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Revues scientifiques et procès en diffamation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et liberté d'expressionLe 11 novembre 2011, s’est ouvert à Londres un procès en diffamation qui pose, une nouvelle fois, la question de la crédibilité de certaines grandes revues scientifiques et celle de la liberté d’expression de ceux qui oeuvrent à une plus grande transparence dans les domaines scientifiques et médicaux. Le plaignant, Mohamed El Naschie, est un ingénieur égyptien, mathématicien et physicien, ancien éditeur en chef de la revue Chaos, Solitons et Fractals des éditions Elsevier. Il reproche à la célèbre revue Nature de l’avoir accusé dans l’un des articles publiés en 2008 de s’être servi de son poste de rédacteur en chef afin de publier de nombreux articles écrits de sa main sans qu’ils aient été appréciés et validés par ses pairs, comme l’explique le BMJ.

Il faut savoir que les revues scientifiques qui jouissent de la plus grande crédibilité sont, de nos jours, basées sur un système qui oblige les auteurs désireux de faire connaître le résultat de leurs travaux au sein d’une telle revue à soumettre leurs articles à son comité de lecture composé d’experts dans le domaine évoqué. Ce comité est censé relire ces articles avec un oeil critique, s’assurer que les recommandations aux auteurs propres à chaque revue ont bien été respectées, faire des remarques ou émettre des réserves sur la méthodologie employée pour obtenir les données présentées, apprécier la qualité et valider ou non l’ensemble de ce qui a été soumis. En procédant ainsi, une revue scientifique est censée diminuer les risques de faire paraître dans ses colonnes des travaux manquant de rigueur, d’objectivité, voire même des études falsifiées. Qu’une revue dispose d’un comité de lecture ne suffit pas à faire d’elle une publication de référence, mais sans comité de lecture une publication n’a aucune chance, à l’heure actuelle, de devenir une référence.
C’est sur ce principe que reposent, entre autres, les grandes revues médicales ou les publications de référence en droit. En santé, il est d’autant plus important de respecter ces règles de fonctionnement que les articles tirés de ces revues vont ensuite être utilisés pour influencer la politique de santé, permettre à des médicaments de s’imposer ou à des techniques chirurgicales de prendre leur essor.
Même si ne pas soumettre son travail avant publication à la critique de ses pairs ne présage en rien de sa qualité ou de son intérêt, il en va de la crédibilité du système que la procédure soit respectée, tout particulièrement par ceux qui sont à sa tête et qui se doivent de montrer l’exemple.

Pour les éditeurs de Nature, des doutes existent quant à la relecture des travaux de Mohamed El Naschie publiés dans la revue dont il était rédacteur en chef, élément que conteste l’intéressé et qui l’a amené à poursuivre devant les tribunaux le journaliste à l’origine de cette affaire et le Nature Publishing Group, appartenant à la société Macmillan Publishers Limited basée en Angleterre et au Pays de Galles. Pour l’avocat de Nature, il s’agit là d’un « enjeu fondamental pour la liberté d’expression scientifique ». En effet, cette affaire est la dernière d’une série d’actions en diffamation relatives à des questions scientifiques qui, selon cet avocat, nuirait à la liberté des débats au sein de la communauté scientifique. Comment imaginer qu’il ne soit pas possible de remettre en question le travail d’un scientifique, surtout lorsqu’il ne respecte pas les standards de sa profession, sans encourir une plainte pour diffamation ?

Nature a passé deux ans à préparer son dossier et a interrogé plusieurs scientifiques pour recueillir un avis sur les travaux de M. El Naschie. Selon ces derniers, les publications de cet auteur étaient de « mauvaise qualité » et leur relecture laissait à désirer. C’est en se basant sur ces témoignages que la revue Nature a décidé de publier un article à ce sujet.

