Rien n’interdit à un pays de l’Union européenne de réserver les officines aux seuls pharmaciens

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Le profit n'est pas ce qui prime pour les pharmaciensLa cour de justice des communautés européennes (CJCE) a rendu, le 19 mai 2009, des décisions favorables aux pharmaciens pour ce qui est de savoir si un pays de l’Union pouvait réserver la détention et l’exploitation d’une pharmacie aux seuls pharmaciens.

Il est intéressant de noter que c’est sur la sécurité et la qualité que repose la décision de la cour. « Les législations italienne et allemande prévoyant une telle règle sont justifiées par l’objectif visant à garantir un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité ». Plutôt que de céder à la pression commerciale qui avait poussé le Land de la Sarre à autoriser une société anonyme néerlandaise à exploiter une pharmacie à Sarrebruck, la CJCE a choisi de privilégier la santé publique.

Les dispositions du traité européen relatives à la liberté d’établissement ne s’opposent donc pas aux législations nationales réservant les officines aux seuls pharmaciens. Certes, dans les arrêts, la cour relève que l’exclusion des non-pharmaciens de la possibilité d’exploiter une pharmacie ou d’acquérir des participations dans des sociétés d’exploitation de pharmacies constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux, mais la sécurité et la qualité de l’approvisionnement en médicaments de la population priment cette restriction. Le raisonnement de la cour est expliqué dans le communiqué que les services de la CJCE ont fait paraître. « Lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé des personnes, il importe que l’État membre puisse prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité de ces risques soit pleinement démontrée. En outre, l’État membre peut prendre les mesures qui réduisent, autant que possible, un risque pour la santé publique, y compris, plus précisément, un risque pour l’approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.
Dans ce contexte, la Cour souligne le caractère très particulier des médicaments, les effets thérapeutiques de ceux-ci les distinguant substantiellement des autres marchandises.
Ces effets thérapeutiques ont pour conséquence que, si les médicaments sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la santé, sans que le patient soit en mesure d’en prendre conscience lors de leur administration.
Une surconsommation ou une utilisation incorrecte de médicaments entraîne, en outre, un gaspillage de ressources financières qui est d’autant plus dommageable que le secteur pharmaceutique engendre des coûts considérables et doit répondre à des besoins croissants, tandis que les ressources financières pouvant être consacrées aux soins de santé ne sont, quel que soit le mode de financement utilisé, pas illimitées.
Compte tenu de la faculté reconnue aux États membres de décider du niveau de protection de la santé publique, ces derniers peuvent exiger que les médicaments soient distribués par des pharmaciens jouissant d’une indépendance professionnelle réelle. »

Que les apothicaires fassent du commerce n’y change rien. La CJCE estime que les pharmaciens ne sont pas des commerçants comme les autres et qu’il n’exerce pas son métier dans le seul but de faire des bénéfices. La cour met en avant la formation, l’expérience professionnelle et la responsabilité de ces professionnels de santé. L’éthique s’invite ainsi dans les réflexions de la CJCE. Pour un pharmacien, la légitime recherche du profit est contrebalancée par les règles légales et déontologiques auxquelles il est soumis. Ces éléments offrent des garanties aux citoyens

De telles décisions contrastent fortement avec certaines politiques nationales, ou avec les discours de complémentaires santé pensant surtout aux profits de leurs actionnaires, fustigeant les médecins, les dentistes ou les pharmaciens. La CJCE fait confiance aux professionnels de santé soumis à un code de déontologie pour prendre conscience des risques qu’ils encourent en privilégiant le lucre à l’éthique. Elle reconnaît la valeur ajoutée liée à la formation et à l’expérience dans le domaine de la santé. La Cour comprend qu’un État puisse estimes que les équivalents dans l’univers du commerce n’offrent pas les mêmes garanties à la population. Elle trouve tout aussi légitime l’idée qu’un professionnel de santé tel que le pharmacien puisse perdre de son indépendance s’il dépend financièrement d’un organisme unique, comme cela peut être le cas d’un salarié.

