmettre en parfaite contradiction avec le principe voulant que cette carte soit personnelle, poussant ainsi les médecins à agir de façon illégale ?

Il est évident que, dans un tel contexte, la décision du directeur général de l’UNCAM du 19 mars 2010 prévoyant une sanction financière de 50 centimes d’euros pour les professionnels de santé utilisant des feuilles de soins papier pour plus de 25 % des actes réalisés sur une année ne pouvait ressentie que comme une injustice par les médecins « de base ». Alors que les grandes centrales syndicales médicales, censées pourtant les représenter, semblaient résolues à accepter ce qu’elles avaient peut-être négocié officieusement, c’est un syndicat régional qui a attaqué cette décision. Bien lui en a pris puisque le Conseil d’État lui a donné raison le 7 avril 2011 après avoir estimé que le directeur général de l’UNCAM avait outrepassé les droits que lui confère la loi en imposant que cette contribution forfaitaire soit appliquée aux supports de facturation établis sur papier à l’exclusion des supports concernant les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, les nourrissons de moins de trois mois et les prestations de soins effectuées dans leur totalité hors de la présence du patient ; en déterminant les catégories de professionnels et organismes débiteurs ou en décidant que la notification de la contribution est effectuée par la CPAM au 1er juillet de l’année suivante, la contribution étant exigible au 1er septembre.

Si l’obligation d’être en mesure de télétransmettre pour les professionnels de santé est toujours d’actualité, la menace des sanctions pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas utiliser ce système pour la majorité de leurs actes est une nouvelle fois repoussée. Bien malin celui qui est en mesure de dire quand et comment cette situation évoluera dans l’immédiat. Les échéances électorales qui approchent ne vont pas être propices à de nouvelles sanctions, surtout dans des domaines où les praticiens ont l’impression que les intérêts des personnels de l’assurance-maladie passent bien avant les leurs ou ceux des patients…

Pas de sexe pour les assureurs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Variation en fonction du sexeEn octobre 2010, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait conclu qu’il était « incompatible avec les droits fondamentaux de l’Union de tenir compte du sexe de l’assuré en tant que facteur de risque dans les contrats d’assurance », avis qui n’engageait pas pour autant les juges de cette instance. Le 1er mars 2011, ces derniers ont néanmoins abondé dans le même sens que l’avocat général.

L’égalité entre les hommes et les femmes est un droit fondamental en Europe et la Cour est là pour sanctionner les discriminations directes ou indirectes en ce domaine. Peu importe le sexe d’un citoyen, l’accès à des biens et à des services et leur fourniture doit être identique pour tous. La prise en considération du critère du sexe comme facteur pour l’évaluation des risques en assurance concernant les contrats privés d’assurance vie est bien un élément discriminatoire au regard de la directive 2004/113/CE.

Pour la Cour, les droits fondamentaux au sein de l’Union européenne sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et sa Charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination fondée sur le sexe. Ces textes imposent que l’égalité entre les hommes et les femmes soit assurée dans tous les domaines.

Malgré cela, concernant les assurances et les retraites privées, volontaires et non liées à la relation de travail (celles liées au travail étant régies par des textes différents), la directive 2004/113/CE prévoit en son article 5 que :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans tous les nouveaux contrats conclus après le 21 décembre 2007 au plus tard, l’utilisation du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations aux fins des services d’assurance et des services financiers connexes n’entraîne pas, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations.
2. Nonobstant le paragraphe 1, les États membres peuvent décider avant le 21 décembre 2007 d’autoriser des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. Les États membres concernés en informent la Commission et veillent à ce que des données précises concernant l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel déterminant soient collectées, publiées et régulièrement mises à jour. Ces États membres réexaminent leur décision cinq ans après le 21 décembre 2007 en tenant compte du rapport de la Commission mentionné à l’article 16, et transmettent les résultats de ce réexamen à la Commission. »
C’est ce paragraphe 2 qui est au centre de l’affaire portée devant la Cour (nº d’affaire C-236/09).

