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Numéro de Sécurité sociale, santé publique et recherche médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

un code-barres sur le frontL’un des éléments clés pour les recherches effectuées dans les domaines de la médecine et de la santé publique est de pouvoir identifier de façon certaine les individus qui y participent. Être susceptible de compter plusieurs fois un même patient est susceptible d’entraîner des biais dans les études, les rendant ainsi moins fiables. Cela fait donc de nombreuses années que les chercheurs réclament de pouvoir utiliser le NIR, communément appelé numéro de Sécurité sociale, comme identifiant pour les personnes participant à leurs travaux. Jusqu’à aujourd’hui, il est strictement interdit de le faire, mais cette situation devrait évoluer très prochainement.

Le NIR est le numéro d’inscription au répertoire de L’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) : « Toute personne née en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer (DOM) est inscrite au répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP). L’inscription à ce répertoire entraîne l’attribution du numéro d’inscription au répertoire (NIR) qui est utilisé notamment par les organismes d’assurance maladie pour la délivrance des “cartes vitales”.
Ce numéro d’identification unique de l’individu est formé de 13 chiffres : le sexe (1 chiffre), l’année de naissance (2 chiffres), le mois de naissance (2 chiffres) et le lieu de naissance (5 chiffres). Les 3 chiffres suivants correspondent à un numéro d’ordre qui permet de distinguer les personnes nées au même lieu à la même période ; une clé de contrôle à 2 chiffres complète le NIR. »

En mars 2007, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), sous la pression de diverses associations et à un moment où il était prévu que le dossier médical personnel (DMP) voit le jour, s’était prononcée pour un identifiant santé dérivé du NIR par anonymisation pour tout ce qui touchait au système de soins. « En effet, parce qu’il est signifiant et peut donc être reconstitué à partir d’éléments d’état civil, parce que la généralisation de son usage faciliterait grandement les rapprochements de fichiers sans cesse plus importants, l’extension de l’usage du NIR reste, à elle seule, une menace, quand bien même d’autres dangers sont apparus avec des identifiants encore plus intrusifs, comme la biométrie. »
Mais en 2011, alors que le DMP est censé avoir été “amorcé”, le problème lié à l’identification des participants aux recherches médicales et aux études de santé publique reste entier. C’est dans ce contexte qu’intervient une nouvelle décision de la CNIL. Dans un communiqué intitulé « L’utilisation encadrée du NIR par les chercheurs et les autorités sanitaires : un véritable enjeu de santé publique », la CNIL explique qu’elle « a été sensibilisée aux difficultés auxquelles sont confrontés les chercheurs et les autorités sanitaires en France, qui, faute de pouvoir utiliser le NIR, ne sont pas toujours en mesure de fournir aux pouvoirs publics des indicateurs statistiques fiables. Ces derniers sont pourtant indispensables à la définition et à l’évaluation des politiques de santé publique et à la surveillance sanitaire de la population. […] À l’issue de ces travaux, la CNIL a demandé aux pouvoirs publics de prendre les mesures réglementaires nécessaires pour définir une politique d’accès au NIR à des fins de recherche et d’études de santé publique. En conséquence, elle a saisi le Premier ministre et les ministres de la santé et de la recherche de cette demande. » Le croisement de données individuelles provenant de sources différentes, comme des fichiers de la Sécurité sociale par exemple, est indispensable aux recherches en santé et seul le NIR semble pouvoir apporter la fiabilité nécessaire.

Serait-ce l’un des effets, désirables cette fois, des couacs de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1) ? On comprend l’importance d’une utilisation correcte d’un identifiant unique fiable lorsque l’on se souvient des promesses liées à la pharmacovigilance concernant ce vaccin controversé, la traçabilité des personnes vaccinées a montré des dysfonctionnements compromettant les travaux de santé publique et les alertes individuelles en cas d’apparition d’effets indésirables graves apparaissant sur le long terme. Que des chercheurs indépendants puissent croiser les fichiers de l’assurance-maladie pour identifier les patients de façon fiable les patients ayant pris du Mediator ou l’un de ses génériques et suivis pour une pathologie évoquant une hypertension artérielle pulmonaire pourrait aussi être utile. Rien ne dit pourtant que le décret demandé par la CNIL verra bien le jour…

Photocopier une feuille de soins ?

