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Téléconseil médical personnalisé et assurance en RCP : toujours rien

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Actualités, Evolution

Un médecin sur InternetAlors que le Conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) a publié récemment le livre blanc sur la Déontologie médicale sur le Web, dans lequel il est judicieusement expliqué que les activités de télémédecine ne doivent pas être confondues avec celles relatives au téléconseil médical, un flou des plus complets persiste quant à l’assurance en responsabilité civile professionnelle (RCP) des praticiens libéraux qui souhaitent répondre aux questions que se posent des internautes avec lesquels ils n’auront jamais que des relations virtuelles.

Si un discours qui n’engage en rien ceux qui le tiennent veut que les contrats souscrits par les médecins pour leur exercice quotidien couvrent ces activités de téléconseil, les nombreux témoignages recueillis par l’équipe de Droit-medical.com tendent à prouver que, dans les faits, il n’en est rien. Si le praticien libéral est assuré lorsqu’il donne un conseil par téléphone ou par courrier électronique à l’un des patients qu’il suit habituellement à son cabinet, il n’en va pas de même quand il répond à la question d’un internaute anonyme qui lui demande un conseil sur un site Internet dédié à cet usage. C’est tout du moins la réponse obtenue par les professionnels qui ont interrogé leur assureur de façon précise. Le téléconseil n’est d’ailleurs pas seul en cause puisqu’il en est de même pour la couverture RCP des médecins maîtres-toile : une situation aberrante quand on explique dans le même temps aux praticiens qu’ils doivent s’investir sur le Web pour répondre à la demande de la population par le biais de sites de qualité et respectant la déontologie.

Une lueur d’espoir aurait pu apparaître avec la parution du numéro de mars 2012 de la revue MACSF info, au slogan prometteur « Notre engagement, c’est vous », dont le sujet principal s’intitule « Télémédecine, c’est parti », mais il n’en est rien : pas un mot sur le téléconseil médical libéral. En matière de RCP médicale libérale, il est inutile de rappeler que la MACSF est l’un des principaux acteurs du marché, en France, pour ne pas dire “le” principal acteur en fonction des spécialités. Il est donc intéressant de se pencher sur les informations données par cette compagnie qui couvraient une peu moins de 120 000 médecins en 2010, parmi lesquels une majorité de libéraux.

Si Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, mieux vaut pour un praticien ne pas faire de la télémédecine sans en être pleinement conscient. La télémédecine est strictement encadrée et les médecins qui pratiquent des « actes médicaux, réalisés à distance, au moyen d’un dispositif utilisant les technologies de l’information et de la communication », ont jusqu’à avril 2012 pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’article 78 de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite HPST, et le décret nº 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine, prévu à l’article L 6316-1 du code de la santé publique.
Qu’il s’agisse d’actes de téléconsultation (véritable consultation à distance), de téléexpertise, de télésurveillance, de téléassistance ou de régulation médicale, seuls types d’actes prévus par le décret, la MACSF rappelle que « toute activité de télémédecine doit s’inscrire dans le cadre d’un programme national, type plan AVC, ou d’un contrat signé avec l’Agence régionale de santé (ARS) concernée », comme la loi le prévoit.
Pour ces actes, très éloignés du téléconseil médical aux internautes ou même de la simple gestion d’un site Internet santé, la MACSF explique que ces contrats classiques garantissent les actes relatifs à la télémédecine, mais engage néanmoins ces sociétaires à signaler à ses agents cette pratique afin de vérifier que leur contrat, s’il a été établi avant sa mise en oeuvre, couvre bien les actes en question, quels qu’ils soient.

