Deux visites médicales d’embauchage obligatoires en cas d’inaptitude

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Aptitude et visite médicale d'embauchageMême si le terme « embauchage » est apparu en 1752 dans la langue française, il a du mal à s’imposer à notre époque dans le grand public, comme dans le monde de l’entreprise. En droit, le Conseil d’État et d’autres juridictions l’emploient régulièrement pour désigner l’engagement d’un salarié.

La visite médicale d’embauchage, plus communément appelée visite médicale d’embauche, réglementée par le code du travail, ne laisse que peu de latitude aux différentes parties (employé, employeur et médecin en santé au travail). Obligatoire avant l’embauchage pour les salariés soumis à une surveillance médicale renforcée (art. R 4624-19 du code du travail) et pour ceux exerçant les métiers de personnel navigant professionnel de l’aéronautique civile (art. L 421-1 du code de l’aviation civile), elle doit être réalisée avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai pour les autres (art. R 4624-10 du code du travail). Comme les autres visites médicales obligatoires en matière de santé au travail, cet examen peut entraîner un avis d’inaptitude au poste occupé par le salarié. Pour cela, ce n’est pas une, mais deux visites médicales d’embauchage qui sont nécessaires selon une jurisprudence du Conseil d’État du 17 juillet 2009 (nº 314729).

Après avoir rappelé les textes s’appliquant à la visite médicale d’embauche, et particulièrement les termes de l’article R 4624-11 du code du travail selon lesquels l’examen médical d’embauche a pour finalité de s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter, de proposer éventuellement les adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes et de rechercher si le salarié n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs, le Conseil d’État a confirmé que les termes de l’article R 4624-31du code du travail précisant que, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu’après avoir réalisé une étude de ce poste, une étude des conditions de travail dans l’entreprise et deux examens médicaux de l’intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, d’examens complémentaires, s’appliquaient bien à la visite d’embauchage.

Le Conseil d’État a aussi précisé que conformément à l’article R 4624-32 du code du travail, le médecin du travail pouvait consulter le médecin inspecteur du travail avant d’émettre son avis. En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail (art. L 4624-1 du code du travail).

 

 

Expérimentation sur un patient et mise en danger

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Consentement éclairé du patientIl peut être tentant pour un médecin, pensant agir dans l’intérêt du patient, d’inclure ce dernier dans une étude de recherche pour le faire bénéficier d’un nouveau traitement prometteur. Pour autant, le praticien ne doit pas oublier que, pour ce faire, il doit obtenir le consentement éclairé du malade et recueillir cet accord par écrit. Pas question pour le médecin de se contenter d’une réponse orale, de ne pas répondre aux questions que le patient peut légitimement se poser sur cette expérimentation ou d’attendre de pouvoir montrer au patient que son état s’améliore avec ce traitement expérimental pour obtenir une signature. L’état du patient doit aussi lui permettre de comprendre et de décider librement de participer ou non à une telle étude.

La chambre criminelle de la Cour de cassation, le 24 février 2009, a décidé que « justifie sa décision au regard des dispositions de l’article 223-8 du code pénal la cour d’appel qui, pour déclarer un médecin coupable de recherche biomédicale non consentie, retient qu’il a entrepris cette recherche sur un patient très affaibli et manifestement dans l’impossibilité de donner un consentement libre, éclairé et exprès, lequel n’a été recueilli ni par écrit ni par une autre façon. » (n° de pourvoi 08-84436).

La législation française en matière de recherche biomédicale a servi de modèle en Europe. Cette jurisprudence est basée sur l’un de ses piliers : le consentement éclairé.

Médecin-conseil de l’assurance-maladie et médecin du travail n’ont pas le même rôle

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique Jurisprudences

médecin du travail et médecin-conseilIl n’est pas rare qu’un salarié ait du mal à faire la différence entre la décision que va être amené à prendre le médecin-conseil concernant une mise en invalidité et celle du médecin du travail vis-à-vis de son aptitude. Par exemple, rien ne s’oppose à ce qu’un assuré admis en invalidité 2e catégorie par le médecin-conseil soit reconnu, dans le même temps, apte à un poste de travail par le médecin du travail de l’entreprise.