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique La forme

Le médecin peut-il utiliser la photocopie d’une feuille de soins papier (formulaire CERFA 12541*01) quand il n’arrive plus à en obtenir auprès des organismes servant les prestations de l’assurance-maladie ? C’est à cette question qu’il peut être intéressant de répondre alors qu’il semble que des praticiens se plaignent d’avoir du mal à être approvisionnés en feuilles de soins papier (FSP) à quelques semaines de la mise en place de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels de santé qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes aux organismes d’assurance-maladie obligatoire.

Statut professionnel, arrêt de travail et chirurgie du canal carpien

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Début 2010, l’assurance-maladie a distribué aux médecins concernés des référentiels d’arrêt maladie concernant les suites de la chirurgie du canal carpien. Ce référentiel, basé sur des travaux réalisés pour le système de santé anglais (le NHS) et d’autres études réalisées outre-Manche, ainsi que sur des données de l’Anaes (l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé, ancêtre de la Haute Autorité de santé)1, conseille aux médecins de prescrire un arrêt de travail compris entre 7 jours et 56 jours, en fonction de la technique chirurgicale utilisée et du travail effectué par le patient (Tableau I).

 

Tableau I : seuil fixé pour un arrêt de travail après chirurgie du canal carpien
Suite à une chirurgie par voie endoscopique Suite à une chirurgie à ciel ouvert
Sédentaire –> 7 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 14 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 21 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 28 jours

Sédentaire –> 14 jours

Travail physique léger / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 10 kg charge répétée < 5 kg –> 28 jours

Travail physique modéré / Sollicitation modérée de la main / Charge ponctuelle < 25 kg charge répétée < 10 kg –> 42 jours

Travail physique lourd / Forte sollicitation de la main / Charge > 25 kg –> 56 jours

 

La Haute Autorité de santé a été saisie à ce sujet par la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts). La HAS a fait remarquer que le rapport d’évaluation technologique de l’Anaes réalisé en l’an 2000, travail comparant les techniques à ciel ouvert et endoscopique dans le cadre de la prise en charge chirurgicale du syndrome du canal carpien, n’avait montré aucune différence en termes d’efficacité clinique ni de sécurité d’utilisation en fonction de la méthode utilisée. Ce rapport propose de réserver l’utilisation de la technique endoscopique à des chirurgiens expérimentés. La HAS explique que la recherche bibliographique portant sur les recommandations de pratique clinique publiées en France ou au niveau international n’a pas permis d’identifier de préconisations concernant les durées d’arrêt de travail après intervention chirurgicale du canal carpien.La lumière sur la chirurgie du canal carpien Néanmoins, pour la Société française de chirurgie de la main, le travail ou l’activité sont repris selon le type d’occupation, en général après 15 à 21 jours et pour le Royal College of Surgeons of England, la durée d’arrêt de travail varie entre 1 et 10 semaines selon le type d’activité (sédentaire : 1 à 2 semaines / travail manuel léger : 2 à 4 semaines / travail manuel moyen : 4 à 6 semaines / travail manuel lourd : 6 à 10 semaines). « Dans tous les cas, le type de technique chirurgicale n’apparaît pas comme un facteur discriminant. »

L’uniformisation des durées d’arrêt de travail est discutable lorsque l’on part du principe que chaque patient est unique, mais on comprend aisément l’intérêt de telles pratiques quand il est question d’économies de santé. S’il fallait s’en convaincre, il suffirait de se référer à une étude publiée en 2001 par une équipe de chirurgiens de la main nantais, intitulée « Interruption professionnelle et chirurgie des syndromes du canal carpien. Résultats d’une série prospective de 233 patients ». Réalisée pour évaluer les liens entre protection sociale et interruption professionnelle après chirurgie des syndromes du canal carpien, ses résultats sont particulièrement intéressants. Pour un même protocole thérapeutique, réalisé par le même chirurgien, chez 233 malades, ce travail montre que le type de couverture sociale des patients a une influence sur la durée de l’interruption professionnelle postopératoire dans le cadre de la chirurgie des syndromes du canal carpien idiopathique. Même s’il a été recommandé à tous les patients une mobilisation active des doigts et l’utilisation de la main opérée, dans la limite des douleurs, dès les premières heures postopératoires, pour les non-salariés, l’interruption de travail est en moyenne de 17 jours ; pour ceux du secteur privé, elle est de 35 jours ; pour les fonctionnaires et assimilés, elle passe à 56 jours. Ces différences sont statiquement significatives.
Les patients du régime maladie interrompent en moyenne leur travail 32 jours, alors que l’arrêt est de 49 jours lorsque c’est le régime des maladies professionnelles qui est concerné.
Si l’activité manuelle ou non entraîne une différence significative pour les non-salariés et les employés du secteur privé, cette différence disparaît quand on s’intéresse aux fonctionnaires et assimilés sans qu’un état pathologique particulier (douleurs spontanées, douleurs cicatricielles, diminution de la force de prise) ait pu être mis en évidence.