La décision de la CJUEest claire à ce sujet : « Selon la jurisprudence constante de la Cour, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié […]
Il est constant que le but poursuivi par la directive 2004/113 dans le secteur des services d’assurance est, ainsi que le reflète son article 5, paragraphe 1, l’application de la règle des primes et des prestations unisexes. Le dix‑huitième considérant de cette directive énonce explicitement que, afin de garantir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel ne devrait pas entraîner pour les assurés de différence en matière de primes et de prestations. Le dix-neuvième considérant de ladite directive désigne la faculté accordée aux États membres de ne pas appliquer la règle des primes et des prestations unisexes comme une « dérogation ». Ainsi, la directive 2004/113 est fondée sur la prémisse selon laquelle, aux fins de l’application du principe d’égalité de traitement des femmes et des hommes consacré aux articles 21 et 23 de la charte, les situations respectives des femmes et des hommes à l’égard des primes et des prestations d’assurances contractées par eux sont comparables.
Dans ces circonstances, il existe un risque que la dérogation à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes prévue à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 soit indéfiniment permise par le droit de l’Union.
Une telle disposition, qui permet aux États membres concernés de maintenir sans limitation dans le temps une dérogation à la règle des primes et des prestations unisexes, est contraire à la réalisation de l’objectif d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes que poursuit la directive 2004/113 et incompatible avec les articles 21 et 23 de la charte.
Par conséquent, cette disposition doit être considérée comme invalide à l’expiration d’une période de transition adéquate. »
La date à laquelle le sexe ne pourra plus être utilisé par dérogation comme facteur actuariel a été fixée au 31 décembre 2012 et il est intéressant de noter que cette décision ne concerne pas que les contrats d’assurance vie, mais bien tous les contrats d’assurance.

Plusieurs assureurs interrogés par la presse suite à cette décision ont indiqué qu’elle allait avoir pour conséquence l’augmentation des primes de nombreux contrats, comme ceux concernant les jeunes conductrices qui, d’après eux, sont soumises à des tarifs moindres, les statistiques montrant qu’elles ont moins d’accidents que les jeunes conducteurs. Pas un mot sur le fait que cette mutualisation des risques puisse entraîner une baisse des primes concernant justement ces jeunes conducteurs : surprenant, non ?

Pas de dons ou de legs pour les soignants

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Prêt à signer son testamentQue l’on soit infirmier, médecin, dentiste, masseur-kinésithérapeute ou orthophoniste, il n’est pas question d’hériter ou de recevoir un don d’une personne à qui l’on a prodigué des soins pendant la maladie dont elle est morte, que ces soins aient eu pour but de la guérir ou de traiter une pathologie secondaire à celle qui l’a emportée.

Il s’agit là de l’application de l’article 909 du code civil qui concerne les membres des professions médicales (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes) et de la pharmacie (pharmaciens, préparateurs en pharmacie), ainsi que les auxiliaires médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs d’électroradiologie médicale, techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens, diététiciens, prothésistes et orthésistes pour l’appareillage des personnes handicapées). Pour les médecins, le code civil prévoit de telles mesures depuis le début du XIXe siècle, reprenant en cela ce qui était déjà communément admis sous l’Ancien Régime, comme l’expliquent les commentaires de l’article 52 du code de déontologie médicale, article inclus au code de la santé publique (nº R 4127-52) qui reprend les mesures prévues par le code civil.

Article 909 du code civil

Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.

Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité.

Sont exceptées :

1° Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus ;

2° Les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu’au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé n’ait pas d’héritiers en ligne directe ; à moins que celui au profit de qui la disposition a été faite ne soit lui-même du nombre de ces héritiers.

Les mêmes règles seront observées à l’égard du ministre du culte.

C’est sur cet article que repose la décision prise par la Cour de cassation, le 4 novembre 2010, alors qu’une psychiatre-psychanalyste avait été désignée comme bénéficiaire du contrat d’assurance-vie de l’une de ses patientes décédée d’un mésothéliome (pourvoi nº 07-21303).