M. El Naschie, après avoir fait appel à un cabinet d’avocats acceptant de n’être payé qu’en cas de victoire, assure désormais seul sa défense. Bien qu’ayant engagé la procédure, il a informé la cour qu’il ne disposait pas des moyens nécessaires pour se présenter devant elle, d’autant qu’il ne séjournerait en Grande-Bretagne qu’épisodiquement. Pour la revue Nature, l’auteur indélicat partagerait son temps entre l’Égypte, les États-Unis, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre et tenterait de faire traîner l’affaire. Une situation qui n’est pas favorable à Nature, selon la juge en charge de cette affaire, car même si la revue est reconnue innocente, elle ne pourra vraisemblablement pas obtenir de la partie adverse le remboursement des frais de procédure.

En Angleterre, selon le BMJ, le montant élevé des frais engagés pour se défendre d’une plainte en diffamation et l’issue judiciaire incertaine de telles affaires ont amené le gouvernement à réfléchir à une réforme des procédures afin qu’elles ne soient pas utilisées pour nuire à la liberté d’expression et à la santé publique. Une arme qui n’est pas propre aux Anglais à en juger par des affaires comme celle du médecin australien attaqué par le fabricant d’un produit amaigrissant, celle du chercheur ayant critiqué l’excès de sel dans les produits alimentaires ou dans le cas du Mediator et maintenant du Protelos.

Affaire Mediator : de plus en plus de médecins entendus par la police

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et menottes« Depuis quelques jours certains médecins sont convoqués devant les services de police à Amiens, Montpellier, dans le Berry, le Cantal … pour interrogatoire au sujet de leurs prescriptions hors AMM de Benfluorex (Mediator®). » C’est ainsi que commence la lettre d’information de la cellule juridique de la Fédération des médecins de France (FMF) du 29 octobre 2011. Selon cette dernière, c’est le juge en charge du dossier mettant en cause le laboratoire Servier suite à l’affaire du Mediator qui, depuis son bureau de Nanterre, serait à l’origine de ces convocations.

Les praticiens entendus par la police n’ont, semble-t-il, pas été choisis au hasard. Ils auraient tous subi ces dernières années un contrôle du service médical des caisses d’assurance-maladie traitant leurs prescriptions de Benfluorex hors AMM (autorisation de mise sur le marché) au motif qu’ils n’avaient pas inscrit « NR » sur celles-ci. En effet, la mention « NR », abréviation de « Non remboursable », permet d’indiquer aux services de la Sécurité sociale que le produit délivré n’a pas à être pris en charge puisque prescrit pour un usage sortant du cadre de son autorisation de mise sur le marché et hors de tout accord préalable ou disposition particulière en prévoyant malgré tout le remboursement. Pouvant identifier assez facilement les patients souffrant de diabète grâce à leur prise en charge liée à l’affection de longue durée (ALD), il n’est pas très difficile pour la Sécurité sociale de suspecter la prescription hors AMM et non remboursable d’un antidiabétique, connu pour être utilisé comme coupe-faim, en étudiant les dossiers des assurés. Une fois les indus mis en évidence et après avoir entendu le praticien, l’assurance-maladie a la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre du médecin au regard des griefs initialement notifiés si elle estime qu’il y a abus. C’est alors à la section de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre, dite section des affaires sociales, qu’est confiée l’affaire (art. L 145-1 du code de la Sécurité sociale).
Selon la FMF, tous les médecins actuellement entendus par la police au sujet du Mediator dans les régions précédemment citées avaient fait l’objet ces dernières années d’une procédure devant la section des affaires sociales de leur conseil régional de l’Ordre suite à l’absence de mention « NR » sur des prescriptions de Benfluorex hors AMM. Ce serait par le biais d’une commission rogatoire lui permettant d’obtenir du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) la liste des médecins ainsi poursuivis que le juge de Nanterre a pu remonter jusqu’à eux.

D’après la Fédération des médecins de France, aucun des médecins entendus n’a, pour l’instant, été mis mis en examen. Rien ne dit qu’ils le seront, même s’il leur est conseillé d’être prudent. Ces médecins savaient-ils qu’ils mettaient en danger la vie des patients alors que les effets délétères du Benfluorex ne figuraient pas sur sa notice jusqu’à son retrait du marché en 2009 ? Ont-ils fait preuve de négligence ? Ont-ils vraiment omis d’informer les malades des risques à utiliser un médicament hors AMM ? Ou ont-ils plutôt été trompés par le discours du laboratoire et de sa force de vente ? On peut penser que c’est cette dernière hypothèse que le juge cherche à confirmer étant donné les circonstances. Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment. La justice est censée travailler en toute indépendance et peut demander à entendre les personnes susceptibles de l’éclairer.

