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Médecine & Droit — Numéro 107

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de mars — avril 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

Droit civil
La réparation du manquement à l’information médicale : d’une indemnisation corporalisée à la mise en oeuvre d’un droit de créance
Philippe Pierre

Médecine judiciaire
Prise en charge médicojudiciaire des auteurs d’infractions sexuelles
Alexandre Baratta, Alexandre Morali, Olivier Halleguen et Georges-Alin Milosescu

Exercice professionnel
Sanction disciplinaire d’une personne morale exerçant la pharmacie
Valérie Siranyan, Olivier Rollux et François Locher

Ouvrages parus

Un médecin poursuivi en diffamation après avoir critiqué un produit amaigrissant

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le poids dans la balance de la justiceAlors que l’affaire du Mediator bouleverse le landernau français, Ken Harvey, un médecin australien militant pour un marketing éthique des médicaments et autres produits pour la santé continue à être poursuivi en justice pour diffamation par la société commercialisant un produit amaigrissant, le SensaSlim, qu’il a osé critiquer sur Internet et dénoncer auprès des autorités sanitaires. La cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud a décidé, le 14 juin 2011, de le faire comparaître en août pour juger l’affaire au fond en refusant de rejeter de la plainte dont il fait l’objet. S’il est condamné, il risque une amende de 590 000 €.

Selon les dirigeants de la société vendant le SensaSlim, ils ont engagé des poursuites contre le docteur Harvey afin de protéger leurs intérêts et de faire respecter leurs droits. Ils contestent les conclusions des études défavorables à leur produit mises en ligne par cet universitaire à la retraite et estiment qu’il a agi de façon déloyale, portant ainsi atteinte à l’image de leur entreprise. Pour le porte-parole de la société, il n’est pas question d’interdire à ce médecin de critiquer leur ligne de produits amaigrissants, mais de l’empêcher de continuer à dénoncer sur Internet la publicité qu’il présente comme mensongère pour le SensaSlim sans avoir laissé le temps à cette société de se défendre devant les tribunaux comme la loi l’y autorise. « Il ne s’agit pas bâillonner le Dr Harvey. Nous continuerons à poursuivre notre droit de protéger nos franchisés et leur investissement dans notre produit », ce dernier étant vendu en pharmacie, salons de beauté et dans le commerce sans ordonnance. Il est vrai que cette contre-publicité risque de compromettre l’argumentaire de cette société quand elle promet un bénéfice pouvant aller jusqu’à quinze millions de dollars à ceux qui deviendraient ses distributeurs exclusifs de par le monde.

Pourtant cette affaire ressemble bien à une nouvelle attaque contre un médecin dénonçant un produit amaigrissant et rappelle le combat qu’a eu à mener Irène Frachon contre le laboratoire Servier et le Mediator. Un combat auquel l’agence gouvernementale de santé locale, The Australian Therapeutic Goods Administration, équivalent de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), semble préférer ne pas être mêlée. Si elle reconnaît avoir reçu plusieurs plaintes à l’encontre du SensaSlim, y compris celle de Ken Harvey, elle explique ne pas pouvoir donner un avis tant que la justice ne s’est pas prononcée. La plainte en diffamation et l’enquête qui s’en est suivi bloqueraient l’action de l’agence de santé, selon sa porte-parole dans une déclaration au BMJ. Pour les médecins qui ont signalé la campagne publicitaire et dénoncé les arguments scientifiques servant à promouvoir le SensaSlim, il s’agit là d’une aberration du système de vigilance nécessitant qu’il soit réformé. On comprend facilement leur demande quand on sait que le Dr Capehorn, médecin qui avait scientifiquement cautionné la campagne publicitaire pour l’amaigrissant, a depuis peu reconnu ne jamais avoir pris connaissance des études cliniques censées prouver l’efficacité du produit promise par son fabricant. Comment accepter qu’un produit amaigrissant, vendu dans dix-sept pays de l’hémisphère nord et ailleurs sur la planète, puisse continuer à induire en erreur les consommateurs ?
Certes, il ne s’agit pas là d’effets indésirables graves mettant en jeu la vie des patients, mais il est tout de même question d’intérêts financiers, de santé et d’intimidation pour faire taire ceux qui dénoncent un produit au mieux inefficace et au pire dangereux…

Une association australienne, Australian Skeptics, connue pour lutter contre ceux qui usent d’arguments pseudoscientifiques ou paranormaux pour faire la promotion de leurs produits ou de leurs méthodes thérapeutiques, a pris parti pour le docteur Harvey. Elle collecte actuellement des fonds pour lui permettre d’assurer sa défense dans les meilleures conditions possible.

 

En France, l’Afssaps vérifie « chaque année pour plus de 10 000 dossiers le contenu des messages promotionnels des firmes. […] La publicité de produits présentés comme bénéfiques pour la santé prévus à l’article L 5122-14 du code de la santé publique, à savoir les produits autres que les médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l’état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques » fait l’objet d’un contrôle a priori dénommé visa PP.

