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Pas de forfait à moindre coût pour les gardes des médecins salariés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carton rougeLa conclusion d’une affaire opposant un médecin salarié à l’Union pour la gestion des établissements des caisses d’assurance maladie (UGECAM) d’Alsace est particulièrement intéressante pour les professionnels de santé amenés à prendre des gardes au sein d’un établissement de soins. Le 8 juin 2011, la Cour de cassation a, en effet, rendu une décision (pourvoi nº 09-70324) rappelle les différences pouvant exister entre garde et astreinte, mais surtout précise la valeur que peut avoir le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur son lieu de travail. À une époque où les gardes doivent être impérativement suivies d’une période de repos et où certains établissements sont tentés d’avoir recours à la forfaitisation des gardes pour des raisons budgétaires, cette décision peut aider praticiens et personnel administratif à faire la part des choses.

Dans le cadre de son activité, le médecin-chef d’un hôpital géré par les caisses d’assurance maladie d’Alsace depuis 1985 exécute de nombreuses permanences de nuit, du dimanche et des jours fériés, payées en application de la convention collective des médecins des établissements gérés par les organismes de sécurité sociale sur la base d’un forfait. Le médecin-chef, considérant qu’il n’y a aucune raison pour que le temps passé en garde ne soit pas comptabilisé comme du temps de travail effectif et soit forfaitisé, décide de saisir la juridiction prud’homale d’une demande en paiement d’heures supplémentaires.

La cour d’appel de Colmar a rappelé qu’il résulte d’une part des dispositions de l’article L 3121-1 du code du travail que « la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles », d’autre part de celles de l’article L 3121-4 du même code, issues de la loi Aubry II du 19 janvier 2000, qu’« une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise » et que « la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ». Elle a aussi noté que l’avenant du 12 novembre 1992 à la convention collective UCANSS définit pour les médecins salariés la garde comme l’« obligation de se trouver dans l’établissement pour assurer, pendant la nuit et/ ou la journée du dimanche et/ ou des jours fériés, en fonction du tableau de garde, la permanence des soins excédant la compétence des auxiliaires médicaux » et l’astreinte comme « l’obligation de pouvoir être joint à tout moment pour faire face à tout événement médical survenu dans l’établissement ». Ce faisant et au regard des autres éléments du dossier, elle a donné raison au médecin-chef.

Ayant perdu en appel et condamnée à verser au plaignant 326 353 € à titre de rappel de salaires pour très nombreuses années prises en compte, l’UGECAM se pourvoit en cassation.

Pour la Cour de cassation, « constitue un travail effectif, le temps pendant lequel le salarié est tenu de rester sur le lieu de travail dans des locaux déterminés imposés par l’employeur, peu important les conditions d’occupation de tels locaux, afin de répondre à toute nécessité d’intervention sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ». « Ayant constaté qu’une permanence des soins devait être assurée en continuité au sein du Centre par les médecins de l’établissement contraints de demeurer sur place ou de se tenir dans un local de garde prévu à cet effet afin de rester pendant toute la durée de leur garde à la disposition immédiate de l’employeur sur leur lieu de travail, la cour d’appel en a exactement déduit que ces gardes constituaient du temps de travail effectif. »

Un établissement de soins ne peut donc pas forfaitiser à moindre coût le temps de garde d’un médecin au prétexte que ce travail est différent de celui qu’il effectue habituellement dans son service. Que le praticien de garde puisse vaquer à des occupations personnelles et qu’il ne soit pas nécessairement contraint de rester à un endroit précis même, s’il doit être à disposition, n’autorise pas l’employeur à considérer qu’une garde n’est pas une période de travail effectif comme une autre.

La justice française s’est ainsi alignée sur la justice européenne, la Cour de justice de la communauté européenne (CJCE), devenue Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) depuis, ayant décidé dans un arrêt (C-151-02 du 9 septembre 2003) que :

1) La directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, doit être interprétée en ce sens qu’il convient de considérer un service de garde […] qu’un médecin effectue selon le régime de la présence physique dans l’hôpital comme constituant dans son intégralité du temps de travail au sens de cette directive, alors même que l’intéressé est autorisé à se reposer sur son lieu de travail pendant les périodes où ses services ne sont pas sollicités, en sorte que celle-ci s’oppose à la réglementation d’un État membre qui qualifie de temps de repos les périodes d’inactivité du travailleur dans le cadre d’un tel service de garde.

2) La directive 93/104 doit également être interprétée en ce sens que :
– dans des circonstances telles que celles au principal, elle s’oppose à la réglementation d’un État membre qui, s’agissant du service de garde effectué selon le régime de la présence physique dans l’hôpital, a pour effet de permettre, le cas échéant au moyen d’une convention collective ou d’un accord d’entreprise fondé sur une telle convention, une compensation des seules périodes de garde pendant lesquelles le travailleur a effectivement accompli une activité professionnelle;
– pour pouvoir relever des dispositions dérogatoires […] de cette directive, une réduction de la période de repos journalier de 11 heures consécutives par l’accomplissement d’un service de garde qui s’ajoute au temps de travail normal est subordonnée à la condition que des périodes équivalentes de repos compensateur soient accordées aux travailleurs concernés à des moments qui succèdent immédiatement aux périodes de travail correspondantes;
– en outre, une telle réduction de la période de repos journalier ne saurait en aucun cas aboutir à un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail prévue à l’article 6 de ladite directive.