Pour la Cour de cassation, « ayant relevé que la défunte était décédée des suites d’un mésothéliome du poumon révélé en 1995 et constaté que la psychiatre-psychanalyste avait été consultée à plusieurs reprises par la défunte de 1995 à 1997 et qu’ensuite, elle lui avait donné de nombreuses consultations gratuites jusqu’au mois de juillet 1999, la cour d’appel, qui retient que, si, en sa qualité de psychiatre-psychanalyste, cette dernière n’avait pu traiter la défunte pour le cancer dont elle était atteinte, elle avait apporté à sa patiente un soutien accessoire au traitement purement médical mais associé à celui-ci, lui prodiguant, parallèlement au traitement d’oncologie, des soins réguliers et durables afférents à la pathologie secondaire dont elle était affectée en raison même de la première maladie dont elle devait décéder et dont la seconde était la conséquence, en déduit exactement que la psychiatre-psychanalyste avait soigné la défunte, pendant sa dernière maladie, au sens de l’article 909 du code civil, de sorte qu’elle était frappée d’une incapacité de recevoir à titre gratuit ».

Suite à cette décision, la psychiatre-psychanalyste ne peut donc pas garder le capital qui lui a été versé par l’assureur et, ayant aussi été couchée sur le testament de la défunte, mais ayant renoncé à en être bénéficiaire, elle n’aura au final pas un sou. L’affaire ne s’arrête pas là pour autant, car la patiente avait aussi désigné « à défaut » le concubin du médecin. Si la Cour de cassation a estimé que la psychiatre ne pouvait recevoir l’assurance-vie, elle précise que rien ne permet en l’état de dire si la personne décédée n’aurait pas désigné directement le concubin si elle avait eu conscience de ne pouvoir choisir le praticien et renvoie l’affaire à la cour d’appel pour être fait droit. Le concubinage peut avoir du bon…

Droit de décider du moment et de la manière de mourir en Europe

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Suicide, pas toujours assistéC’est le 29 décembre 1972 que la Confédération suisse à signé la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, encore appelée « Convention européenne des droits de l’homme », même si elle n’est entrée en vigueur que fin 1974 en Suisse. Ayant ratifié ce texte, la Confédération fait partie des États parties à la Convention et à ce titre reconnaît et garantit les droits fondamentaux, civils et politiques non seulement à ses ressortissants, mais également à toute personne relevant de sa juridiction. Parmi les droits garantis par la Convention figurent le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et familiale, la liberté d’expression, la liberté de pensée, de conscience et de religion. Sont interdits notamment la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, tout comme les discriminations dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la Convention. Les juridictions nationales des pays signataires devant appliquer cette dernière, une personne estimant que ses droits n’ont pas été respectés peut saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) créée à cet effet.

C’est dans ce cadre qu’un ressortissant suisse a saisi la Cour pour se plaindre d’une violation de son droit de décider du moment et de la manière de mourir, selon lui. Ce citoyen a estimé qu’il devait pouvoir choisir le moment où il souhaitait mourir au nom de l’article 8 de la Convention qui prévoit que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » et qu’« Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Cette personne, souffrant d’un grave trouble affectif bipolaire depuis une vingtaine d’années, a commis deux tentatives de suicide et effectué plusieurs séjours dans des cliniques psychiatriques. « Considérant qu’il ne pouvait plus vivre d’une manière digne en raison de sa maladie, difficile à traiter », cet homme a adhéré à l’association Dignitas afin « de lui apporter de l’aide dans le cadre de son projet de suicide. » Pour mener à bien ce projet, il avait néanmoins besoin d’une prescription médicale lui permettant d’obtenir la substance adaptée. Aucun des psychiatres sollicités n’a accepté de lui donner l’ordonnance correspondant à sa demande.
Pour « obtenir l’autorisation de se procurer ladite substance dans une pharmacie, sans ordonnance, par l’intermédiaire de l’association Dignitas », le plaignant a fait appel aux autorités suisses. Ces dernières, instance après instance, lui ont refusé cette possibilité au motif que la substance en question ne pouvait être obtenue dans une pharmacie sans une prescription médicale. De plus, pour les représentants de la Confédération, « l’article 8 de la Convention n’imposait pas aux États parties une obligation positive de créer des conditions permettant la commission d’un suicide sans risque d’échec et sans douleur. »

« Selon l’intéressé, l’obligation de présenter une ordonnance médicale afin d’obtenir la substance nécessaire à la commission d’un suicide et l’impossibilité de se procurer une telle ordonnance, due selon lui aux menaces de retrait de l’autorisation de pratiquer que les autorités faisaient peser sur les médecins s’ils prescrivaient cette substance à des malades psychiques, constituaient une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée. Il ajouta que, si cette ingérence reposait certes sur une base légale et poursuivait un but légitime, elle n’était pas proportionnée dans son cas. »