Ostéopathie et chiropraxie : un pas en avant, deux en arrière sur la durée minimale de la formation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Manipuler le squeletteAlors que le syndicat national des ostéopathes de France (SNOF) et de nombreux acteurs de ce secteur se félicitaient du vote de l’article 64 relatif à la durée minimale de formation en vue de l’obtention du diplôme d’ostéopathe au sein de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), venant ainsi compléter la reconnaissance officielle du diplôme obtenue à l’article 75 de la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, il aura fallu attendre un an et demi pour que le Conseil constitutionnel rende une décision annulant ce qui était considéré comme un progrès.

C’est à la demande du Premier ministre que le Conseil constitutionnel s’est penché sur la nature juridique des mots « qui doivent être au minimum de 3 520 heures » ajoutés en 2009 au premier alinéa de l’article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002. L’institution a estimé dans une décision du 3 février 2011 (nº 2011-223) que cette durée minimale de formation avait un caractère réglementaire. De ce fait, elle n’a pas à figurer au sein d’un article de loi, mais doit émaner d’un décret. La modification intervenue suite à l’adoption de la loi 2009-879 ne peut donc pas être prise en considération.

C’est que vient d’officialiser le décret nº 2011-390 du 12 avril 2011 modifiant l’article 75 de la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, paru au Journal officiel du 14 avril 2011. Ce texte supprime la durée minimale de formation en ostéopathie et en chiropraxie ajoutée à la loi de 2002, dite loi Kouchner, et rétablit que la durée minimale de formation en ostéopathie reste fixée à 2 660 heures conformément aux dispositions du décret nº 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l’agrément des établissements de formation et doit encore être fixée pour la chiropraxie.

En attendant un nouveau décret, la durée minimale de formation pour les ostéopathes reste donc indéterminée pour les chiropracteurs et repasse à trois ans au lieu de quatre pour les ostéopathes. Un contretemps qui n’est pas fait pour arranger les affaires de professions souvent en mal de reconnaissance.

Nouvelle mission du pharmacien : ajuster le traitement du patient

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Choisir un médicamentNouvel épisode des transferts d’activités ou d’actes de soins entre professionnels de santé et de la réorganisation de leur intervention auprès du patient prévus par l’article 51 de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) devenu article L 4011-1 du code de la santé publique (CSP), les missions des pharmaciens d’officine correspondants viennent d’être officialisés par un décret paru au Journal officiel du 7 avril 2011.

La notion de « pharmacien d’officine correspondant » est apparue elle aussi avec la loi HPST et a été introduite à l’article L 5125-1-1-A du code de la santé publique. Selon cet article, « les pharmaciens d’officine : […] Peuvent, dans le cadre des coopérations prévues par l’article L 4011-1 du présent code, être désignés comme correspondants au sein de l’équipe de soins par le patient. À ce titre, ils peuvent, à la demande du médecin ou avec son accord, renouveler périodiquement des traitements chroniques, ajuster, au besoin, leur posologie et effectuer des bilans de médications destinés à en optimiser les effets ». Aux côtés du médecin traitant prend donc place le pharmacien d’officine correspondant…

Grâce à ce texte entrant en vigueur dès maintenant, le pharmacien d’officine peut donc se voir confier de nouvelles missions dans le cadre d’un protocole de coopération avec un médecin portant sur un traitement chronique. Il peut « renouveler le traitement et en ajuster la posologie. » Plus besoin de l’avis du médecin pour que le pharmacien dise au patient d’augmenter ou de réduire le nombre de comprimés ou de gélules qu’il doit prendre chaque jour, il suffit pour cela d’une prescription médicale rédigée dans le cadre du protocole qui précise, notamment, les posologies minimales et maximales et la durée totale du traitement comprenant les renouvellements.

En plus de pouvoir « proposer des conseils et prestations destinés à favoriser l’amélioration ou le maintien de l’état de santé des personnes » comme n’importe quel autre pharmacien d’officine, celui qui aura été désigné comme « correspondant » par le patient se voit accordé le droit de réaliser un « bilan de médication » qui comprend « l’évaluation de l’observance et de la tolérance du traitement ainsi que tous les éléments prévus avec le médecin pour le suivi du protocole. Dans ce bilan, le pharmacien recense les effets indésirables et identifie les interactions avec d’autres traitements en cours dont il a connaissance. Il s’assure du bon déroulement des prestations associées. »

À la lecture de ce décret, bien que la durée totale du traitement et de son renouvellement ne puisse excéder douze mois, des questions se posent tout de même concernant le libre choix du patient. Quid du malade qui souhaite changer de pharmacien correspondant ou du patient qui change de médecin traitant ? Ne va-t-il pas être captif d’un système dont la lourdeur (mise en place d’un protocole entre les professionnels) l’empêchera d’exercer son libre choix à tout moment ?
Qu’en sera-t-il des patients qui ont un médecin prescripteur (qui peut être différent du médecin traitant) et un pharmacien correspondant qui ne réussissent pas à s’entendre pour signer un protocole ? Verra-t-on demain apparaître un texte contraignant tout médecin ou tout pharmacien à accepter la signature d’un tel protocole si le patient le souhaite ? À l’inverse, il pourrait être tentant pour le médecin de « conseiller » le patient sur le pharmacien susceptible d’accepter un protocole et vice-versa.