Certains employés pensent que la mise en invalidité va entraîner automatiquement un licenciement. Ce n’est pas le cas.
Dans un premier temps, il faut que le salarié se mette en situation de reprise. Il suffit pour cela qu’il informe son employeur de son désir de reprendre le travail. L’entreprise doit alors organiser la visite de reprise. Quand l’employé va se présenter au médecin du travail,  ce dernier ne sera pas nécessairement d’accord avec le médecin-conseil et peut déclarer le salarié apte.

Si le salarié ne se met pas en situation de reprise, l’employeur n’a rien à faire, comme le confirme une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation (n° de pourvoi 08-40030) du 4 juin 2009. Pour celle-ci, « l’employeur, qui n’envisage pas de licencier pour inaptitude un salarié classé en invalidité de deuxième catégorie, n’a pas à prendre l’initiative d’un examen par le médecin du travail du salarié qui n’a pas demandé à reprendre le travail et il appartient, éventuellement, au salarié de solliciter cet examen, s’il le juge utile ».

Invalidité ne signifie donc pas systématiquement inaptitude au travail et licenciement.

 

Plus d’informations sur invalidité et contrat de travail sur Atousante.com

De l’utilisation du terme « médecine »

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Le mot médecine n'est pas protégé.Un conseil départemental de l’ordre avait réussi à faire condamner par une cour d’appel un individu non médecin qui utilisait l’expression « médecine chinoise » pour ses activités professionnelles.

La Cour de cassation, dans une décision du 16 octobre 2008 (n° du pourvoi : 07-17789), n’a pas cautionné cette interprétation du droit. Dans une note sous cette décision, il est indiqué « Viole les articles L. 4131-1 et L.4161-1 du code de la santé publique la cour d’appel qui fait interdiction à une personne exerçant la médecine chinoise d’utiliser le terme de médecine en énonçant qu’elle ne pouvait utiliser ce terme protégé par les dispositions du code de la santé publique relatives à l’exercice illégal de la médecine, quand ce terme, à l’inverse du titre de médecin, n’étant pas protégé, seuls l’établissement de diagnostics ou la pratique d’actes médicaux par cette personne eussent justifié de lui interdire d’user de l’appellation “médecine chinoise” ».

Si le terme “médecin” est protégé, le mot “médecine” lui ne l’est pas…

Arrêt de travail, visite de reprise et initiative du salarié

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Visite de reprise et médecine du travailLa liberté de choix de son médecin ne s’applique pas à la médecine du travail. Ce service est à la charge de l’employeur, ce qui lui permet d’imposer à l’employé certaines contraintes afin de respecter ses obligations légales. Le système de santé français n’ayant pas habitué ses assurés à de telles contraintes dans le domaine privé, le salarié est tenté de reproduire ce schéma dans sa sphère professionnelle.

Un employé d’une grande entreprise française, suite à un arrêt de travail, a pris l’initiative de la visite de reprise, sans en avertir son employeur. Ce praticien a rendu un avis de danger immédiat. L’employé, fort de cette décision, a choisi de ne pas se rendre à deux convocations du même médecin, mais cette fois, sollicité par l’employeur. Il est intéressant qu’un autre médecin ne lui a pas été imposé.
Bien mal lui en a pris, car la Cour de cassation, dans un arrêt du 4 février 2009 (nº du pourvoi : 07-44498), a rappelé que la loi ne permettait pas à l’employé de faire les choses à sa convenance. Dans une note sous cette décision, il est précisé que « La cour d’appel qui constate que le salarié, sans se présenter à son travail afin que l’employeur organise la visite de reprise, a pris l’initiative de se rendre chez un médecin du travail sans en avertir ledit employeur, décide exactement que cette visite ne remplit pas les conditions de l’article R. 241-51, alinéas 1 et 3, devenu R. 4624-21 et R. 4624-22 du code du travail, pour être qualifiée de visite de reprise. »

La législation en matière de santé du travail ne laisse que peu de latitude à l’employé. Refus, absence alors que le salarié est convoqué et visite sans en informer l’employeur ne sont pas à l’avantage du préposé. En respectant les règles, le droit du travail, et les mesures relatives à la santé qu’il impose, peuvent le protéger au-delà de toutes ses espérances.