Pour la cour de justice des communautés européennes, « les libertés d’établissement et de circulation des capitaux ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies ». En fonction de l’évolution des législations nationales, les citoyens européens peuvent maintenant savoir si leur pays privilégie la santé publique ou le commerce…

Le certificat médical indiquant la nature de la maladie professionnelle doit être transmis à l’employeur

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Obligation d'information des CPAMLes professionnels de santé ne sont pas les seuls à avoir une obligation d’information, et les caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM) doivent, elles aussi, respecter une telle contrainte. Dans le cadre d’un accident ou d’une maladie professionnelle, un manquement à cette obligation vis-à-vis de l’employeur peut être lourd de conséquences puisque la décision de prise en charge par l’organisme d’assurance sociale devient inopposable à l’entreprise. Oublier d’envoyer des doubles de la déclaration de maladie professionnelle et du certificat médical attestant de la maladie par la Sécurité sociale à l’employeur est, par exemple, considéré comme un non-respect de cette obligation.

Le résumé no 721 au bulletin d’information de la Cour de cassation no 702 du 15 mai 2009 illustre parfaitement, par le biais d’une jurisprudence de la cour d’appel de Bourges, les implications d’un manquement à l’obligation d’information d’une CPAM : « Par application des articles L. 461-5 et R. 441-11 du code de la sécurité sociale, tout organisme de sécurité sociale doit, préalablement à une décision de prise en charge d’une maladie professionnelle, envoyer à l’employeur le double de la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical attestant de cette maladie, un tel certificat devant compléter la déclaration, comme le précise le premier texte susvisé.
En l’espèce, la caisse primaire d’assurance maladie a transmis, par courrier, à l’employeur, une copie de la déclaration de maladie professionnelle établie par le salarié. Il ressort de la formulation de ce courrier et de l’énoncé des pièces jointes que seule une copie de la déclaration de maladie professionnelle a été envoyée, sans que celle-ci soit accompagnée du certificat médical indiquant la nature de la maladie, la caisse précisant d’ailleurs au destinataire que la déclaration lui était parvenue accompagnée d’un tel certificat.
En conséquence, la caisse n’a pas satisfait à son obligation d’information. Ses décisions sont alors inopposables à l’employeur. »

Masseurs-kinésithérapeutes : il est possible de côter plusieurs actes de rééducation le même jour

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Sécurité sociale et masseur-kinésithérapeuteLa 2e chambre civile de la Cour de cassation, dans une décision du 8 janvier 2009 (nº de pourvoi : 07-21870), a désavoué un tribunal des affaires de Sécurité sociale pour avoir condamné un masseur-kinésithérapeute ayant coté plusieurs actes, le même jour, pour un même patient. Le professionnel de santé a été mis en cause par la caisse primaire d’assurance-maladie dont il dépend, car il a coté pour plusieurs patients deux séances de soins pour des pathologies différentes sur une même journée.

Dans le résumé de la décision, publié au Bulletin d’information de la Cour de cassation no 702 du 15 mai 2009 sous le numéro 708, la Cour explique que « Le titre XIV de la nomenclature générale des actes professionnels annexée à l’arrêté ministériel du 27 mars 1972, dans la rédaction alors applicable, prévoit, en ses dispositions liminaires, que les cotations appliquées par un masseur-kinésithérapeute comprennent les différents actes et techniques utilisés pendant la séance à des fins de rééducation, que ce soient des manoeuvres de massage, des actes de gymnastique médicale ou techniques de physiothérapie, que, sauf exception prévues dans le texte, ces cotations ne sont pas cumulables entre elles, qu’à chaque séance s’applique donc une seule cotation, correspondant au traitement de la pathologie ou du territoire anatomique en cause, et que, sauf exceptions prévues dans le texte, il n’est pas possible d’appliquer une seconde cotation pour la même séance. Il en résulte que des actes de rééducation pratiqués sur des régions anatomiques différentes d’un même patient, en application de prescriptions médicales distinctes et pour le traitement d’affections différentes, sont considérés comme étant dispensés au cours de séances distinctes et peuvent en conséquence donner lieu à des cotations différentes, peu important que ces séances aient eu lieu le même jour. »
Un masseur-kinésithérapeute peut donc bien coter plusieurs séances pour un même patient sur une seule journée à condition que les régions anatomiques et les affections traitées, ainsi que les prescriptions médicales pour effectuer ces soins, soient différentes.