Même si des études à grande échelle seraient très éloignées du politiquement correct ambiant, on voit l’intérêt qu’elles auraient sur un plan économique et surtout l’impact qu’elles pourraient avoir sur l’émergence d’une assurance sociale tendant à motiver tous les patients dans leurs efforts de rééducation, leur permettant ainsi de retrouver leur indépendance plus rapidement et de lutter contre une sédentarité délétère. Voilà qui donne à réfléchir…

 


1- Medical Disability Advisor, 5th Edition, 2008 ; Official Disability Guidelines, 14th Edition, 2009, NHS ; Royal College of Surgeons ; Anaes 2000

 

 


 

Droit-medical.com tient à remercier le Dr Virginie Berard, chirurgien de la main à Rouen, pour l’aide qu’elle a apportée à la rédaction de cet article.

 

Le sexe n’est pas un facteur de risque comme un autre…

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Différences entre l'homme et la femme« Il est incompatible avec les droits fondamentaux de l’Union de tenir compte du sexe de l’assuré en tant que facteur de risque dans les contrats d’assurance » : c’est ce qui ressort des conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne dans une affaire opposant l’État belge à une association de consommateurs et à deux particuliers suite à une disposition prise par la Belgique visant à transposer la directive 2004/113/CE. Les plaignants souhaitaient voir annuler la partie du texte autorisant des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations versées aux assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques et que de telles différences peuvent être fondées sur des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. Cette disposition ne faisait que reprendre l’exception prévue pour les États en matière d’application de la directive 2004/113/CE, texte qui interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans l’accès à des biens et services et dans la fourniture de ceux-ci.
La cour constitutionnelle belge ayant eu à statuer sur ce litige a décidé d’interroger la Cour de justice de l’Union européenne à ce sujet (affaire C-236/09). Cette dernière n’a pas encore donné sa réponse, mais les conclusions de l’avocat général qui ne lient pas la Cour sont tout de même particulièrement intéressantes. La question qui se pose est de savoir si la dérogation énoncée dans la directive 2004/113/CE est compatible avec des normes de droit supérieur, à savoir le principe de l’égalité de traitement des hommes et des femmes consacré par le droit de l’Union.

Pour l’avocat général, des différences biologiques clairement démontrables pourraient justifier des différences de traitement entre les sexes. Mais ce constat ne suffit pas, encore faut-il voir si les situations dans lesquelles se trouvent les hommes et les femmes en ce qui concerne les facteurs de risque déterminants pour les prestations d’assurance peuvent différer d’une manière pertinente en droit. Pour l’avocat général, la règle dérogatoire en cause ne vise pas des différences biologiques claires entre les assurés, mais concerne des situations dans lesquelles des risques d’assurance différents pourraient en tout cas être statistiquement rattachés à l’appartenance sexuelle. De nombreux autres facteurs joueraient néanmoins un rôle important pour l’appréciation des risques d’assurance. C’est ainsi, principalement, que l’espérance de vie serait fortement influencée par des éléments économiques ou sociaux, comme, par exemple, la nature et l’importance de l’activité professionnelle, l’environnement familial et social, les habitudes alimentaires, la consommation de denrées d’agrément ou de drogues, les activités de loisirs et la pratique du sport.
Il serait juridiquement inapproprié de déterminer les risques d’assurance en fonction de l’appartenance sexuelle de l’assuré. Les différences individuelles qui ne présentent un lien avec cette appartenance sexuelle que de manière statistique ne pourraient pas entraîner une différence de traitement des assurés de sexe masculin et de sexe féminin au moment de la conception des produits d’assurance. Dans ce contexte, elle souligne en particulier que le sexe est une caractéristique qui, à l’instar de la race et de l’origine ethnique, est inséparable de la personne de l’assuré sur laquelle celui-ci n’a aucune influence. Contrairement à l’âge, par exemple, le sexe d’une personne ne serait pas soumis à des modifications naturelles.