Des questions se posent aussi sur la tenue à jour du dossier médical du patient. Certes le décret précise que le bilan de médication et l’ajustement de posologie sont transmis au médecin prescripteur, mais qu’en sera-t-il vraiment dans les faits ? On sait la valeur d’une telle disposition dans la pratique quotidienne : rares sont les opticiens qui, ayant adapté la correction portée par un patient dans le cadre de l’article L 4362-10 du CSP, adressent à l’ophtalmologiste un courrier pour l’informer comme la loi les y oblige pourtant.
Même si le décret prévoit que le pharmacien doit mentionner le renouvellement de la prescription sur l’ordonnance et, en cas d’ajustement de la posologie, préciser sur une feuille annexée à l’ordonnance datée et signée, et comportant le timbre de la pharmacie, le nom du médicament qui donne lieu à un ajustement de la posologie ainsi que la nouvelle posologie ou le nom du produit concerné associé éventuellement à une prestation, feuille dont il doit indiquer la présence sur l’ordonnance, que se passera-t-il quand le patient aura oublié son ordonnance au moment de sa consultation ? Pour un médicament faisant l’objet d’un protocole, en cas d’effets indésirables graves nécessitant une hospitalisation, le centre de secours ou le service des urgences devra-t-il, en plus du médecin prescripteur, appeler le pharmacien d’officine correspondant pour s’assurer de la dose quotidienne réellement prise par un patient ?
Enfin, il va être intéressant de savoir si les assureurs en responsabilité civile professionnelle des pharmaciens et des médecins vont prendre en compte ce nouveau risque. Ajuster une posologie, même sous couvert d’une prescription, n’a rien d’anodin. Comment les juges apprécieront-ils le degré de responsabilité du pharmacien d’officine correspondant et du médecin prescripteur liés par un protocole en cas de problème grave ? Des questions qui semblent être pour l’instant sans réponse.

Le Conseil d’État oblige le directeur de l’UNCAM à revoir sa copie concernant la contribution forfaitaire sur les feuilles de soins papier

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carte de santé électroniqueC’est au plus grand désarroi des professionnels de santé que le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) avait rendu le 19 mars 2010 une décision fixant le montant de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels, organismes ou établissements qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes, produits ou prestations aux organismes d’assurance maladie obligatoire. Il s’agissait là d’une décision prise en application de l’article L 161-35 du code de la santé publique qui prévoit que « les professionnels, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables par l’assurance maladie, qui n’assurent pas une transmission électronique, acquittent une contribution forfaitaire aux frais de gestion. Le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie […] fixe le montant de cette contribution forfaitaire. Cette somme, assimilée pour son recouvrement à une cotisation de sécurité sociale, est versée à l’organisme qui fournit lesdits documents. »

Pour les chantres des économies de santé et pour les personnels de l’UNCAM, la télétransmission est présentée depuis longtemps comme la solution idéale pour le remboursement des frais engagés par les patients. Personne ne conteste qu’il s’agit d’un système simplifiant la vie de l’assuré qui n’a plus à compléter une feuille de soins qu’il doit ensuite adresser à son organisme d’assurance-maladie. Cette procédure lui permettant d’être remboursé plus rapidement, elle est bien souvent appréciée par le patient. Mais il faut reconnaître que si elle est mise en avant par les services de la Sécurité sociale, c’est aussi parce qu’elle a de gros avantages pour ces derniers. Le traitement d’une feuille papier est bien plus lourd que celui d’une feuille de soins électronique et, en cette période de déficit chronique de l’assurance-maladie, pouvoir réduire le nombre d’agents chargés de ce travail n’est pas chose négligeable. D’autant que si un problème survient à l’occasion du remboursement, c’est en premier vers le praticien qui a pris la carte vitale et assuré la télétransmission que le patient se tourne, allégeant ainsi la charge des personnels d’accueil des caisses. Les récriminations iront d’abord au secrétariat ou au praticien lui-même avant d’arriver de façon atténuée aux guichets des organismes sociaux.
Outre le fait de devoir investir dans du matériel non standardisé, spécifique à la télétransmission, associé à un onéreux contrat de maintenance, les praticiens ont de nombreux reproches à faire à ce système et ils n’y ont pas tous adhéré de gaîté de coeur. Même ceux qui ont été parmi les plus motivés sont bien souvent confrontés à de multiples problèmes et acceptent mal que le manque de responsabilisation de l’usager et la stigmatisation dont ils ont l’impression de faire l’objet de la part des caisses d’assurance maladie viennent refroidir leurs ardeurs à poursuivre sur le chemin de la télétransmission. En effet, comment ne pas être étonné qu’un médecin puisse être pénalisé parce que le patient a oublié sa carte vitale nécessaire à l’élaboration de la feuille de soins électronique ? Comment comprendre qu’un praticien, qui est souffrant et qui doit s’en remettre à un remplaçant pour assurer la continuité du service durant parfois plusieurs mois en raison de l’affection grave, dont il est atteint puisse être sanctionné du fait de l’utilisation de feuilles de soins papier par son confrère venu éviter la fermeture du cabinet ? Comment expliquer que de nombreux concepteurs de logiciels médicaux n’aient pas développé de solution de télétransmission faute d’un cahier des charges stable privant ainsi le médecin de solutions adaptées ou que les matériels proposés n’acceptent pas la carte professionnelle d’un remplaçant ? Comment accepter que des services de l’assurance-maladie conseillent aux praticiens de laisser leur carte de professionnel de santé (CPS) à leur remplaçant pour qu’il puisse télétransmettre en parfaite contradiction avec le principe voulant que cette carte soit personnelle, poussant ainsi les médecins à agir de façon illégale ?

