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Revue belge du dommage corporel et de médecine légale — numéro 2011/3

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Sommaire du numéro du 3e trimestre 2011

Revue belge du dommage corporel et de médecine légaleAnthemis

 

 

Contrôle de l’alcoolémie et des substances illicites : avantages et pièges des méthodes modernes

Jean-Christophe Horion

Les infractions de roulage, très ou trop souvent banalisées, sont pourtant lourdes de conséquences économiques et surtout humaines. Dans la population, à la question « parmi les facteurs pouvant entraîner un accident, quels sont, pour vous, les trois plus importants ? », l’alcool est le plus souvent cité. Il y a donc une véritable prise de conscience de l’incompatibilité entre alcool et conduite. Pourtant, force est de constater que cette prise de conscience ne se traduit pas sur le terrain par un changement notable de comportement. Ainsi en 2000 déjà, un ou plusieurs conducteurs étaient sous influence dans plus d’un accident grave sur 10. Les nuits et les week-ends, la présence d’alcool a même été décelée dans 23,8 % des accidents graves ! Les conducteurs qui conduisent en état d’ivresse doivent être considérés comme des « criminels » de la route.

Mots clés : Contrôle de l’alcoolémie – Drogues – Prélèvement sanguin – Analyse d’haleine – Analyse salivaire – Choix de l’expert

 

De nosocomiale ziekten: recente rechtspraak en actuele vragen

Paul Muylaert

On entend par maladie nosocomiale une infection contractée durant l’hospitalisation mais qui n’existait aucunement avant l’hospitalisation du patient ni, généralement, 48 heures après cette dernière. Le Centre Fédéral d’Expertise des soins de santé dans un rapport du 2 février 2009, a estimé que 6 % des patients hospitalisés étaient victimes d’une infection nosocomiale, et ce, sur base d’une enquête menée dans plus de la moitié des hôpitaux.
On considère généralement que 30 % des infections peuvent être évitées grâce à des mesures préventives d’hygiène comme par exemple l’hygiène des mains.
Il s’agit souvent d’une complication mais la jurisprudence est partagée lorsqu’il s’agit de statuer sur la responsabilité civile de l’institution hospitalière.

Mots clés : Maladies nosocomiales – Infections nosocomiales – Dommage anormal

 

La nécessaire méthodologie de l’indemnisation du dommage corporel

Isabelle Lutte

La méthode du carré se fonde sur l’idée que le pretium doloris constitue un préjudice exponentiel.
Le préjudice esthétique est le plus souvent irréparable en tant que tel, de sorte que l’indemnité allouée n’a pour but que de compenser les désagréments, les souffrances, le mal-être ressentis par la victime, par l’octroi d’une somme d’argent représentative d’un certain pouvoir d’achat.
La capitalisation ne doit pas seulement être réservée à l’indemnisation de la perte de revenus. Elle peut également être appliquée à des préjudices périodiques ou constants, tels que le préjudice moral, aide-ménagère, frais récurrents, etc.
Le préjudice ménager peut se définir comme une impossibilité ou possibilité réduite, d’accomplir les tâches ménagères, mais aussi en la nécessité d’effectuer des efforts accrus pour effectuer un travail ménager. Toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique n’entraîne pas nécessairement un préjudice d’agrément particulier ou exceptionnel qui serait distinct du préjudice moral.

Mots clés : Pretium doloris – Préjudice esthétique – Capitalisation – Préjudice ménager – Atteinte à l’intégrité physique ou psychique – Préjudice d’agrément

 

Nouvelle édition du Guide barème européen

Pierre Lucas

Le Guide barème européen, réalisé sous l’égide du CEREDOC, constitue un outil indispensable en matière d’évaluation du dommage corporel. Pierre Lucas présente la nouvelle édition de cet ouvrage parue à la fin de l’année 2010, et intégrant les nombreux développements et améliorations proposés par l’Observatoire du Guide barème.

Mots clés : Évaluation du dommage – AIPP – Barème européen – CEREDOC

La Corse n’oubliera pas Tchernobyl

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Nuage corsePas question pour l’Assemblée de Corse d’oublier la catastrophe de Tchernobyl et de faire comme-ci le nuage de particules radioactives, qui a survolé l’Île de beauté en faisant d’elle l’une des régions occidentales parmi les plus exposées, en avril et mai 1986, n’avait pas eu de conséquences sur la santé de ses habitants sans en avoir des preuves scientifiques impartiales.

C’est ce qui ressort d’une motion adoptée par la collectivité territoriale de Corse à l’occasion de sa 2e session ordinaire, réunie les 6 et 7 octobre 2011. Cette motion avec « demande d’examen prioritaire » a été déposée par la Commission “Tchernobyl” à la suite de la décision de non-lieu de la cour d’appel de Paris, le 7 septembre 2011 concernant l’unique volet judiciaire de ce qui est, pour beaucoup, un scandale sanitaire de plus.

Pour l’Assemblée de Corse, la décision de la cour d’appel de Paris a été prononcée « alors même que l’on demeure dans l’attente des résultats de deux démarches de nature scientifique visant à établir la vérité : d’une part l’expertise ordonnée par le juge d’instruction, et d’autre part l’enquête épidémiologique diligentée à l’initiative de » cette même assemblée. « À travers cette demande de non-lieu, on a voulu manifestement imposer une vérité judiciaire au moment où la vérité scientifique était à portée de main ».