Afin de pouvoir se prononcer, la CEDH a étudié le droit au suicide assisté dans les États parties à la Convention. « Les recherches effectuées par la Cour lui permettent de conclure que l’on est loin d’un consensus au sein des États membres du Conseil de l’Europe quant au droit d’un individu de choisir quand et de quelle manière il veut mettre fin à ses jours. En Suisse, selon l’article 115 du code pénal, l’incitation et l’assistance au suicide ne sont punissables que lorsque l’auteur de tels actes les commet en étant poussé par un mobile égoïste. À titre de comparaison, les pays du Benelux, notamment, ont décriminalisé l’acte d’assistance au suicide, mais uniquement dans des circonstances bien précises. Certains d’autres pays admettent seulement des actes d’assistance “passive”. Mais la grande majorité des États membres semblent donner plus de poids à la protection de la vie de l’individu qu’à son droit d’y mettre fin. La Cour en conclut que la marge d’appréciation des États est considérable dans ce domaine. »

Dans son appréciation de l’affaire, la Cour ne s’oppose pas au suicide. Pour elle, le droit au suicide est légitime sous conditions. Face à une fin de vie indigne et pénible, une personne a le droit de préférer une mort sans risque d’échec et sans douleur. « […] la Cour estime que le droit d’un individu de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin, à condition qu’il soit en mesure de forger librement sa propre volonté à ce propos et d’agir en conséquence, est l’un des aspects du droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention. »
Pour autant, la Cour n’oublie pas de préciser que l’article 2 de la Convention « impose aux autorités le devoir de protéger des personnes vulnérables, même contre des agissements par lesquels ils menacent leur propre vie […]. Selon la Cour, cette dernière disposition oblige les autorités nationales à empêcher un individu de mettre fin à ses jours si sa décision n’intervient pas librement et en toute connaissance de cause » et, selon elle, « l’exigence d’une ordonnance médicale afin de prévenir des abus, a pour objectif légitime de protéger notamment toute personne d’une prise de décision précipitée, ainsi que de prévenir des abus, notamment d’éviter qu’un patient incapable de discernement obtienne une dose mortelle » d’une substance.
« Cela est d’autant plus vrai s’agissant d’un pays comme la Suisse, dont la législation et la pratique permettent assez facilement l’assistance au suicide. Lorsqu’un pays adopte une approche libérale, des mesures appropriées de mise en œuvre d’une telle législation libérale et des mesures de prévention des abus s’imposent. De telles mesures sont également indiquées dans un but d’éviter que ces organisations n’interviennent dans l’illégalité et la clandestinité, avec un risque d’abus considérable. »

Pour ces raisons et pour d’autres exposées dans l’arrêt, la CEDH a donc considéré que la Suisse n’avait pas violé l’article 8 de la Convention. S’il n’est pas question d’interdire à un État d’autoriser l’assistance au suicide, il n’est pas question non plus de lui reprocher de prendre des mesures pour empêcher les abus…

Transmettre le VIH à un partenaire peut être un délit

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Derrière les barreauxFinir en prison pour avoir transmis le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) dont on se savait porteur n’est plus une utopie. Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, « Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer le prévenu coupable du délit d’administration de substances nuisibles aggravé prévu et puni par les articles 222-15 et 222-9 du code pénal, retient que, connaissant sa contamination déjà ancienne au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) pour laquelle il devait suivre un traitement, il a entretenu pendant plusieurs mois des relations sexuelles non protégées avec sa compagne en lui dissimulant volontairement son état de santé et l’a contaminée, la rendant désormais porteuse d’une affection virale constituant une infirmité permanente ».

Dans cette affaire (pourvoi nº 09-86209), un homme a été condamné à trois ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable du délit d’administration de substances nuisibles ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par une cour d’appel. Arguant qu’il n’avait pas l’intention de transmettre le virus à sa compagne et qu’il n’avait pas contaminé volontairement sa partenaire, l’homme mis en cause pensait obtenir sa relaxe auprès de la Cour de cassation au motif qu’« il n’y a point de délit sans intention de le commettre ».