Il est évident que, dans un tel contexte, la décision du directeur général de l’UNCAM du 19 mars 2010 prévoyant une sanction financière de 50 centimes d’euros pour les professionnels de santé utilisant des feuilles de soins papier pour plus de 25 % des actes réalisés sur une année ne pouvait ressentie que comme une injustice par les médecins « de base ». Alors que les grandes centrales syndicales médicales, censées pourtant les représenter, semblaient résolues à accepter ce qu’elles avaient peut-être négocié officieusement, c’est un syndicat régional qui a attaqué cette décision. Bien lui en a pris puisque le Conseil d’État lui a donné raison le 7 avril 2011 après avoir estimé que le directeur général de l’UNCAM avait outrepassé les droits que lui confère la loi en imposant que cette contribution forfaitaire soit appliquée aux supports de facturation établis sur papier à l’exclusion des supports concernant les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, les nourrissons de moins de trois mois et les prestations de soins effectuées dans leur totalité hors de la présence du patient ; en déterminant les catégories de professionnels et organismes débiteurs ou en décidant que la notification de la contribution est effectuée par la CPAM au 1er juillet de l’année suivante, la contribution étant exigible au 1er septembre.

Si l’obligation d’être en mesure de télétransmettre pour les professionnels de santé est toujours d’actualité, la menace des sanctions pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas utiliser ce système pour la majorité de leurs actes est une nouvelle fois repoussée. Bien malin celui qui est en mesure de dire quand et comment cette situation évoluera dans l’immédiat. Les échéances électorales qui approchent ne vont pas être propices à de nouvelles sanctions, surtout dans des domaines où les praticiens ont l’impression que les intérêts des personnels de l’assurance-maladie passent bien avant les leurs ou ceux des patients…

Cellules souches, embryon et Cour de justice de l’Union européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Cellules totipotentesBien qu’elles ne présument en rien de la décision que prendra au final la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il est toujours intéressant de se pencher sur les conclusions de ses avocats généraux qui interviennent habituellement quelques mois avant la conclusion d’une affaire. Il en est ainsi de celles d’Yves Bot concernant les cellules totipotentes, les pluripotentes et l’embryon utilisés à des fins industrielles ou commerciales.

Selon l’avocat général, comme l’explique le communiqué nº 18/11 de la CJUE, « les cellules totipotentes qui portent en elles la capacité d’évoluer en un être humain complet doivent être qualifiées juridiquement d’embryons humains et doivent, de ce fait, être exclues de la brevetabilité.
Un procédé utilisant des cellules souches embryonnaires différentes, dites cellules pluripotentes, ne peut non plus être breveté lorsqu’il requiert, au préalable, la destruction ou l’altération de l’embryon. »

C’est à la demande de la Cour fédérale allemande (le Bundesgerichtshof) que la CJUE va devoir se prononcer sur la notion d’« embryon humain » et sur les enjeux commerciaux qui s’y attachent. Très loin de toutes considérations philosophiques, éthiques ou religieuses, la bataille juridique qui s’est engagée sur l’embryon et les cellules souches va avant tout servir à savoir comment vont être répartis les immenses profits que laissent espérer les recherches dans ce domaine. Le président du LEEM (organisme regroupant un très grand nombre d’entreprises du médicament) a beau insisté sur l’aspect altruiste, voire même philanthropique, de la recherche financée par l’industrie pharmaceutique, les actes de cette dernière laissent penser que la décision de la CJUE pourrait avoir un impact sur la politique d’investissement des fabricants. Si les procédés issus de la recherche sur les cellules souches peuvent être couverts par des brevets, gage de retour sur investissement et de substantiels profits, l’industrie financera la recherche ; dans le cas contraire, elle préférera sans doute s’intéresser aux compléments alimentaires ou aux coupe-faim. Motifs invoqués : préserver l’emploi des 100 000 personnes qui travaillent pour elle en France ou continuer à créer « 550 emplois nouveaux par an » pour un chiffre d’affaires de 50 milliards d’euros. Dans un pays qui comptait plus de 2,7 millions de chômeurs en février, on comprend que certains n’hésitent pas à s’interroger sur le poids d’un tel argument dans les nombreuses décisions prises par les politiques en faveur de cette industrie.