Les élus corses s’accordent à dire que « les informations déjà acquises – à travers notamment un premier rapport divulgué il y a peu – cette vérité scientifique semble aller dans un sens diamétralement opposé à celui emprunté par la cour d’appel de Paris ». Pour eux, il s’agit là d’une démarche politique et non d’une démarche judiciaire dont ils remettent en cause l’indépendance dans cette affaire. Ils entendent dénoncer cette situation lors d’une conférence de presse “internationale” qui devrait se tenir prochainement dans la capitale.

Dans le même temps, l’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité le rapport du président de son conseil exécutif relatif au « financement de l’enquête épidémiologique relative aux conséquences du passage du nuage radioactif de Tchernobyl en Corse ». Ce rapport explique les motivations à l’origine de cette enquête épidémiologique, la principale étant « la carence des réponses des autorités publiques au moment des faits, que ce soit dans l’information et la mise en œuvre de contre-mesures, conjuguées à l’insuffisance des enquêtes chargées d’établir le niveau de contamination et son impact pathologique, ont contribué à générer doutes et inquiétudes au sein de la population. »

400 000 euros ont été débloqués pour financer une enquête « destinée à apporter un éclairage objectif et précis sur l’impact sanitaire de cette catastrophe nucléaire dans l’île et confiée à un organisme indépendant par appel d’offres européen. » Elle a quatre objectifs principaux : analyser la prévalence des pathologies thyroïdiennes survenues dans la période postérieure au passage du nuage radioactif ; évaluer l’impact de ce nuage sur la catégorie la plus vulnérable, les enfants âgés de moins de six ans au moment des faits ; définir et mettre en œuvre un registre des cancers ; étudier des facteurs spécifiques de vulnérabilité tels que le statut tabagique et la carence en iode de la population.

On n’a jamais autant parlé d’un nuage sous le soleil corse.

Déchets d’activité de soins à risque infectieux perforants : les textes évoluent

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Goutte au bout d'une aiguillePour un patient en autotraitement, la gestion des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) perforants, comme les aiguilles des stylos à insuline ou les lancettes servant à mesurer la glycémie au doigt, par exemple, n’était jusqu’à maintenant pas chose facile. L’entrée en vigueur, le 1er novembre 2011, des dernières mesures prévues par le décret nº 2010-1263 du 22 octobre 2010 relatif à l’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux produits par les patients en autotraitement devrait grandement faciliter les choses et éviter que des contaminations accidentelles des personnels chargés de collecter les ordures ménagères ou d’autres personnes pouvant être en contact avec ces déchets ne continuent à survenir.

Pour le code de la santé publique (art. R 1335-1 et suivants), les déchets d’activités de soins sont les déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire. Au sein de ceux-ci, certains présentent des risques infectieux. Il s’agit des déchets présentant un réel risque infectieux « du fait qu’ils contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants ». Il s’agit aussi des matériels et matériaux piquants ou coupants destinés à l’abandon, qu’ils aient été ou non en contact avec un produit biologique ; des produits sanguins à usage thérapeutique incomplètement utilisés ou arrivés à péremption ; des déchets anatomiques humains, correspondant à des fragments humains non aisément identifiables.
Les déchets issus des activités d’enseignement, de recherche et de production industrielle dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, ainsi que ceux issus des activités de thanatopraxie ayant les mêmes caractéristiques que les déchets à risques infectieux sont aussi considérés comme des déchets d’activité de soins.

Toute personne qui produit ce type de déchets est tenue par la loi de les éliminer. Cette obligation incombe à l’établissement de santé, l’établissement d’enseignement, l’établissement de recherche ou l’établissement industriel, lorsque ces déchets sont produits dans un tel établissement ; à la personne morale pour le compte de laquelle un professionnel de santé exerce son activité productrice de déchets ; dans les autres cas, à la personne physique qui exerce à titre professionnel l’activité productrice de déchets. Les professionnels de santé sont confrontés à cette obligation depuis plusieurs années, mais les patients étaient un peu livrés à eux-mêmes quand ils produisaient ces déchets à leur domicile, hors de toute structure de soins et sans l’intervention concomitante d’un professionnel de santé. Difficile à titre individuel de confier l’élimination ses déchets d’activités de soins et assimilés à une autre personne en mesure d’effectuer ces opérations, comme le font les professionnels, voire même de se procurer un conteneur adapté à leur récupération.

À partir du 1er novembre, les patients vont eux aussi pouvoir enfin agir efficacement pour éviter toute pollution de l’environnement par les DASRI qu’ils produisent, au moins concernant les produits piquants ou coupants. Des collecteurs adaptés et conformes aux règles en vigueur vont être mis gratuitement à la disposition des officines de pharmacie et des pharmacies à usage intérieur, charge à elles de les remettre gratuitement aux patients dont l’autotraitement comporte l’usage de matériels ou matériaux piquants ou coupants. Le collecteur de déchets remis doit être d’un volume correspondant à celui des produits délivrés. Une amende est prévue pour les pharmaciens qui ne s’exécuteraient pas.