Sorties libres, contre-visite et arrêt de travail

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Arrêt de travail et sorties libresLe code de la Sécurité sociale, dans son article R. 323-11-1., indique qu’un médecin peut refuser les sorties lorsqu’il signe un arrêt de travail. Il le fait, bien entendu, dans l’intérêt de la santé du patient. Il peut aussi les autoriser. « Dans ce cas, l’assuré doit rester présent à son domicile de 9 h à 11 h et de 14 h à 16 h, sauf en cas de soins ou d’examens médicaux. Toutefois, le praticien peut, par dérogation à cette disposition, autoriser les sorties libres. Dans ce cas, il porte sur l’arrêt de travail les éléments d’ordre médical le justifiant. » Cette possibilité n’est pas un dû pour le salarié ; c’est pour des raisons médicales, et non de convenance personnelle, qu’elle est envisageable.

Cette mention « sorties libres », si elle permet à l’assuré de quitter temporairement son domicile, ne le dispense pas pour autant d’obligations. L’employé, malgré cette mention figurant sur son arrêt de travail, doit permettre à son entreprise, qui paye le complément de salaire, de réaliser une contre-visite, comme la loi le prévoit. C’est ce que rappelle une note sous une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation (nº du pourvoi : 07-43430), publiée au bulletin d’information du 15 juin 2009.

« La mention de l’arrêt de travail “sorties libres” permet, sans restriction, au salarié malade de s’absenter de son domicile. Cependant, l’employeur qui maintient le salaire en application de dispositions conventionnelles doit pouvoir faire diligenter une contre-visite médicale.
Il est décidé que le juge, saisi d’une demande du salarié malade auquel l’employeur a refusé de maintenir la rémunération au motif de son absence à son domicile lors d’une contre-visite, doit vérifier si ce salarié, qui, au regard de la réglementation de la sécurité sociale, pouvait sortir librement, avait mis son employeur en mesure de faire procéder à la contre-visite, en le prévenant du lieu et des horaires auxquels il serait présent.
En substance, l’arrêt se borne à préciser que la mention “sorties libres” qui figure sur l’arrêt de travail ne dispense pas le salarié d’informer l’employeur du lieu et des plages horaires de sa présence dans le lieu où une contre-visite pourrait être effectuée.
L’arrêt ne se prononce pas sur les conséquences qui peuvent être tirées du non-respect par le salarié de cette obligation d’information. Mais, en rappelant l’existence d’une telle obligation, la Cour de cassation indique que l’appréciation de la légitimité du refus, par l’employeur, de payer le complément de salaire du fait de l’absence du salarié lors de la contre-visite est subordonnée à la vérification que le salarié a, pour sa part, respecté l’obligation d’information qui lui incombe. »

S’absenter de son domicile ne veut pas dire partir en vacances. L’assurance-maladie rappelle qu’en cas de nécessité de sorties hors du département, l’autorisation préalable de la caisse d’assurance-maladie, dont dépend le salarié, doit être recueillie. L’assuré formule sa demande par écrit et la motive. Elle peut lui être refusée. Si ces règles ne sont pas respectées, la Sécurité sociale peut supprimer tout ou partie des indemnités journalières. Voilà qui peut donner à réfléchir.

Laisser opérer un interne comporte des risques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Interne, chirurgie et responsabilitéAu moment où le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires prévoit que les internes en médecine non thésés vont pouvoir aller se former au sein des cliniques, il convient de rappeler que ce n’est pas sans conséquence sur la responsabilité du praticien qui va assumer le rôle mentor. Un arrêt de la Cour de cassation du 10 février 2009 (n° de pourvoi 08-80679) est venu le rappeler.

