Les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires sont des données personnelles

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Les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulairesSelon un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 8 décembre 2008 (requêtes nos 30562/04 et 30566/04), les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires sont des données personnelles au sens de la Convention sur la protection des données. Cette convention du Conseil de l’Europe de 1981 pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel définit les « données à caractère personnel » comme toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable.

C’est en partant du constat que « la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données indique que l’objet des législations nationales relatives au traitement des données à caractère personnel est d’assurer le respect notamment du droit à la vie privée reconnu également à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et dans les principes généraux du droit communautaire » et que « cette directive énonce un certain nombre de principes qui précisent et amplifient ceux contenus dans la Convention sur la protection des données du Conseil de l’Europe », que la CEDH a donné raison à deux citoyens anglais qui avaient demandés à ce que leurs empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires soient effacés des fichiers de la police après que l’un des deux ait bénéficié d’un acquittement et l’autre d’une décision de classement sans suite, des poursuites pénales dont ils faisaient l’objet. Les accusés devenus plaignants avaient été poursuivis initialement pour vol avec violence pour le premier et harcèlement à l’égard de sa compagne pour le second.

Pour la cour européenne des droits de l’homme, l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a bien été violé en refusant à ces citoyens le droit de voir ces données personnelles détruites. Cet article 8 régit le droit au respect de la vie privée et familiale et stipule que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Pour la Cour si un État ne respecte pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, il outrepasse ses droits. Selon la CEDH, la conservation litigieuse des empreintes digitales, des profils ADN et des échantillons cellulaires de personnes non condamnées s’analyse en une atteinte disproportionnée au droit des citoyens au respect de leur vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique.

Cet arrêt ne remet pas en cause la légitimité de la conservation des données de ce type pour les personnes condamnées ou servant à confondre des criminels à l’occasion d’affaires non élucidées depuis plusieurs années. Il s’agit néanmoins d’un élément important dont les pouvoirs publics français vont devoir tenir compte dans leur légitime volonté de mettre en place de nouveaux fichiers pour lutter contre la délinquance et le crime.

La faute d’un interne en médecine engage le centre hospitalo-universitaire dont il dépend

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Interne responsable de la pose d'un cathéterLes internes en médecine qui n’ont pas encore passé leur thèse ne voient pas leur responsabilité civile professionnelle engagée dans les mêmes conditions que celle de leurs aînés. Le fait qu’il soit en formation n’excuse pas les fautes qu’ils peuvent être amenés à commettre, d’autant qu’ils sont censés agir sous la responsabilité du chef du service dans lequel ils sont affectés, lui-même dépendant de l’hôpital où il exerce. Ils n’engagent pas seulement leur responsabilité en remplissant le dossier du patient, mais aussi en accomplissant des actes dans le service, aux urgences ou au bloc opératoire.

Si les patients victimes d’une faute médicale craignent souvent que l’expert ne leur soit pas favorable en raison d’un esprit confraternel, ce n’est dans la pratique que rarement le cas. Le problème vient bien plus souvent du caractère inadapté au conflit à trancher des questions posées par le juge à l’expert. Ce problème est facilement compréhensible. Comment un juge pourrait-il poser toutes les questions pertinentes sur un sujet qu’il ne maîtrise pas ? Il a déjà fort à faire avec le droit ; il ne peut pas être un spécialiste dans toutes les disciplines auxquelles il est confronté. L’expert doit, quant à lui, ne répondre qu’aux questions posées par le juge et n’a pas à émettre un avis hors de ce chemin balisé.