Le décret nº 2011-763 du 28 juin 2011 relatif à la gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux perforants produits par les patients en autotraitement a prévu quant à lui que les exploitants et les fabricants des produits induisant des DASRI des dispositifs de collecte de proximité où les patients ou leur famille pourront aller déposer les collecteurs pleins. Ces dispositifs de collecte sont répartis sur tout le territoire national à des endroits qui sont facilement accessibles à leurs utilisateurs, sachant qu’un certain nombre d’organismes, comme les associations agréées dans le domaine de la santé, les collectivités territoriales ou les établissements de santé peuvent participer à la mise en place de ces dispositifs de collecte.
Si une zone du territoire ne dispose pas d’un dispositif de collecte spécifique, la loi prévoit que les officines de pharmacies, les pharmacies à usage intérieur et les laboratoires de biologie médicale collectent gratuitement les déchets d’activités de soins à risques infectieux perforants produits par les patients en autotraitement qui leur sont apportés par les particuliers dans les collecteurs prévus à cet effet.
Les exploitants et les fabricants sont chargés de l’enlèvement et du traitement des déchets collectés, à leurs frais ; un coût qu’il serait étonnant qu’ils ne finissent pas par répercuter sur les utilisateurs.

Il faut savoir que tous les patients ne sont pas considérés comme susceptibles de produire des DASRI et donc d’obtenir les collecteurs gratuitement. Seuls ceux souffrant d’une affection prévue par l’arrêté du 23 août 2011 fixant, en application de l’article R 1335-8-1 du code de la santé publique, la liste des pathologies conduisant pour les patients en autotraitement à la production de déchets d’activité de soins à risque infectieux perforants, sont concernés.
Cette liste est la suivante :
acromégalie ;
algies vasculaires de la face et migraines ;
anémie secondaire à l’insuffisance rénale chronique ;
choc anaphylactique ;
déficits immunitaires traités par immunoglobulines par voie sous-cutanée ;
diabète ;
dysfonction érectile d’origine organique ;
hémophilie sévère A et B ;
hépatites virales ;
infection à VIH ;
infertilité ovarienne ;
insuffisance rénale chronique ;
insuffisance surrénale aiguë ;
maladie de Parkinson ;
maladie veineuse thrombo-embolique ;
maladies auto-immunes ;
ostéoporose post-ménopausique grave ;
retard de croissance de l’enfant et déficit en hormone de croissance.

Pour un patient, mieux vaut ne pas négliger la collecte de ses déchets. On peut rappeler à ce propos la jurisprudence de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 2 juin 2005 (pourvoi nº 03-20011) qui a décidé que « L’employé d’un service de ramassage des ordures, imputant sa contamination par le virus d’immunodéficience humaine (VIH) à la piqûre d’une aiguille de seringue déposée dans un sac-poubelle provenant d’un immeuble, une cour d’appel a pu déduire l’existence d’un lien de causalité certain entre cette contamination et les fautes commises par le syndicat des copropriétaires et un médecin exerçant dans l’immeuble en retenant que, selon les experts médicaux, rien ne permettait d’exclure que la contamination soit due à la piqûre subie, que les circonstances de l’accident et l’évolution de la contamination établissaient des présomptions suffisamment graves précises et concordantes pour imputer la contamination à la piqûre, que, si les seringues provenaient bien des déchets médicaux du médecin incorporées aux ordures ménagères des autres copropriétaires, l’accident ne se serait pas produit si les ordures ménagères de l’immeuble avaient été laissées dans le bac prévu à cet effet, pour être enlevées dans des conditions excluant toute manipulation autre que le bac lui-même. » Le médecin, son assureur et le syndicat des copropriétaires se sont vus condamnés in solidum à verser à l’employé du service de ramassage des ordures une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination. Un exemple qui se retrouve aussi chez nos voisins belges.

La vie en société, c’est aussi savoir préserver la santé des autres.

 

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Wikileaks : pots-de-vin et pots à pharmacie

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Reflet sur la vitrine d'une pharmacie slovaqueQui n’a pas entendu parler de l’affaire Wikileaks et de ses centaines de milliers de documents confidentiels de la diplomatie américaine mis à la disposition des médias internationaux, puis du grand public, par Julian Assange ? Les 251 000 câbles diplomatiques révèlent au fil de leur dépouillement bien des secrets. L’un des derniers en date concerne les pharmacies slovaques et vient de l’ambassade des États-Unis à Bratislava, capitale de la Slovaquie, comme l’explique The daily.sk dans son édition en ligne du 5 septembre 2011. Il y est question de l’achat du vote de parlementaires de ce pays par un groupe financier afin que soit adoptée une loi permettant d’ouvrir le capital des officines libérales à des investisseurs ne disposant pas du statut de pharmacien, alors que jusque-là, seule une personne possédant un diplôme d’apothicaire pouvait détenir une pharmacie.

Le groupe financier Penta aurait offert, à partir d’avril 2005, environ 66 000 euros à plusieurs députés indépendants pour les amener à voter pour l’adoption de six textes de loi visant à réformer le système de santé slovaque, selon l’ambassade américaine. Cette dernière s’appuie sur des informations provenant d’une source digne de confiance ayant des liens avec Penta, d’après le câble diplomatique.

Scott Thayer, chargé d’affaires à l’ambassade à cette époque, fait état de conjectures sur ces achats de vote par Penta, société contrôlant indirectement trois des cinq assureurs santé slovaques à cette époque et se tenant prêt à acquérir plus d’une centaine d’officines dans le pays.

Voilà qui arrive à point nommé pour les pharmaciens slovaques qui tentent de s’opposer à cette réforme doit être à nouveau débattue en septembre au parlement. Ils entendent lutter contre la possibilité offerte aux grands groupes financiers de créer des chaînes de pharmacies offrant à leurs clients des primes de fidélité ou des rabais en tout genre. Ils estiment que les exploitants de pharmacie ne doivent être autorisés à n’en posséder qu’une, comme c’est la règle dans la plupart des pays de l’Union européenne. Ils disent craindre pour leur survie et pour la qualité de service offerte aux clients. Un argument que semble confirmer le câble dévoilé par Wikileaks dans lequel il est précisé qu’une telle ouverture du marché des pharmacies viserait à en exclure, à terme, les pharmaciens indépendants.