En conclusion, l’avocat général estime qu’il est incompatible avec le principe de l’égalité de traitement des hommes et des femmes consacré par le droit de l’Union d’appliquer des facteurs de risque fondés sur le sexe pour déterminer les primes et les prestations d’assurance. Elle propose à la Cour d’annuler la disposition dérogatoire correspondante de la directive 2004/113/CE.

On imagine le bouleversement que pourrait produire une telle décision dans le monde de l’assurance. C’est pour cette raison que l’avocat général préconise qu’une telle mesure ne produise ses effets qu’à l’avenir, en respectant une période transitoire de trois ans après le prononcé de la Cour si ses conclusions étaient suivies.

Santé, travail et indépendance médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Être indépendant...L’impartialité des médecins est depuis de nombreuses années un sujet sensible lorsqu’il est question de santé et de travail. Qu’il s’agisse de l’indépendance des praticiens de santé au travail vis-à-vis des entreprises pour lesquelles ils interviennent ou de la possible complaisance de certains médecins qui signent des arrêts maladie larga manu. Deux évolutions législatives relatives à ces sujets ont d’ailleurs amené le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) à faire des remarques et à émettre des recommandations à ce propos.

Personne n’ignore que la réforme des textes régissant la santé au travail est en cours de discussion et devrait déboucher sur une refonte de la loi. Lors de sa session plénière du 25 juin 2010, le CNOM s’est donc penché sur cette question et l’a mesuré à son aune. Un rapport présentant ses recommandations et intitulé La réforme de la santé au travail passée au crible de la déontologie médicale résume ces travaux.
Dès la première recommandation, c’est l’indépendance des médecins de santé au travail qui est abordée : « L’indépendance des médecins du travail ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail. Il ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. » Nouvelle remarque quelques lignes plus bas : « Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir le respect effectif de l’indépendance professionnelle du médecin du travail. Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir la confidentialité absolue des données de santé à l’égard des employeurs dès lors que la consultation du DMP par le médecin du travail pourrait le conduire à en reporter des éléments dans le dossier médical de médecine du travail ». Il est, en effet, question que le médecin de santé au travail puisse accéder directement au DMP (dossier médical personnel : celui tenu par le médecin traitant ou les autres spécialistes auxquels l’employé fait appel dans sa sphère privée), d’où les craintes de certains : des employeurs indélicats pourraient tenter d’utiliser ces informations au mépris du secret médical et faire pression dans ce sens sur les médecins du travail. Pas seulement sur les praticiens d’ailleurs puisque qu’il est aussi question des employés dans le rapport du CNOM : « Tout comportement d’un employeur visant directement ou indirectement à faire pression auprès d’un salarié pour qu’il donne accès à son DMP doit être sévèrement puni. »