C’est dans cette double problématique de la responsabilité de l’interne en médecine et de l’avis des experts que s’inscrit l’avis du Conseil d’État no 299820 du 19 décembre 2008 concernant une patiente ayant subi un pontage coronarien dans un centre hospitalo-universitaire du Nord-Est de la France. Au cours de cette intervention chirurgicale a été procédé à la pose d’un cathéter dans la jugulaire interne droite de la patiente. À son réveil, une atteinte neurologique ayant pour conséquence un déficit sensitif et moteur et une perte de réflexes avait été constatée.
Le Conseil d’État a considéré « […] que ce geste [la pose du cathéter, NDLR] a été confié à un interne qui n’est parvenu à mettre en place le cathéter qu’après avoir procédé à un minimum de trois ponctions transcutanées ; que les séquelles dont souffre l’intéressée sont la conséquence d’une atteinte neurologique subie à cette occasion ; que si le second expert désigné par le tribunal administratif, le Dr H., cardiologue, s’est abstenu d’affirmer qu’une faute technique avait été commise, le premier expert, le professeur C., neuro-chirurgien, avait indiqué dans son rapport que “les déficits neurologiques apparus en post-opératoire chez Mme A et ceux qui persistent doivent être rapportés à une technique de ponction incorrecte et fautive” et il a mentionné l’existence d’une “maladresse technique caractérisée” […] » Le geste mis en cause étant une procédure de réalisation courante, la responsabilité du centre hospitalier a bien à être mise en cause.

Il faut noter que c’est bien le médecin expert qui a caractérisé la faute de l’un de ses confrères au bénéfice de la patiente et que c’est la responsabilité de l’hôpital universitaire qui est mise en cause.
Un cathéter n’est pas à mettre entre toutes les mains…

Différence entre aléa thérapeutique et faute médicale

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La responsabilité du chirurgien mise en cause : faute médicale ou aléa thérapeutique ?Il n’est pas toujours aisé de savoir si les complications liées à un acte médical relèvent de l’aléa thérapeutique ou de la faute médicale et cette proximité conduit à de nombreux recours devant les tribunaux. C’est alors la responsabilité contractuelle du praticien qui est mise en cause. Le juge doit faire la part des choses entre le risque inhérent à l’acte, la complication propre à la technique utilisée ou la maladresse, par exemple.  Le bulletin d’information de la Cour de Cassation nº 694 du 15 janvier 2009 revient dans ces résumés 39 et 40 sur deux affaires qui se sont soldées par des arrêts de la première chambre civile le 18 septembre 2008.

La première décision (nº de pourvoi 07-12170) concerne un acte de coloscopie. La Cour précise qu’ « En présence d’une lésion accidentelle, en l’espèce la perforation de l’intestin du patient intervenue lors d’une coloscopie, la cour d’appel a pu retenir la faute du médecin, après avoir relevé que cet acte à visée exploratoire n’impliquait pas une atteinte aux parois des organes examinés, et après avoir déduit, tant de l’absence de prédispositions chez le patient que des modalités de réalisation de la coloscopie, que la perforation dont celui-ci avait été victime était la conséquence d’un geste maladroit du praticien. »

La seconde décision (nº de pourvoi 07-13080) a pour objet une lésion du nerf tibial postérieur au cours d’une intervention chirurgicale visant à suturer la rupture du tendon d’Achille à l’aide du tendon du muscle plantaire grêle. Pour la première chambre civile, « En présence d’une lésion accidentelle d’un nerf, lors d’une intervention chirurgicale sur un organe situé à proximité du nerf lésé, laquelle constituait un risque inhérent à l’intervention chirurgicale pratiquée sur le patient, la cour d’appel a pu retenir, après avoir relevé que la technique utilisée par le praticien était conforme aux données acquises par la science, que le dommage s’analysait en un aléa thérapeutique, des conséquences duquel le chirurgien n’est pas contractuellement responsable. »

Toutes les complications ne sont donc pas des fautes médicales. La médecine et la chirurgie comportent des risques. Que le patient en soit informé ne veut pas dire qu’il en ait conscience. Cela n’arrive pas qu’aux autres…

Publicité et charlatanisme ?

