Obligation de prendre soin de la santé et de la sécurité de ses collègues

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Prévention des accidents de travailLa chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé dans une décision du 23 juin 2010 (pourvoi n° 09-41607) qu’il incombait à chaque travailleur, au titre de l’article L 4122-1 du code du travail, « de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail ».

Dans l’affaire portée en cassation, il est question d’une mezzanine récupérée sur un autre site d’exploitation présentant un défaut de stabilité et des oscillations suspectes suite à son remontage alors que des employés étaient amenés à travailler sur et sous cet ouvrage. Pour ne pas avoir pris les mesures qui s’imposaient, un chef magasinier, devenu chef du magasin, s’est vu licencié pour faute grave. La Cour de cassation a estimé que ce licenciement était justifié, car conformément à l’article L 4122-1 du code du travail, cet employé ayant reçu une délégation de pouvoir « à l’effet de prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d’appliquer et de faire appliquer les prescriptions d’hygiène et de sécurité pour le personnel et les tiers dans le dépôt », il aurait dû prendre de mesure pour prévenir un accident, par exemple en interdisant l’accès à cette mezzanine ou en faisant procéder au retrait des marchandises qui y étaient entreposées.
En l’espèce, le chef du magasin s’est contenté de demander un devis au fabricant de la mezzanine pour la mise en conformité de la stabilité de celle-ci. Le montant des travaux ne s’élevant qu’à 180 euros, et bien que le fabricant ait indiqué qu’ils étaient impératifs pour rendre stable l’ouvrage, le responsable du dépôt ne les a pas fait réaliser. Pour lui, « la nature et la modicité des travaux préconisés par le fabricant de cette mezzanine faisaient naître un doute sur le niveau de danger présenté par l’installation défectueuse ».
Pour la Cour, le fait « de n’avoir ni commandé ces travaux de mise en conformité après l’obtention du devis, ni alerté sa hiérarchie sur la non-conformité de cette mezzanine, ni pris de mesure pour prévenir un accident » est bien constitutif de faute grave, d’autant plus s’il a été investi d’une délégation de pouvoir en ce sens. Même s’il ne l’avait pas été, « les manquements du salarié à son obligation de prendre soin de sa sécurité et de celle d’autrui engagent sa responsabilité et peuvent constituer une faute grave ».

Un « salarié investi d’une délégation de pouvoir en matière de sécurité et tenu, à ce titre, de veiller au respect des règles de sécurité dans un établissement, doit prendre toute mesure nécessaire pour assurer le respect de ces règles et prévenir tout accident du travail ; qu’en particulier, en présence d’une installation non conforme aux règles de sécurité, il doit prendre toute mesure nécessaire pour remédier à cette défectuosité et, dans l’attente de la mise en conformité de cette installation, prévenir tout accident en interdisant l’accès à cette installation ».

La prévention est un facteur essentiel en matière de santé et d’accident au travail.

Le tourisme de la drogue part en fumée aux Pays-Bas

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Le cannabis est une drogueLa Hollande est connue pour ses tulipes, ses vélos, ses moulins, mais aussi pour ses coffee shops où la consommation de cannabis est autorisée par les pouvoirs publics. Des touristes du monde entier font le voyage pour cette herbe vendue en toute légalité dans les échoppes. Malgré cet afflux de consommateurs, les autorités des Pays-Bas ont décidé de durcir leur politique de tolérance à l’égard de la vente de cannabis dans ces établissements. Le bourgmestre de Maastricht, « conscient des répercussions transfrontalières de cette politique et des nombreux troubles causés à l’ordre public par la fréquentation massive et croissante » des coffee shops, a tout simplement décidé « de réserver l’accès auxdits établissements aux seuls résidents néerlandais ». Suite à cette décision, des contrôles ont été diligentés et un exploitant a vu son coffee shop fermé pour y avoir accueilli des non-résidents. Ce dernier a alors porté plainte contre le bourgmestre au nom du principe de la libre prestation des services et pour entrave aux libertés de circulation, garantis par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (UE).