La société Penta s’est empressée de démentir ces informations. Elle n’a d’intérêts que de 80 pharmacies (sous l’enseigne Dr. Max) sur les 1 800 que compte le pays et dit ne pas vouloir voir disparaître les officines indépendantes.

L’ouverture du capital officinal à des non-pharmaciens est un débat sur lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déjà eu à se pencher (affaires jointes C-171/07 et C-172/07, 19 mai 2009), estimant que c’étaient aux législations nationales que revenait le choix. Au regard des enjeux financiers, il est évident que les uns et les autres ne vont pas manquer de continuer à exercer diverses pressions sur les instances politiques en fonction des intérêts qui leur sont propres. Reste à espérer que les intérêts de la santé publique et des patients ne soient pas oubliés dans tout ça.

Restrictions sur les dispositifs injectables indiqués dans le comblement et l’augmentation des volumes corporels

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Poitrine et injectionsÀ une époque où il est de bon ton de ressembler aux starlettes et aux mannequins numériquement retouchés des magazines de mode, la médecine esthétique et la chirurgie de la “beauté” ont le vent en poupe. Nombreuses sont celles qui veulent avoir une poitrine plus généreuse, des fesses plus rebondies ou des lèvres pulpeuses à souhait. Sans parler des hommes qui veulent des pectoraux d’athlètes sans faire d’efforts ou un sexe plus volumineux pour pouvoir se montrer sans rougir dans les douches du vestiaire de leur club sportif. Transferts de tissus graisseux au sein d’un même patient ou dispositifs injectables indiqués dans le comblement et l’augmentation des volumes corporels : les solutions se sont multipliées au fil des années. Un marché d’autant plus florissant que la demande est régulièrement suscitée par les médias, par les fabricants et par les médecins eux-mêmes, ces techniques n’étant pas prises en charge pas la Sécurité sociale et leurs prix fixés avec le tact et la mesure de chacun.

En cherchant bien, tout le monde a quelque chose à combler. Pour l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), il s’agit peut-être des lacunes dont elle a pu faire preuve durant de nombreuses années au regard de l’affaire Mediator. Pour ce faire, elle a pris récemment une série d’avis tranchés concernant nombre de médicaments suspects et elle s’attaque maintenant aux dispositifs médicaux et tout particulièrement les dispositifs injectables indiqués dans le comblement et l’augmentation du volume mammaire.

Il n’est pas question ici des prothèses mammaires qui, après avoir fait quelques victimes à la fin du siècle dernier, ont vu leurs caractéristiques modifiées il y a quelques années déjà, mais de produits injectables servant à (re)donner du volume, du galbe ou de la profondeur à des poitrines que leurs propriétaires n’estiment pas ou plus assez pigeonnantes. À la lecture des décisions de l’Afssaps, on peut se demander s’il n’y a pas d’autres pigeons dans cette affaire…

Dans une décision de police sanitaire du 26 août 2011, après avoir pris connaissance de différentes études scientifiques à ce sujet, l’Afssaps a décidé de porter restriction de la mise sur le marché et de l’utilisation des dispositifs médicaux injectables indiqués dans le comblement et l’augmentation des volumes corporels à visée esthétique, en excluant l’augmentation mammaire à visée esthétique des indications de ces produits.
L’Afssaps considère « que l’utilisation d’un dispositif médical injectable dans l’augmentation mammaire sous entend un geste invasif à répétition susceptible d’entrainer une inflammation non souhaitable à proximité immédiate du tissu mammaire, qui est à forte prévalence de cancer ». Elle constate aussi « les risques inhérents à la mobilité, dans la région mammaire, d’un produit injecté non confiné, tels que la formation de nodules, conséquences de la fragmentation du produit, et de contractures capsulaires, décrits dans la littérature, et constatés à forte incidence dans les données de sécurité » d’une étude clinique lui ayant été communiquées en 2010. « Les perturbations qui en découlent, à la fois sur la palpation et l’interprétation des examens d’imagerie, sont susceptibles d’engendrer un retard de dépistage ou de diagnostic des pathologies mammaires tels que rapportés dans une publication récente parue en 2011 », selon l’Afssaps. Elle précise enfin aux praticiens que ces problèmes « sont le résultat de la présence du produit non encapsulé dans le sein et sont augmentés par une fragmentation possible de celui-ci, qui se caractérise par la formation de nodules et de coques. Du fait du caractère résorbable de l’acide hyaluronique, ces complications, sont transitoires. Cependant, elles peuvent occasionner un résultat inesthétique et surtout rendre difficile la réalisation des examens de dépistage et de diagnostic. »

Malgré ces considérations qui ne laissent que peu de doute quant à l’utilité d’une telle restriction, l’Afssaps se veut rassurante vis-à-vis du grand public : pas question de donner aux patientes des armes pour attaquer en justice l’industrie ou des arguments à ceux qui voudraient évoquer un énième scandale sanitaire… Il s’agit d’une mesure de précaution, « malgré l’absence à ce jour de risque caractérisé ».
Alors que le silicone liquide injectable à visée esthétique a été interdit d’utilisation en 2000 par l’Afssaps, il aura donc fallu onze ans de plus pour que d’autres produits soient mis en cause. Un travail d’évaluation est engagé dans le cadre de la surveillance du marché des produits injectables de comblement des rides et autres volumes corporels, travail qui semble prendre du temps, permettant ainsi à des produits à base d’acide hyaluronique d’être présentés comme efficaces et fiables, sans parler de leurs effets indésirables sur lesquels la justice a déjà eu à se pencher. Faudrait-il attendre que le coût de développement des autres produits susceptibles de poser des problèmes ait été amorti et que des profits aient été réalisés pour que des décisions soient prises ?