Cette décision vient rappeler une fois de plus que les caisses d’assurance-maladie ne sont pas toutes puissantes pour interpréter la loi.

Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques : le Conseil d’État dit oui

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Hépatite B, vaccin et sclérose en plaquesAlors que le calendrier vaccinal vient d’affirmer qu’il n’y avait pas de lien entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, le Conseil d’État maintient sa jurisprudence de 2007 (décision no 267635), selon laquelle « le lien direct entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques doit être regardé comme établi lorsque la maladie apparaît dans un bref délai à la suite de l’injection du vaccin alors que le patient était en bonne santé et ne présentait aucun antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination » pour un agent du secteur public.

Dans une décision du 10 avril 2009 (no 296630), le Conseil d’État confirme que « Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert commis au titre du règlement amiable, que Mme A n’a présenté aucun antécédent de la sclérose en plaques avant de recevoir les trois premières injections du vaccin les 27 juillet, 9 septembre et 19 octobre 1988 ; que les premiers symptômes de l’affection ultérieurement diagnostiquée qui aient fait l’objet de constatations cliniques ont été ressentis dès les mois de novembre et décembre 1988, soit dans un bref délai après la troisième injection ; que dans ces conditions, l’affection doit être regardée comme imputable à la vaccination ; qu’il revient dès lors à l’État, en application des dispositions précitées, de réparer les dommages subis par Mme A du fait de cette affection ».

Le Conseil d’État ne donne, bien entendu, pas un avis scientifique. Il constate que la sclérose en plaques a été imputée au vaccin par la cour, suivant l’avis de l’expert. Cette décision montre bien qu’il faut tenir compte des délais entre l’expertise, le jugement et le passage devant le Conseil d’État. La justice suit l’avis de l’expert jusqu’au bout de la procédure, même si l’on sait que cet avis, au cours de ce lent processus, peut évoluer, au point de s’inverser, en fonction de la progression des connaissances scientifiques.

Visite médicale après accident du travail ou maladie professionnelle : l’employeur responsable

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Reprise du travail après accident du travail ou maladie professionnelleSi l’employé n’hésite pas à aller voir le médecin lorsqu’il est victime d’un accident du travail, il arrive souvent qu’il néglige la visite nécessaire au constat de sa guérison ou de sa “consolidation” avec séquelles. Il en est parfois de même en cas de maladie professionnelle. Il est pourtant indispensable que l’employé voit un médecin pour régulariser sa sitution vis-à-vis de la Sécurité sociale et que soit déterminé un éventuel taux d’IPP. Ne pas effectuer cette visite dessert le salarié. C’est bien souvent au médecin de famille qu’est dévolue cette tâche, parfois à un spécialiste. Le médecin du travail pour les arrêts de moins de huit jours n’a pas systématiquement besoin d’être consulté.

Lorsque l’arrêt de travail a duré plus de huit jours, en plus des visites au médecin libéral ou hospitalier, le patient est obligé d’effectuer une visite de reprise auprès du médecin du travail. Dans une telle situation, si le salarié est négligent, l’employeur ne peut pas se permettre de l’être. C’est ce qu’a appris à ses dépens une entreprise de transport express. Faute d’avoir demandé à un employé d’aller passer sa visite de reprise après un arrêt de travail de plus de huit jours, aucune absence injustifiée n’a pu être retenue contre ce salarié.