Deuxième évolution législative déjà consommée celle-là : la mise en place d’une nouvelle procédure visant à mieux contrôler les arrêts maladie des salariés du régime général et du régime agricole. Le décret n° 2010-957 du 24 août 2010 relatif au contrôle des arrêts de travail a fait réagir l’Ordre. Ce texte fixe les délais nécessaires à la mise en œuvre de deux dispositifs ayant pour objet de mieux contrôler les arrêts de travail dus à une maladie ou un accident.
Le premier dispositif concerne les salariés qui ont fait l’objet, pendant leur arrêt de travail, du contrôle d’un médecin mandaté par leur employeur. Lorsque ce médecin conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail, le médecin-conseil de l’assurance maladie peut demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières. Le salarié dispose alors d’un délai de dix jours francs à compter de la notification de la décision de suspension des indemnités journalières pour demander à la caisse de sécurité sociale dont il relève un examen de sa situation par le médecin-conseil. Ce dernier doit se prononcer dans un délai de quatre jours francs à compter de la saisine du salarié.
Le second dispositif prévoit que tout arrêt de travail prescrit dans les dix jours francs suivant une décision de suspension des indemnités journalières est soumis à l’avis du médecin-conseil de l’assurance maladie qui dispose d’un délai de quatre jours francs pour se prononcer.
Le CNOM conteste ce décret d’application relatif à la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010. Pour l’Ordre, ce texte veut dire que le service médical de l’assurance maladie peut demander la suspension du versement des indemnités journalières de l’assurance maladie sur la seule base d’un contrôle effectué par un médecin mandaté par l’employeur. L’examen de l’assuré par le médecin-conseil n’est plus obligatoire, il se borne alors à valider l’avis du médecin contrôleur patronal.
En relisant les débats parlementaires, l’esprit de la loi semble être respecté par ce décret. En effet, pour venir en aide à un système de contrôle institutionnel vraisemblablement débordé et dans un souci d’économies, le législateur a mis en place un système faisant appel à un médecin privé, mandaté par l’employeur qui rend normalement un avis en toute indépendance. Dans ces conditions, pourquoi suspecter cet avis et refuser qu’il soit utilisé par un confrère, fut-il médecin-conseil ? Parce qu’il s’agit d’un médecin contrôleur “patronal” ?
Le CNOM s’insurge aussi contre l’une des dispositions de ce texte qui, selon lui, « jette une suspicion inacceptable sur la justification médicale de l’arrêt de travail qui est présumé avoir été prescrit par simple complaisance ». S’il est scandaleux de présumer qu’un médecin qui donne un arrêt maladie peut agir par complaisance, en quoi est-ce légitime de soupçonner un médecin contrôleur patronal de rendre un avis partial ? Et si cet avis est indépendant, pourquoi ne pourrait-il pas être utilisé par le service de contrôle de l’assurance-maladie pour suspendre les indemnités journalières ? La Sécurité sociale ne se fonde-t-elle pas chaque jour sur l’avis de médecins extérieurs à ses services pour accorder ou refuser des prestations aux assurés sociaux ? L’article 69 du code de déontologie médicale précisant que « L’exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes » ne doit-il s’appliquer que quand il est question de refus ?

Plus que l’indépendance de tous les médecins, c’est celle des praticiens payés par une entreprise qui semble poser problème. Mais, en dehors de tout aspect idéologique, doit-il vraiment exister une suspicion légitime à l’égard des médecins de santé au travail ou des praticiens contrôleurs “patronaux” ?

L’avis de la HAS sur des référentiels d’arrêts maladie

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Chaque patient est différentTout le monde se souvient que l’assurance-maladie a décidé début 2010 de distribuer aux médecins concernés des référentiels d’arrêts de travail. Se doutant que cette décision ne ferait peut-être pas l’unanimité et le cadre de l’article L 161-39 du code de la Sécurité sociale, la Haute Autorité de santé (HAS) a été saisie par la Caisse nationale d’assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAM-TS) afin qu’elle rende un avis sur six référentiels proposant des durées indicatives d’arrêt de travail avant même qu’ils ne commencent à être distribués. Ces documents concernent six pathologies ou procédures : la lombalgie commune ; les pathologies anxio-dépressives mineures ; la gastro-entérite virale ; les varices après intervention (ligature ou stripping) ; le syndrome du canal carpien après intervention ; la ligamentoplastie du ligament croisé antérieur du genou. Ces avis ont été publiés et expliquent la méthodologie retenue et surtout ses limites dans le temps imparti par la législation dans le cadre de cette procédure : « L’analyse de la littérature disponible n’a pas permis d’identifier de données probantes ou de recommandations sur des durées d’arrêt de travail optimales pour les pathologies examinées. Par ailleurs, le mode de sollicitation des sociétés savantes n’a pas permis d’aller au-delà d’une simple présentation des quelques réponses obtenues. »

