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Explications sénatoriales à l’actuelle démographie médicale et taxe Bachelot

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La taxe Bachelot votée par le SénatLes praticiens sont sans cesse montrés du doigt lorsqu’il s’agit d’expliquer l’actuelle démographie médicale. La stigmatisation est telle que l’on pourrait croire qu’ils sont à l’origine de leur propre déficit. Jacques Blanc, sénateur de la Lozère, appartenant à l’Union pour un mouvement populaire (UMP), lors des débats au Sénat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), lutte contre cette idée reçue et analyse la situation de façon bien différente.

Voici un extrait de l’intervention au Sénat de Jacques Blanc lors de l’examen de l’article 15 du projet de loi, le 28 mai 2009, en présence de Roselyne Bachelot, ministre de la santé :

« D’une manière générale, un grand nombre de médecins exercent en milieu hospitalier, mais les médecins libéraux sont moins nombreux en zone rurale. Ce n’est pas une critique, c’est un constat.

Par ailleurs, la profession est féminisée à plus de 50 %. Ces femmes, et on les comprend, veulent maîtriser leur emploi du temps, et elles exercent donc souvent à temps partiel.

En outre, il existe des fonctions médicales dans divers secteurs.

Lorsque l’on compare le nombre de médecins en France et dans d’autres pays européens, il faut tenir compte de ces données. En fait, il n’est pas étonnant que l’on manque de médecins dans les campagnes, mais également dans certains secteurs urbains.

Pendant trop longtemps, madame la ministre, vos prédécesseurs ont cru que, en réduisant le nombre de médecins, on diminuerait les dépenses. Or, cette analyse est totalement fausse. C’est comme si l’on prétendait que l’on allait manger plus de pain parce qu’il y a plus de boulangers. Ce n’est pas parce qu’il y a plus de médecins que l’on dépensera plus ! Peut-être même est-ce l’inverse.

Si les médecins ne sont pas assez nombreux, ils sont surmenés. Faute de temps, ils multiplient les actes au lieu de procéder à un examen approfondi. Et ceux qui ont exercé la médecine savent qu’il faut parfois aller vite pour assurer toutes les visites et consultations !

En tout état de cause, mes chers collègues, il faut tordre le cou à cette fausse analyse ! »

Loin de tout clivage politique, cette analyse semble être approuvée par l’opposition puisque Jean Desessard, sénateur de Paris, a systématiquement abondé dans le sens de Jacques Blanc à ce sujet.

Les médecins ne sont donc pas en nombre suffisant en raison de décisions politiques ayant limité le numerus clausus durant de nombreuses années dans l’espoir de réaliser des économies de santé. Le numerus clausus a atteint son plus bas niveau en 1993. Moins de praticiens, cela voulait dire un accès plus difficile aux soins pour les patients et donc moins d’actes à rembourser… Face à ce constat, il est difficile de comprendre pourquoi ce serait aux praticiens de devoir être sanctionnés pour ces choix politiques inappropriés. C’est pourtant ce que les sénateurs viennent de faire en réintroduisant dans la future loi ce que certains appellent la « taxe Bachelot ». Après que la commission des affaires sociales a supprimé les dispositions relatives à la « contribution forfaitaire annuelle », pour les médecins refusant de signer un « contrat santé solidarité » les obligeant à aller exercer une partie du temps dans les campagnes ou les banlieues défavorisées, les sénateurs, à la demande du gouvernement, ont réintégré cette taxe dans la loi.

Il est à noter que cette taxe ne concerne pas que les médecins généralistes, qu’ils soient de premier recours ou non, mais tous les médecins libéraux des zones qui seront considérées comme surdotées. Les spécialistes en accès direct, qui sont amenés à donner les soins de premier recours prévus par la loi, ne peuvent s’estimer à l’abri, les spécialités de second recours, non plus.

Si tout le monde s’accorde à dire que la solution au problème démographique actuel n’est pas d’obliger des hommes et des femmes à aller travailler dans des quartiers ou des régions qu’ils n’auront pas librement choisis, malgré leur statut “libéral”, c’est pourtant la voie de la coercition qui semble s’imposer.