Un jour férié de novembre 1997, une patiente se rend dans un hôpital de la région parisienne pour des douleurs pelviennes. Après qu’elle ait été examinée, le chirurgien décide de réaliser une coelioscopie exploratrice. Parce qu’il faut bien que les internes acquièrent de la pratique et apprennent leur métier au cours de leurs études, le praticien laisse le soin à l’interne de réaliser le premier temps opératoire sous son contrôle. Un saignement plus abondant qu’à l’accoutumé se produit sans inquiéter pour autant le chirurgien, qui rassure l’interne en mettant cet incident sur le compte d’un vaisseau de la paroi abdominale, loin d’imaginer, malgré son expérience, que c’est l’aorte de la patiente qui a été touchée, chez cette patiente ayant une morphologie particulière. Il sera trop tard lorsque cette erreur d’appréciation sera comprise par le chirurgien et la patiente va malheureusement décéder très peu de temps après cette méprise.

Alors que le chirurgien, après avoir été déclaré coupable en première instance, a été relaxé par la cour d’appel. Pour cette dernière, il n’avait commis aucune faute caractérisée, pour des raisons que l’on aurait pu croire légitimes malgré l’issue dramatique de cette affaire. La Cour de cassation en a décidé autrement. Une note sous sa décision précise en effet que « Doit être cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui, pour relaxer un médecin poursuivi du chef d’homicide involontaire, retient que la mort de sa patiente est due à une hémorragie secondaire à une plaie chirurgicale de l’aorte à la suite d’une incision cutanée pratiquée par une interne sous son contrôle, et que ledit médecin n’a commis aucune faute caractérisée, le retard de diagnostic, au surplus erroné, pouvant lui être reproché, s’expliquant par la morphologie particulière de la victime et le caractère exceptionnel des complications auxquelles il s’est trouvé confronté, alors qu’il appartenait à la cour d’appel de rechercher si le prévenu, auquel il incombait de contrôler l’acte pratiqué par l’interne, n’avait pas commis une faute entretenant un lien direct de causalité avec la mort de la patiente. »

L’interne, placé sous la responsabilité du chirurgien, a été relaxé. Cette décision est, quant à elle, conforme à une jurisprudence de la Cour de cassation de 2005 (n° de pourvoi 05-82591) qui affirmait que « En l’état d’une thyroïdectomie pratiquée par un chirurgien, chef de service, assisté d’un interne, sur un patient décédé des suites d’une complication hémorragique, après une opération qui aurait nécessité une reprise chirurgicale immédiate, encourt la cassation l’arrêt qui déclare l’interne coupable d’homicide involontaire sans répondre aux conclusions qui faisaient valoir, en se prévalant de l’article R. 6153-3 du code de la santé publique, que la décision de réopérer dont la tardiveté était la cause du décès, appartenait au seul chef de service qui était présent lors de la survenance de l’hémorragie. » L’article R. 6153-3 du code de la santé publique précise, en effet, que « L’interne en médecine exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève. […] ».

Contrôler le travail d’un interne n’est pas anodin. Une faute caractérisée n’est pas nécessaire pour voir la responsabilité du médecin senior engagée. Une faute simple peut suffire à le faire condamner, y compris pour homicide involontaire.

Vitamine C : médicament par présentation ou par fonction ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La vitamine C : un maché juteuxSeuls les spécialistes du droit de la santé savent que la vitamine C fait l’objet d’une âpre bataille. Sa vente en grande surface, si elle ne pose aucun problème sous la forme de jus d’orange, a déclenché un nombre inimaginable de procédures lorsqu’elle s’est faite sous la forme de poudre en sachets ou de comprimés effervescents. Pour les uns, la vitamine C, en fonction de la façon dont elle est présentée à la vente, doit être considérée comme un médicament et être réservée au monopole des pharmaciens. Pour d’autres, la mettre en libre service, quelle que soit sa présentation, ne pose aucun problème. La santé est-elle vraiment l’enjeu de ces conflits ? Ou est-ce le profit généré par les ventes d’un produit que tout un chacun connaît et pense être bon pour la santé ?