La Cour de cassation dans un arrêt du 25 mars 2009 (no pourvoi 07-44408) rappelle qu’« il résulte de l’article L. 230-2 I, devenu L. 4121-1 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive 89/391/CEE du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l’article R. 241-51, alinéa 1, devenu R. 4624-21 du code du travail, que l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité ; qu’il ne peut dès lors laisser un salarié reprendre son travail après une période d’absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail sans le faire bénéficier lors de la reprise du travail, ou au plus tard dans les huit jours de celle-ci, d’un examen par le médecin du travail destiné à apprécier son aptitude à reprendre son ancien emploi, la nécessité d’une adaptation des conditions de travail ou d’une réadaptation ou éventuellement de l’une et de l’autre de ces mesures ; qu’à défaut, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée du salarié, dont le droit à la sécurité dans le travail a ainsi été méconnu, que s’il justifie soit d’une faute grave de l’intéressé, soit de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l’accident, de maintenir ledit contrat… »
N’ayant pas été soumis à la visite de reprise, il n’est pas possible de reprocher à un employé de ne pas avoir repris le travail à une date à laquelle il n’y était pas tenu et de considérer qu’il s’agit d’une faute grave.

L’employeur a donc tout intérêt à avoir les pièces lui permettant de prouver qu’il a demandé à son agent d’aller à la visite de reprise. Si l’employé refuse ou ne se déplace pas, l’entreprise pourra prouver sa bonne foi en faisant constater cet état de fait et prendre les mesures qui s’imposent pour que le droit soit respecté par son salarié. Il ne faut pas oublier que l’absence de ce dernier à une visite médicale du travail peut être considérée comme une faute grave, comme le montre le résumé d’une décision du 29 novembre 2006 de la Cour de cassation : « Est constitutif d’une faute grave le comportement d’un salarié qui fait obstacle de façon réitérée à l’examen du médecin du travail » (pourvoi no 04-47302).

Cabinet du médecin et parties communes d’un immeuble

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Cabinet médical et parties communes d'un immeubleIntéressante note sous le résumé no 440 du bulletin d’information no 699 de la Cour de cassation du 1er avril 2009 pour celui dont le cabinet médical se situe au sein d’un immeuble, surtout s’il le loue. Il peut, en effet, arriver que des patients ou des personnes accompagnant un malade causent des dégradations ou des nuisances au sein des parties communes de l’immeuble où est situé le lieu d’exercice du praticien et la question de la responsabilité de ce dernier a parfois fait l’objet d’âpres débats entre voisins.

Dans son pourvoi no 07-15508, la Cour de cassation s’est penchée sur le cas d’un médecin dont le bailleur a voulu résilier le bail du cabinet alors qu’il avait autorisé le praticien à exercer son Art dans l’appartement loué suite à des troubles constatés dans les parties communes de l’immeuble. Elle a décidé que « Les patients ne constituant pas des personnes de la maison au sens de l’article 1735 du code civil, un médecin, preneur à bail d’un local dans lequel le bailleur lui a donné l’autorisation d’exercer sa profession, ne peut, en l’absence de toute faute qui lui soit imputable, être personnellement tenu pour responsable du comportement de certains de ses patients dans les parties communes de l’immeuble ». En ce faisant elle ne s’oppose pas au fait que le preneur est tenu d’user de la chose louée en bon père de famille et qu’il est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison, mais elle qualifie les patients comme n’étant pas des gens de la maison au sens juridique du terme.