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santé et publicité mensongèreLe directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a le pouvoir d’interdire, en application des articles L 5122-15, L 5422-12, L 5422-14 et R 5122-23 à R 5122-26 du code de la santé publique, la publicité pour un objet, appareil ou méthode présenté comme bénéfique pour la santé lorsqu’il n’est pas établi que ledit objet, appareil ou méthode possède les propriétés annoncées.

Le Journal officiel du 31 janvier 2009 a publié un ensemble de décisions, prises le 4 décembre 2008, basées sur ce principe. Le directeur général de l’Afssaps considère que le dossier justificatif fourni par les firmes à l’origine des publicités, passées dans la presse ou sur Internet, ne contient aucun élément scientifique permettant d’apporter la preuve des allégations publicitaires. Il est amusant de s’intéresser à quelques-unes de celles-ci (textes no 62, 63).

Une société bretonne faisait, par exemple, de la publicité pour ophtalgym adultes, lunettes rééducatives : « certaines personnes (…) arrivent à n’avoir plus besoin de leurs lunettes de vue ; (…) besoin de reprendre vos anciennes lunettes moins fortes ou tout simplement de ne plus les mettre du tout ». Elle vantait aussi un matelas en mousse à mémoire : « garantie d’un réveil (…) sans (…) douleurs ; favorise la circulation sanguine ; effet positif sur la circulation sanguine » ou encore une méthode annoncée comme développée dans l’ouvrage intitulé L’Équilibre acido-basique : « (…) freiner la progression d’une arthrose ou d’une ostéoporose ; pour régénérer un os ou un cartilage déminéralisé, il faut d’abord rétablir l’équilibre acido-basique ».
Si la société en question peut toujours utiliser ces méthodes sur ses clients, elle ne peut plus en faire la promotion sur Internet (sur son site ou sur d’autres) ou dans la presse.

Une entreprise de la région de Metz ne peut plus affirmer dans ses publicités que sa cabine à infrarouges élimine les toxines ; calme les troubles nerveux, l’insomnie et anxiété ; soulage des maladies nerveuses, migraines et arthrite ; régularise des troubles digestifs ou stimule la circulation sanguine. Elle ne peut plus alléguer que son appareil Vibe Trainer permet de lutter contre les surcharges pondérales ou que les vibrations de l’engin agissent sur la circulation sanguine et la production d’hormones, éliminent des tissus adipeux, ont des actions directes sur le flux sanguin, la production d’hormones bénéfiques et l’amélioration de la circulation.

Figure au même Journal officiel une décision du 8 décembre 2008 (texte no 64), concernant une société parisienne qui prêtait à différents bijoux et objets en pierre des vertus thérapeutiques. Par exemple, parmi cette liste de près de 70 sortes de bijoux et objets en pierre, ceux en oeil de faucon excellents pour tous les problèmes de la vue (fatigue visuelle, conjonctivite) et calmant les migraines chroniques, ou ceux en tourmaline verte : « pierre de guérison ; elle est utile pour tous les types d’empoisonnement du sang, les anémies, les maladies infectieuses, et donc les problèmes de fatigue chronique. Cette pierre se révèle être d’une grande aide dans les débuts de cancer, les scléroses en plaque et la maladie de Parkinson, par son action de dynamisation des défenses immunitaires ; combat la dépression ».

Enfin, une décision du 19 décembre 2008 (texte no 65) prévoit l’interdiction, sous quelque forme que ce soit, de la publicité faite par une société du sud de la France pour un système censé être un moyen de protection contre des effets néfastes des ondes électromagnétiques artificielles sur la santé humaine.