La Cour de cassation a suivi la cour d’appel en ce que « le virus VIH contenu dans le sperme est une substance nuisible à la santé et que cette substance a bien été administrée par le prévenu lors de relations sexuelles consenties ». Pour la Cour, cet homme, ayant connaissance de sa contamination déjà ancienne pour laquelle il avait consulté et devait suivre un traitement, était parfaitement informé au moment de sa relation avec sa compagne des modes de transmission du VIH ainsi que de la nécessité d’une protection durant les relations sexuelles. C’est en toute connaissance de cause, taisant sa séropositivité en omettant d’informer sa compagne, que le prévenu a volontairement fait courir à son amie un risque gravissime pour sa santé et sa vie en acceptant ou sollicitant dans ces conditions des rapports sexuels non protégés.

S’il n’est pas question d’interdire à une personne d’avoir des relations sexuelles alors qu’elle est porteuse du VIH, on pourrait être tenté de retrouver dans cet arrêt deux notions omniprésentes dans le doit de la santé actuel : celle du devoir d’information et celle du consentement éclairé. La personne infectée doit informer sa ou son partenaire qui est alors en mesure d’apporter son consentement à des relations sexuelles, puis s’ils sont acceptés de décider si ceux-ci doivent être protégées ou non.

Suffit-il de se protéger pour ne pas avoir à informer ? Même si le préservatif est un excellent moyen d’éviter la contamination, il ne s’agit pas pour autant d’une méthode infaillible. De plus, contrairement à une idée reçue, les pénétrations vaginales et anales ne sont pas les seules à devoir être prises en compte. Le risque de contamination, même lorsqu’il n’y a qu’une pénétration buccale, doit lui aussi conduire à informer son ou sa partenaire. Bien qu’exceptionnel, le risque n’est pas pour autant nul lors d’un simple contact bouche-sexe sans pénétration. Le déni ne peut être un argument pour celui qui fait courir le risque à l’autre dans de telles situations.

Intubation et dents cassées : ce n’est pas un aléa thérapeutique

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Dents et intubationLe 20 janvier 2011, la première chambre civile de la Cour de cassation a estimé que le fait de casser une dent au patient au moment de l’intubation n’était pas un aléa thérapeutique, même si le praticien n’avait pas commis de faute.

Dans cette affaire, un patient ayant dû subir une intervention chirurgicale sous anesthésie générale s’est réveillé avec une dent abîmée. Mécontent, le patient a recherché la responsabilité du médecin l’ayant intubé. Alors que le juge de proximité a retenu qu’aucune faute ne pouvait être reprochée au praticien, ce dernier ayant procédé à une anesthésie conforme aux règles de bonne pratique clinique, et que le préjudice relevait en conséquence d’un aléa thérapeutique, la Cour de cassation en a décidé autrement (pourvoi nº 10-17357). Selon elle, « sans constater la survenance d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé, la juridiction de proximité a violé » l’article L 1142-1, I, du code de la santé publique. Cet article est ainsi rédigé : « I. — Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. […] »

Lorsqu’un geste chirurgical comporte un risque, le médecin doit être en mesure de le maîtriser. Il n’est pas possible de parler d’un aléa thérapeutique s’il n’y parvient pas. En janvier 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur l’aléa thérapeutique et avait estimé que le fait d’avoir agi en respectant correctement une technique conforme aux données actuelles de la science suffisait à caractériser l’aléa thérapeutique.

Selon le rapport Le risque des professions de santé en 2009 du Conseil médical du Sou Médical — Groupe MACSF, les bris dentaires restent le facteur majeur de la sinistralité en anesthésie-réanimation.