 

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Atousante.com : la santé au travail

 

Pas de dons ou de legs pour les soignants

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Prêt à signer son testamentQue l’on soit infirmier, médecin, dentiste, masseur-kinésithérapeute ou orthophoniste, il n’est pas question d’hériter ou de recevoir un don d’une personne à qui l’on a prodigué des soins pendant la maladie dont elle est morte, que ces soins aient eu pour but de la guérir ou de traiter une pathologie secondaire à celle qui l’a emportée.

Il s’agit là de l’application de l’article 909 du code civil qui concerne les membres des professions médicales (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes) et de la pharmacie (pharmaciens, préparateurs en pharmacie), ainsi que les auxiliaires médicaux (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, ergothérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, orthoptistes, manipulateurs d’électroradiologie médicale, techniciens de laboratoire médical, audioprothésistes, opticiens, diététiciens, prothésistes et orthésistes pour l’appareillage des personnes handicapées). Pour les médecins, le code civil prévoit de telles mesures depuis le début du XIXe siècle, reprenant en cela ce qui était déjà communément admis sous l’Ancien Régime, comme l’expliquent les commentaires de l’article 52 du code de déontologie médicale, article inclus au code de la santé publique (nº R 4127-52) qui reprend les mesures prévues par le code civil.

Article 909 du code civil

Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu’elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci.

Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité.

Sont exceptées :

1° Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus ;

2° Les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu’au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé n’ait pas d’héritiers en ligne directe ; à moins que celui au profit de qui la disposition a été faite ne soit lui-même du nombre de ces héritiers.

Les mêmes règles seront observées à l’égard du ministre du culte.

C’est sur cet article que repose la décision prise par la Cour de cassation, le 4 novembre 2010, alors qu’une psychiatre-psychanalyste avait été désignée comme bénéficiaire du contrat d’assurance-vie de l’une de ses patientes décédée d’un mésothéliome (pourvoi nº 07-21303).

Pour la Cour de cassation, « ayant relevé que la défunte était décédée des suites d’un mésothéliome du poumon révélé en 1995 et constaté que la psychiatre-psychanalyste avait été consultée à plusieurs reprises par la défunte de 1995 à 1997 et qu’ensuite, elle lui avait donné de nombreuses consultations gratuites jusqu’au mois de juillet 1999, la cour d’appel, qui retient que, si, en sa qualité de psychiatre-psychanalyste, cette dernière n’avait pu traiter la défunte pour le cancer dont elle était atteinte, elle avait apporté à sa patiente un soutien accessoire au traitement purement médical mais associé à celui-ci, lui prodiguant, parallèlement au traitement d’oncologie, des soins réguliers et durables afférents à la pathologie secondaire dont elle était affectée en raison même de la première maladie dont elle devait décéder et dont la seconde était la conséquence, en déduit exactement que la psychiatre-psychanalyste avait soigné la défunte, pendant sa dernière maladie, au sens de l’article 909 du code civil, de sorte qu’elle était frappée d’une incapacité de recevoir à titre gratuit ».

Suite à cette décision, la psychiatre-psychanalyste ne peut donc pas garder le capital qui lui a été versé par l’assureur et, ayant aussi été couchée sur le testament de la défunte, mais ayant renoncé à en être bénéficiaire, elle n’aura au final pas un sou. L’affaire ne s’arrête pas là pour autant, car la patiente avait aussi désigné « à défaut » le concubin du médecin. Si la Cour de cassation a estimé que la psychiatre ne pouvait recevoir l’assurance-vie, elle précise que rien ne permet en l’état de dire si la personne décédée n’aurait pas désigné directement le concubin si elle avait eu conscience de ne pouvoir choisir le praticien et renvoie l’affaire à la cour d’appel pour être fait droit. Le concubinage peut avoir du bon…

Transmettre le VIH à un partenaire peut être un délit

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Derrière les barreauxFinir en prison pour avoir transmis le VIH (virus de l’immunodéficience humaine) dont on se savait porteur n’est plus une utopie. Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, « Justifie sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer le prévenu coupable du délit d’administration de substances nuisibles aggravé prévu et puni par les articles 222-15 et 222-9 du code pénal, retient que, connaissant sa contamination déjà ancienne au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) pour laquelle il devait suivre un traitement, il a entretenu pendant plusieurs mois des relations sexuelles non protégées avec sa compagne en lui dissimulant volontairement son état de santé et l’a contaminée, la rendant désormais porteuse d’une affection virale constituant une infirmité permanente ».