On comprend la difficulté pour l’HAS à répondre quand on analyse le document. Il semble exister un décalage entre les intérêts pour la Sécurité sociale à développer de tels documents et la réalité de la pratique professionnelle : par exemple, les pathologies anxio-dépressives mineures n’existent pas dans la littérature médicale. Dans un tel cas, la HAS « considère qu’en l’absence de définition claire et unanimement reconnue des troubles anxio-dépressifs mineurs, les durées d’arrêt de travail indicatives proposées sont inopérantes.
Par ailleurs, les sociétés savantes interrogées soulignent la difficulté de déterminer une durée d’arrêt de travail en l’absence d’un diagnostic individuel précis, notamment quant au contexte de survenue des troubles anxio-dépressifs mineurs. »

La HAS émet aussi des réserves concernant la durée des arrêts de travail après une gastro-entérite virale, celle relative au syndrome du canal carpien après intervention et à la lombalgie commune…

Tout cela n’a pas empêché l’assurance-maladie de distribuer les référentiels et, sans doute, de s’en servir dans son appréciation du travail des professionnels de santé. L’avenir dira si les référentiels seront adaptés aux réalités médicales et si la CNAM-TS tiendra compte des avis de la HAS et travaillera en amont d’une telle saisine avec cette institution comme le souhaite son président. Il n’est décidément pas pratique que les patients ne réagissent pas tous aux traitements de la même façon et ne nécessitent pas tous les mêmes soins. Malgré tout, la standardisation peut paraître plus importante que la réalité lorsque l’on a besoin d’atteindre des objectifs économiques…

Le remboursement de l’homéopathie à nouveau sur la sellette

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Granules homéopathiquesAlors que tous les organismes d’assurance maladie des États européens cherchent à faire des économies sur des thérapeutiques éprouvées pour réduire leurs déficits, des voix s’élèvent pour faire passer sous les fourches caudines le remboursement des produits dont l’efficacité ne cesse de faire débat, produits au rang desquels figure l’homéopathie.

En France, partisans et adversaires du remboursement de l’homéopathie se sont déjà affrontés au début des années 2000 lorsque le taux de prise en charge par la Sécurité sociale des produits homéopathiques est passé de 65 à 35 %. Bien que ces thérapeutiques soient inscrites pour certaines depuis 1965 à la pharmacopée, nombreuses ont été les voix critiquant vivement que l’on puisse accorder un remboursement à des produits n’ayant pas fait leurs preuves. Pour eux, seul un déremboursement pur et simple devait être envisagé et non une demi-mesure. Il faut dire qu’à l’époque les arguments de l’Académie nationale de médecine sur le sujet et une étude intitulée Are the clinical effects of homoeopathy placebo effects? publiée dans le prestigieux journal The Lancet avaient déjà de quoi faire réfléchir sur l’efficacité de l’homéopathie, d’autant que plusieurs pays de l’Union européenne avaient décidé de ne plus ou de ne pas rembourser ces produits. Mais dans un pays où est installé le premier fabricant mondial de “médicaments” homéopathiques, employant plus de 2 800 personnes et ayant généré un chiffre d’affaires de plus de 526 millions d’euros en 2009, des avis en faveur des propriétés thérapeutiques de l’homéopathie n’ont pas manqué de venir s’opposer à ceux de ses détracteurs. Il faut aussi prendre en considération que plusieurs milliers de médecins prescrivent ces produits dans l’Hexagone.

Après avoir fait rage en France, c’est au Royaume-Uni que le débat a été relancé. En juin 2010, la British Medical Association (BMA) s’est exprimée en faveur l’arrêt de la mise à disposition des patients de produits homéopathiques par le National Health Service (NHS) au moment où celui-ci va connaître une petite révolution dans son mode de fonctionnement. Cette association, équivalant à l’Académie nationale de médecine en France, va même plus loin puisqu’elle demande à ce qu’aucun poste de médecins en formation au Royaume-Uni ne soit en rapport avec l’homéopathie et à ce que les pharmaciens n’exposent plus ces produits sur les mêmes présentoirs que ceux destinés aux médicaments, mais sur des étagères portant clairement la mention “placebos”.
Tout comme dans l’Hexagone, des avis divergents n’ont pas manqué de s’exprimer. Quand les uns parlent de “sorcellerie”, les autres parlent de besoins des patients et avancent l’argument selon lequel ce n’est pas parce que l’on ne réussit pas à prouver scientifiquement l’efficacité d’un produit, qu’il ne l’est pas…