La note du bulletin d’information de la Cour explique qu’« Aux termes de l’article 1735 du code civil, le preneur est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires. Le régime de responsabilité du fait d’autrui qui en découle est particulièrement sévère, puisque le preneur ne peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a personnellement commis aucune faute et qu’il répond des dégradations, qu’elles aient été commises volontairement ou non par les “personnes de sa maison”.
La notion de “personnes de la maison” a fait l’objet d’une acception large de la part de la Cour de cassation, qui y a inclus, en dehors des membres du strict cercle de famille et des domestiques demeurant sur place, toute personne hébergée par lui ou l’artisan qu’il avait volontairement introduit pour y exécuter une réparation.
Dans un arrêt du 16 juin 2004 (Bull. 2004, III, no 119), la troisième chambre civile a, en revanche, écarté que pût être considéré comme “de la maison” un invité du locataire qui ne résidait pas, fût-ce temporairement, dans les lieux loués et qui n’y était pas venu à titre professionnel à la demande du locataire.
Se posait la question de savoir si les patients d’un médecin, preneur à bail d’un local dans lequel le bailleur lui avait donné l’autorisation d’exercer sa profession, figuraient parmi les “personnes de sa maison”.
En répondant, dans l’arrêt commenté, par la négative, la troisième chambre civile a refusé de retenir que le lien contractuel qui se noue entre le médecin et la personne qui a choisi de venir le consulter fût équivalent à la relation contractuelle qui unit le locataire au professionnel dont il a sollicité l’intervention à son domicile. Elle a ainsi confirmé sa volonté de fixer des limites à la responsabilité du fait d’autrui susceptible de peser sur le preneur, en particulier lorsque, comme en l’espèce, celui-ci, en raison même de la profession libérale qu’il est autorisé à exercer dans les lieux loués, est obligé d’y recevoir sa clientèle. »

De par ses obligations déontologiques, le médecin se doit d’accueillir tous patients. Ses voisins ne peuvent donc pas lui reprocher de recevoir des personnes qui ne correspondraient pas au standing de l’immeuble au sein duquel le cabinet se situe. L’élitisme social doit rester à la porte des immeubles bourgeois où exercent des professionnels de santé.

Infection nosocomiale et personnel soignant

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Personnel hospitalier et infection nosocomialeLa cour administrative d’appel de Nancy a rendu une décision (no 07NC01065) particulièrement intéressante concernant le décès d’une aide soignante dans un service de chirurgie viscérale de province. La malheureuse est morte d’une septicémie à staphylocoque doré sensible à la méticilline, compliquée d’un infarctus mésentérique. Pour sa famille, il ne faisait aucun doute que cette infection, due à un germe présent dans le service où travaillait cette femme, devait être reconnue comme une maladie professionnelle obligeant l’employeur à une réparation intégrale. Selon eux, cette infection devait aussi engagée la responsabilité de l’établissement à l’égard de sa préposée au titre de l’article L 1142-1 du code de la santé publique. Il est utile de rappeler que cet article stipule que « Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. »
Le même article précise aussi que « Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’incapacité permanente ou de la durée de l’incapacité temporaire de travail. »

La cour en a décidé autrement : « les dispositions de l’article L 1142-1 du code de la santé publique aux termes desquelles les établissements hospitaliers sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère, ces dispositions ne sauraient trouver application en l’espèce, dès lors qu’elles ne concernent que la responsabilité des établissements à l’égard de leurs patients et non de leur personnel ».
La présence du germe au sein du service où travaillait cette aide soignante n’a pas non plus suffi à emporter la conviction des juges sur l’origine professionnelle de l’infection. En effet, la patiente souffrait d’une anomalie congénitale la faisant souvent saigner du nez et il s’agit d’un germe porté par une grande partie de la population. L’expert et la commission de réforme n’étaient donc pas favorable à l’hypothèse d’une survenue liée au travail.

Cette jurisprudence a une conclusion qui s’impose : il ne fait pas bon être malade quand on travaille dans un centre hospitalier…

Du matériel médical dans les grandes surfaces

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Fauteuil roulant en vente en grande surfaceLa résistance d’un petit village gaulois n’y aura pas suffi, le Conseil d’État a décidé qu’il n’était pas question d’interdire à une grande surface de vendre du matériel médical pris en charge par la Sécurité sociale dans son rayon parapharmacie. L’histoire a commencé en Bretagne, où une enseigne de la grande distribution avait pour projet d’agrandir sa parapharmacie pour y vendre des fauteuils roulants et autres matériels, y compris ceux délivrés sur ordonnance et pris en charge par l’assurance-maladie. La Chambre syndicale des pharmaciens du Finistère et un pharmacien proche de la grande surface ont immédiatement fait un recours en Conseil d’État. Mais ce dernier a suivi la commission nationale d’équipement commercial (CNEC) qui avait accepté l’extension du rayon parapharmacie en rejetant la requête du monde de la pharmacie.