L’avocat général de la Cour de justice de l’UE, instance saisie de l’affaire pour avis par la justice hollandaise (affaire C-137/09 ; avis du 15 juillet 2010), a eu à répondre aux interrogations suivantes : est-il question de « bâtir une Europe au sein de laquelle producteur, transitaire ou destinataire peuvent librement se prévaloir des libertés de circulation garanties par le traité pour cultiver, transporter, offrir ou bien encore consommer de la drogue ? » L’espace de liberté, de sécurité et de justice mis en place par le traité « a-t-il pour ambition de servir les intérêts du commerce de la drogue ? »

Quand on sait que près de 4 millions de jeunes européens consomment quotidiennement du cannabis et que 19 États membres sont concernés par la culture de ce stupéfiant, on comprend mieux les enjeux que représente le tourisme de cette drogue. Car il s’agit bien d’une drogue, comme le rappelle l’avocat général, que l’on ne peut même plus qualifiée de “douce” tant les nouvelles formes sous lesquelles se présente la marijuana sont nocives, contenant parfois du plomb, du cirage, de la poudre de verre ou des médicaments. Qu’il s’agisse d’un usage occasionnel ou régulier, « la dangerosité et la nocivité du cannabis sur les consommateurs comme sur le tissu social ne sont plus à démontrer. »

Après une étude poussée des textes en vigueur, les conclusions de l’avocat général sont sans appel : les articles de « l’accord de Schengen ne s’opposent pas à une mesure adoptée par une autorité publique locale dans le cadre de son règlement général de police, qui réserve l’accès aux coffee shops aux seuls résidents néerlandais, lorsque cette mesure constitue la manifestation du droit qui lui est reconnu de préserver l’ordre public interne des troubles causés par le tourisme de la drogue et/ou l’accomplissement de son devoir de contribuer à la préservation de l’ordre public européen. » La mesure prise par le bourgmestre de Maastricht ne relève pas du champ d’application du traité et, en particulier, de la libre prestation des services.

La liberté du commerce a tout de même certaines limites…

Rémunération au mérite des praticiens hospitaliers

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Récompenses au mériteMême si la décision du Conseil d’État remonte au 30 décembre 2009 (n° 306040), il semble intéressant de revenir sur ce qui équivaut à une petite révolution dans le mode de rémunération des praticiens hospitaliers (PH). Salariés hospitaliers, ces derniers ne voyaient pas, jusqu’à maintenant, la notion de mérite intervenir dans le montant de leurs émoluments. L’arrêté du 28 mars 2007 relatif à la part variable de rémunération des praticiens hospitaliers à temps plein comme à temps partiel, sous forme d’indemnité complémentaire aux émoluments mensuels variant selon l’échelon des intéressés, fixés par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale, et suivant l’évolution des traitements de la fonction publique, remettait en cause ce principe. Il a donc été contesté par la Confédération des praticiens hospitaliers et par le syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs, les uns et les autres voulant qu’il soit annulé.

Les représentants des praticiens estimaient que l’indépendance professionnelle des médecins hospitaliers dans l’exercice de leur art était compromise par cette rémunération au mérite. Mais le Conseil d’État a balayé ces craintes aux motifs que « l’indemnité étant accordée, par spécialité, aux équipes de praticiens nommés à titre permanent qui s’engagent par contrat passé avec le directeur de l’établissement et le responsable de pôle, il en résulte que les objectifs d’activité et de qualité qui y figurent sont déterminés de manière concertée entre les médecins et les responsables administratifs de l’établissement dans le respect du code de déontologie […] ». De plus, « ces dispositions, qui, d’ailleurs, n’affectent qu’une partie de la rémunération globale versée aux praticiens hospitaliers, celle-ci étant d’abord fondée sur des émoluments mensuels variant selon l’échelon des intéressés, ne concernent pas l’exercice même des pratiques médicales et n’ont ainsi ni pour objet, ni pour effet, malgré le rôle dévolu au directeur de l’établissement dans la fixation négociée des objectifs, de porter atteinte à l’indépendance professionnelle dont bénéficient les médecins […] ».
Le fait qu’il existe un médecin responsable de pôle qui en organise le fonctionnement technique et qui participe aux évaluations des pratiques professionnelles ne fait pas « obstacle à ce que le pouvoir réglementaire organise une procédure de contractualisation des objectifs entre les équipes de praticiens et les dirigeants de l’établissement de santé ».
Le Conseil d’État estime aussi qu’ « une prime peut légalement donner lieu à une modulation des montants individuels en fonction de critères tels que les résultats obtenus par rapport aux objectifs, en l’espèce fixés par contrat conclu entre les équipes de praticiens, le directeur de l’établissement et le responsable de pôle ; que ce dispositif d’évaluation de l’activité des praticiens hospitaliers mesurée par des indicateurs et objectifs fixés contractuellement, à partir d’une liste d’actes traceurs, à la condition qu’une liste de prérequis, définis par l’arrêté, soit satisfaite, vise à l’améliorer l’offre de soins et ne soumet donc pas, par lui-même, l’activité des médecins à des normes de productivité, de rendement horaire ou toute autre disposition qui auraient pour conséquence une atteinte à la qualité des soins ». Il est intéressant de noter que la prime sera individuelle alors que les contrats semblent devoir être conclus par les équipes.