C’est dans ce contexte difficile qu’interviennent donc les conclusions de l’avocat général de la CJUE dans une affaire opposant Greenpeace à un détenteur de brevet portant sur « des cellules précurseurs neurales isolées et purifiées produites à partir de cellules souches embryonnaires humaines utilisées pour traiter les maladies neurologiques » ayant déjà des implications cliniques dans le traitement de la maladie de Parkinson. Le détenteur du brevet ayant fait appel de la décision du tribunal fédéral des brevets allemand ayant constaté la nullité du sien « dans la mesure où il porte sur des procédés permettant d’obtenir des cellules précurseurs à partir de cellules souches d’embryons humains. » Pour la CJUE, « il s’agit de savoir si l’exclusion de la brevetabilité de l’embryon humain concerne tous les stades de la vie à partir de la fécondation de l’ovule ou si d’autres conditions doivent être satisfaites, par exemple qu’un certain stade de développement soit atteint. »
Pour l’avocat général, il faut se tenir à la lettre de la directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques qui, dans son article 5 paragraphe 1, prévoit que « le corps humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement, ainsi que la simple découverte d’un de ses éléments, y compris la séquence ou la séquence partielle d’un gène, ne peuvent constituer des inventions brevetables ». Selon le communiqué de la CJUE relatif aux conclusions d’Yves Bot, « donner une application industrielle à une invention utilisant les cellules souches embryonnaires reviendrait à utiliser les embryons humains comme un banal matériau de départ ce qui serait contraire à l’éthique et à l’ordre public.
En conclusion, l’avocat général estime qu’une invention ne peut être brevetable lorsque la mise en œuvre du procédé requiert, au préalable, soit la destruction d’embryons humains, soit leur utilisation comme matériau de départ, même si, lors de la demande de brevet, la description de ce procédé ne fait pas référence à l’utilisation d’embryons humains.
L’avocat général rappelle toutefois que la brevetabilité des utilisations d’embryons humains à des fins industrielles ou commerciales n’est pas interdite, en vertu de la directive, lorsqu’elle concerne les seules inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s’appliquent à l’embryon humain et lui sont utiles – par exemple pour corriger une malformation et améliorer ses chances de vie. »

Il faut maintenant attendre la décision des juges de la CJUE qui n’est pas tenue par ces conclusions, la mission des avocats généraux consistant à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l’affaire dont ils sont chargés. La balance de la justice penchera-t-elle en faveur d’un financement public, donc modeste, de la recherche sur les cellules souches et l’embryon qui servira au plus grand nombre ou donnera-t-elle raison aux arguments de l’industrie quitte à privilégier les intérêts de ceux qui ont les moyens d’investir et de payer pour ces traitements ? La réponse dans quelques mois.

Les recommandations de bonne pratique en médecine ne sont pas données

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Il est recommandé d'aller dans la bonne direction.En plus de s’être intéressé à la façon dont les liens d’intérêt peuvent influencer la rédaction des recommandations de bonne pratique en médecine, Roger Collier, journaliste au Canadian Medical Association Journal (CMAJ), a publié dans le numéro du 22 février 2011 de cette revue un article intitulé Clinical practice guidelines as marketing tools (Les recommandations de bonne pratique clinique comme outils marketing) sur lequel il peut être intéressant de se pencher.

Si, en France, la majorité des recommandations de bonne pratique est élaborée sous l’égide de la Haute Autorité de santé et financée par celle-ci, ce n’est pas le cas pour celles qui sont publiées chaque semaine un peu partout dans le monde. Être réalisées à l’aide de fonds publics pourrait donner l’impression que les recommandations hexagonales ne sont pas biaisées par l’industrie pharmaceutique, mais il faut comprendre que les travaux étrangers servent bien souvent de sources aux experts français, faisant ainsi d’eux, consciemment ou non, des relais d’une information sous influence. S’il est admis que les résultats d’essais cliniques tendent à favoriser ceux qui les financent, cet impact est rarement mis en avant lorsqu’il est question de recommandations de bonne pratique alors qu’elles sont largement utilisées par les médecins, quand elles ne leur sont pas tout simplement imposées. Elles jouent donc un rôle particulièrement important dans la prise en charge des patients.

Publier des recommandations de bonne pratique de qualité n’est pas chose aisée. Il s’agit souvent d’un processus long et coûteux, comme l’explique Roger Collier, processus qui oblige les auteurs qui se lancent dans l’aventure à trouver un financement pour mener à bien leurs travaux et y consacrer le temps nécessaire (de 18 mois à 3 ans, habituellement). En fonction du sujet traité, les besoins ne seront pas les mêmes, mais il arrive souvent que les promoteurs des recommandations soient contraints de se tourner vers l’industrie pour obtenir les fonds suffisants, surtout dans le cas de projets ambitieux portant sur la prise en charge globale de pathologies comme le diabète ou l’hypertension artérielle.

À quoi sert cet argent ? Il faut tout d’abord identifier de façon précise ce sur quoi vont porter les recommandations et identifier les priorités en tenant compte de l’avis des personnes concernées qu’il conviendra de cibler (médecins, patients, administratifs, etc.), effectuer un examen approfondi et systématique de la littérature scientifique sur le sujet choisi en remontant parfois sur plusieurs décennies, évaluer et faire la synthèse des preuves scientifiques ainsi recueillies, convoquer un groupe d’experts pour examiner ces preuves et formuler des recommandations cliniques, présenter ce travail à des experts “indépendants”, publier les recommandations et trouver les moyens de les diffuser pour qu’elles soient prises en compte par le plus grand nombre. Tout ceci a un coût.
Quand on est un médecin salarié et que cela ne pose pas de problèmes à l’organisation dans laquelle on travaille, il est aisé de participer à de tels travaux. Quand on travaille en libéral, le temps consacré à participer à des réunions de ce type est un manque à gagner. Si le promoteur des recommandations n’a pas prévu d’indemnisation, cela peut avoir un retentissement sur le recrutement des participants, voire même sur le fait qu’ils soient tentés d’accepter un financement extérieur pour participer tout de même à ces travaux. Doivent aussi être financés les coûts générés par la bibliographie qui peut nécessiter que l’on fasse appel à du personnel qualifié ; les déplacements et l’hospitalité offerts aux experts lors des indispensables réunions ; l’impression et la reliure des recommandations.