Cette décision présagerait-elle d’une nouvelle politique de santé publique ? Le doute va-t-il enfin profiter aux patients plutôt qu’aux laboratoires, quitte à malmener les profits d’une industrie qui ne connaît pas vraiment la crise ? Il faudrait être bien naïf pour le croire. En effet, « à ce jour en France, seul un produit à base d’acide hyaluronique injectable est indiqué dans l’augmentation mammaire », le Macrolane™, voilà peut-être qui a pu faciliter la prise d’une décision à laquelle certains voudraient prêter une valeur symbolique. Il est vrai que dans le domaine de l’esthétique, les apparences sont souvent trompeuses…

Une plainte contre les images-chocs sur les paquets de cigarettes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Homme opéré du coeurMettre des images-chocs sur les paquets de cigarettes n’est pas une idée nouvelle et une trentaine d’États à travers le monde, dont la France, ont déjà adopté des lois en ce sens afin de faire prendre conscience des risques encourus aux consommateurs de ce produit toxique. Les États-Unis ont fait de même et la Food and Drug Administration (FDA) a publié en juin 2011 un règlement obligeant les fabricants de cigarettes à faire figurer sur leurs paquets des images qui ne laissent aucun doute sur la nocivité du produit qu’ils vendent à partir de septembre 2012.

Qu’il s’agisse des images choisies par l’Union européenne ou par les États-Unis, le but n’est pas tant d’informer ou d’effrayer les fumeurs que de nuire à l’image du tabac au sein de la société afin de permettre à celle-ci d’accepter plus facilement d’autres mesures législatives antitabac, comme la standardisation des paquets ou l’interdiction de fumer à l’échelle d’un pays tout entier. C’est la synergie de ces diverses mesures qui est efficace, bien plus que chaque mesure prise individuellement. C’est sans doute l’une des raisons qui expliquent que cinq des plus grands cigarettiers américains aient porté plainte contre les autorités de santé pour retarder l’apparition de telles images sur leurs produits. Afin d’appuyer leur action, ces entreprises ont aussi demandé à ce que le nouveau texte de loi soit considéré comme portant atteinte au premier amendement à la constitution des États-Unis : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour le redressement de ses griefs. » Pour les cigarettiers, le message et les images qui leur sont imposées font qu’ils se voient ramener au rôle de porte-parole de la politique antitabac menée par le gouvernement de leur pays alors qu’une jurisprudence n’autoriserait pas l’État à utiliser des biens privés pour faire passer ses messages “idéologiques”. Mais, plus que tout, ils sont mécontents que ces images s’accompagnent d’une mention disant « Arrêtez maintenant », ce qui équivaut à leurs yeux à « N’achetez pas notre produit », au lieu de simples affirmations relatives à la santé et aux méfaits du tabac. Cette mention les agace d’autant plus qu’elle renvoie vers une hotline du type Tabac info service, destinée à aider les consommateurs voulant arrêter de fumer.

L’idée que les différentes mesures antitabac prises par un gouvernement puissent nuire aux libertés individuelles est souvent mise en avant par les fumeurs ou par les défenseurs des multinationales vendant cigarettes, cigares et autres produits dérivés du tabac, mais cette fois il est intéressant de voir la stratégie utilisée par ces entreprises pour justifier leur action en justice. Elles arguent qu’il serait dangereux pour la liberté d’expression de laisser aux autorités de santé la possibilité d’utiliser les paquets de tabac pour faire passer un message visant à décourager les citoyens à acheter un produit au prétexte que ces mêmes autorités pourraient se servir de ce précédent pour imposer le même type de mesures sur d’autres produits. Au sein de l’assignation, on peut ainsi voir l’image du sachet d’une marque de restauration rapide et d’une bouteille de vin français affublés du même type de messages. Il y a là un très net appel du pied aux entreprises de l’agroalimentaire pour faire front commun dans une lutte contre une politique de santé publique susceptible de nuire à leur chiffre d’affaires.

Sachet de restauration rapide et bouteille de vin

S’il est question de santé dans les arguments des cigarettiers, il s’agit uniquement de leur santé financière. Ils reprochent en effet aux autorités de santé de leur pays de les obliger à dépenser des millions de dollars pour revoir le design de leurs paquets en quelques mois. L’un des plaignants, la société R.J. Reynolds Tobacco Co., explique qu’elle a déjà 1,5 million de dollars, soit un peu plus d’un million d’euros, dans l’achat de nouveau matériel de gravure pour répondre aux exigences d’images en couleurs de la FDA, et estime qu’elle aura besoin de dépenser au moins 10 millions de dollars (6,89 millions d’euros) de plus pour la conception et la production du nouveau packaging. Ces chiffres sont à comparer à ceux donnés par cette société pour 2003 : des revenus annuels d’environ 8,4 milliards de dollars (5,79 milliards d’euros) ; un volume annuel de ventes de cigarettes aux États-Unis de 119 milliards d’unités, soit plus de 30 % des ventes dans ce pays. De l’argent qu’elle regrette sans doute de ne pouvoir utiliser pour développer de nouveaux produits destinés à attirer les plus jeunes, à l’image des cigarettes aromatisées que la France est censée avoir interdites en 2009