Pour la FMF, « l’avenir des prescriptions hors AMM en France en sera à jamais affecté. » Il est vrai que, jusqu’à cette affaire, les médecins n’avaient pas pris conscience à quel point leur responsabilité est engagée lorsqu’ils prescrivent une spécialité hors AMM. Si beaucoup le font bien souvent sans le savoir, de nombreux médicaments étant utilisés depuis des dizaines d’années, sans aucun souci, pour le traitement ou le diagnostic de pathologies pour lequel ils n’ont pas l’AMM, il est possible que certains abusent de ce type de prescription par complaisance ou par intérêt. Si les premiers n’ont pas à être condamnés, les seconds ne doivent pas s’étonner d’être inquiétés.

L’utilisation hors AMM est une pratique que l’on trouve choquante quand une affaire comme celle du Mediator survient, mais qui est pourtant couramment utilisée par les Français quand il est question d’automédication. C’est aussi une pratique qui fait évoluer l’AMM de certains produits lorsqu’à l’usage, l’expérience montre qu’ils peuvent soigner un problème de santé pour lequel ils n’avaient pas été initialement prévus.

Qui est responsable dans l’affaire du Mediator ? Le laboratoire ? Les autorités de santé et leurs tutelles ? Les médecins ? Les patients ? Si la réponse à cette question est évidente pour chacun, elle n’est pas prête de faire l’unanimité. Il faut juste espérer que la justice triomphera avant que ce scandale ne soit oublié…

La Corse n’oubliera pas Tchernobyl

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Nuage corsePas question pour l’Assemblée de Corse d’oublier la catastrophe de Tchernobyl et de faire comme-ci le nuage de particules radioactives, qui a survolé l’Île de beauté en faisant d’elle l’une des régions occidentales parmi les plus exposées, en avril et mai 1986, n’avait pas eu de conséquences sur la santé de ses habitants sans en avoir des preuves scientifiques impartiales.

C’est ce qui ressort d’une motion adoptée par la collectivité territoriale de Corse à l’occasion de sa 2e session ordinaire, réunie les 6 et 7 octobre 2011. Cette motion avec « demande d’examen prioritaire » a été déposée par la Commission “Tchernobyl” à la suite de la décision de non-lieu de la cour d’appel de Paris, le 7 septembre 2011 concernant l’unique volet judiciaire de ce qui est, pour beaucoup, un scandale sanitaire de plus.

Pour l’Assemblée de Corse, la décision de la cour d’appel de Paris a été prononcée « alors même que l’on demeure dans l’attente des résultats de deux démarches de nature scientifique visant à établir la vérité : d’une part l’expertise ordonnée par le juge d’instruction, et d’autre part l’enquête épidémiologique diligentée à l’initiative de » cette même assemblée. « À travers cette demande de non-lieu, on a voulu manifestement imposer une vérité judiciaire au moment où la vérité scientifique était à portée de main ».

Les élus corses s’accordent à dire que « les informations déjà acquises – à travers notamment un premier rapport divulgué il y a peu – cette vérité scientifique semble aller dans un sens diamétralement opposé à celui emprunté par la cour d’appel de Paris ». Pour eux, il s’agit là d’une démarche politique et non d’une démarche judiciaire dont ils remettent en cause l’indépendance dans cette affaire. Ils entendent dénoncer cette situation lors d’une conférence de presse “internationale” qui devrait se tenir prochainement dans la capitale.

