La semaine de la médecine de proximité

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Médecin de proximitéC’est par une visite du Chef de l’État, le 1er décembre 2010, dans un « pôle de santé libéral et ambulatoire » du Calvados que cette semaine politique de la médecine de proximité va arriver à son terme. Une table ronde sur le sujet au cours de laquelle les conditions d’exercice des métiers de la santé, les difficultés posées par la démographie médicale en zone rurale et l’exigence d’accès aux soins seront notamment abordées.

Cette semaine de la médecine de proximité a commencé le 23 novembre 2010 au 93e congrès des maires de France, durant lequel Nicolas Sarkozy a abordé le thème de la santé à plusieurs reprises. Il a tout d’abord rappelé qu’il avait constaté à son arrivée à la tête de l’État que 69 % des hôpitaux étaient en déficit et que, malgré le mécontentement que pouvait engendrer la fermeture de tels établissements de proximité, il n’y avait d’autre solution que de fermer des établissements. L’excuse de la sécurité des patients n’a pas servi, cette fois, à masquer la principale raison qui explique la disparition de maternités ou de services de chirurgie de proximité : l’aspect économique. Dans un pays dont la dette représente 90 % du PIB, comme serait-il possible d’ignorer une telle donnée ?
Sur le plan de la démographie médicale, le Président a dit qu’il ne comprenait la situation actuelle : « Il n’y a jamais eu autant de médecins dans notre pays, 210 000, et en même temps, on a des régions entières, même pas des départements, qui ont une démographie médicale désertifiée avec certains quartiers de nos villes qui ont une hypertrophie de la représentation médicale. J’ajoute que dans les spécialités, tout le monde va vers les spécialités où il n’y a pas de gardes et on n’a plus de médecins anesthésistes, plus d’obstétriciens et on a beaucoup de difficultés à trouver un certain nombre de spécialités. Là encore, l’État doit vous [les maires de France, NDLR] aider à installer durablement des professionnels de la santé. Nous allons complètement repenser le statut des médecins, repenser leurs rémunérations. La rémunération à l’acte doit rester la base, mais elle n’est pas suffisante. Eux aussi, il faut leur libérer du temps pour des actes médicaux et non pas pour remplir quantité de formulaires qui, par ailleurs, ne servent à rien. Je crois également qu’il faut aller plus loin dans le financement des études des jeunes internes qui s’engageront en échange du fait que l’État ait payé leurs études à s’implanter dans des régions et des départements où il n’y a pas de médecins, sinon on ne va pas pouvoir s’en sortir. »
Des propos qui semblaient montrer que le Chef de l’État avait déjà des idées précises de sa future politique en matière de médecine de proximité trois jours avant qu’Élisabeth Hubert ne lui remette le rapport de la mission qu’il lui avait confié sur le sujet.

Ce n’est que le 26 novembre 2010 que l’ancien ministre Élisabeth Hubert a remis son rapport quant à sa mission de concertation sur la médecine de proximité. Elle y propose de revoir en profondeur la formation des futurs médecins. « En ce qui concerne, en premier lieu, le second cycle des études médicales, il convient de présenter précocement aux étudiants toute la diversité de la pratique médicale, de mettre en œuvre dans toutes les facultés de vrais stages d’initiation à la médecine générale, de faire effectuer aux étudiants des stages hors des CHU, de leur faire découvrir l’activité des autres professions de santé et ainsi faire l’apprentissage du partage des compétences, de modifier les modalités des épreuves classantes nationales. L’internat en médecine générale doit lui aussi être sensiblement modifié en augmentant le nombre de stages effectués chez le médecin généraliste, en créant une année complémentaire de “séniorisation” en formant les internes en médecine générale aux particularités de l’exercice libéral et à la gestion d’un cabinet médical.
Dans le même temps, il est urgent de procéder aux nominations de professeurs de cette spécialité en fonction du rythme prévu par la loi HPST, de rendre attractif le statut de chefs de clinique de médecine générale, de recruter en nombre suffisant les maîtres de stage pour encadrer les étudiants et internes en médecine générale et pour cela, d’améliorer l’attrait de cette fonction.
Mais les réalités du XXIe siècle justifient, aux yeux de la mission, deux autres changements qui seraient, il est vrai, vécus comme une réelle révolution : réduire la durée des études de médecine avant l’internat de 6 à 5 ans et dissocier la fonction d’enseignant de celle de praticien hospitalier. »
Élisabeth Hubert insiste ensuite sur la nécessité de développer la télémédecine et de la mettre au service des patients et des praticiens. Selon elle, « il faut rompre avec le développement anarchique et non coordonné des systèmes d’information aboutissant au fait que, sur un territoire de santé, les politiques d’informatisation sont conçues sans recherche d’interopérabilité entre elles » et que « les informations recueillies doivent servir la santé de chaque patient, permettre de mieux piloter le système de santé et réduire les tâches administratives des praticiens. Ceci impose de lever les obstacles juridiques au développement de la télémédecine, d’en clarifier les conditions de facturation et de faire en sorte que le traitement des données de santé soit réalisé de manière professionnelle. »