Taxe Bachelot, télétransmission et testing des médecins

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Nouvelles taxes et nouvelles contraintes pour les médecins2 800 euros par an : c’est le montant de la nouvelle taxe qu’a retenu l’Assemblée nationale au cours de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. Cette contribution forfaitaire, à laquelle certains n’hésitent pas à donner le nom de « taxe Bachelot », prévue à l’article 15 du projet de loi viendra sanctionner les médecins qui refusent d’adhérer à un contrat santé solidarité par lequel ils s’engagent à contribuer à répondre aux besoins de santé de la population des zones comme les banlieues difficiles, considérées comme des déserts médicaux puisque de nombreux médecins ont cessé d’y exercer en raison de l’insécurité qui y règne. Ne voulant sans doute pas fâcher les praticiens avant les prochaines échéances électorales, cette taxe ne sera effective qu’en 2012.

Les députés ont aussi retenu l’article 17 ter du projet de loi qui instaure les sanctions financières dissuasives à la non-télétransmission obligatoire. Cette disposition avait été sanctionnée par le Conseil constitutionnel, le 11 décembre 2008, après le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale 2009. Ce texte devrait permettre au directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie de fixer, sans tenir compte des dispositions conventionnelles, le montant de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables par l’assurance maladie, qui n’assurent pas une transmission électronique. Ces mesures s’appliqueront au 1er septembre 2009 si les sénateurs suivent l’Assemblée nationale sur ce point.

Autre point qui fera sans doute débat : le recours au testing pour servir de preuve à charge contre les médecins soupçonnés de discriminations. L’article 18 du projet de loi prévoit la modification de l’article L 1110-3 du code de la santé publique et est ainsi rédigé :

Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut soumettre au directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou au conseil départemental de l’ordre professionnel compétent les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Lorsqu’il est saisi de ces éléments, le président du conseil départemental de l’ordre ou le directeur de l’organisme local d’assurance maladie en accuse réception à l’auteur, en informe le professionnel de santé mis en cause et peut le convoquer dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte. Cette disposition est applicable également quand le refus est commis à l’encontre d’une personne ayant sollicité les soins dans le but de démontrer l’existence du refus discriminatoire.
La conciliation est menée par une commission mixte de conciliation composée à parité de représentants du conseil départemental de l’ordre professionnel concerné et de l’organisme local d’assurance maladie.
En cas d’échec de la conciliation, le conseil départemental transmet la plainte à la juridiction ordinale compétente avec son avis motivé dans un délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte, en s’y associant le cas échéant.
En cas de carence du conseil départemental, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut prononcer à l’encontre du professionnel de santé une sanction dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale.
Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.
Hors le cas d’urgence et celui où le professionnel de santé manquerait à ses devoirs d’humanité, le principe énoncé au premier alinéa ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins. Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. S’il se dégage de sa mission, le professionnel de santé doit alors en avertir le patient et transmettre au professionnel de santé désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins.

Qu’en sera-t-il de ces testings ? Par qui seront-ils réalisés ? Selon quel protocole ? Les critères appliqués à ces enquêtes manqueront-ils autant de rigueur que ceux qui ont servi à la réalisation de celle du fonds CMU à l’origine de la modification de la loi ? De nombreuses questions restent en suspend, d’autant que les sanctions prévues, si les faits sont avérés, pourront être affichées au cabinet du médecin, voire même être publiées dans la presse en cas de récidive.

La procédure d’urgence ayant été choisie par le gouvernement pour ce projet de loi, l’ensemble des sénateurs n’aura qu’une seule occasion de modifier les choix des députés, avant que la commission mixte paritaire ne prenne le relais. On peut s’étonner de l’indifférence des praticiens face à de telles mesures. Aucune manifestation, aucune fermeture de cabinet, rien si ce n’est quelques vociférations de syndicats médicaux désunis… Le gouvernement joue sur du velours.