À un moment où le commerce prend de plus en plus le pas sur la santé, cette décision n’a rien d’étonnant. Il faut dire que la grande distribution a toujours su s’adapter à la législation, tirer avantage de chacune des failles des textes réglementaires ou séduire les organismes privés ou publics chargés censés défendre la santé publique. Cette fois, elle a réussi à obtenir l’agrément de la caisse régionale d’assurance-maladie qui s’est ainsi retrouvée aux côtés de la grande distribution dans sa lutte contre le monopole des pharmaciens sur certains produits.

Les pharmaciens acceptent de plus en plus la tâche de conseil et d’acteur de soins que leur confie le gouvernement par le biais de la vente libre de médicaments et l’automédication au détriment des seules compétences des médecins. Il n’est donc pas étonnant de voir que le pouvoir politique, dans le même temps, décide de s’en prendre aux compétences des pharmaciens en estimant qu’elles peuvent être déléguées à d’autres. La formation initiale des uns et des autres n’a depuis longtemps plus d’importance quand la santé est vue comme un commerce.

Si, pour du matériel médical neuf, des questions se posent quant à la nécessité de faire appel à un professionnel qualifié pour sa vente, personne ne semble s’inquiéter du matériel d’occasion. En effet, sur des sites d’enchères en ligne, il est possible d’acheter du matériel, comme un lit médicalisé, sans contrôle. Les contraintes reposant sur les établissements de santé et les professionnels sont chaque jour un peu plus lourdes, alors que dans le même temps du matériel médical d’occasion peut s’acheter et se vendre sans contrôle sanitaire sur Internet. Que le lit médicalisé ait servi à un patient décédé d’une maladie contagieuse, qu’il ait été désinfecté ou non, peu importe ! Le commerce n’a pas de limites…

Infection nosocomiale, médecins et correctionnelle

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Infections nosocomiales et médecinsTriste histoire que celle de cet ancien interne de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP/HP), responsable du comité de lutte contre les infections nosocomiales de l’établissement où il exerçait, qui n’a pas survécu aux suites d’une intervention de neurochirurgie après avoir rompu un anévrisme cérébral. C’est une gangrène qui a eu raison de lui dans les jours qui ont suivi son opération et les experts judiciaires ont conclu à des fautes et à des négligences. C’est pour cette raison que six de ses confrères sont renvoyés devant le tribunal correctionnel, selon le site Romandie news.

L’affaire pourrait ne pas suivre ce cours, car « Le parquet de Paris a annoncé mercredi qu’il faisait appel de cette ordonnance. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris devra ainsi statuer sur cette demande de renvoi en procès. »

Les affaires concernant les infections nosocomiales ont connu de nombreux rebondissements ces dix dernières années. La jurisprudence, elle-même, a été loin d’être constante comme le rappelle Danièle Cristol dans les actualités de la revue de droit sanitaire et social des mois de novembre – décembre 2008. Depuis trois arrêts rendus le 29 juin 1999, la Cour de cassation impose une obligation de résultat au médecin et à la clinique une obligation de résultat dans ce domaine. Puis en 2001, elle a imposé au patient de prouver le caractère nosocomial de l’infection. Pour cet auteur, la jurisprudence a connu une nouvelle évolution le 30 octobre 2008 avec une décision de la 1re chambre civile (pourvoi no 07-13791) en acceptant que le patient puisse se baser sur des « présomptions graves, précises et concordantes » pour démontrer le caractère nosocomial de cette infection. Viennent ensuite d’autres remarques sur la portée de cette jurisprudence dans cet article qu’il est conseillé de lire si on s’intéresse à la question.