Vaccin contre le papilloma virus et sages-femmes

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L'injection est prête.L’arrêté du 10 janvier 2011 modifiant l’arrêté du 22 mars 2005 fixant la liste des vaccinations que les sages-femmes sont autorisées à pratiquer est paru au Journal officiel de la République du 14 janvier 2011. Il permet désormais aux sages-femmes de réaliser la vaccination contre le papilloma virus humain et le méningocoque C, une mesure que les uns verront comme favorisant la prévention et reconnaissant un peu plus les compétences de ces professionnelles de santé, et que les autres estimeront être un nouveau transfert d’acte dans le but de réaliser des économies de santé. Peu importe l’origine de cette décision, le plus ennuyeux est qu’elle soit intervenue quelques jours avant que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), prise en pleine tourmente de l’affaire Mediator, ne publie une liste de 59 médicaments faisant l’objet d’un plan de gestion des risques sur laquelle figure le Cervarix®, « vaccin papillomavirus humain [types 16, 18] (recombinant, avec adjuvant ASO4, adsorbé) », ainsi que le Gardasil®, « vaccin papillomavirus humain [types 6, 11, 16, 18] (recombinant, adsorbé) ».

S’il n’est pas permis d’affirmer que ces vaccins sont dangereux pour la santé, il faut néanmoins prendre en compte qu’il figure sur une liste de 59 médicaments sur plusieurs milliers qui font l’objet d’une surveillance accrue de la part des autorités de santé. Il faut aussi rappeler que ces produits ne semblent pas avoir prouvé leur efficacité si l’on en croit la revue Prescrire : « l’effet en termes de prévention des cancers du col utérin n’est pas démontré : un suivi prolongé et attentif des populations vaccinées est nécessaire ».

Alors que des médecins généralistes, les mêmes qui avaient été parmi les premiers à dénoncer les excès de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1), dénonce une campagne de prévention très médiatisée sur la vaccination à l’aide de ces vaccins et que d’autres s’étonnent de possibles conflits d’intérêts, n’est-il pas étonnant qu’un arrêté favorise l’utilisation de ces produits et autorise son usage par les sages-femmes ? Si la prévention est un moyen des plus efficaces de sauver des vies ou d’éviter qu’une maladie ne soit découverte que tardivement, entraînant par la même un traitement plus coûteux ou un handicap socialement dispendieux, il semble que l’industrie et certains médecins aient compris tous les avantages pouvant être tirés de la peur et de l’angoisse d’une partie de la population vis-à-vis de la maladie.

Était-il urgent de publier un tel arrêté quand de nombreux décrets autrement plus attendus par les professionnels de santé tardent à être finalisés ? L’intérêt des patients est-il la raison majeure d’une telle publication ? Sans doute…

Structure de soins la plus proche et remboursement des transports par la Sécurité sociale

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Une ambulanceCes dernières années, l’assurance-maladie a renforcé ses contrôles dans le domaine des prestations en nature versées aux assurés et tout particulièrement ce qui concerne les frais de transport de ces derniers. Contrairement à une idée reçue, un bon de transport n’est pas un dû et sa remise au patient par le médecin répond à des règles strictes. En signant ce document, le praticien engage sa responsabilité et il peut lui arriver d’être poursuivi en demande de remboursement d’indu lorsqu’il prescrit un transport dans des conditions qui ne sont pas celles prévues par la loi.

Plusieurs articles du code de la Sécurité sociale sont consacrés aux frais de déplacement des assurés au rang desquels figure l’article L 322-5, précisant que « les frais de transport sont pris en charge sur la base du trajet et du mode de transport les moins onéreux compatibles avec l’état du bénéficiaire. […] », et l’article R322-10-5, venant compléter le précédent, à savoir que « le remboursement des frais de transport […] est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche. »

Or cette « structure de soins prescrite appropriée la plus proche » est parfois à l’origine de contentieux. Par exemple, un praticien peut estimer que le patient est susceptible d’être mieux pris en charge au centre hospitalier universitaire de la région voisine de celle dont dépend l’assuré pour de multiples raisons (service ayant développé un pôle de compétences particulier, nouveau matériel offrant plus de sécurité pour le patient, etc.) Dans une telle situation, pensant agir dans l’intérêt du patient, il l’adresse à cette structure de soins un peu plus éloignée, rendant ainsi le coût du transport plus onéreux. Peu importe que sa décision justifiée puisse entraîner une réduction du coût des soins, l’assurance-maladie, constatant ce fait, peut souverainement décider ou non d’appliquer les textes et d’engager une procédure à l’égard du prescripteur, le plus souvent après avoir remboursé l’assuré. Cette procédure ne concerne habituellement que le surcoût du transport : la différence de prix entre ce que le transport a réellement coûté et ce qu’il aurait dû coûter s’il avait été effectué vers la structure la plus proche. Cette différence n’est parfois que de quelques euros, mais répétée sur de multiples transports et le nombre d’assurés qui en bénéficient, cette source d’économies n’est pas négligeable et elle peut donc se justifier.
Il faut reconnaître que cela n’est pas systématique et que certaines caisses d’assurance-maladie, lorsque le transport a été prescrit pour des soins spécifiques, interrogent la structure de soins où aurait dû être adressé le patient (la plus proche) pour lui demander si elle était en mesure de prendre en charge le patient dans ce contexte. Des procédures inutiles sont ainsi évitées et l’intérêt du malade est préservé. Si cet exemple fait état d’un centre hospitalier, il est valable pour les autres structures de soins que sont un établissement de soins privé, comme une clinique, le cabinet d’un médecin spécialiste ou les locaux d’une infirmière ou d’un kinésithérapeute.