Dans cette affaire (pourvoi nº 09-86209), un homme a été condamné à trois ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable du délit d’administration de substances nuisibles ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par une cour d’appel. Arguant qu’il n’avait pas l’intention de transmettre le virus à sa compagne et qu’il n’avait pas contaminé volontairement sa partenaire, l’homme mis en cause pensait obtenir sa relaxe auprès de la Cour de cassation au motif qu’« il n’y a point de délit sans intention de le commettre ».

La Cour de cassation a suivi la cour d’appel en ce que « le virus VIH contenu dans le sperme est une substance nuisible à la santé et que cette substance a bien été administrée par le prévenu lors de relations sexuelles consenties ». Pour la Cour, cet homme, ayant connaissance de sa contamination déjà ancienne pour laquelle il avait consulté et devait suivre un traitement, était parfaitement informé au moment de sa relation avec sa compagne des modes de transmission du VIH ainsi que de la nécessité d’une protection durant les relations sexuelles. C’est en toute connaissance de cause, taisant sa séropositivité en omettant d’informer sa compagne, que le prévenu a volontairement fait courir à son amie un risque gravissime pour sa santé et sa vie en acceptant ou sollicitant dans ces conditions des rapports sexuels non protégés.

S’il n’est pas question d’interdire à une personne d’avoir des relations sexuelles alors qu’elle est porteuse du VIH, on pourrait être tenté de retrouver dans cet arrêt deux notions omniprésentes dans le doit de la santé actuel : celle du devoir d’information et celle du consentement éclairé. La personne infectée doit informer sa ou son partenaire qui est alors en mesure d’apporter son consentement à des relations sexuelles, puis s’ils sont acceptés de décider si ceux-ci doivent être protégées ou non.

Suffit-il de se protéger pour ne pas avoir à informer ? Même si le préservatif est un excellent moyen d’éviter la contamination, il ne s’agit pas pour autant d’une méthode infaillible. De plus, contrairement à une idée reçue, les pénétrations vaginales et anales ne sont pas les seules à devoir être prises en compte. Le risque de contamination, même lorsqu’il n’y a qu’une pénétration buccale, doit lui aussi conduire à informer son ou sa partenaire. Bien qu’exceptionnel, le risque n’est pas pour autant nul lors d’un simple contact bouche-sexe sans pénétration. Le déni ne peut être un argument pour celui qui fait courir le risque à l’autre dans de telles situations.

Intubation et dents cassées : ce n’est pas un aléa thérapeutique

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Dents et intubationLe 20 janvier 2011, la première chambre civile de la Cour de cassation a estimé que le fait de casser une dent au patient au moment de l’intubation n’était pas un aléa thérapeutique, même si le praticien n’avait pas commis de faute.

Dans cette affaire, un patient ayant dû subir une intervention chirurgicale sous anesthésie générale s’est réveillé avec une dent abîmée. Mécontent, le patient a recherché la responsabilité du médecin l’ayant intubé. Alors que le juge de proximité a retenu qu’aucune faute ne pouvait être reprochée au praticien, ce dernier ayant procédé à une anesthésie conforme aux règles de bonne pratique clinique, et que le préjudice relevait en conséquence d’un aléa thérapeutique, la Cour de cassation en a décidé autrement (pourvoi nº 10-17357). Selon elle, « sans constater la survenance d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé, la juridiction de proximité a violé » l’article L 1142-1, I, du code de la santé publique. Cet article est ainsi rédigé : « I. — Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. […] »

Lorsqu’un geste chirurgical comporte un risque, le médecin doit être en mesure de le maîtriser. Il n’est pas possible de parler d’un aléa thérapeutique s’il n’y parvient pas. En janvier 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation s’était déjà prononcée sur l’aléa thérapeutique et avait estimé que le fait d’avoir agi en respectant correctement une technique conforme aux données actuelles de la science suffisait à caractériser l’aléa thérapeutique.

Selon le rapport Le risque des professions de santé en 2009 du Conseil médical du Sou Médical — Groupe MACSF, les bris dentaires restent le facteur majeur de la sinistralité en anesthésie-réanimation.

Structure de soins la plus proche et remboursement des transports par la Sécurité sociale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Une ambulanceCes dernières années, l’assurance-maladie a renforcé ses contrôles dans le domaine des prestations en nature versées aux assurés et tout particulièrement ce qui concerne les frais de transport de ces derniers. Contrairement à une idée reçue, un bon de transport n’est pas un dû et sa remise au patient par le médecin répond à des règles strictes. En signant ce document, le praticien engage sa responsabilité et il peut lui arriver d’être poursuivi en demande de remboursement d’indu lorsqu’il prescrit un transport dans des conditions qui ne sont pas celles prévues par la loi.