Autre principe remis en cause par ceux qui contestaient cet arrêté : le principe d’égalité. Pour le Conseil d’État, il est légitime de distinguer les praticiens hospitaliers nommés à titre permanent de ceux employés contractuellement et des chefs de clinique des universités-assistants des hôpitaux. Il estime aussi « que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire traite de manière différente des agents appartenant à un même corps si cette différence de traitement est justifiée par les conditions d’exercice des fonctions, par les nécessités ou l’intérêt général du service et si elle n’est pas manifestement disproportionnée au regard des objectifs susceptibles de la justifier », ce qui ne cesse de surprendre nombre de juristes dans ce cas précis. Enfin, que face à la complexité du dispositif d’appréciation du mérite, il n’est pas fait atteinte au principe d’égalité si seuls les chirurgiens sont amenés à tester ce dispositif dans un premier temps, avant qu’il ne soit généralisé aux autres praticiens.

Dernier point, « Considérant que l’arrêté du 28 mars 2007, publié au Journal officiel de la République française du 29 mars 2007, dispose dans son article 7 qu’il s’applique aux praticiens hospitaliers de chirurgie à compter du 1er janvier ; que, toutefois, son article 6 dispose : L’indemnité est versée annuellement au terme d’une année civile et au plus tard à la fin du premier trimestre de l’année qui suit ; qu’ainsi, et alors même que les indicateurs pris en compte pour apprécier le respect des objectifs d’activité et de qualité correspondent, pour une part, à une période antérieure à sa date de publication, l’arrêté ne méconnaît pas le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ».

La rémunération au mérite des praticiens est donc bien en marche. Quant à savoir si la complexité du système mis en place pour la rendre effective, associée à des facteurs idéologiques non négligeables, permettra d’obtenir un résultat satisfaisant, rien n’est moins sûr. Dans le secteur de la santé, comme ailleurs, la mise en place de la rémunération au mérite est promise à un parcours semé d’embûches. Une vraie saga, avec de la passion, du suspens, de l’action et de la vilenie… Un feuilleton à suivre.

Un conjoint divorcé peut-il représenter son ancien époux devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale ?

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique Jurisprudences

La justice dans la balanceLes personnes qui peuvent représenter les parties devant les juridictions de Sécurité sociale sont énumérées par le code de Sécurité sociale à l’article L 144-3. Le conjoint divorcé n’est pas listé par ce texte et n’est donc pas autorisé à représenter son ancien époux.

Fort de ce constat, un tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) a jugé irrecevable la demande d’un assuré à l’encontre de la caisse primaire d’assurance maladie au motif qu’il s’était fait représenter par son ex-conjoint au moment des débats et n’avait pas personnellement comparu. La cour d’appel a confirmé ce jugement en s’appuyant sur le fait « qu’il résulte des dispositions combinées des articles L 142-8 et R 142-20 du code de la sécurité sociale qu’en raison de l’oralité de la procédure, les parties doivent comparaître personnellement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour soutenir leurs demandes ou se faire représenter devant cette juridiction par l’une des personnes limitativement énumérées par l’article R 142-20 (conjoint ou ascendant ou descendant en ligne directe, avocat, etc.) ». Résultat, tout le monde a fini par se retrouver devant la Cour de cassation (pourvoi n° 09-13672).