En l’état actuel du droit, concernant le téléconseil médical personnalisé, il est hasardeux de s’estimer couvert par sa RCP médicale sans un engagement écrit de son assureur. Le docteur Jacques Lucas, vice-président du CNOM, interrogé par la revue de la MACSF en a d’ailleurs bien conscience. Il explique qu’il faut que les praticiens se sentent couverts afin que ces pratiques, qui répondent à un besoin sanitaire, puissent se développer et avoir la confiance des patients. On ne peut qu’abonder dans son sens, d’autant que sur un plan strictement légal, de par l’article L 1142-2 du code de la santé publique, les médecins libéraux ont l’obligation de souscrire une assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile ou administrative susceptible d’être engagée en raison de dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes à la personne, survenant dans le cadre de l’ensemble de leurs activités de prévention, de diagnostic ou de soins. Difficile d’exclure le téléconseil personnalisé de ces activités…

Faudra-t-il attendre le colloque concernant l’éthique dans les usages des TIC en santé, organisé le 20 septembre 2012 par le CNOM et dont le programme n’est pas encore connu, pour voir évoluer les choses ? Les pouvoirs publics ont-ils envie que les médecins libéraux puissent répondre aux demandes des patients en utilisant les outils du XXIe siècle ? Suffit-il qu’il soit question d’électronique et d’Internet pour que, telle celle menée pour le dossier médical personnel (DMP), les politiques menées conduisent au fiasco ? Les questions concernant le téléconseil médical personnalisé sont nombreuses, mais bien peu ont encore de réponses.

Archivage des dossiers d’un médecin décédé : le conseil de l’ordre moins solidaire ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

En dix ans, le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) semble avoir revu à la baisse la notion de « solidarité confraternelle » au sujet de l’archivage des dossiers d’un médecin décédé. En décembre 1999 dans un rapport intitulé Devenir des dossiers médicaux d’un médecin cessant ou ayant cessé toute activité du docteur Jean Pouillard adopté lors d’une session du conseil national de l’ordre des médecins, c’est sur ce principe que l’ordre se basait pour venir en aide à la famille de l’un de ses confrères tragiquement disparus.

Extrait du rapport Devenir des dossiers médicaux d’un médecin cessant ou ayant cessé toute activité de décembre 1999

Le médecin est décédé ou devient brutalement indisponible (maladie, hospitalisation) :

a) la famille du médecin décédé présente la clientèle à un médecin qui s’installe au lieu du cabinet médical existant ou dans la proximité ;

b) la famille du médecin décédé présente la clientèle à un médecin déjà installé dans la commune, lequel devient par contrat le médecin successeur.

Dans les deux cas, il est souhaitable que la famille du médecin décédé informe la clientèle — lettre personnalisée si possible et information sous forme d’annonce publique dans la presse locale — des conditions de continuité d’activité du cabinet médical en précisant (conformément aux termes prévus dans le contrat de cession) que les dossiers des patients sont mis à la disposition du médecin qui en prend possession, lequel s’engage également à transmettre le cas échéant et sans délai, tout dossier d’un patient qui en ferait la demande, au médecin désigné par ce patient, conformément à l’article 6 du code de déontologie : “Le médecin doit respecter le droit que possède toute personne de choisir librement son médecin. Il doit lui faciliter l’exercice de ce droit”.

c) il n’y a pas de présentation à clientèle : la famille a quitté les lieux ou refuse de se charger de la garde des dossiers, le médecin décédé n’a pas d’héritiers, ou est hospitalisé (psychiatrie) sans héritiers.

Il n’en demeure pas moins que les dossiers médicaux doivent être protégés contre toute indiscrétion à l’égard de tiers non-médecins, y compris la famille, qu’ils ne sauraient être transmis à qui que ce soit sans le consentement des patients, et que s’il est difficile de les confier au Conseil départemental auprès duquel le médecin décédé était inscrit, il est également impossible de les confier à un service public départemental d’archives, lequel n’est pas tenu de recevoir des archives médicales.

Dans ces conditions, qui au demeurant sont relativement exceptionnelles, le Conseil départemental reste l’intermédiaire obligé, dans le souci de l’intérêt public et du respect de la confidentialité des données nominatives, pour gérer toute demande de transmission d’un dossier au médecin désigné par un patient. En effet, c’est au Conseil départemental de l’Ordre des médecins, garant de la déontologie et de la solidarité confraternelle, qu’incombe la responsabilité d’assurer le relais et d’épauler les médecins et leurs familles.