Plusieurs articles du code de la Sécurité sociale sont consacrés aux frais de déplacement des assurés au rang desquels figure l’article L 322-5, précisant que « les frais de transport sont pris en charge sur la base du trajet et du mode de transport les moins onéreux compatibles avec l’état du bénéficiaire. […] », et l’article R322-10-5, venant compléter le précédent, à savoir que « le remboursement des frais de transport […] est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche. »

Or cette « structure de soins prescrite appropriée la plus proche » est parfois à l’origine de contentieux. Par exemple, un praticien peut estimer que le patient est susceptible d’être mieux pris en charge au centre hospitalier universitaire de la région voisine de celle dont dépend l’assuré pour de multiples raisons (service ayant développé un pôle de compétences particulier, nouveau matériel offrant plus de sécurité pour le patient, etc.) Dans une telle situation, pensant agir dans l’intérêt du patient, il l’adresse à cette structure de soins un peu plus éloignée, rendant ainsi le coût du transport plus onéreux. Peu importe que sa décision justifiée puisse entraîner une réduction du coût des soins, l’assurance-maladie, constatant ce fait, peut souverainement décider ou non d’appliquer les textes et d’engager une procédure à l’égard du prescripteur, le plus souvent après avoir remboursé l’assuré. Cette procédure ne concerne habituellement que le surcoût du transport : la différence de prix entre ce que le transport a réellement coûté et ce qu’il aurait dû coûter s’il avait été effectué vers la structure la plus proche. Cette différence n’est parfois que de quelques euros, mais répétée sur de multiples transports et le nombre d’assurés qui en bénéficient, cette source d’économies n’est pas négligeable et elle peut donc se justifier.
Il faut reconnaître que cela n’est pas systématique et que certaines caisses d’assurance-maladie, lorsque le transport a été prescrit pour des soins spécifiques, interrogent la structure de soins où aurait dû être adressé le patient (la plus proche) pour lui demander si elle était en mesure de prendre en charge le patient dans ce contexte. Des procédures inutiles sont ainsi évitées et l’intérêt du malade est préservé. Si cet exemple fait état d’un centre hospitalier, il est valable pour les autres structures de soins que sont un établissement de soins privé, comme une clinique, le cabinet d’un médecin spécialiste ou les locaux d’une infirmière ou d’un kinésithérapeute.

Jusqu’à présent, l’indépendance de chaque caisse primaire d’assurance-maladie équivalait à des prises en charge non homogènes des transports ne s’effectuant pas vers la structure de soins la plus proche. Il est vraisemblable que la décision de 2e chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi nº 09-67960) du 23 septembre 2010 vienne mettre un peu d’ordre dans tout cela. Plutôt que de baser la prise en charge sur des éléments subjectifs ou idéologiques ayant pour seul but de faire des économies de santé, la Cour de cassation a vu l’aspect médical de la demande de transport et subsidiairement de sa prise en charge.

Dans cette affaire, une patiente atteinte d’une affection de longue durée et invalide à 80 % avec assistance d’une tierce personne a vu la clinique proche de son domicile, où elle était prise en charge régulièrement pour des soins de kinésithérapie, fermer. L’équipe de kinésithérapeutes en qui elle avait toute confiance s’est installée à plusieurs kilomètres de là et c’est alors que la malade a souhaité continuer à être prise en charge pour les professionnels auxquels elle était habituée. Or, cette migration du centre de kinésithérapie a fait que, selon la Sécurité sociale, ce centre n’était plus celui se situant au plus proche du domicile de la patiente. C’est pour cette raison que la caisse primaire d’assurance maladie dont dépend la malade a décidé de limiter le remboursement des frais des transports.
Objectivement, cette décision de la caisse d’assurance-maladie est compréhensible. Cette dernière n’interdit pas à la patiente de continuer à être suivie par les professionnels de santé, mais elle lui demande de prendre à sa charge le surcoût engendré par ce choix. La liberté de choix du patient est respectée, mais il doit en assumer les conséquences… Mécontente de cette décision, la patiente a porté l’affaire devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a donné raison à l’assurance-maladie.

La Cour de cassation n’a pas choisi cette voie. La patiente disposant d’un certificat médical attestant un état chronique rhumatologique, neurologique et respiratoire depuis plus de dix ans nécessitant de faire poursuivre les soins par la même équipe de kinésithérapeutes, il existait « une difficulté d’ordre médical sur le point de savoir si l’assurée pouvait recevoir les soins appropriés à son état dans une structure de soins plus proche de son domicile ». Pour la Cour, « Constitue une contestation d’ordre médical relative à l’état du malade, sur laquelle le tribunal des affaires de sécurité sociale ne peut statuer qu’après mise en oeuvre d’une expertise médicale prévue à l’article L 141-1 du code de la sécurité sociale, le point de savoir si l’établissement désigné par le médecin traitant de l’assuré constitue la structure de soins appropriée la plus proche ».