Pour le docteur Valerie Palda, directeur médical du comité consultatif relatif aux recommandations d’une organisation médicale indépendante canadienne, interrogée par Roger Collier, « L’édition n’est pas ce qui coûte le plus cher. Ce qui est le plus onéreux, c’est la revue systématique de la littérature et les réunions ». Pour elle, utiliser l’argent de l’industrie pour ça est acceptable si des garanties sont prises pour éviter les biais liés à ce financement. « Ce n’est pas trop de savoir si l’on peut accepter une aide financière de l’industrie qui importe, mais de savoir si on peut en atténuer l’impact ».

Des médecins, en toute bonne foi, pensent qu’il est possible de mettre ces garanties en place. Selon eux, il suffirait pour cela de bien encadrer l’élaboration des recommandations, de poser une question claire à laquelle on doit s’attacher de répondre sans s’écarter de cette problématique, publier la méthodologie afin que d’autres équipes puissent reproduire les travaux réalisés, de soumettre les recommandations cliniques à des experts indépendants de plusieurs spécialités et à de nombreux organismes de santé pour qu’ils les critiquent et les valident et, enfin, les publier dans des revues, comme le CMJA, spécialisées dans l’édition de ce type de travaux.
D’autres reconnaissent que le meilleur moyen d’éviter toute influence des laboratoires pharmaceutiques, c’est de trouver d’autres sources de financement. Mais cela serait plus facile à dire qu’à faire, s’empressent-ils d’ajouter…

Un nouveau rapport sur la responsabilité civile professionnelle des disciplines médicales

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Pas d'assuranceSi leur responsabilité civile professionnelle (RCP) assure les médecins, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes, elle est loin de les rassurer. Ce n’est pas tant l’augmentation quasi incessante du montant des primes pour des garanties régulièrement revues à la baisse que les limitations de leurs contrats qui inquiètent ces professionnels. Ils ont pour la plupart une véritable épée de Damoclès au-dessus de leur tête à l’origine d’un malaise profond chez ces praticiens qui préfèrent de plus en plus renoncer à certaines activités ou à leur exercice libéral plutôt que de mettre en danger leur avenir et celui de leurs ayant-droits. C’est dans ce contexte qu’une mission sur le sujet a été confiée à Gilles Johanet, devenu président du Comité économique des produits de santé quelques jours avant de rendre le rapport faisant la synthèse de ses travaux au ministre de la santé, le 24 février 2011.

On imagine à quel point le sujet est sensible quand on sait qu’il aura fallu près de 2 ans et demi à Gilles Johanet pour mener à bien sa mission. Un temps relativement long comparé à celui accordé à Élisabeth Hubert pour remettre celui sur l’avenir de la médecine de proximité ou à l’Inspection générale des affaires sociales pour faire la lumière sur l’affaire du Mediator. Pourtant, ce haut fonctionnaire habitué de la Cour des comptes connaît bien le monde de la santé. C’est lui qui a démissionné de son poste de Directeur de la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), dans lequel était prévu le conventionnement sélectif des médecins en fonction des besoins géographiques, quand celui-ci a été refusé. C’est aussi un homme qui connaît bien le monde de l’assurance puisqu’il a dirigé le pôle santé pour la compagnie AGF pendant plusieurs années, période durant laquelle il a proposé « une réduction de la cotisation à l’assurance santé maison contre des preuves d’achat du yaourt Danacol™ de Danone, et une complémentaire santé dite Excellence santé à 12 000 € par an et par personne, donnant accès aux meilleurs médecins de France. »

Ce rapport rappelle que cette mission avait notamment pour objectif « de définir les conditions et les modalités de mise en place, d’une part, d’un dispositif de mutualisation plus large par l’assurance de la responsabilité médicale permettant une amélioration des garanties et, d’autre part, d’un dispositif de solidarité entre plusieurs professions de santé pour la prise en charge des primes ».

À la lecture du rapport, on comprend très vite la problématique à laquelle sont confrontés les professionnels médicaux : « si l’assureur est naturellement libre de fixer le montant de la prime, la garantie qu’il accorde est limitée, alors que le juge est libre de fixer le montant de l’indemnisation. Il en résulte ce qu’il est convenu d’appeler des « trous de garantie », affectant la durée d’exposition du professionnel de santé au risque de réclamation (« l’expiration »), ou la couverture du sinistre par la garantie (« l’épuisement »). » Les plafonds des garanties, fixés à 3 millions d’euros, au-delà desquels les professionnels sont redevables sur leurs fonds propres et la garantie subséquente limitée à 10 ans après la fin du contrat alors que le professionnel ou ses ayants droit peuvent être mis en cause au-delà de cette période. Un médecin retraité depuis plus de 10 ans, peut ainsi se voir condamné à payer plusieurs millions d’euros d’indemnités à un plaignant alors qu’il n’est plus couvert par son ancien contrat de RCP.
Autre élément clé de ce secteur, Gilles Johanet explique qu’il n’est pas facile de légiférer à ce sujet, car ne représentant qu’un marché de niche pour les compagnies d’assurance, elles n’hésitent pas à s’en détourner quand les pouvoirs publics cherchent à les contraindre à y faire quelque chose. N’ayant déjà pas hésité à le faire par le passé, le marché se trouve ainsi concentré sur l’offre de 15 assureurs ou mutuelles, dont deux en situation de quasi-monopole en fonction des spécialités, par exemple. Cette offre réduite a entraîné une hausse des primes, loin de refléter l’augmentation de la sinistralité comme ce rapport n’est pas le premier à le faire remarquer.