En 2009, le discours est plus tranché. Il n’est plus vraiment question de « solidarité confraternelle » et la famille n’a d’autres choix que prendre à sa charge l’archivage des dossiers si l’on en croit le document Dossiers médicaux : conservation et archivage mis en ligne par le CNOM le 19 mai 2009.

Extrait du document Dossiers médicaux : conservation et archivage de mai 2009

En cas d’interruption brutale d’exercice.

Le Conseil départemental apportera son aide à la famille du médecin dans l’incapacité d’organiser lui-même la transmission des dossiers aux médecins désignés par les patients.

Une annonce dans la presse locale informera la patientèle de la fermeture du cabinet, invitant les patients à adresser leur demande au Conseil départemental.

Cependant, l’archivage du reliquat des dossiers restera de la responsabilité de la famille.

Voilà qui n’est pas sans poser de nombreuses questions alors qu’il est souvent plus difficile en 2009 qu’en 1999 de trouver un successeur à un médecin décédé. Selon ce document, un conseil départemental est dans l’incapacité d’organiser lui-même la transmission des dossiers : il n’est donc plus « l’intermédiaire obligé dans le souci de l’intérêt public et du respect de la confidentialité des données nominatives, pour gérer toute demande de transmission d’un dossier au médecin désigné par un patient ». On peut s’en étonner, car les données contenues dans ces dossiers relèvent en 2009, comme en 1999, du secret médical. La loi ne prévoit pas que les membres de la famille d’un médecin (vivant ou mort) puissent connaître l’identité de ses patients et encore moins avoir accès à leurs secrets de santé. Il n’y a pas de dérogation au secret médical pour les ayants droit du praticien et c’est heureux. Dans ces conditions, comment envisager qu’une famille puisse assurer elle-même l’archivage et la transmission des dossiers ?Archivage des dossiers d'un médecin décédé et secret médicalLe recours par la famille à un hébergeur ne résoud pas ces problèmes. Si un patient demande, comme la loi du 4 mars 2002 l’y autorise, à avoir accès à son dossier médical, qui va s’assurer que ce dossier ne contient pas des informations données par un tiers qui ne doivent pas être communiquées ? Même en transmettant les demandes à l’hébergeur et en communiquant les dossiers en l’état, qu’en est-il de la responsabilité de la famille ? Pour certains patients psychiatriques ou pour les cas où le médecin a jugé préférable, comme la loi le prévoit, de ne pas révéler un diagnostic dans l’intérêt du patient, on imagine aisément les risques pris par la famille. Seul l’oeil avisé d’un praticien est susceptible à la relecture du dossier, de faire la part des choses.
Rien d’étonnant dans ces conditions que les ayants droit du médecin soient tentés de détruire les dossiers, d’autant qu’ils n’ont souvent pas conscience des risques encourus et passant à l’acte et en signalant un tel sinistre.

On peut comprendre que les secrétariats des conseils départementaux ne veuillent pas avoir à gérer les demandes des patients, travail ingrat et chronophage. On peut aussi voir l’intérêt des mêmes conseils à ne pas vouloir prendre en charge l’archivage de dossiers en raison des coûts élevés de ces procédures et des responsabilités que cela implique. Le choix semble donc avoir été fait de les reporter sur les familles au détriment de l’intérêt public, du respect du droit et de la confidentialité. La notion de « solidarité confraternelle » semble atteindre ses limites lorsque les intérêts de l’institution ordinale sont en jeu. Il serait bon que le législateur s’empare de cette question montrant ainsi aux médecins que la solidarité n’est pas une notion qui n’est utilisée que pour leur infliger sans cesse de nouvelles contraintes…

Autre raison d’espérer une intervention du législateur, le problème de la durée de l’archivage des dossiers médicaux au cabinet n’est toujours pas réglé. Le CNOM le reconnaît et recommande néanmoins un délai de vingt ans, identique à celui imposé aux établissements de santé, mais qui peut paraître bien court à la lecture de l’article intitulé L’archivage du dossier médical au cabinet.