Cette décision renforce un peu plus le caractère médical de la prescription du transport. Si les médecins et les patients peuvent se réjouir d’une telle chose, il est essentiel pour les praticiens de bien comprendre qu’il engage leur responsabilité en signant le bon de transport et qu’ils doivent être en mesure d’apporter une justification médicale à leur choix. Si tel n’est pas le cas, l’expertise sera susceptible de le mettre en évidence ce qui devrait encourager la caisse, forte de cet avis médical, à se tourner vers le praticien qui risque alors de devoir rembourser les indus, mais aussi de se voir mis en cause devant les instances ordinales pour avoir réalisé des prescriptions non justifiées.

Responsabilité du médecin : prodiguer des soins conformes aux règles de l’art ne suffit pas

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Bilan radiologiqueExercer la médecine n’est pas chose simple. Un arrêt de la 1re chambre civile de la Cour de cassation du 25 novembre 2010 (nº de pourvoi 09-68631) en est un parfait exemple.

En mars 2000, une enfant profite d’une éclaircie pour aller faire du vélo. C’est avec un grand sourire qu’il enfourche son destrier mécanique et part pour une aventure qui va tourner au drame. En effet, quelques tours de pédales et le voilà hurlant de douleur après une lourde chute sur son avant-bras droit. Les parents affolés arrivent à son secours et s’empressent de le conduire aux urgences de la clinique la plus proche. C’est un médecin généraliste qui assure l’accueil dans ce service, comme c’est le cas dans de nombreux établissements privés en France. Des radiologies sont réalisées et le diagnostic est fait : fracture simple du cubitus droit. Le praticien prodigue alors des soins conformes aux règles de l’art en matière de fracture classique et l’enfant rentre chez lui. Le médecin n’imagine pas à cet instant que l’histoire est loin d’être terminée.

En fait, l’enfant présente une fracture plus complexe et plus rare appelée « fracture de Monteggia », associant une fracture cubitale à une luxation de la tête radiale, dont la prise en charge thérapeutique est différente d’une fracture simple. Pour les parents, cette erreur de diagnostic est donc à l’origine d’un traitement inadapté et d’un retard dans la prise en charge de l’état de leur enfant et il décide de rechercher la responsabilité du praticien devant les tribunaux pour le faire condamner à leur payer diverses sommes en réparation des préjudices subis par leur fille.

Après avoir pris en compte l’avis des experts, la cour d’appel déboute les parents. Si un premier expert reconnaît que le médecin généraliste, bien que non-urgentiste, était bien responsable du service des urgences de la clinique et aurait dû faire le diagnostic, un second expert a dû demander l’aide d’un sapiteur spécialiste en orthopédie et traumatologie pédiatrique pour diagnostiquer cette fracture peu courante et très loin d’être visible au premier coup d’oeil, surtout pour un médecin généraliste. Pour la cour d’appel, l’argument suivant lequel le praticien avait prodigué des soins consciencieux et conformes à ses connaissances de médecin généraliste suffit pour qu’il n’y ait pas de faute. Pas question pour les parents d’en rester là : un pourvoi en cassation est introduit.

Pour la Cour de cassation, « le médecin généraliste, n’avait pas la qualité de médecin urgentiste pour l’exonérer de sa responsabilité quand il est fait déontologiquement obligation à tout praticien de s’abstenir, sauf circonstances exceptionnelles, d’entreprendre ou de poursuivre des soins, ou de formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose », selon l’article 70 du code de déontologie médicale alors applicable, devenu l’article R 4127-70 du code de la santé publique. La Cour précise aussi que « commet une faute le médecin généraliste assurant les permanences d’accueil d’une clinique qui, au lieu d’orienter le patient victime d’une fracture vers le service de traumatologie compétent, interprète de façon inexacte les lésions clairement visibles sur les radiographies réalisées et pose ainsi un diagnostic erroné au regard des données acquises de la science », se rangeant ainsi à l’avis de l’expert le plus favorable aux plaignants.
Autre élément important à prendre en compte pour les généralistes qui assurent une permanence d’accueil : s’ils ne disposent pas d’un diplôme de médecine d’urgence, la décision de la Cour de cassation montre qu’il leur faut être particulièrement prudents quant aux diagnostics qu’ils portent et que leur reconnaissance d’omnipraticien est fragile. Il est précisé que la cour d’appel ne pouvait pas se fonder sur la qualité de médecin généraliste du praticien mis en cause inopérante au regard des compétences requises pour exercer les fonctions qu’il avait choisi d’assumer au sein du service des urgences de la clinique. Cette décision semble donc donner à la capacité de médecine d’urgence (Camu) et à la notion de « médecin urgentiste » une valeur juridique plus forte que celle qu’elle pouvait avoir jusque-là. En effet, ce n’est que depuis 2004 qu’un diplôme d’études spécialisées complémentaire en médecine d’urgence existe et parler de médecin urgentiste avant cette date ne peut faire référence qu’à la Camu. Exercer dans un service d’urgences sans disposer de ce diplôme semble donc accroître le risque de voir sa responsabilité engagée pour les praticiens.