Dans le même temps, l’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité le rapport du président de son conseil exécutif relatif au « financement de l’enquête épidémiologique relative aux conséquences du passage du nuage radioactif de Tchernobyl en Corse ». Ce rapport explique les motivations à l’origine de cette enquête épidémiologique, la principale étant « la carence des réponses des autorités publiques au moment des faits, que ce soit dans l’information et la mise en œuvre de contre-mesures, conjuguées à l’insuffisance des enquêtes chargées d’établir le niveau de contamination et son impact pathologique, ont contribué à générer doutes et inquiétudes au sein de la population. »

400 000 euros ont été débloqués pour financer une enquête « destinée à apporter un éclairage objectif et précis sur l’impact sanitaire de cette catastrophe nucléaire dans l’île et confiée à un organisme indépendant par appel d’offres européen. » Elle a quatre objectifs principaux : analyser la prévalence des pathologies thyroïdiennes survenues dans la période postérieure au passage du nuage radioactif ; évaluer l’impact de ce nuage sur la catégorie la plus vulnérable, les enfants âgés de moins de six ans au moment des faits ; définir et mettre en œuvre un registre des cancers ; étudier des facteurs spécifiques de vulnérabilité tels que le statut tabagique et la carence en iode de la population.

On n’a jamais autant parlé d’un nuage sous le soleil corse.

Un fusible saute : panne de courant à l’Afssaps

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Des médicaments sur des dollarsLes fusibles commencent à sauter au sein des autorités de santé françaises suite à « l’affaire Mediator », comme le prouve l’annonce du départ du directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) le 12 janvier 2011 dans un article du journal Libération. Pourtant en place depuis sept ans, ce qui prouve qu’il n’avait jusque-là réussi à ne froisser personne au sein des instances politiques ou de l’industrie pharmaceutique, Jean Marimbert donne sa version des raisons qui font que le système actuel, visant à protéger le patient, n’a pas rempli correctement son rôle dans le cas de cet antidiabétique utilisé comme coupe-faim.

Il n’est plus possible d’ignorer que les alertes ont été nombreuses avant la sortie du livre d’Irène Frachon sur le Mediator, élément déclencheur de cette affaire, même si chacun tente désormais de tirer la couverture à soi en expliquant qu’il avait dénoncé le problème depuis la nuit des temps. Assurance-maladie, autorités de santé, cabinets de différents ministres ont pu avoir connaissance, pour ne pas dire ont eu connaissance, des risques encourus par les patients depuis de nombreuses années. Les vraies raisons qui font que tout le monde a gardé le silence ne seront malheureusement jamais reconnues, même si la justice a été saisie, et les responsables jouiront d’une impunité propre à leur rang, surtout s’il s’avère que des politiques ou des bailleurs de fonds finissent par apparaître clairement parmi ceux qui ont retardé la décision relative au retrait du marché de ce médicament. Cette affaire n’aurait d’ailleurs sans doute jamais pris autant d’ampleur si le fabricant du Mediator n’avait pas eu l’idée de faire censurer la couverture du livre du docteur Frachon, attirant du même coup l’attention des médias sur cette affaire. La condamnation de l’éditeur pour avoir fait apparaître en couverture la mention « Combien de morts ? » montre d’ailleurs les limites de la justice dans la plupart des dossiers de ce type. Les précédents scandales sanitaires ont prouvé que les intérêts économiques, ce qui n’équivaut pas seulement aux profits des entreprises ou au financement de campagnes, mais aussi aux emplois et au montant des importations, des exportations ou des rentrées fiscales, pesaient bien plus lourd dans toutes les balances décisionnelles que la vie de centaines ou de milliers de patients.