Pas de forfait à moindre coût pour les gardes des médecins salariés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carton rougeLa conclusion d’une affaire opposant un médecin salarié à l’Union pour la gestion des établissements des caisses d’assurance maladie (UGECAM) d’Alsace est particulièrement intéressante pour les professionnels de santé amenés à prendre des gardes au sein d’un établissement de soins. Le 8 juin 2011, la Cour de cassation a, en effet, rendu une décision (pourvoi nº 09-70324) rappelle les différences pouvant exister entre garde et astreinte, mais surtout précise la valeur que peut avoir le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur son lieu de travail. À une époque où les gardes doivent être impérativement suivies d’une période de repos et où certains établissements sont tentés d’avoir recours à la forfaitisation des gardes pour des raisons budgétaires, cette décision peut aider praticiens et personnel administratif à faire la part des choses.

Dans le cadre de son activité, le médecin-chef d’un hôpital géré par les caisses d’assurance maladie d’Alsace depuis 1985 exécute de nombreuses permanences de nuit, du dimanche et des jours fériés, payées en application de la convention collective des médecins des établissements gérés par les organismes de sécurité sociale sur la base d’un forfait. Le médecin-chef, considérant qu’il n’y a aucune raison pour que le temps passé en garde ne soit pas comptabilisé comme du temps de travail effectif et soit forfaitisé, décide de saisir la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’heures supplémentaires.

La cour d’appel de Colmar a rappelé qu’il résulte d’une part des dispositions de l’article L 3121-1 du code du travail que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles », d’autre part de celles de l’article L 3121-4 du même code, issues de la loi Aubry II du 19 janvier 2000, qu’« une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise » et que « la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ». Elle a aussi noté que l’avenant du 12 novembre 1992 à la convention collective UCANSS définit pour les médecins salariés la garde comme l’« obligation de se trouver dans l’établissement pour assurer, pendant la nuit et/ ou la journée du dimanche et/ ou des jours fériés, en fonction du tableau de garde, la permanence des soins excédant la compétence des auxiliaires médicaux » et l’astreinte comme « l’obligation de pouvoir être joint à tout moment pour faire face à tout événement médical survenu dans l’établissement ». Ce faisant et au regard des autres éléments du dossier, elle a donné raison au médecin-chef.

Ayant perdu en appel et condamnée à verser au plaignant 326 353 € à titre de rappel de salaires pour très nombreuses années prises en compte, l’UGECAM se pourvoit en cassation.

Pour la Cour de cassation, « constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail dans des locaux déterminés imposés par l’employeur, peu important les conditions d’occupation de tels locaux, afin de répondre à toute nécessité d’intervention sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». « Ayant constaté qu’une permanence des soins devait être assurée en continuité au sein du Centre par les médecins de l’établissement contraints de demeurer sur place ou de se tenir dans un local de garde prévu à cet effet afin de rester pendant toute la durée de leur garde à la disposition immédiate de l’employeur sur leur lieu de travail, la cour d’appel en a exactement déduit que ces gardes constituaient du temps de travail effectif. »

Un établissement de soins ne peut donc pas forfaitiser à moindre coût le temps de garde d’un médecin au prétexte que ce travail est différent de celui qu’il effectue habituellement dans son service. Que le praticien de garde puisse vaquer à des occupations personnelles et qu’il ne soit pas nécessairement contraint de rester à un endroit précis même, s’il doit être à disposition, n’autorise pas l’employeur à considérer qu’une garde n’est pas une période de travail effectif comme une autre.

La justice française s’est ainsi alignée sur la justice européenne, la Cour de justice de la communauté européenne (CJCE), devenue Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) depuis, ayant décidé dans un arrêt (C-151-02 du 9 septembre 2003) que :

1) La directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprétée en ce sens qu’il convient de considérer un service de garde […] qu’un médecin effectue selon le régime de la présence physique dans l’hôpital comme constituant dans son intégralité du temps de travail au sens de cette directive, alors même que l’intéressé est autorisé à se reposer sur son lieu de travail pendant les périodes où ses services ne sont pas sollicités, en sorte que celle-ci s’oppose à la réglementation d’un État membre qui qualifie de temps de repos les périodes d’inactivité du travailleur dans le cadre d’un tel service de garde.

2) La directive 93/104 doit également être interprétée en ce sens que :
– dans des circonstances telles que celles au principal, elle s’oppose à la réglementation d’un État membre qui, s’agissant du service de garde effectué selon le régime de la présence physique dans l’hôpital, a pour effet de permettre, le cas échéant au moyen d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise fondé sur une telle convention, une compensation des seules périodes de garde pendant lesquelles le travailleur a effectivement accompli une activité professionnelle;
– pour pouvoir relever des dispositions dérogatoires […] de cette directive, une réduction de la période de repos journalier de 11 heures consécutives par l’accomplissement d’un service de garde qui s’ajoute au temps de travail normal est subordonnée à la condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés à des moments qui succèdent immédiatement aux périodes de travail correspondantes;
– en outre, une telle réduction de la période de repos journalier ne saurait en aucun cas aboutir à un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à l’article 6 de ladite directive.