Élément majeur de la procédure qui n’a pas échappé à la Cour de cassation, si c’est son ex-femme qui l’a représenté devant le TASS, c’est un avocat qui a pris le relais devant la cour d’appel. Or, si l’article 117 du code de procédure civile précise que le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne qui assure la représentation d’une partie en justice constitue une irrégularité de fond qui affecte la régularité de l’acte, son article 121 dit quant à lui que l’irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir du représentant d’une partie en justice peut être couverte jusqu’au moment où le juge statue. Par conséquent, quand une partie est représentée par un avocat devant la cour d’appel, la juridiction ne peut pas déclarer la demande irrecevable, même si elle n’a pas comparu personnellement devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale en se faisant représenter par une personne qui n’était pas autorisée à le faire.

Malgré cette fin heureuse pour l’assuré, pour s’éviter une longue et coûteuse procédure, il semble préférable de ne pas envoyer son ex-femme au TASS pour se faire représenter. À moins qu’elle ne soit avocate…

Évolution de la définition du préjudice d’agrément

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique Jurisprudences

Kit de premiers secoursLorsqu’il existe des séquelles d’un accident du travail, la victime perçoit une rente d’incapacité permanente partielle dont le montant est fixé par le médecin-conseil de la Sécurité sociale. Pour fixer ce taux, ce dernier prend en compte les pertes de gains professionnels, l’incidence professionnelle de l’incapacité et le déficit fonctionnel permanent.

Si la faute inexcusable de l’employeur est établie, la victime peut alors obtenir une majoration de cette rente, mais également la réparation de plusieurs préjudices listés par l’article L 452-3 du code de la Sécurité sociale : le préjudice causé par les souffrances physique et morale ; les préjudices esthétiques et d’agrément ; le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

Dans un arrêt du 9 juillet 2009 (pourvoi no 08-11804 08-12113), la Cour de cassation avait précisé que cette liste fixée par l’article L 452-3 du code de la Sécurité sociale était limitative. Par conséquent, le préjudice sexuel n’avait pas à être indemnisé n’étant pas listé dans cet article. « Alors qu’en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime d’un accident du travail a le droit de demander à l’employeur, indépendamment de la majoration de la rente qu’elle reçoit, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales, celle de ses préjudices esthétique et d’agrément, ainsi que la réparation du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; que cette liste est limitative, les autres chefs de préjudice étant déjà réparés par la rente accident du travail ; que la cour d’appel, qui a fixé le préjudice de M. X… en lui allouant des indemnités au titre du préjudice sexuel, du préjudice résultant de son handicap dans tous les actes de la vie courante de la date de l’accident jusqu’au jour de la consolidation, ainsi qu’au titre du préjudice résultant de la perte de salaires et de primes, et du préjudice résultant de l’incapacité permanente partielle et de l’incidence professionnelle, a violé l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l’article L 751-9 du code rural. »

Depuis quelques mois, par un revirement de jurisprudence, la Cour de cassation inclut dans les préjudices d’agrément à la fois les difficultés ressenties dans la pratique d’activités ludiques ou sportives (déjà admis par la Cour de cassation dans une jurisprudence de 1998, pourvoi no 97-17333), mais également les préjudices de nature sexuelle, alors que l’indemnisation de ces derniers avait été écartée en 2009.
Dans un premier arrêt du 2 avril 2010 (pourvoi no 09-14047), la Cour de cassation juge que la cour d’appel a violé le code de la Sécurité sociale en indemnisant d’une part le préjudice d’agrément et d’autre part le préjudice sexuel, la victime de l’accident prétendant ne plus avoir de relations sexuelles en raison de l’accident du travail en décidant qu’ « au sens de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, le préjudice d’agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d’existence, notamment le préjudice sexuel ».
Dans un second arrêt du 2 avril 2010 (pourvoi no 09-11634), la Cour décide qu’ « au sens de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, le préjudice d’agrément est celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d’existence ; […] ayant relevé que M. X… soutenait qu’il ne pouvait plus s’adonner au vélo et à la boxe anglaise qu’il pratiquait auparavant, en raison d’une diminution de la force musculaire et de la sensibilité de son avant-bras, l’arrêt retient que les séquelles qu’il présente handicapent les activités ludiques, sportives ou occupationnelles auxquelles peut normalement prétendre tout homme de son âge et constituent un handicap, voire un obstacle, aux actes les plus courants de la vie quotidienne, définissant une atteinte constante à la qualité de la vie »