Nul n’est à l’abri d’une infection nosocomiale…

Remboursement du VSL ou de l’ambulance et médecin le plus proche

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Refus de remboursement de l'ambulance ou du VSLSi, en théorie, le patient peut encore choisir librement son médecin, son hôpital ou sa clinique et son ambulancier, en pratique le tableau n’est pas si idyllique. Depuis quelques années, le choix du malade doit prendre en compte un facteur économique non négligeable : le remboursement des prestations. Malheureusement, bien peu d’assurés connaissent le mode d’emploi des bons de transport, même si la Sécurité sociale a fait de gros efforts de communication à ce sujet ces dernières années. S’il est logique de lutter contre de nombreux abus, cette situation comporte néanmoins plusieurs paradoxes.

L’extrême tolérance qui existe vis-à-vis des patients présentant une affection de longue durée (ALD) est l’un d’eux. Un patient en ALD ne comprend pas que l’on puisse lui refuser un bon de transport alors qu’il vient consulter pour un problème de santé sans rapport avec cet ALD. Lorsque le médecin ne se laisse pas intimider, il arrive fréquemment que le patient se plaigne auprès de sa caisse primaire d’assurance-maladie. De façon surprenante, il y trouve une oreille très souvent compatissante. La suspicion envers le praticien l’emporte face à la réglementation imposée par les propres services de l’agent. La situation du médecin gendarme et préposé de l’assurance-maladie en lassant certains, il arrive que des médecins remettent un bon de transport en mentionnant sur celui-ci « Fait à la demande de l’intéressé », sans cocher les mentions autorisant la prise en charge. Pour des raisons difficilement explicables, de très nombreux patients reconnaissent réussir à obtenir le remboursement grâce à ce sésame, sans que n’aient été prises en compte les mentions du praticien…

Autre paradoxe : celui lié à l’obligation faite au patient de se rendre chez le médecin le plus proche de chez lui, alors même qu’il est libre d’en choisir un plus éloigné, pour bénéficier de la prise en charge complète du transport en rapport avec son problème de santé. L’article R 322-10-5 du code de la santé publique stipule en effet que « Le remboursement des frais de transport […] est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche. »
Dans ce cas, c’est entre la caisse d’assurance-maladie et les patients qu’ont lieu les tensions et c’est dans le contexte d’un refus de prise en charge de la totalité de la distance parcourue par un ambulancier qu’intervient la jurisprudence suivante.

Les faits : une caisse primaire d’assurance-maladie a limité la prise en charge de transport à la distance entre le domicile d’une assurée et le lieu d’exercice du spécialiste le plus proche, alors que cette patiente avait choisi de continuer à se faire suivre par un médecin exerçant plus loin. S’agissant d’un problème neuropsychiatrique, elle disposait d’un certificat médical expliquant qu’il était préférable qu’elle continue à être suivie par la même équipe. Son choix pouvait donc sembler légitime. L’assurée a donc porté l’affaire devant la commission de recours amiable de l’assurance-maladie qui l’a malgré tout débouté. Mécontente de cette décision, la patiente a fait appel au tribunal des affaires de Sécurité sociale qui, cette fois, lui a donné raison.
On aurait pu croire la chose réglée, mais la caisse d’assurance-maladie s’est pourvue en cassation. Bien lui en a pris puisque le jugement a été cassé (pourvoi no 08-10980). Cette décision de la 2e chambre civile de la Cour de cassation en date du 22 janvier 2009 explique que ce n’est pas au tribunal de juger du bienfondé d’un tel refus de prise en charge en cas de problème médical, mais que ce problème doit aboutir à la mise en oeuvre de la procédure d’expertise médicale prévue à l’article L 141-1 du code de la sécurité sociale. Le patient qui conteste la limitation de la prise en charge, pour des raisons médicales, de ses transports sanitaires doit donc passer devant un médecin expert.

En exerçant son libre choix d’un praticien éloigné de chez lui, sans motif médical particulier, un patient ne sera que partiellement remboursé de ses transports. Pour se sentir en confiance, le patient devra accepter une moins bonne prise en charge. Cela revient à considérer que la relation médecin patient n’est pas un élément essentiel dans la prise en charge thérapeutique. Le bien-être du patient est-il pourtant vraiment secondaire ?