 

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Atousante.com : la santé au travail

 

Une loi pour inciter les médecins à s’installer à la campagne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Drapeau allemandLa France n’est pas la seule à être confrontée au vieillissement de sa population et à une mauvaise gestion de sa démographie médicale au cours des dernières décennies. L’Allemagne commence, elle aussi, à souffrir cruellement d’un manque de médecins en zone rurale et c’est pour cette raison que les autorités d’outre-Rhin viennent de faire voter une loi visant à favoriser l’installation des praticiens à la campagne.

Comme l’explique Annette Tuffs, dans le BMJ, le gouvernement de coalition allemand a promulgué une loi incitant les jeunes médecins à assurer la relève au sein des cabinets de généralistes et des cliniques spécialisées en zone rurale, là où le ratio médecin/patient baisse de façon constante, tandis que le nombre de personnes âgées, lui, est en hausse. L’Allemagne a pourtant mieux anticipé que la France la crise de la démographie médicale : elle a actuellement un ratio de 38 médecins pour 100 000 habitants, contre 30 pour 100 000 en 1990. Mais cela n’empêche pas la moitié des patients qui vivent à la campagne de devoir aller en ville pour pouvoir être examinés par un praticien, situation qui ne devrait pas s’arranger quand on sait que 67 000 médecins vont prendre leur retraite dans les dix ans qui viennent.
Ce sont les régions rurales de l’ancienne Allemagne de l’Est et de Basse-Saxe qui sont les plus mal loties.

La nouvelle loi prévoit une prime pour chaque patient traité, sans limitation de nombre et sans forfait, pour les médecins installés à la campagne. Il faut dire que le mode de rémunération des praticiens outre-Rhin les encourage à l’exode face à une population rurale où le nombre de personnes âgées et de patients souffrant d’affections chroniques lourdes à gérer augmente sans cesse.

Le texte prévoit aussi la suppression des gardes et astreintes sur place, tâches incombant dorénavant en partie aux hôpitaux, permettant ainsi aux praticiens de ne plus résider sur leur lieu d’exercice et de ne pas se retrouver seuls la nuit à couvrir d’immenses secteurs de garde dans des conditions souvent difficiles.
Tout comme leurs homologues français, les médecins allemands ne supportent plus de devoir être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comme c’est souvent le cas en zone rurale, préférant laisser les affres du burn-out à d’autres. Même s’ils ont la vocation et sont prêts à faire preuve d’abnégation, ils estiment que leur famille ne mérite pas d’être sacrifiée pour autant. Sachant que ceux avec qui ils vivent ne trouvent pas d’emploi dans ces zones où l’activité économique a disparu, qu’il n’y a pas de crèches et que le choix est restreint quand il est question d’écoles, d’activités sportives ou culturelles, ils préfèrent s’installer en ville.

Si cette loi a été bien accueillie par les organisations représentant les médecins, elle est critiquée par les compagnies d’assurance santé qui estiment qu’il aurait mieux valu pénaliser les praticiens exerçant dans des villes comme Munich, Hambourg ou Heidelberg, où la densité médicale est plus forte qu’ailleurs. Les médecins de ces villes devraient recevoir moins d’argent, alors que les praticiens dans les campagnes devraient être mieux payés, selon eux. Les partis d’opposition ont le même discours et expliquent que ces mesures incitatives ne seront pas efficaces tant que l’on ne dissuadera pas les médecins de s’installer en ville dans le même temps.
Pour le gouvernement allemand, cette loi, dotée d’une enveloppe de 320 millions d’euros, devrait permettre de réaliser des économies en réduisant les temps d’hospitalisation des patients vivant en milieu rural qui pourront être suivis à domicile ou près de chez eux. Elle va aussi permettre de réduire le coût de la prise en charge des urgences et de diminuer les frais de transport.

Qui a dit que vivre à la campagne était bon pour la santé ?

Médecine & Droit — Numéro 109

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de juillet — août 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

Protection de la personne
L’intérêt de l’enfant à naître en AMP : regards croisés franco-polonais
Anna Grabinski et Joanna Haberko

Bioéthique
La Cour européenne des droits de l’homme et l’obligation de l’État à assurer une mort digne
Christian Byk

Médecine judiciaire
Place et méthodes de l’expertise post-sentencielle dans le dispositif de libération conditionnelle. Comparaison des procédures en Belgique et en France
Alexandre Baratta, Pauline Schwartz et George-Alin Milosescu

Droit et médicament
Non-respect des règles de dispensation des médicaments et responsabilité du pharmacien d’officine
Caroline Berland-Benhaïm, Anne-Laure Pélissier-Alicot et Georges Léonetti

Agenda

Les laboratoires Boiron s’en prennent à un blogueur amateur

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Spécialité homéopathiqueIl ne fait pas bon être un blogueur amateur face à une multinationale par les temps qui courent. C’est ce dont a pu se rendre compte Samuele Riva, un informaticien italien de 28 ans, après avoir écrit deux articles parlant de l’homéopathie sur son blog, les 13 et 27 juillet 2011.

En guise d’illustrations, le jeune blogueur a eu le malheur d’utiliser des photos du produit phare des laboratoires Boiron, Oscillococcinum, dont la publicité vante les mérites contre les symptômes de la grippe. Ces images étaient accompagnées de légendes plaisantant sur l’absence totale de toutes molécules actives dans les préparations homéopathiques.