Alors que depuis 2002, des outils ont été mis en place pour tenter de savoir ce qu’il en est vraiment de la sinistralité et de son coût pour les assureurs, il faut bien constater un manque complet de transparence concernant ce coût, même si ces derniers n’hésitent pas à provisionner pour des risques pas toujours évidents. « Sans passé utile, éclatée dans l’espace, avec un futur aveugle, l’indemnisation crée une imprévisibilité majeure.
Il est logique, dans ces conditions, que les assureurs se soient d’abord attachés à constituer des provisions à l’aune de ces incertitudes. Le montant des primes augmente donc en fonction du provisionnement et non de la sinistralité, ce qui est source d’incompréhension voire de défiance de la part des professionnels de santé. »

Chose étonnante, ce rapport, alors qu’il a tendance à montrer que le discours basé sur une sinistralité en augmentation, la fameuse « dérive à l’américaine », depuis plus de vingt ans, est inexact, il estime qu’à l’avenir cette augmentation sera bien réelle… On sent qu’il n’est pas question de fâcher les assureurs et de leur ôter l’argument leur servant à justifier l’incessante inflation du montant des primes.
Intéressante aussi la notion selon laquelle il existe « un manque d’organisation des soins particulièrement aigu en France, où la dispensation relève encore largement de l’art et de l’artisanat » et que « puisqu’il est reconnu internationalement que le risque trouve sa source majeure dans les carences organisationnelles, notre pays peut être sur exposé au risque. » Il est aussi question du fait que « le mythe du risque zéro se nourrit de l’inorganisation de notre système de soins : la faiblesse de la politique d’éradication des risques évitables occulte l’existence de risques inévitables et rend inaudible tout discours de reconnaissance de ces risques. L’exigence croissante des patients n’est donc qu’en partie bénéfique et sa part d’illusions conduit logiquement les praticiens à développer ce qu’il est convenu d’appeler une médecine défensive, caractérisée par l’existence d’actes et prescriptions de précaution, dont la balance bénéfice /risque pour le patient est incertaine et le coût certain pour les assurances maladie obligatoire et complémentaire. »

En conclusion, Gilles Johanet fait onze propositions pour sortir de la situation insatisfaisante qui est celle qui prévaut actuellement. Trois exemples : « étendre la limitation à 10 ans de la mise en jeu de la responsabilité à l’ensemble des professionnels de santé libéraux conventionnés et à l’ensemble de leur activité de soins » ; « […] adoption d’un barème médical unique et d’un barème unique de capitalisation des rentes » ; « étudier la redéfinition du champ de la responsabilité civile des professionnels de santé », tout particulièrement dans le domaine du devoir d’information.

La balle est maintenant dans le camp des politiques qui devront savoir s’ils préfèrent satisfaire les professionnels de santé qui délaissent petit à petit certaines spécialités et l’exercice libéral, ou les assureurs, sachant qu’en terme de lobbying et de moyens de pression, l’avantage est très nettement en faveur des compagnies d’assurance.

Les médecins hospitaliers tchèques obtiennent plus de 300 € d’augmentation par mois

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Drapeau tchèqueLa pugnacité des 3 800 médecins hospitaliers tchèques qui avaient décidé de démissionner pour partir en Allemagne le 1er mars 2011 a fini par payer. Après que le conseil de l’ordre des médecins de ce pays ait courageusement apporté son soutien au mouvement en appelant tous les praticiens tchèques à soutenir leurs confrères hospitaliers et que les hôpitaux aient commencé à annuler les interventions faute de chirurgiens et d’anesthésistes, le gouvernement tchèque qui affirmait ne pas pouvoir faire d’efforts a compris qu’il valait mieux céder face à la détermination de toute une profession.

C’est le 16 février 2011 que le ministre de la santé, au nom du nouveau gouvernement de centre-droit tchèque, a annoncé une augmentation comprise entre 200 et 320 € du salaire mensuel des praticiens hospitaliers, salaire dont la moyenne, heures supplémentaires comprises, s’élève à 1 977 € par mois, dans un pays où il est de 975 € par mois pour la population générale.
Une décision difficile à prendre à un moment où des mesures ont été prises pour réduire la masse salariale dans le secteur public afin d’endiguer le déficit budgétaire du pays. Face à la menace concrète de paralysie d’une partie du système hospitalier, les pouvoirs publics n’ont pourtant pas eu d’autre choix que de transiger.

Les représentants des 3 800 praticiens hospitaliers (soit 20 % des médecins travaillant dans les hôpitaux tchèques) ont accepté cette offre et ont repris leur lettre de démission.