Jusqu’à présent, l’indépendance de chaque caisse primaire d’assurance-maladie équivalait à des prises en charge non homogènes des transports ne s’effectuant pas vers la structure de soins la plus proche. Il est vraisemblable que la décision de 2e chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi nº 09-67960) du 23 septembre 2010 vienne mettre un peu d’ordre dans tout cela. Plutôt que de baser la prise en charge sur des éléments subjectifs ou idéologiques ayant pour seul but de faire des économies de santé, la Cour de cassation a vu l’aspect médical de la demande de transport et subsidiairement de sa prise en charge.

Dans cette affaire, une patiente atteinte d’une affection de longue durée et invalide à 80 % avec assistance d’une tierce personne a vu la clinique proche de son domicile, où elle était prise en charge régulièrement pour des soins de kinésithérapie, fermer. L’équipe de kinésithérapeutes en qui elle avait toute confiance s’est installée à plusieurs kilomètres de là et c’est alors que la malade a souhaité continuer à être prise en charge pour les professionnels auxquels elle était habituée. Or, cette migration du centre de kinésithérapie a fait que, selon la Sécurité sociale, ce centre n’était plus celui se situant au plus proche du domicile de la patiente. C’est pour cette raison que la caisse primaire d’assurance maladie dont dépend la malade a décidé de limiter le remboursement des frais des transports.
Objectivement, cette décision de la caisse d’assurance-maladie est compréhensible. Cette dernière n’interdit pas à la patiente de continuer à être suivie par les professionnels de santé, mais elle lui demande de prendre à sa charge le surcoût engendré par ce choix. La liberté de choix du patient est respectée, mais il doit en assumer les conséquences… Mécontente de cette décision, la patiente a porté l’affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a donné raison à l’assurance-maladie.

La Cour de cassation n’a pas choisi cette voie. La patiente disposant d’un certificat médical attestant un état chronique rhumatologique, neurologique et respiratoire depuis plus de dix ans nécessitant de faire poursuivre les soins par la même équipe de kinésithérapeutes, il existait « une difficulté d’ordre médical sur le point de savoir si l’assurée pouvait recevoir les soins appropriés à son état dans une structure de soins plus proche de son domicile ». Pour la Cour, « Constitue une contestation d’ordre médical relative à l’état du malade, sur laquelle le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut statuer qu’après mise en oeuvre d’une expertise médicale prévue à l’article L 141-1 du code de la sécurité sociale, le point de savoir si l’établissement désigné par le médecin traitant de l’assuré constitue la structure de soins appropriée la plus proche ».

Cette décision renforce un peu plus le caractère médical de la prescription du transport. Si les médecins et les patients peuvent se réjouir d’une telle chose, il est essentiel pour les praticiens de bien comprendre qu’il engage leur responsabilité en signant le bon de transport et qu’ils doivent être en mesure d’apporter une justification médicale à leur choix. Si tel n’est pas le cas, l’expertise sera susceptible de le mettre en évidence ce qui devrait encourager la caisse, forte de cet avis médical, à se tourner vers le praticien qui risque alors de devoir rembourser les indus, mais aussi de se voir mis en cause devant les instances ordinales pour avoir réalisé des prescriptions non justifiées.