Ces propos auraient pu être dilués dans l’immensité de la blogosphère, perdant ainsi tout intérêt, mais la filiale italienne du numéro un mondial des produits homéopathiques semble avoir eu du mal à avaler la granule et a immédiatement décidé de réagir en menaçant de poursuivre en justice l’auteur des articles pour diffamation.

Selon le BMJ, qui donne les détails de cette affaire, le 28 juillet 2011, les laboratoires Boiron ont adressé un courrier au fournisseur d’accès Internet du blogueur dans lequel ils précisent que les articles et les légendes sont « faux et désobligeants à la fois pour l’homéopathie et [la] société ». Ils ternissent la réputation de l’entreprise, lui causant « de graves dommages », dont elle pourrait obtenir réparation devant un tribunal. Cette lettre demande aussi au fournisseur d’accès de retirer toutes les références à Boiron et à ses produits des deux articles incriminés et d’en interdire l’accès sous peine de se voir, lui et le blogueur, poursuivis devant les tribunaux.
Silvia Nencioni, administratrice déléguée de Boiron Italie, qui a signé ce courrier, a déclaré au BMJ que son entreprise surveillait régulièrement tous les médias, y compris le Web, pour savoir ce qui se disait sur la société, et contactait parfois ceux qui la critiquaient pour demander des corrections ou un droit de réponse.
« Dans cette affaire, nous avons essayé en vain de contacter le blogueur par téléphone par le biais de son fournisseur de services, mais ce dernier a refusé de nous donner ses coordonnées, nous avons donc décidé d’envoyer la lettre d’avertissement », a-t-elle affirmé.

Le fournisseur d’accès italien a confirmé au BMJ qu’il refusait de fournir les coordonnées des blogueurs faisant appel à ses services, sauf aux autorités, comme le lui permet la loi sur la confidentialité des données personnelles dans ce pays.

Quant à Samuele Riva, le blogueur milanais, il a donné quelques précisions au BMJ : « Quand j’ai été informé de la lettre de menaces, j’ai enlevé les images et les références directes à l’entreprise et à ses produits, tout en laissant en ligne les articles sur l’homéopathie ». « J’ai aussi envoyé un courriel à l’entreprise en lui disant que j’avais respecté ses demandes, mais je n’ai pas reçu de réponse jusqu’à présent. » Il a ensuite publié un nouveau billet sur son blog concernant la lettre d’avertissement des laboratoires Boiron dans lequel il dit : « Personne ne peut m’empêcher d’affirmer que l’homéopathie n’a aucun fondement scientifique. »

Comme souvent en pareil cas, l’infortune du blogueur n’est pas passée inaperçue sur le Web et son histoire a déchaîné la fureur de nombreux internautes à l’encontre du laboratoire pharmaceutique. Samuele Riva a reçu d’innombrables messages de soutien et la fréquentation de son blog est passée de quelques centaines de visiteurs par jour à plusieurs milliers.

Pilon transparentPour Silvia Nencioni, il s’agit d’un malentendu et Boiron n’est pas une méchante multinationale cherchant à intimider un petit blogueur. C’est l’absence de dialogue possible avec ce dernier et les termes juridiques utilisés qui donnent une fausse image de l’entreprise à travers le courrier qu’elle a adressé à Samuele Riva. Elle réévaluera la situation dans quelques semaines avec l’avocat de la société et sa maison-mère afin de savoir ce qu’il convient de faire. Même si elle ne souhaite pas perdre du temps et de l’énergie à aller en justice, Silvia Nencioni n’a pas été en mesure de dire au BMJ si les laboratoires Boiron mettront ou non leurs menaces à exécution.

Le BMJ rappelle que le journaliste scientifique Piero Angela, en 2004, a gagné au pénal et au civil après avoir été poursuivi en justice par deux associations défendant l’homéopathie pour avoir dit devant les caméras de la télévision publique italienne que l’homéopathie n’était pas scientifique et pour l’avoir indirectement comparée à l’eau douce.

« Les tribunaux ont examiné les preuves scientifiques que nous leur avions fournies et ont déclaré que les homéopathes n’avaient aucun droit de réponse à la télévision de service public, acceptant ainsi mon avis qu’il est du devoir d’un journaliste scientifique de distinguer clairement entre ce qui est de la science et ce qui n’en est pas », a déclaré Piero Angela au BMJ.

Sans doute enhardi par le soutien qu’il a reçu de toute part, Samuele Riva multiplie les billets consacrés à l’homéopathie sur son blog et s’amuse de la class action intentée aux États-Unis, le 4 août 2011, contre les laboratoires Boiron au sujet d’Oscillo pour fraude et publicité mensongère au prétexte qu’il n’y aurait aucune trace de principe actif dans ce produit, juste des sucres (85 % de saccharose et 15 % de lactose).

Les temps sont décidément difficiles pour les laboratoires Boiron en Californie puisque quelques jours plus tôt, le 1er août 2011, un juge fédéral a refusé de rejeter une autre class action intentée contre Coldcalm, un autre de ses produits, pour fraude et concurrence déloyale. Il est intéressant de noter qu’à cette occasion, le juge rappelle que, si la loi fédérale américaine inclut bien les spécialités homéopathiques dans sa définition du médicament (Federal Food, Drug, and Cosmetic Act), cela ne veut pas dire que la FDA (Food and Drug Administration) se porte pour autant garant ou même enquête sur la sécurité ou l’efficacité de ces produits.

Voilà donc de nombreuses affaires qu’il va être intéressant de suivre…