Ce rappel à l’ordre d’un médecin généraliste, à un moment où l’on fait du médecin traitant le pivot de la médecine de proximité et d’un système de soins plus économe, est intéressant. Pas question pour l’omnipraticien de surestimer ses compétences s’il ne veut pas tomber sous le coup de l’article 70 du code de déontologie médicale. Prend aussi un risque le médecin généraliste qui va déléguer à un professionnel de santé un examen qu’il n’a pas les moyens de réaliser lui-même et pour lequel il n’a pas reçu de formation spécifique, sachant qu’aux vues des résultats de cet examen réalisé par un autre, il va engager sa responsabilité en rédigeant une prescription ; l’exemple du généraliste signant des ordonnances de lunettes qui lui sont soufflées par un opticien ou un orthoptiste est souvent cité pour illustrer une telle situation.

Faut-il voir là une obligation de résultat pour les médecins spécialisés en médecine générale ou une volonté d’indemniser à tout prix le patient victime d’une erreur ? Ce n’est pas certain. Il faut surtout y voir un rappel donné aux praticiens par la Cour de cassation de bien connaître leurs limites et de ne pas les dépasser. Des limites que les pouvoirs publics semblent inciter chaque jour ces mêmes médecins à franchir au prétexte de réaliser des économies de santé…

Revue belge du dommage corporel et de médecine légale — numéro 2010/3

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Revue belge dcml

Sommaire du numéro du 3e trimestre 2010

Revue belge du dommage corporel et de médecine légaleAnthemis

 

 

La perte de chance dans le droit de la responsabilité médicale à travers un arrêt significatif de la Cour de cassation italienne

Silvia Perotti et Marzia Vassalini

Nous commentons un arrêt de la Cour de cassation italienne concernant la perte de chance. Cet arrêt a réformé le jugement du tribunal et a affirmé des principes originaux. Nous pensons que cette décision peut intéresser tous ceux qui s’occupent du dommage corporel, ainsi que les médecins légistes des pays francophones. La jurisprudence italienne qui concerne la perte de chance est relativement récente (Cass. civ., sez. III, 4 mars 2004, n° 4400, prés.). De plus, au point de vue européen, certaines questions juridiques relatives aux droits de l’homme en matière de santé et de bien-être peuvent concerner la responsabilité médicale.

Mots clés : Perte de chance – Législation – Affection néoplasique – Droit italien – Soins palliatifs

 

La perte d’une chance dans la jurisprudence des Cours de cassation d’Italie et de Belgique. Convergences et divergences

Jean-Luc Fagnart

La chance est un événement aléatoire qui dépend du hasard. On ne peut parler de chance lorsque, sans la faute, le dommage se serait certainement produit. On ne peut davantage parler de la perte d’une chance lorsque le dommage subi est un dommage connu qui trouve sa cause certaine dans une faute. Seul peut être réparé le dommage réellement subi.

Mots clés : Perte d’une chance – Dommage connu et certain – Dommage réellement subi

Ne pas respecter le règlement intérieur d’un hôpital peut valoir une condamnation pour homicide involontaire

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Panneau hôpitalRares sont les médecins qui s’intéressent de près au règlement intérieur de l’établissement hospitalier au sein duquel ils travaillent. À leur décharge, les tâches administratives auxquelles ils sont de plus en plus souvent soumis font qu’ils préfèrent consacrer leur temps restant à assurer leur formation continue, sans pour autant négliger la prise en charge des malades. Une jurisprudence du début de l’année 2010 montre qu’ils feraient néanmoins mieux de relire ce règlement intérieur et de le respecter.

Un soir de février 2003, une jeune femme de 35 ans chute lourdement sur sa terrasse dans le sud de la France. C’est suite à ce traumatisme qu’elle est admise en urgence, dans la nuit, dans une antenne du centre hospitalier universitaire de sa région. À son arrivée au service des urgences, seul un interne est présent, le médecin senior de cette unité de soins n’est pas là. Comme c’est d’usage, ce dernier ne se déplace qu’à la demande du service. Nombreux sont les services qui fonctionnent ainsi et le médecin senior a l’autorisation de son chef de service pour agir de la sorte. Habituellement tout se passe bien, l’interne prend en charge le patient, prescrit les examens complémentaires, fait le diagnostic, instaure le traitement et oriente le patient vers le service où il sera hospitalisé. Mais en cet hiver 2003, les choses ne se passent pas de cette façon…
À son arrivée au service des urgences, la jeune femme n’est pas dans un état préoccupant et il n’est donc pas fait appel au médecin senior. Elle est envoyée en radiologie par l’interne. À son retour aux urgences, après la prise des clichés, malgré des signes d’hémopneumothorax (du sang et de l’air dans des régions du thorax où l’on ne devrait pas en trouver), l’interne ne juge toujours pas nécessaire d’appeler le médecin senior. Erreur d’appréciation ou peur de se faire rabrouer par son supérieur comme c’est parfois le cas, il gère seul la situation alors que le pronostic vital de la jeune femme est en jeu. Le protocole adéquat n’est pas mis en place et la patiente décède deux jours plus tard d’un arrêt cardiocirculatoire. Tout le monde s’accorde à dire que « cette faute patente est la cause indirecte et certaine du décès ».