Le bulletin d’information de la Cour de cassation nº 703 du 1er juin 2009 offre, sous la forme d’une note sous une décision de la chambre commerciale du 27 janvier 2009 (nº de pourvoi 08-10482, 08-10892, 08-10976 et 08-11068), une mise au point sur ce sujet. Elle est d’autant plus nécessaire qu’après les tribunaux nationaux, la justice européenne a été saisie de ces affaires.

« Le principal enseignement de cet arrêt est de tirer les conséquences de la jurisprudence communautaire en précisant les divers critères d’appréciation à prendre en considération pour qualifier un produit de médicament par fonction.

En l’espèce, étaient en cause des produits à base de vitamine C 500 et C 180. Estimant que ces produits constituaient des médicaments et relevaient à ce titre, pour leur distribution, du monopole réservé par la loi aux pharmaciens, la chambre syndicale des pharmaciens du Maine-et-Loire a assigné, à la fin de l’année 1996 et au début de l’année suivante, une série de sociétés de la grande distribution, qui commercialisaient ces produits dans la région, afin qu’il leur soit fait interdiction de les vendre. S’en est suivi un long débat sur la qualification des produits litigieux. Ce débat, qui s’est focalisé sur la notion de médicament par fonction, a donné lieu à une première cassation, pour défaut de base légale, par un arrêt de la chambre commerciale du 26 novembre 2003 (Bull.2003, IV, nº 177). Bien que statuant en sens inverse à celui retenu par l’arrêt censuré, en qualifiant les produits litigieux de médicaments par fonction (l’arrêt censuré avait écarté cette qualification), l’arrêt adopté sur renvoi après cassation est lui aussi censuré sur ce point.

La difficulté de cet exercice de qualification vient du fait que la notion de médicament par fonction est entendue strictement, et même de plus en plus strictement, par la jurisprudence communautaire.

Cette notion est issue de la Directive 65/65/CEE du Conseil, du 26 avril 1965, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives, relatives aux spécialités pharmaceutiques. Cette Directive, qui était applicable à l’époque des faits litigieux, comprend deux définitions de la notion de médicament :
— celle du médicament par présentation (il s’agit de “toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales”) ;
— celle du médicament par fonction (il s’agit de “toute substance ou composition pouvant être administrée à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier des fonctions organiques chez l’homme ou l’animal”).

Ces deux définitions du médicament (qui ont été reprises en substance par la Directive 2001/83/CE du Parlement et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain) ont été transposées en droit interne, de manière purement littérale, à l’article L. 511 du code de la santé publique, devenu l’article L. 5111-1 du même code.