Reste à mettre au point un remède pour rendre le patient consommateur moins crédule et ce type de décisions ne sera plus nécessaire…

Exercice illégal de la médecine et délégation d’actes

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Médecin complice d'exercice illégal de la médecineUn médecin qui délègue la réalisation d’un acte médical à un professionnel de santé à qui la loi ne reconnait pas la compétence de l’effectuer est complice d’exercice illégal de la médecine. Beaucoup de praticiens estiment que ce type de sanction n’est que théorique et que personne ne viendra leur reprocher d’avoir demandé oralement ou fait une ordonnance à un auxiliaire médical pour qu’il exécute un acte médical. Ils en sont d’autant plus persuadés qu’ils pensent qu’ils confient cette tâche à une personne dont ils sont convaincus qu’elle est en mesure de le réaliser. Un exemple ? L’ophtalmologiste qui envoie un patient faire adapter ses lentilles de contact chez l’opticien. Ou un stomatologue qui demande à une assistante dentaire qui travaille pour lui de procéder au détartrage des dents d’un patient, comme vient de le décider la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 décembre 2008 (no de pourvoi : 08-80453).

L’affaire jugée est d’autant plus intéressante que l’assistante dentaire est titulaire d’un diplôme de chirurgien-dentiste, mais d’un pays étranger ne permettant pas d’exercer en France, et d’un certificat de « parodontologie clinique et hygiène bucco-dentaire appliquée » délivré par une université parisienne. Malgré ces éléments qui peuvent laisser penser que l’accusée est capable de réaliser le détartrage des dents d’un patient, ce geste n’en est pas moins un acte médical et il a été réalisé à plusieurs reprises par l’assistante.
Autre point digne d’intérêt, la Cour a estimé qu’en agissant pour un médecin, l’infraction d’exercice illégal de la médecine était caractérisé et qu’il n’était pas question d’exercice illégal de la chirurgie dentaire.

Le médecin stomatologue n’ignorait pas que l’assistante dentaire n’était pas titulaire des diplômes reconnus par le droit français pour pratiquer un acte médical. Lui en ayant néanmoins confié la réalisation, la Cour a confirmé qu’il s’était bien rendu complice d’exercice illégal de la médecine.

C’est l’ordre des médecins qui a porté plainte dans cette affaire. Avait-il une dent contre le praticien ?

Prisonnier et régime alimentaire

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Régimes alimentaire et carcéralOn est très loin de l’eau et du pain sec dans les prisons européennes du XXIe siècle. Malgré tout, c’est le régime alimentaire qui vient de porter un coup au régime pénitentiaire. Un prisonnier bulgare diabétique, mis en détention pour avoir proféré des menaces de mort à l’encontre de trois personnes, vient de faire condamner son pays par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour ne pas avoir pu disposer d’un régime alimentaire adapté à son état de santé. Ce n’est pas la seule chose dont cet homme se soit plaint puisqu’il a été démontré que des médicaments périmés lui ont été fournis pour se soigner.

Le 8 janvier 2009, la cinquième section de la CEDH (requête no 37449/02) a décidé que ce type de comportement à l’égard d’une personne incarcérée violait l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui stipule que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » La Cour rappelle que le troisième rapport général du comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants précise que « Le service de santé pénitentiaire doit être en mesure d’assurer les traitements médicaux et les soins infirmiers, ainsi que les régimes alimentaires, la physiothérapie, la rééducation ou toute autre prise en charge spéciale qui s’impose, dans des conditions comparables à celles dont bénéficie la population en milieu libre. Les effectifs en personnel médical, infirmier et technique, ainsi que la dotation en locaux, installations et équipements, doivent être établis en conséquence. Une supervision appropriée de la pharmacie et de la distribution des médicaments doit être assurée. En outre, la préparation des médicaments doit être confiée à un personnel qualifié (pharmacien, infirmier, etc.) » et reste dans la ligne des jurisprudences précédentes en reprenant dans sa décision la notion que « L’État doit veiller à assurer de manière adéquate la santé et le bien-être des prisonniers, notamment par l’administration des soins médicaux appropriés. »

Deux éléments sont intéressants à noter : pour la Cour, une polypathologie (diabète, hypertension artérielle, maladie ischémique du coeur et fibrose pulmonaire dans le cas décrit précédemment) n’est pas incompatible avec un séjour en prison à condition que le détenu puisse bénéficier d’un suivi de santé régulier et être au besoin placé dans une unité médicale adaptée ; le fait que le prisonnier ait suivi une grève de la faim durant son incarcération n’entre pas en compte dans la dégradation de son état général, contrairement au fait qu’il n’ait pas pu respecter son régime alimentaire !