En Allemagne, c’est l’inverse. La Bundesärztekammer, fédération des médecins, est favorable au maintien du remboursement de l’homéopathie par des compagnies publiques d’assurance maladie. Suite à la parution d’un article dans le très populaire Der Spiegel qui s’interrogeait sur l’intérêt des produits homéopathiques au regard des positions anglaises, le président de cette association, Jörg-Dietrich Hoppe, a défendu les traitements homéopathiques dans une déclaration officielle. Selon lui, malgré l’absence de preuves scientifiques de son efficacité, l’homéopathie est un élément important de la médecine. Elle serait particulièrement efficace dans le traitement du mal des transports, par exemple, et jouerait un rôle dans la prévention de certaines maladies. Il a aussitôt été soutenu par le ministre fédéral de la santé, Philipp Rösler, qui veut maintenir le statu quo en Allemagne, pays où l’homéopathie a vu le jour à la fin du XVIIIe siècle.
Karl Lauterbach, président de la commission parlementaire allemande de la santé, est d’un avis différent. Il a pour sa part appelé les compagnies d’assurance santé à cesser de financer les remèdes homéopathiques. Selon lui, de nombreux patients croient que l’assurance maladie ne prend en charge que des traitements qui ont fait leurs preuves et il est donc d’intérêt public de mettre fin à cette pratique. Il soutient que « Les assureurs santé crédibilisent les homéopathes en agissant ainsi ». Les compagnies d’assurance ne se prononcent pas sur la polémique et se contentent de répondre que ces offres leur permettent d’attirer plus de clients et de percevoir plus de primes, expliquant que c’est pour la bonne cause puisque le système est basé sur la solidarité…

Bien entendu, personne ne demande l’interdiction de l’homéopathie, seul le remboursement par les assurances maladie prête à discussion à un moment où les déficits chroniques remettent en cause la prise en charge de traitements médicamenteux “classiques” sur le principe du service médical rendu et sur celui de la médecine basée sur les preuves. Un débat qui n’est pas prêt de prendre fin…

Un conjoint divorcé peut-il représenter son ancien époux devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale ?

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique Jurisprudences

La justice dans la balanceLes personnes qui peuvent représenter les parties devant les juridictions de Sécurité sociale sont énumérées par le code de Sécurité sociale à l’article L 144-3. Le conjoint divorcé n’est pas listé par ce texte et n’est donc pas autorisé à représenter son ancien époux.

Fort de ce constat, un tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) a jugé irrecevable la demande d’un assuré à l’encontre de la caisse primaire d’assurance maladie au motif qu’il s’était fait représenter par son ex-conjoint au moment des débats et n’avait pas personnellement comparu. La cour d’appel a confirmé ce jugement en s’appuyant sur le fait « qu’il résulte des dispositions combinées des articles L 142-8 et R 142-20 du code de la sécurité sociale qu’en raison de l’oralité de la procédure, les parties doivent comparaître personnellement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour soutenir leurs demandes ou se faire représenter devant cette juridiction par l’une des personnes limitativement énumérées par l’article R 142-20 (conjoint ou ascendant ou descendant en ligne directe, avocat, etc.) ». Résultat, tout le monde a fini par se retrouver devant la Cour de cassation (pourvoi n° 09-13672).

Élément majeur de la procédure qui n’a pas échappé à la Cour de cassation, si c’est son ex-femme qui l’a représenté devant le TASS, c’est un avocat qui a pris le relais devant la cour d’appel. Or, si l’article 117 du code de procédure civile précise que le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne qui assure la représentation d’une partie en justice constitue une irrégularité de fond qui affecte la régularité de l’acte, son article 121 dit quant à lui que l’irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir du représentant d’une partie en justice peut être couverte jusqu’au moment où le juge statue. Par conséquent, quand une partie est représentée par un avocat devant la cour d’appel, la juridiction ne peut pas déclarer la demande irrecevable, même si elle n’a pas comparu personnellement devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale en se faisant représenter par une personne qui n’était pas autorisée à le faire.

Malgré cette fin heureuse pour l’assuré, pour s’éviter une longue et coûteuse procédure, il semble préférable de ne pas envoyer son ex-femme au TASS pour se faire représenter. À moins qu’elle ne soit avocate…