Certificat de résidence aux Pays-Bas et coffee-shop

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L'empreinte du cannabisUne décision du maire de la commune de Maastricht réservant l’accent des coffee-shops, lieux où la vente et la consommation de cannabis sont tolérées aux Pays-Bas, aux seuls résidants du pays avait mis le feu aux poudres. Arguant de la liberté de circulation au sein de l’Union européenne et peut-être plus soucieux de la bonne santé de ses affaires que de celle de ses clients, l’exploitant du coffee-shop l’Easy Going avait porté l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) après que son établissement eût été fermé pour avoir enfreint les dispositions en vigueur. L’avocat général avait réduit en cendres les arguments du plaignant en juillet 2010, mais il gardait encore espoir, la Cour n’étant pas tenue de suivre l’avis de l’avocat général.

Cette fois, la messe est dite et ce n’est qu’à la fumée des encensoirs qu’auront droit les touristes visitant Maastricht. Dans un arrêt du 16 décembre 2010 (affaire C‑137/09), la 2e chambre de la CJUE a estimé que l’interdiction d’admettre des non-résidents dans les « coffee-shops » néerlandais est conforme au droit de l’Union. « Cette restriction est justifiée par l’objectif visant à lutter contre le tourisme de la drogue et les nuisances qu’il draine, objectif se rattachant tant au maintien de l’ordre public qu’à la protection de la santé des citoyens, et ceci tant au niveau des États membres qu’à celui de l’Union. »
Le souci de réduire le tourisme de la drogue, voire de l’empêcher, qu’a eu le conseil communal de Maastricht en introduisant un critère de résidence au règlement général de police de la commune dans le but d’interdit à tout tenancier d’un coffee-shop d’admettre dans son établissement des personnes n’ayant pas leur résidence effective aux Pays-Bas est donc légitime.

Contrairement à une idée reçue, conformément à une loi de 1976 sur les stupéfiants (Opiumwet 1976), la possession, le commerce, la culture, le transport, la fabrication, l’importation et l’exportation de stupéfiants, y compris du cannabis et de ses dérivés, sont interdits aux Pays-Bas. Ce n’est qu’en raison d’une politique de tolérance que les coffee-shops peuvent néanmoins vendre de la marijuana.

« La Cour rappelle que la nocivité des stupéfiants, y compris ceux à base de chanvre, tels que le cannabis, est généralement reconnue et que leur commercialisation est interdite dans tous les États membres, exception faite d’un commerce strictement contrôlé en vue d’une utilisation à des fins médicales et scientifiques. Cette situation juridique est conforme à différents instruments internationaux, notamment à plusieurs conventions des Nations unies, auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré, ainsi qu’au droit de l’Union. L’introduction de stupéfiants dans le circuit économique et commercial de l’Union étant interdite, un tenancier d’un coffee-shop ne saurait se prévaloir des libertés de circulation ou du principe de non-discrimination, en ce qui concerne l’activité consistant en la commercialisation du cannabis », selon le communiqué de presse qui a accompagné cet arrêt.

Une décision courageuse, à la fois de la part du maire de Maastricht et de la CJUE, quand on sait que les quatorze coffee-shops de cette commune attireraient environ 10 000 visiteurs par jour, soit un peu plus de 3,9 millions par an. Sachant que sur l’ensemble de ces visiteurs 70 % ne résideraient pas aux Pays-Bas, on imagine l’impact de cette décision sur le tourisme local.

Dans le domaine de la santé publique, le juridique semble avoir plus de bon sens que le politique. Dans le même temps, le commerce d’une autre drogue dont la vente est cette fois totalement officielle devrait se libéraliser sous la pression de la Commission européenne. Les sénateurs et le gouvernement ont en effet décidé de supprimer les restrictions à l’achat de tabac à l’étranger, dans le cadre de l’examen du collectif budgétaire pour 2010, selon une information de l’AFP, reprise par le journal Le Monde. Les buralistes, soutenus par les députés, n’ont cette fois pas eu gain de cause. D’autres compensations devraient très vite leur être accordées, l’échéance de 2012 étant proche. La santé publique est une nouvelle fois perdante, car dans le monde politique personne ne semble penser que la protection de la santé des citoyens puisse passer avant la libre circulation des marchandises et le commerce…