Médecin libéral régulateur au SAMU et responsabilité

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Régulation des appels d'urgenceEn décembre 1996, un médecin libéral, détaché au service d’aide médicale urgente (SAMU) d’une région du nord-est de la France par une association de praticiens libéraux, a commis une faute en traitant un appel, concourant ainsi au décès d’un patient. La famille du défunt et sa caisse primaire d’assurance maladie ont fait condamner le centre hospitalier dont dépend le SAMU à réparer les conséquences dommageables de son erreur. L’établissement hospitalier s’est alors tourné vers l’association des praticiens libéraux, ayant conclu une convention avec le SAMU, pour qu’elle vienne en garantie des condamnations prononcées. Après avoir refusé, l’association avait été condamnée à la demande du centre hospitalier à prendre à sa charge les trois quarts des sommes allouées à la famille de la victime et à l’assurance-maladie. Elle a donc décidé de se pourvoir devant le Conseil d’État.

Celui-ci a rendu sa décision le 14 janvier 2009 (no 296020). Il estime que le contrat liant l’association des médecins libéraux au SAMU fait qu’il n’est pas nécessaire de rechercher si le médecin régulateur libéral devait être regardé comme un agent public ou comme un collaborateur du service public de l’aide médicale urgente. Cette association de praticiens ayant pour objet la réponse à l’urgence, comme il en existe beaucoup en France, est responsable des actes et décisions des médecins qu’elle met à la disposition d’un centre de réception et de régulation des appels et doit garantir le service public hospitalier des condamnations prononcées à son encontre au titre de la faute commise par le médecin d’exercice libéral qu’elle a envoyé pour réguler les appels.

Qu’un médecin remplisse une action de service public au sein d’un établissement hospitalier n’en fait pas pour autant un préposé de l’hôpital.

Recours de l’employeur contre un médecin salarié

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Par le célèbre arrêt Costedoat du 25 février 2000, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a décidé que « n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ». Il est depuis convenu que le médecin salarié (le préposé), qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par un établissement de santé privé (le commettant), n’engage pas sa responsabilité à l’égard du patient (le tiers).Responsabilité et faute du médecin salarié

Cristina Corgas-Bernard, maître de conférences à la faculté de droit de l’université du Maine au Mans, revient à la fin d’une chronique de jurisprudence publiée dans la revue Médecine & Droit des mois de septembre-octobre 2008 1 sur une décision de la Cour de cassation surprenante au regard de l’arrêt Costedoat. La 1re chambre civile de cette instance, le 12 juillet 2007 (no de pourvoi : 06-12624 06-13790), s’est intéressée au recours contre l’assureur du préposé.
Si la Cour de cassation ne revient pas sur le principe selon lequel le préposé n’engage pas sa responsabilité s’il agit dans les limites de sa mission, elle précise que l’assureur du commettant qui a indemnisé la victime n’est pas privé de son recours subrogatoire 2 contre l’assureur de responsabilité du préposé fautif. Bien que l’article L 121-12 du code des assurances, à son alinéa 3, dispose que « Par dérogation aux dispositions précédentes, l’assureur n’a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l’assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes », cette immunité ne s’applique pas. L’assureur de l’établissement de soins privé, employant un médecin qui a commis une faute dans le cadre de sa mission qui a conduit à l’indemnisation d’un patient, peut se retourner contre l’assureur du praticien. Ne pouvant se retourner contre le médecin lui-même et les praticiens n’ayant plus l’obligation de s’assurer en responsabilité civile professionnelle, comme l’explique Cécile Manaouil dans l’article intitulé « À propos de la responsabilité civile professionnelle du médecin salarié », ce cas risque d’être peu fréquent.