C’est sur le règlement intérieur de l’hôpital que s’est appuyée, le 9 mars 2010 (pourvoi nº 09-80543), la Cour de cassation pour confirmer l’arrêt de la cour d’appel ayant déclaré coupable le centre hospitalier du délit d’homicide involontaire. Pour la Cour, il y a eu défaillance dans l’organisation de l’établissement. Cette défaillance consiste en l’absence de médecin senior dans ce service alors que le titulaire était autorisé à s’absenter par son supérieur hiérarchique, responsable de toutes les unités des services des urgences, et ce, en infraction au règlement intérieur de l’établissement qui impose la seniorisation dans chaque unité sectorisée de ces services ainsi que l’accueil par un médecin senior de chaque patient à charge pour lui, éventuellement, sous sa responsabilité d’attribuer le suivi de ce patient à un interne ou faisant fonction. Cette désorganisation fautive n’a pas permis de prendre, dès l’arrivée de la patiente, les mesures appropriées qu’un médecin senior aurait dû mettre en oeuvre, mais surtout dès le retour de cette dernière du service des radiographies puisque c’est à ce moment-là que le processus vital s’est enclenché pour défaut de mise en place d’un protocole adéquat qui aurait permis d’éviter l’arrêt cardiocirculatoire alors que l’existence de la pathologie majeure était révélée.

C’est la responsabilité pénale du centre hospitalier en tant que personne morale qui a ainsi été reconnue. C’est bien le non-respect du règlement intérieur qui, pour les juges, est à l’origine de la faute directement responsable du décès de la patiente. Mieux vaut donc prendre quelques minutes pour relire ce règlement si l’on est amené à intervenir dans un établissement de soins…

Pas question d’exposer des cadavres à des fins commerciales

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Crâne plastinéLa société Encore Events a organisé dans un local parisien, en février 2009, une exposition appelée « Our Body, à corps ouvert » présentant des cadavres humains « plastinés », ouverts ou disséqués, installés, pour certains, dans des attitudes évoquant la pratique de différents sports, et montrant ainsi le fonctionnement des muscles selon l’effort physique fourni. Cette technique développée depuis la fin des années 70 par un médecin allemand, Gunther von Hagens, permet la conservation des tissus humains à l’aide de polymères. Des restes de personnes décédées traités à l’aide de ce procédé ont été exposés pour la première fois en 1995 et, depuis, des évènements du même type ont été organisés un peu partout dans le monde. Lyon et Marseille ont d’ailleurs déjà accueilli les corps plastinés. Rien ne laissait donc présager les mésaventures qu’ont eu à subir les organisateurs de l’exposition parisienne.

Deux associations, alléguant que un trouble manifestement illicite au regard du code civil, du code de la santé publique et du code pénal, et soupçonnant par ailleurs au même titre un trafic de cadavres de ressortissants chinois prisonniers ou condamnés à mort, ont demandé en référé la cessation de cette manifestation. Cette procédure s’est soldée par une interdiction de poursuivre l’exposition des corps et pièces anatomiques litigieuse, bien que les associations n’aient pu faire la preuve de l’origine illicite des corps utilisés.

Pour la société mise en cause, l’exposition avait pour objet d’élargir le champ de la connaissance, notamment grâce aux techniques modernes, en la rendant accessible au grand public de plus en plus curieux et soucieux d’accroître son niveau de connaissances. Un parallèle avec les momies a été fait et pour celle-ci aucune différence objective ne peut « être faite entre l’exposition de la momie d’un homme qui, en considération de l’essence même du rite de la momification, n’a jamais donné son consentement à l’utilisation de son cadavre et celle, comme en l’espèce, d’un corps donné à voir au public a des fins artistiques, scientifiques et éducatives ».

Après un passage par la cour d’appel, c’est la Cour de cassation qui a eu à se prononcer sur cette affaire (pourvoi no 09-67456), le 16 septembre 2010. Plutôt que de s’intéresser aux momies ou à la licéité, la Cour en est restée au respect du code civil. Pour elle, « aux termes de l’article 16-1-1, alinéa 2, du code civil, les restes des personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence », cette exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaissait donc bien cette exigence.