Le préjudice d’agrément est donc maintenant celui qui résulte des troubles ressentis dans les conditions d’existence, notamment la capacité à pratiquer l’acte sexuel ou à avoir une activité ludique ou sportive. Le préjudice sexuel n’est pas distinct du préjudice d’agrément, il en fait partie.

Choix du médecin, du dentiste ou d’un autre professionnel de santé et remboursement par une mutuelle

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

RemboursementUn patient affilié à la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN) a demandé la prise en charge de soins dentaires prévue à son contrat. S’étant adressé pour la réalisation des soins à un praticien n’ayant pas adhéré au protocole d’accord conclu entre la mutuelle et la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD), il a bénéficié d’un remboursement inférieur à celui applicable aux soins délivrés par les praticiens ayant adhéré au protocole. Mécontent que le choix du dentiste lui ait fait perdre un peu plus de neuf cents euros, il a saisi le juge de proximité pour obtenir réparation de ce qu’il a estimé être un préjudice.

Alors que la juridiction de proximité déboute de sa demande le patient le 19 février 2010 après une mise en délibéré, l’avocat de la MGEN a présenté le 9 mars 2010 une question prioritaire de constitutionnalité « au regard du principe d’égalité devant la loi et de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de l’article L 122-1, alinéa 3 du code de la mutualité, en ce que ce texte interdirait aux mutuelles d’instaurer des différences dans le niveau des prestations en fonction du choix de l’assuré de recourir ou non à un praticien adhérent à un protocole de fournitures de soins ou membre d’un réseau de soins, dès lors que d’autres organismes complémentaires d’assurance-maladie ne sont pas soumis à une telle prohibition ». Résultat, la Cour de cassation a eu à statuer rapidement sur cette question et en est arrivée à une décision qui a fait le bonheur du patient.

Peu importe que, selon la mutuelle, « la mise en oeuvre de deux systèmes de remboursement par la mutuelle en application du protocole conclu avec la CNSD n’est nullement discriminatoire dès lors que chacun des deux systèmes peut être librement choisi par le patient, et qu’il y a égalité entre tous les adhérents à la mutuelle qui choisissent de s’adresser soit à un dentiste conventionné, soit à un dentiste non conventionné », la Cour de cassation n’a pas suivi cette voie (n° de pourvoi : 09-10241). Si pour cette dernière il n’est pas nécessaire d’ordonner la réouverture des débats pour qu’il soit procédé à l’examen de cette question prioritaire de priorité, « selon l’article L 112-1, alinéa 3, du code de la mutualité, les mutuelles et leurs unions ne peuvent instaurer de différences dans le niveau des prestations qu’elles servent qu’en fonction des cotisations payées ou de la situation de famille des intéressés. » La juridiction de proximité a violé ce texte en appliquant « un protocole d’accord conclu entre une mutuelle et une organisation représentative des chirurgiens-dentistes fixant des tarifs de remboursement distincts pour un même acte, ce dont il résulte une différence dans le niveau des prestations de la mutuelle qui n’est fonction ni des cotisations payées, ni de la situation de famille des adhérents ».

Il s’agit là d’une décision importante à un moment où les réseaux de soins ont le vent en poupe. S’ils peuvent être justifiés par des intérêts de santé publique, il semble que les intérêts économiques de ce système pour les mutuelles viennent de trouver une de leurs limites.