Ces décisions ne privent pas l’employeur de la possibilité de rechercher l’existence d’une faute commise par le salarié. La 2e chambre civile de la Cour de cassation, le 20 décembre 2007 (no de pourvoi : 07-13403), a décidé que « l’employeur-commettant qui a indemnisé la victime d’un dommage provoqué par son salarié-préposé, en application des dispositions de l’article 1384, alinéa 5, du code civil, ne dispose d’aucune action récursoire contre ce salarié devant la juridiction de droit commun dès lors qu’il ne peut se prévaloir d’une subrogation dans les droits de la victime, laquelle ne dispose d’aucune action contre le préposé qui a agi dans les limites de la mission qui lui était impartie, hors le cas où le préjudice de la victime résulte d’une infraction pénale ou d’une faute intentionnelle. Dès lors, l’appréciation éventuelle de l’existence d’une faute commise par le salarié dans l’exécution du contrat de travail relève de la compétence d’attribution de la juridiction prud’homale ».

Si le salarié n’est pas responsable quand il agit dans les limites de sa mission, « le commettant s’exonère de sa responsabilité à la triple condition que son préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions. » Ainsi en a décidé l’assemblée plénière en audience publique le 19 mai 1988 (no de pourvoi : 87-82654). Dans une telle situation, le médecin salarié est donc responsable de ses actes à titre individuel.

 


1- Médecine & Droit. No 92. p.131-138.

2- La subrogation est, dans une relation juridique, la substitution d’une personne ou d’une chose par une autre.

Amiante : l’employeur doit avoir conscience du risque qu’encourt son salarié

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La 2e chambre civile de la Cour de cassation a décidé, le 3 juillet 2008, qu’un employeur commet une faute inexcusable, Amiante et responsabilité de l'employeuren matière d’amiante, si, compte tenu notamment de son importance, de son organisation, de la nature de son activité et des travaux auxquels était affecté son salarié, la société n’a pas eu conscience du danger auquel il était exposé (no de pourvoi : 07-18689).

Que l’entreprise n’utilise pas l’amiante comme matière première et ne participe pas à l’activité industrielle de fabrication ou de transformation de l’amiante et qu’il n’ait pas existé de réglementation spécifique en matière d’amiante, avant 1977, autre que celle concernant les entreprises fabriquant ce matériau, n’est pas suffisant pour exonérer l’entreprise de sa responsabilité. Le fait que le salarié ait été amené à travailler avec « des éléments contenant de l’amiante, tels que plaques, tresses, toiles pour les joints et le calorifugeage » est un élément déterminant.

En faisant reconnaître la faute inexcusable de son entreprise, l’employé peut obtenir une indemnisation complémentaire lorsqu’il est reconnu atteint d’une maladie professionnelle inscrite au tableau no 30.

Le lecteur pourra se reporter à l’article « L’amiante et ses risques professionnels » s’il souhaite approfondir ses recherches dans ce domaine.

Contrôle URSSAF du médecin : une lettre recommandée s’impose

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Contrôle des cotisations socialesVoir arriver un contrôleur de l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) ne peut pas être une surprise, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l’article L 324-9 du code du travail [devenu L 8221-1 et L 8221-2, NDLR], que constituent le travail dissimulé, la publicité pour celui-ci ou le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé.

Que ce soit chez un médecin ou tout autre professionnel de santé libéral, « les agents de l’URSSAF sont tenus d’informer par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le cotisant du contrôle à venir afin d’assurer le respect du principe du contradictoire, à peine de nullité du redressement subséquent sans que soit exigée la preuve d’un préjudice ». Ainsi en a décidé la 2e chambre civile de la Cour de cassation, le 10 juillet 2008 (no de pourvoi : 07-18152).

L’URSSAF qui ne peut justifier de l’envoi de son avis de passage, ne peut se servir des constatations effectuées à cette occasion pour redresser le cotisant.