La portée de ces deux définitions du médicament a été précisée par la Cour de justice des Communautés européennes au fil de sa jurisprudence. Alors que celle-ci a donné à la notion de médicament par présentation une large portée, et ce, dans le souci de protéger les consommateurs contre le charlatanisme, elle a, en revanche, interprété strictement celle du médicament par fonction, et ce, pour deux raisons :
— d’une part, afin de concilier les deux objectifs poursuivis tant par la Directive 65/65 que par celle nº 2001/83 (l’objectif de la libre circulation des marchandises et celui de la protection de la santé publique, le premier objectif s’opposant à une interprétation trop large, au nom du second objectif, de la notion de médicament par fonction) ;
— d’autre part, afin de préserver l’effet utile de la Directive 2002/46/CE du Parlement et du Conseil, du 10 juin 2002, relative au rapprochement des législations des États membres concernant les compléments alimentaires, laquelle comprend une définition de la notion de complément alimentaire à laquelle est associée une réglementation spécifique destinée, elle aussi, à concilier les objectifs de libre circulation des marchandises et de protection de la santé publique.
Cette interprétation restrictive de la notion de médicament par fonction se traduit de deux manières :
— tout d’abord, cette qualification est subordonnée à la prise en compte d’une série de critères, qui se sont dégagés au fil de la jurisprudence communautaire ;
— ensuite, chacun de ces critères est entendu strictement.
Sur le premier point, la Cour de justice a précisé que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, il convient de procéder à un examen global et au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques du produit, dont, notamment :
— sa composition ;
— ses propriétés pharmacologiques, telles qu’elles peuvent être établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ce qui découle généralement de la composition du produit ;
— ses modalités d’emploi ;
— l’ampleur de sa diffusion ;
— la connaissance qu’en ont les consommateurs ;
— les risques que peut entraîner son utilisation pour la santé (ce critère est autonome par rapport à celui des propriétés pharmacologiques).
En l’espèce, l’arrêt attaqué, pour qualifier les produits litigieux de médicaments par fonction, s’était déterminé au vu de leurs seules propriétés pharmacologiques, sans tenir compte des autres caractéristiques de ceux-ci et en écartant même expressément la nécessité d’en tenir compte. Dès lors, cet arrêt encourt la censure pour défaut de base légale, et ce, au double visa de l’article premier, paragraphe 2, de la Directive 65/65 et de l’article L. 511 du code de la santé publique (devenu l’article L. 5111-1 du même code), lequel doit être interprété conformément à ce texte de la Directive, tel que, lui-même, strictement interprété par la Cour de justice.
Cette censure, en tirant les conséquences de la jurisprudence communautaire, permet de dissiper d’éventuels malentendus sur les exigences évolutives, complexes et nuancées de la Cour de justice pour retenir la qualification de médicament.
En effet, pour écarter expressément la nécessité de prendre en compte les autres caractéristiques des produits litigieux (autres que celles tenant à leurs propriétés pharmacologiques), l’arrêt attaqué s’est fondé sur un ancien arrêt de la Cour de justice, le premier arrêt d’une longue série sur la notion de médicament [arrêt du 30 novembre 1983, X…, affaire 227/82].
Dans cet arrêt (point 22), la Cour de justice avait indiqué qu’ “une substance qui possède des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, au sens de l’article premier paragraphe 2, de la Directive 65/65, mais qui n’est pas présentée comme telle, tombe, en principe, dans le champ d’application de la définition du médicament par fonction”.

La cour d’appel, dans l’arrêt attaqué, en a déduit qu’un produit qui présente une des caractéristiques du médicament par présentation (du fait qu’il possède des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales), mais qui ne peut être qualifié ainsi (dès lors qu’il n’est pas présenté comme tel), constitue nécessairement un médicament par fonction, de sorte qu’il est inutile d’examiner si ce produit présente toutes les caractéristiques de celui-ci.
Cette analyse ne peut être approuvée, et ce, pour deux raisons.
Tout d’abord, si l’on s’en tient à ce seul arrêt X… précité [affaire 277/82], il est difficile d’y voir l’énoncé d’une règle absolue, qui ferait, automatiquement ou systématiquement, tomber un produit, présentant l’une des caractéristiques du médicament par présentation, sous la qualification du médicament par fonction. Ensuite et surtout, si l’on met cet arrêt en perspective avec l’ensemble de la jurisprudence communautaire qui lui a succédé en la matière, force est de constater que celle-ci s’oppose à l’interprétation que la cour d’appel en a donné puisque, par cette jurisprudence, la Cour de justice exige un examen global de toutes les caractéristiques du produit concerné, qui ne se limite donc pas à ses seules propriétés pharmacologiques. La Cour de cassation n’a pas dit le contraire dans l’arrêt du 26 novembre 2003, précité. Dans le prolongement d’un précédent arrêt (Com., 20 février 2000, Bull. 2000, IV, nº 34), elle s’est limitée, dans cet arrêt, à censurer l’analyse consistant à écarter toute qualification de médicament en se fondant uniquement sur des motifs ayant trait à la qualification de médicament par fonction, sans rechercher, et c’est sur ce point qu’intervient la cassation, si les produits litigieux, à défaut de constituer des médicaments par fonction, n’étaient pas susceptibles de tomber sous l’autre qualification de médicament, celle du médicament par présentation, laquelle ne suppose pas l’examen du produit au regard de la série de critères posés par la Cour de justice pour caractériser l’existence d’un médicament par fonction. »