Exposition à une molécule litigieuse et responsabilité des laboratoires pharmaceutiques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Effets indésirables des médicamentsIl n’est pas toujours facile pour un patient de prouver qu’un médicament est bien à l’origine du dommage qu’il a subi, voire même qu’il a bien été exposé à la molécule dont l’un des effets indésirables connus est identique au problème qu’il a eu à affronter.

Une patiente stérile de 40 ans dont la mère avait pu être exposée au cours de sa grossesse à l’hormone de synthèse dénommée dyéthylstilbestrol (DES), plus connue sous le nom de Distilbène®, était dans ce cas. Cela ne l’a pas empêchée d’intenter un procès au principal fabricant de cette molécule, ainsi qu’à titre subsidiaire à un autre laboratoire ayant distribué le produit sous un autre nom, connue pour être à l’origine de stérilité chez les enfants des femmes exposées. Une affaire délicate puisqu’à aucun moment dans le dossier de la mère de la plaignante il n’est évoqué la prise de DES ; seule « une grossesse surveillée spécialement du fait de l’insuffisance hormonale » est mentionnée par un médecin décédé depuis. Il lui était donc impossible de prouver de façon directe qu’elle avait bien été exposée à cette molécule.

Pour la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2010 (pourvoi no 08-18837), la preuve de l’exposition directe à une « molécule litigieuse » n’est pas indispensable pour qu’un laboratoire soit mis en cause. « […] lorsque la victime établit que la pathologie ou la malformation dont elle est atteinte est attribuée communément au DES, qu’elle a été conçue en France à une période où ce principe actif y était massivement prescrit aux femmes enceintes et qu’il n’existe pas d’autre cause connue de ses dommages qui lui soit propre, il appartient alors au laboratoire, dont la responsabilité est recherchée, de prouver que celle-ci n’a pas été exposée au produit qu’il a mis sur le marché français à cette époque ». Étant née en 1970, période à laquelle le Distilbène® était habituellement prescrit, et présentant une malformation de la cavité utérine (utérus hypoplasique) à l’origine de fausses couches récurrentes, symptômes caractéristiques d’une exposition au DES, la patiente n’avait pas à apporter la preuve que sa mère avait bien été exposée.

La preuve de l’imputabilité du dommage au produit que vendaient exclusivement les deux laboratoires défendeurs pouvant résulter de présomptions précises, graves et concordantes, les documents produits, notamment les comptes-rendus de radiologie, de coelioscopie et d’échographie gynécologique, ainsi que les études scientifiques sur la forte probabilité d’imputabilité de la pathologie doivent pouvoir suffire à une cour pour mettre en cause la molécule.

De plus, la Cour de cassation estime que « lorsqu’un dommage est causé par un membre indéterminé d’un groupe, tous les membres identifiés en répondent solidairement sauf pour chacun d’eux à démontrer qu’il ne peut en être l’auteur ; que forment en ce sens un groupe les laboratoires qui ont mis sur le même marché et à une même époque sous des noms différents une même molécule à laquelle il est reproché d’avoir causé des dommages à la santé et qui ont tous commis la même faute consistant en l’absence de surveillance du produit et de ses effets nocifs ». Pour la Cour, « en cas d’exposition de la victime à la molécule litigieuse, c’est à chacun des laboratoires qui a mis sur le marché un produit qui la contient qu’il incombe de prouver que celui-ci n’est pas à l’origine du dommage ».

Il est même question d’un manque à l’obligation de vigilance des laboratoires qui n’ont pas procédé à une surveillance des risques pesant sur les enfants par l’administration à leur mère du DES nés après les années cinquante, période laquelle ces risques ont été identifiés, basé sur le principe selon lequel « celui qui par sa faute crée un risque pour la santé humaine doit répondre des dommages qui apparaissent comme la réalisation normale et prévisible du risque ainsi créé ».

Si la pharmacovigilance et les tribunaux de première instance donnent parfois l’impression d’être favorable à l’industrie, la Cour de cassation semble quant à elle rétablir l’équilibre en faisant pencher les plateaux de sa balance du côté des patients…

Infection nosocomiale, établissements de santé et responsabilité

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Infection nosocomialeÀ qui revient la responsabilité de l’infection nosocomiale qui emporte un patient qui a passé les cent neuf derniers jours de sa vie dans six établissements de santé différents qui lui ont prodigué des soins et où il a subi divers examens ? C’est à cette question que vient de répondre la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 juin 2010 (pourvoi no 09-67011).