Accélérer les protocoles de coopération entre professionnels de santé et par là même le transfert des actes de soins est un autre axe de proposition d’Élisabeth Hubert, tout comme les regroupements pluridisciplinaires.
Allant dans le sens de ce qu’évoquait quelques jours plus tôt le président de la République, il est question dans ce rapport d’envisager « une refonte totale du système de rémunération des professionnels de santé et en particulier des médecins […] Il n’est plus possible de payer le même prix pour une consultation quelles qu’en soient la complexité et la durée. La grille tarifaire doit donc tenir compte de cette variabilité. Les situations, éminemment complexes, qui imposent l’intervention coordonnée de plusieurs professionnels et des réunions de concertations, seraient quant à elles rétribuées sous la forme de forfaits selon des modalités s’inspirant de la tarification à l’activité telle qu’utilisée en hospitalisation à domicile. Une clarification du régime social et fiscal de ces sommes forfaitaires devra être opérée, leur assimilation aux honoraires conventionnels apparaissant le système le plus simple et le moins pénalisant pour les professionnels.
Par ailleurs, les surcoûts engendrés par les formes d’exercices regroupés, tant dans les MSP que dans les Pôles de Santé, doivent faire l’objet d’un financement spécifique, pérenne compte tenu de l’enjeu organisationnel qu’elles représentent. »

Alors que pour de nombreux médecins, la mission d’Élisabeth Hubert représentait une lueur d’espoir quant à leur malaise vis-à-vis de l’assurance-maladie et des contraintes chaque jour plus fortes qu’elle leur impose, la lecture du rapport devrait très vite les ramener à la réalité : « L’État, garant du bon fonctionnement du système et non gérant du quotidien, doit être seul investi de la décision politique. Cela impose que les organismes payeurs soient, eux, les vrais maitres d’œuvre d’une politique conventionnelle dont les contours et le contenu sont à redéfinir. Quant aux Agences régionales de santé, créées par la loi HPST, il importe d’en renforcer le rôle. »

D’autres propositions viennent s’ajouter aux précédentes, comme celle d’ouvrir les maisons de santé et les pôles de santé pluriprofessionnels en soirée pour désengorger les services d’urgence à l’hôpital. Il est aussi question « d’améliorer la couverture maternité des médecins libéraux exerçant en secteur 1 » et d’« appeler toutes les parties concernées par le sujet de l’assurance vieillesse à prendre leur responsabilité, l’état catastrophique de ce régime faisant peser de lourdes craintes sur les retraites des médecins. »
« La mission s’est aussi penchée sur deux autres objets d’interrogations : le développement professionnel continu (DPC) et la responsabilité civile professionnelle. Il convient de dépassionner ce dernier sujet pour les médecins généralistes au regard du faible nombre de plaintes enregistrées et du montant inchangé des primes d’assurance. Quant au DPC, plus que de réglementations multiples c’est d’autonomie dont ont besoin les professionnels de santé, la confiance et l’évaluation devant désormais être les piliers des relations instituées. »

Dernier point, fondamental celui-là à la veille de la fin de cette semaine de la médecine de proximité : que faut-il entendre par “proximité” ? « Proximité, ne signifie pas disposer à sa porte. Accéder à l’issue d’un trajet de 20 minutes à un lieu où puissent être pratiqués interrogatoire, examen clinique et prescriptions, apparait raisonnable. » Mais que les patients se rassurent, quoiqu’il arrive le rapport parle de la mise en place « des moyens de transport pour se rendre chez le médecin le plus proche »…

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