Le même jour, le comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour les sciences de la vie et de la santé a rendu public son avis no 111 sur les problèmes éthiques posés par l’utilisation des cadavres à des fins de conservation ou d’exposition muséale. Pour ce comité : « Le consentement d’une personne à donner son corps à la science après son décès (pour des raisons anatomiques et pédagogiques) ne saurait être confondu avec un cautionnement de sa mise en scène post-mortem à des fins commerciales. Il n’y a pas d’éthique sans consentement mais le consentement ne suffit pas à donner à une action sa légitimité éthique. La dignité du défunt vaut d’être prise en considération.[…]
La mise en avant d’une visée soi-disant anatomique et pédagogique peut s’interpréter comme une tentative de minimisation de la dimension lucrative et médiatique de ce type d’exposition. Elle constitue une forme d’exploitation du corps des morts à visée commerciale qui contrevient à l’esprit de la loi française.
La régulation des pratiques en matière d’exposition du corps des morts doit intervenir autant dans le domaine des expositions publiques que privées. Si l’utilisation des corps au motif d’un prélèvement d’organes ou d’une autopsie est indispensable et répond à des attentes sociales fortes et légitimes, en revanche, à quelque degré que ce soit, l’exhibition du corps d’un mort relève d’une tradition révolue. »
Si cet avis est tranché pour ce qui est de la plastination, des têtes maories ou des ossements préhistoriques, il semble beaucoup plus évasif concernant les momies conservées au Louvre. Si le peuple égyptien demandait leur restitution pour pouvoir les replacer dans des sépultures, et non pour les exposer dans un musée, on voit mal les arguments que pourraient invoquer le musée ou les autorités de tutelle pour refuser à la lecture de l’avis du CCNE.

Une chose est sûre : les cadavres plastinés ne sont pas près de trouver le repos en France.

Trois interventions, deux chirurgiens, une infection nosocomiale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Plusieurs chirurgiensLes infections nosocomiales sont une source de jurisprudences intarissable à notre époque. La décision de la première chambre de la Cour de cassation du 1er juillet 2010 (pourvoi no 09-69151) en est un nouvel exemple.

Tout commence en avril 1989. Une patiente se fracture la cheville et doit subir une intervention orthopédique pour cette raison. Elle est prise en charge à cet effet par un chirurgien qui l’opère dans une clinique proche de la capitale. Malheureusement pour elle, les suites ne sont pas simples et une deuxième intervention est réalisée en juillet de la même année. Son état n’étant toujours pas satisfaisant, elle doit subir une troisième opération en septembre 1989 pour laquelle elle s’adresse à un autre chirurgien, professeur de son état, intervenant dans une clinique du 16e arrondissement de Paris. Tout aurait pu s’arrêter là si un staphylocoque doré n’avait pas été mis en évidence à l’occasion d’un prélèvement, signant ainsi une infection nosocomiale. Ce n’est que six ans plus tard, en 1995, qu’il a pu être mis fin aux nombreux traitements qu’a nécessités l’éradication de ce germe.
Estimant avoir subi un préjudice, la patiente a demandé réparation au chirurgien ayant initialement réparé sa fracture. Estimant ne pas être responsable de l’infection qui « n’était ni présente ni en incubation » aux dires des experts après ses deux interventions, ce dernier a mis en cause la clinique dans laquelle avait eu lieu la troisième opération.
La cour d’appel, allant dans le sens de ce que faisait valoir le premier chirurgien et sans se prononcer sur la responsabilité de celui-ci le mettant ainsi hors de cause, a condamné la clinique parisienne où l’infection nosocomiale a été contractée.

La Cour de cassation ne l’a pas entendu de cette oreille. Pour elle, « lorsque la faute d’un médecin dans la prise en charge d’une personne a rendu nécessaire une intervention au cours de laquelle celle-ci a contracté une infection nosocomiale dont elle a demandé réparation à la clinique où a eu lieu l’intervention, au titre de son obligation de résultat, cette dernière, obligée à indemniser la victime pour le tout, est fondée à invoquer la faute médicale initiale pour qu’il soit statué sur la répartition de la charge de la dette ». Rien n’interdit donc à une clinique mise en cause de rechercher la responsabilité d’un chirurgien étant préalablement intervenu dans un autre établissement en cas d’infection nosocomiale.

La Cour a aussi pris en compte que « le caractère nosocomial de l’infection étant établi, la circonstance qu’une faute, commise antérieurement, ait rendu nécessaire l’intervention au cours de laquelle celle-ci a été contractée, si elle est susceptible, le cas échéant, de faire retenir la responsabilité de son auteur à l’égard de la victime, ne saurait, dès lors qu’il n’est pas allégué qu’elle aurait rendu l’infection inévitable, constituer une cause étrangère, seule de nature à exonérer l’établissement des conséquences de la violation de son obligation de résultat ». Ce n’est pas parce qu’une intervention est inévitable à la suite d’une erreur commise dans un autre établissement, que la clinique qui prend en charge un patient peut s’exonérer de son obligation de sécurité de résultat en matière d’infection nosocomiale en arguant d’une « cause étrangère », seul motif lui permettant de ne pas être condamnée.

Dernier élément intéressant de cette jurisprudence : la patiente est décédée en 2005, pour des raisons étrangères à cette infection nosocomiale bien entendu, mais c’est sa fille, unique héritière, qui a repris l’instance et c’est à elle que sera versée la somme en réparation du préjudice.