Pour la Cour, « lorsque la preuve d’une infection nosocomiale est apportée mais que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à chacun de ceux dont la responsabilité est recherchée d’établir qu’il n’est pas à l’origine de cette infection ».

C’est le 21 mai 1996 (pourvoi no 94-16586) que la Cour de cassation énonce pour la première fois qu’une clinique est présumée responsable d’une infection contractée par un patient lors d’une intervention pratiquée dans une salle d’opération, à moins de prouver l’absence de faute de sa part. Cet arrêt marque un revirement de jurisprudence en la matière puisqu’avant cet énoncé la victime de l’infection nosocomiale contractée dans une salle d’opération devait faire la preuve de son origine. La charge de la preuve de la faute s’est ainsi vue renversée.

Depuis le 29 juin 1999 (pourvois no 97-14254, 97-15818, 97-21903), c’est même une présomption de faute renforcée qui pèse sur les établissements de soins en matière d’infection nosocomiale. « Un établissement de santé […] est tenu vis-à-vis de son patient, en matière d’infection nosocomiale, d’une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère. »

Tout le monde s’accorde à dire qu’établir, pour un établissement de santé, que la contamination provient d’une source qui lui est étrangère est une preuve particulièrement difficile à rapporter pour ce dernier et que la jurisprudence est donc favorable aux patients en ce domaine.

Certificat médical et divorce

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Rupture et divorceOn ne compte plus, chaque année, le nombre de médecins mis en cause pour avoir rédigé un certificat médical, tout particulièrement lorsque ce document va être utilisé par un patient ou par son avocat dans une procédure de divorce. Cet acte, qui paraît souvent anodin au praticien, engage pourtant sa responsabilité au même titre qu’un acte diagnostic ou thérapeutique.

La section du contentieux du Conseil d’État, dans une décision du 26 mai 2010 (requête n° 322128), résume bien ce qui caractérise le médecin imprudent.

En août 2006, un généraliste du sud-est de la France remet à la mère d’un jeune garçon de quatorze ans qu’il vient d’examiner un certificat médical dans lequel il constate que cet adolescent présente des troubles psychosomatiques. Alors que les parents sont en instance de divorce, ce même praticien un mois plus tard délivre « un second certificat médical présentant ces troubles comme en rapport avec des problèmes relationnels avec son père et prescrivant qu’il ne se rende pas chez ce dernier pendant un mois, sans invoquer d’éléments nouveaux et sans avoir eu de contact avec le père ». Réaction immédiate du père qui demande au conseil de l’ordre dont dépend le praticien une sanction à l’égard de ce dernier. Après la procédure habituelle, le médecin se voit infliger un blâme. Cette peine, contestée par le généraliste, ayant été confirmée par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, il a formulé une requête devant le Conseil d’État.

Pour la section du contentieux, « en jugeant qu’en ne se bornant pas à relater les constatations médicales qu’il avait pu effectuer sur son patient et en mettant en cause la responsabilité du père, le Dr B s’est immiscé dans les affaires de famille et a établi un certificat tendancieux, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins n’a pas entaché sa décision d’erreur de qualification juridique au regard » de l’article R 4127-28 du code de la santé publique (art. 28 du code de déontologie) qui précise que « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite » et de l’article R 4127-51 du même code (art. 51 du code de déontologie) disant que « Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».

Un certificat médical doit être basé sur un examen clinique réalisé par le médecin lui-même et préciser la date à laquelle cet examen a eu lieu si le praticien ne veut pas voir sa responsabilité engagée. Revoir son diagnostic a posteriori sans nouvel examen ou sans élément nouveau et délivrer un autre certificat à cette occasion est une faute, surtout quand une tierce personne est mise en cause par cet acte. Lorsqu’il est question de divorce, le médecin doit être particulièrement prudent et son ressenti ne doit pas influencer ses actes s’il veut continuer à exercer en toute sérénité.