Il n’y a rien de futile dans toutes ces décisions. À une époque où de nombreux compléments alimentaires se vantent de prévenir de plus en plus de maladies, mais ne veulent surtout pas être assimilés à des médicaments pour ne pas voir leur prix fixé et les procédures pour les mettre en vente se compliquer, les enjeux sont énormes. Vendre un complément alimentaire n’oblige pas à de couteuses études pour obtenir une autorisation de mise sur le marché. Jusqu’à aujourd’hui, aucun souci pour les fabricants qui ont compris qu’il fallait réserver ces produits aux pharmaciens.  Tout est fait pour que ce produit, très rentable, puisse être déjà amorti et avoir généré de gros bénéfices avant que l’on puisse se rendre compte qu’il est nécessaire de changer sa composition en raison de l’effet cancérigène de certains de ses composants…

Travail, grossesse et licenciement

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La grossesse protège du licenciementEn matière de grossesse et de licenciement, la Cour de cassation vient régulièrement rappeler que les procédures sont strictes et que l’employeur doit faire preuve de la plus grande rigueur lorsqu’il est amené à se séparer d’une employée. Dans une décision du 21 janvier 2009 (no de pourvoi 07-41841), parue au Bulletin d’information de la Cour de cassation no 703 du 1er juin 2009, la chambre sociale insiste sur le fait que tous les motifs exigés par la loi, justifiant la rupture du contrat, doivent impérativement être mentionnés dans la lettre de licenciement lorsqu’elle est adressée à une salariée enceinte.

« En vertu de l’article L. 122-14-2, alinéa premier, devenu L. 1232-6, du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement et, en application de l’article L. 122-25-2, alinéa premier, devenu L. 225-4, du même code, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée que s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée non liée à cet état ou de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption, de maintenir le contrat.
La cour d’appel ayant constaté que la lettre de licenciement ne mentionnait pas l’un des motifs exigés par le second de ces textes en a exactement déduit que le licenciement était nul. »

Il convient de rappeler que les législations, tant européenne que française, vont très loin dans ce domaine puisque même le licenciement et la fécondation in vitro peuvent être concernés et que même une grossesse intervenant après le licenciement peut être prise en compte. On ne badine pas avec la maternité.

Activité d’un médecin et liberté de choix de la caisse de retraite

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Médecin, travail occasionnel et caisse de retraiteQui dit travail, dit charges sociales et cotisations à une caisse de retraite. En théorie, les médecins libéraux devraient avoir le droit de choisir leur caisse de retraite ; en pratique, pour les praticiens conventionnés, elle leur est imposée. C’est pour cette raison que la jurisprudence de la chambre sociale de la cour d’appel de Reims du 7 mai 2009, publiée au bulletin d’information de la Cour de cassation no 702 du 15 mai 2009 est intéressante : elle va dans le sens d’un peu plus de liberté.

Le résumé no 720 de la décision de justice est ainsi libellé : « Bien que remplissant les conditions légales pour exercer en tant que médecin à titre libéral (diplôme et inscription au conseil de l’ordre des médecins), un médecin qui a cessé son activité libérale, n’exerçant plus que ponctuellement dans le cadre d’une activité salariée et qui s’est déclaré comme travailleur indépendant d’une profession libérale indépendante de la qualité de médecin (psychanalyste), ne relevait plus du régime des retraites des médecins français CARMF, mais du régime interprofessionnel CIPAV. »