La lettre du directeur général de l’Afssaps n’est pourtant pas là pour remettre en question ce système. Il se félicite du travail accompli par ces subalternes et estime que cette institution, qui prend selon lui des décisions “autonomes” au nom de l’État, ne doit pas être restructurée. « Le travail quotidien de police sanitaire ne peut pas matériellement être recentralisé dans une administration ministérielle classique. Il ne doit pas non plus être transféré à une autorité indépendante soustraite à toute forme de contrôle gouvernemental, sous peine de couper le lien nécessaire entre la responsabilité administrative et le lieu où s’exerce la responsabilité politique. »
Il faut plutôt réformer les processus d’évaluation et de décisions. Pour cela, le directeur général de l’Afssaps sur le départ commence en proposant une solution alourdissant un peu plus le système dans un parfait esprit administratif. Il est question d’une nouvelle instance intervenant en amont de la délibération de la commission d’AMM.
La transparence et les conflits d’intérêts sont aussi évoqués dans ce courrier. Il est vrai que face aux nombreuses attaques dont ont fait l’objet l’Afssaps et la Haute Autorité de santé ces derniers temps à ce sujet, il eût été difficile de ne pas aborder ces deux éléments fondamentaux. Le modèle américain est pris en exemple, ce qui paraît assez cocasse dans les colonnes d’un journal plutôt habitué à privilégier les modèles de pays moins libéraux. Mais là encore, les solutions prêtent à sourire, malgré la fermeté de façade : « Mais l’heure est à l’application totale et sans faille de toutes les règles essentielles [en matière de conflits d’intérêts, NDLR], y compris de celles qui veulent qu’un expert ayant un conflit d’intérêt important quitte la salle de réunion au moment où le point concerné va être abordé. » Cela veut dire que tel n’est pas le cas actuellement et que le problème des conflits d’intérêts est bien réel. Comment un système qui estime qu’un expert ayant un conflit d’intérêts dans une décision n’a qu’à sortir de la salle où se tient une réunion pour qu’il n’y ait aucune pression peut-il être crédible ? Est-ce pour sauver la face ou se la voiler que de telles propositions sont faites ? Sans parler du simulacre de recoupement qui est suggéré et qui montre à quel point le fonctionnement actuel manque de contrôles sérieux : « De plus, la véracité des déclarations des experts, dont l’écrasante majorité est parfaitement intègre et dévouée à la santé publique, doit pouvoir être vérifiée, au moins par recoupement entre la déclaration elle-même qui sera mise en ligne sur le site de l’agence pour tous les experts et les déclarations que pourraient faire les laboratoires de leurs collaborations avec les experts. » Quand on sait les résultats que donnent les déclarations des aides versées par les industriels de santé aux associations de patients, voilà qui laisse songeur…

Dernier acte de cette comédie, à moins qu’il ne s’agisse d’une tragédie, la réforme de la pharmacovigilance. Pourquoi parler d’une instance scientifique indépendante seulement lorsqu’il est question d’études post-AMM ? Pourquoi ne pas faire en sorte qu’une indépendance au dessus de tout soupçon puisse être acquise en amont de l’AMM ?
Et quand il est question de « mettre en place une possibilité de déclaration par les patients eux-mêmes ou d’inscrire le devoir de notification des effets indésirables dans un « mandat sanitaire » des professionnels de santé de ville, notamment dans le cadre de la prise en charge des pathologies chroniques », grande est la surprise. Comment le directeur général de l’Afssaps peut-il ignorer que les médecins qu’ils soient de ville ou d’ailleurs et les autres professionnels de santé ont déjà l’obligation légale de faire la déclaration en pharmacovigilance des effets indésirables graves constatés ? Est-ce un mandat sanitaire qui les fera mieux respecter cette obligation ou est-ce la mise en place d’un système leur donnant l’impression que leurs déclarations sont réellement suivies d’effets et que l’on ne se contente pas de faire suivre au fabricant qui va parfois se charger d’envoyer son délégué faire pression sur le médecin pour qu’il cesse de satisfaire à ses obligations légales ? Belle démagogie que celle qui consiste à proposer des outils aux patients ou aux praticiens tout en faisant de son mieux pour qu’ils soient peu pratiques à utiliser, pour que les déclarations restent lettre morte ou qu’elles ne soient pas traitées de façon indépendante.

À la lecture de cette lettre, quand Jean Marimbert parle de « rénovation sans complaisance », on est en droit de se demander qui aura la volonté de la mettre en place. Certainement pas les acteurs déjà en place à en juger par les propositions faites par son auteur. Le fusible va être remplacé, le boîtier électrique un peu noirci va être repeint et le courant rebranché. Jusqu’à la prochaine électrocution de quelques centaines ou quelques milliers de patients s’accompagnant de suffisamment d’étincelles pour que cette lumière attire les médias…

Un conjoint divorcé peut-il représenter son ancien époux devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale ?

Écrit par Marie-Thérèse Giorgio le . Dans la rubrique Jurisprudences

La justice dans la balanceLes personnes qui peuvent représenter les parties devant les juridictions de Sécurité sociale sont énumérées par le code de Sécurité sociale à l’article L 144-3. Le conjoint divorcé n’est pas listé par ce texte et n’est donc pas autorisé à représenter son ancien époux.