Vaccin contre l’hépatite B et SEP : les militaires aussi…

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Vaccination et sclérose en plaquesSi sur un plan scientifique le lien de causalité entre vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques (SEP) fait toujours débat, la justice n’a pas attendu que les experts se mettent d’accord pour savoir s’il convenait d’indemniser ou non les malades. Les préjudices sont reconnus et doivent être réparés, peu importe que le patient soit militaire et que la maladie n’affecte que la pratique de ses loisirs.

Le Conseil d’État, dans une décision du 5 mai 2010 (n° 324895), s’est penché sur le cas d’un élève infirmier militaire contraint de se faire vacciner contre l’hépatite de par ses fonctions et ayant présenté une sclérose en plaques dans les suites de cette immunisation. S’appuyant sur l’article L 3111-9 du code de la santé publique relatif à l’indemnisation des préjudices subis du fait des vaccinations obligatoires, le jeune soldat s’est adressé à la justice pour obtenir réparation, estimant que la vaccination était à l’origine de la SEP dont il souffrait. Après que sa demande d’indemnisation ait été rejetée en première instance, ce jeune homme s’est présenté devant la cour administrative d’appel qui lui a donné raison. L’État, mis en cause dans ce dossier, a alors porté l’affaire devant le Conseil d’État, espérant ainsi ne pas avoir à payer les indemnités pour plus de 250 000 euros auxquelles il se trouvait condamné.

Pour le Conseil d’État, la cour d’appel a eu raison d’estimer que « le délai qui s’était ainsi écoulé entre la dernière injection et les premiers symptômes constituait un bref délai [4 mois, NDLR] de nature à établir le lien de causalité entre la vaccination et l’apparition de la sclérose en plaques ». La cour n’a pas commis d’erreur de droit en condamnant l’État à réparer le préjudice d’agrément résultant pour l’intéressé des conséquences de son affection après avoir relevé que ses handicaps le privaient de la possibilité de pratiquer les activités de loisirs auxquels il s’adonnait ».

Il est intéressant de noter que le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2010 selon l’avis du Haut Conseil de la santé publique, publié au Bulletin officiel santé du 15 mai 2010, rappelle les risques professionnels liés à l’hépatite B et le caractère obligatoire de cette vaccination. « L’article L 3111-4 du code de la santé publique (CSP) rend obligatoire la vaccination contre l’hépatite B pour les personnes exerçant une activité professionnelle les exposant à des risques de contamination dans un établissement ou organisme de soins ou de prévention, public ou privé dont la liste est précisée par l’arrêté du 15 mars 1991.
Les deux arrêtés du 6 mars 2007 visent à protéger ces personnels mais également à protéger les patients vis-à-vis de la transmission de ce virus par un soignant qui en serait porteur chronique. Le premier, relatif à la liste des élèves et étudiants des professions médicales et pharmaceutiques et des autres professions de santé, dresse la liste des études qui imposent une obligation vaccinale pour les étudiants. Cette liste est la suivante :
– professions médicales et pharmaceutiques : médecin ; chirurgien-dentiste ; pharmacien ; sage-femme ;
– autres professions de santé : infirmier ; infirmier spécialisé ; masseur kinésithérapeute ; pédicure podologue ; manipulateur d’électroradiologie médicale ; aide-soignant ; ambulancier ; auxiliaire de puériculture ; technicien en analyses biomédicales.
Il n’y a plus d’obligation vaccinale contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite à l’entrée dans les filières de formation pour les audioprothésistes, ergothérapeutes, orthophonistes, orthoptistes, psychomotriciens. Il n’en demeure pas moins que les personnes exerçant ces professions peuvent être soumises à l’obligation vaccinale lorsqu’elles les exercent dans l’un des établissements dans lequel le personnel exposé doit être vacciné si le médecin du travail évalue que l’exposition de cette personne au risque le justifie. »

Même s’il n’est pas question de vaccination obligatoire, il va être intéressant de suivre la jurisprudence concernant le vaccin contre la grippe A(H1N1) recommandé, voire même parfois imposé, à des agents de l’État ou aux citoyens, et la sclérose en plaques. Les premières interrogations se posent et des plaintes pourraient être déposées…