Au programme du gouvernement tchèque figure une réforme du système de santé, des retraites et des impôts afin d’équilibrer le budget de la nation d’ici à 2016. En 2011, le déficit public devrait se limiter à 4,6 % du PIB, contre 5,3 % en 2010.
L’augmentation du salaire des médecins hospitaliers, qui représente un peu plus de 82 millions d’euros, devrait être financée à l’aide d’une taxe sur les assurances santé et ne sera pas supportée par le budget de l’État.

Cette hausse du salaire mensuel n’a pas que des conséquences nationales, elle a aussi des répercussions internationales et le ministre de la santé slovaque, pays limitrophe qui voit déjà ces praticiens hospitaliers s’exiler en République tchèque où les conditions de rémunération sont meilleures, a annoncé que son pays allait lui aussi devoir augmenter les salaires des médecins travaillant à l’hôpital. Des propositions seront faites en ce sens en mai 2011. Là encore, c’est la piste d’une taxe sur les assurances santé privées qui est envisagée.

Pas de sexe pour les assureurs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Variation en fonction du sexeEn octobre 2010, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait conclu qu’il était « incompatible avec les droits fondamentaux de l’Union de tenir compte du sexe de l’assuré en tant que facteur de risque dans les contrats d’assurance », avis qui n’engageait pas pour autant les juges de cette instance. Le 1er mars 2011, ces derniers ont néanmoins abondé dans le même sens que l’avocat général.

L’égalité entre les hommes et les femmes est un droit fondamental en Europe et la Cour est là pour sanctionner les discriminations directes ou indirectes en ce domaine. Peu importe le sexe d’un citoyen, l’accès à des biens et à des services et leur fourniture doit être identique pour tous. La prise en considération du critère du sexe comme facteur pour l’évaluation des risques en assurance concernant les contrats privés d’assurance vie est bien un élément discriminatoire au regard de la directive 2004/113/CE.

Pour la Cour, les droits fondamentaux au sein de l’Union européenne sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et sa Charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination fondée sur le sexe. Ces textes imposent que l’égalité entre les hommes et les femmes soit assurée dans tous les domaines.

Malgré cela, concernant les assurances et les retraites privées, volontaires et non liées à la relation de travail (celles liées au travail étant régies par des textes différents), la directive 2004/113/CE prévoit en son article 5 que :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans tous les nouveaux contrats conclus après le 21 décembre 2007 au plus tard, l’utilisation du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations aux fins des services d’assurance et des services financiers connexes n’entraîne pas, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations.
2. Nonobstant le paragraphe 1, les États membres peuvent décider avant le 21 décembre 2007 d’autoriser des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. Les États membres concernés en informent la Commission et veillent à ce que des données précises concernant l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel déterminant soient collectées, publiées et régulièrement mises à jour. Ces États membres réexaminent leur décision cinq ans après le 21 décembre 2007 en tenant compte du rapport de la Commission mentionné à l’article 16, et transmettent les résultats de ce réexamen à la Commission. »
C’est ce paragraphe 2 qui est au centre de l’affaire portée devant la Cour (nº d’affaire C-236/09).

La décision de la CJUEest claire à ce sujet : « Selon la jurisprudence constante de la Cour, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié […]
Il est constant que le but poursuivi par la directive 2004/113 dans le secteur des services d’assurance est, ainsi que le reflète son article 5, paragraphe 1, l’application de la règle des primes et des prestations unisexes. Le dix‑huitième considérant de cette directive énonce explicitement que, afin de garantir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel ne devrait pas entraîner pour les assurés de différence en matière de primes et de prestations. Le dix-neuvième considérant de ladite directive désigne la faculté accordée aux États membres de ne pas appliquer la règle des primes et des prestations unisexes comme une « dérogation ». Ainsi, la directive 2004/113 est fondée sur la prémisse selon laquelle, aux fins de l’application du principe d’égalité de traitement des femmes et des hommes consacré aux articles 21 et 23 de la charte, les situations respectives des femmes et des hommes à l’égard des primes et des prestations d’assurances contractées par eux sont comparables.
Dans ces circonstances, il existe un risque que la dérogation à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes prévue à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 soit indéfiniment permise par le droit de l’Union.
Une telle disposition, qui permet aux États membres concernés de maintenir sans limitation dans le temps une dérogation à la règle des primes et des prestations unisexes, est contraire à la réalisation de l’objectif d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes que poursuit la directive 2004/113 et incompatible avec les articles 21 et 23 de la charte.
Par conséquent, cette disposition doit être considérée comme invalide à l’expiration d’une période de transition adéquate. »
La date à laquelle le sexe ne pourra plus être utilisé par dérogation comme facteur actuariel a été fixée au 31 décembre 2012 et il est intéressant de noter que cette décision ne concerne pas que les contrats d’assurance vie, mais bien tous les contrats d’assurance.

Plusieurs assureurs interrogés par la presse suite à cette décision ont indiqué qu’elle allait avoir pour conséquence l’augmentation des primes de nombreux contrats, comme ceux concernant les jeunes conductrices qui, d’après eux, sont soumises à des tarifs moindres, les statistiques montrant qu’elles ont moins d’accidents que les jeunes conducteurs. Pas un mot sur le fait que cette mutualisation des risques puisse entraîner une baisse des primes concernant justement ces jeunes conducteurs : surprenant, non ?