Fort de ce constat, un tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) a jugé irrecevable la demande d’un assuré à l’encontre de la caisse primaire d’assurance maladie au motif qu’il s’était fait représenter par son ex-conjoint au moment des débats et n’avait pas personnellement comparu. La cour d’appel a confirmé ce jugement en s’appuyant sur le fait « qu’il résulte des dispositions combinées des articles L 142-8 et R 142-20 du code de la sécurité sociale qu’en raison de l’oralité de la procédure, les parties doivent comparaître personnellement devant le tribunal des affaires de sécurité sociale pour soutenir leurs demandes ou se faire représenter devant cette juridiction par l’une des personnes limitativement énumérées par l’article R 142-20 (conjoint ou ascendant ou descendant en ligne directe, avocat, etc.) ». Résultat, tout le monde a fini par se retrouver devant la Cour de cassation (pourvoi n° 09-13672).

Élément majeur de la procédure qui n’a pas échappé à la Cour de cassation, si c’est son ex-femme qui l’a représenté devant le TASS, c’est un avocat qui a pris le relais devant la cour d’appel. Or, si l’article 117 du code de procédure civile précise que le défaut de capacité ou de pouvoir d’une personne qui assure la représentation d’une partie en justice constitue une irrégularité de fond qui affecte la régularité de l’acte, son article 121 dit quant à lui que l’irrégularité de fond tirée du défaut de pouvoir du représentant d’une partie en justice peut être couverte jusqu’au moment où le juge statue. Par conséquent, quand une partie est représentée par un avocat devant la cour d’appel, la juridiction ne peut pas déclarer la demande irrecevable, même si elle n’a pas comparu personnellement devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale en se faisant représenter par une personne qui n’était pas autorisée à le faire.

Malgré cette fin heureuse pour l’assuré, pour s’éviter une longue et coûteuse procédure, il semble préférable de ne pas envoyer son ex-femme au TASS pour se faire représenter. À moins qu’elle ne soit avocate…

La fiabilité des experts médicaux discutée au Royaume-Uni

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Difficile équilibre entre avis du médecin expert et réalité des faits en justiceL’Angleterre et le Pays de Galles réfléchissent à l’opportunité pour leurs juges de devoir s’assurer de la fiabilité des preuves basées sur l’avis des experts avant qu’une affaire ne passe devant la cour. Selon un article publié dans le British Medical Journal, le 9 avril 2009, intitulé Expert evidence should be reliability tested, says law reform body, plusieurs affaires récentes montreraient qu’il existe un problème qu’il est urgent de régler à ce sujet. Les expertises seraient admises trop facilement ce qui pourrait être à l’origine d’acquittements ou de condamnations injustifiés.

Afin d’actualiser la loi, une commission a été mise en place pour faire des propositions au gouvernement. Les juges pourraient recevoir des recommandations sur la façon d’évaluer la fiabilité des expertises. La preuve devra être fondée sur des principes, des techniques et des hypothèses solides et les experts devront pouvoir les justifier. Pour cette commission, les juges et les jeunes avocats devraient être formés pour réagir si les experts sortent de leur domaine de compétences, émettent des avis basés sur des hypothèses non fondées ou présentent des preuves d’une façon inappropriée. Des expertises d’une fiabilité douteuse font foi devant les tribunaux sans que les avocats de la défense s’y opposent avec virulence et les jurys en tiennent malheureusement compte pour l’issue du procès.

Les exemples d’expertises douteuses ayant entraîné une condamnation ne manquent pas : Sally Clarke et Angela Cannings — toutes deux condamnées en première instance pour avoir tué leur bébé et qui ont été innocenté en appel — ou des affaires dans lesquelles des parents ont été condamnés pour avoir « secoué » leur bébé. Dans l’affaire Clarke, un pédiatre a pu témoigner sur un sujet qui ne relevait pas de son domaine de compétences et donner une appréciation dénuée de fondement et mensongère sur la probabilité de décès multiples d’enfants au sein d’une même famille. Ses propos n’ont fait l’objet d’aucune vérification afin de s’assurer que ce témoignage était suffisamment fiable pour être entendu par le jury.
Quatre affaires de bébé secoué, plaidées en appel, ont remis en cause la façon dont le corps médical déduisait qu’une blessure à la tête était non-accidentelle. La cour a prouvé que dans de rares cas les blessures pouvaient résulter d’une chute sans gravité ou de gestes non violents, contrairement à ce qu’avaient affirmé les experts.

Pour le responsable de la commission en charge des propositions visant à faire évoluer la loi, les expertises, en particulier les preuves scientifiques, peuvent avoir une grande influence sur un jury. Il est donc indispensable que ces témoignages ne lui soient livrés que s’ils reposent sur une base solide permettant d’apprécier l’innocence ou la culpabilité d’un accusé. Les tribunaux doivent pouvoir s’assurer de la crédibilité d’une expertise avant d’en user.
La commission a fait des propositions dans ce sens et souhaite recueillir l’avis des experts et des scientifiques à ce sujet. Un forum de discussion sur Internet, traitant de la recevabilité des expertises dans les procédures criminelles en Angleterre et au Pays de Galles, a été ouvert à cet effet : www.lawcom.gov.uk/expert_evidence.htm.

La France n’est donc pas la seule à s’interroger sur le rôle des experts médicaux au sein des procédures judiciaires. L’article du British Medical Journal, écrit par Clare Dyer, montre que même un pays ayant un système juridique différent de celui de l’Hexagone peine à apprécier la valeur probante d’une expertise basée sur une science inexacte comme l’est la médecine et sur la subjectivité consciente ou non de l’avis d’un expert. Deux experts en arrivent rarement à des conclusions strictement identiques. Il est peut-être temps de réfléchir à une nouvelle approche de l’expertise médicale judiciaire avec, pourquoi pas, un avis obtenu dans certains cas avec des outils basés sur le Web 2.0 ?

Il n’y a pas d’affaire de l’hormone de croissance…

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Danger de l'hormone de croissance extractiveAprès presque 17 ans d’enquête et plusieurs mois de procès, la 31e chambre du tribunal correctionnel de Paris a prononcé, le 14 janvier 2009, une relaxe générale concernant ce que l’on appelait jusque-là l’« affaire » de l’hormone de croissance. Pour le juge, les connaissances scientifiques ne permettaient pas aux médecins et pharmaciens, à l’époque des faits, d’avoir conscience des risques de contamination. Les experts appelés à la barre ont eu des avis contradictoires à ce sujet, mais le doute a fini par profiter à la défense. Pour les observateurs, de graves dysfonctionnements ont été mis en évidence quant aux prélèvements et à l’utilisation des hypophyses de cadavres faits dans les années 80. Si la responsabilité pénale des accusés a été écartée, la responsabilité civile de deux d’entre eux a été reconnue et ces derniers devront verser des dommages et intérêts à plusieurs familles.

Concernant les accusations d’homicides et blessures involontaires, le tribunal a rappelé qu’il devait exister « soit une faute volontaire consistant en la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit une faute caractérisée et qui expose autrui à un risque d’une particulière gravité que le prévenu ne pouvait ignorer ». Pour ce qui est du chef de tromperie aggravée, le tribunal n’a pas été en mesure de caractériser l’existence d’un contrat entre les victimes et l’association mise en cause, prérequis indispensable à la condamnation pour un tel délit.

Reste néanmoins que 117 familles pleurent toujours leurs proches et que plus de 1000 patients sont dans la crainte de voir un jour se déclarer une maladie de Creutzfeld-Jakob.

Il est possible que le parquet fasse appel de cette décision.

 

[MAJ le 14.01.09 à 20h15]

Le parquet de Paris a annoncé faire appel de trois des relaxes prononcées.

 

[MAJ le 17.10.10]

Le procès en appel s’est ouvert le 5 octobre 2010 davant la cour d’appel de Paris. Une question prioritaire de constitutionnalité a immédiatement été posée, mais la cour a rejeté cette demande. Les débats devraient durer jusqu’au 24 novembre 2010.