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Responsabilité professionnelle du médecin du travail : prudence

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecin du travail et responsabilitéC’est avec intérêt que Droit-medical.com a pu prendre connaissance de la position du syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) sur la responsabilité civile professionnelle (RCP) des médecins de ce secteur. Michel Hamon, responsable du service juridique et contentieux de ce syndicat, explique que les praticiens qui doivent renouveler leur contrat de RCP sont confrontés à des demandes de leur assureur de signer un avenant excluant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue au titre de leurs activités salariées. En effet, depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, c’est à l’établissement employeur d’assurer la responsabilité de ses médecins salariés, mais un arrêt de la Cour de cassation du 12 juillet 2007 est venu semé le trouble dans une situation qui paraissait entendue. L’assureur du commettant (l’employeur) pourrait se retourner contre l’assureur de son employé.

Le SNPST s’interroge sur le bénéfice pour le médecin du travail à signer un tel avenant même s’il le fait, d’après le courrier de l’assureur, dans son intérêt et « afin de lever une éventuelle ambiguïté en cas de sinistre… » Le langage syndical des professionnels de la santé au travail tranche avec la passivité de très nombreux représentants des médecins libéraux à l’égard des assureurs : « Si l’intérêt de l’assureur apparaît clairement vis-à-vis de cette exclusion de garantie qui empêchera tout recours contre lui de la part de l’assurance de l’employeur, on comprend moins bien le risque que pourrait courir le médecin si la clause initiale était maintenue… »

Deux points de droit sont soulevés par Michel Hamon. Le premier concerne la responsabilité contractuelle de certains praticiens de la santé au travail. « La plupart des médecins du travail ont signé avec leur employeur des contrats, visés par le conseil de l’ordre des médecins, avec une clause prévoyant qu’ils doivent contracter, à leur frais, une assurance responsabilité civile professionnelle et transmettre à leur employeur une copie de la police ou une attestation de l’assureur. C’est une clause contractuelle qui reste en vigueur en l’état actuel des contrats. » Le second fait référence à l’indépendance professionnelle de ces praticiens salariés. « Le code de déontologie médicale (règles communes à tous les modes d’exercice) dispose dans son article 69 (article R.4127-69 du code de la santé publique) que « l’exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes ». Il nous semble que la plus grande prudence est indiquée dans l’interprétation qui pourrait être faite de cet article par des jurisprudences ultérieures. »

Le SNPST appelle donc les médecins du travail à la plus grande prudence…

Recours de l’employeur contre un médecin salarié

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Par le célèbre arrêt Costedoat du 25 février 2000, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a décidé que « n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ». Il est depuis convenu que le médecin salarié (le préposé), qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par un établissement de santé privé (le commettant), n’engage pas sa responsabilité à l’égard du patient (le tiers).Responsabilité et faute du médecin salarié

Cristina Corgas-Bernard, maître de conférences à la faculté de droit de l’université du Maine au Mans, revient à la fin d’une chronique de jurisprudence publiée dans la revue Médecine & Droit des mois de septembre-octobre 2008 1 sur une décision de la Cour de cassation surprenante au regard de l’arrêt Costedoat. La 1re chambre civile de cette instance, le 12 juillet 2007 (no de pourvoi : 06-12624 06-13790), s’est intéressée au recours contre l’assureur du préposé.
Si la Cour de cassation ne revient pas sur le principe selon lequel le préposé n’engage pas sa responsabilité s’il agit dans les limites de sa mission, elle précise que l’assureur du commettant qui a indemnisé la victime n’est pas privé de son recours subrogatoire 2 contre l’assureur de responsabilité du préposé fautif. Bien que l’article L 121-12 du code des assurances, à son alinéa 3, dispose que « Par dérogation aux dispositions précédentes, l’assureur n’a aucun recours contre les enfants, descendants, ascendants, alliés en ligne directe, préposés, employés, ouvriers ou domestiques, et généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l’assuré, sauf le cas de malveillance commise par une de ces personnes », cette immunité ne s’applique pas. L’assureur de l’établissement de soins privé, employant un médecin qui a commis une faute dans le cadre de sa mission qui a conduit à l’indemnisation d’un patient, peut se retourner contre l’assureur du praticien. Ne pouvant se retourner contre le médecin lui-même et les praticiens n’ayant plus l’obligation de s’assurer en responsabilité civile professionnelle, comme l’explique Cécile Manaouil dans l’article intitulé « À propos de la responsabilité civile professionnelle du médecin salarié », ce cas risque d’être peu fréquent.

Ces décisions ne privent pas l’employeur de la possibilité de rechercher l’existence d’une faute commise par le salarié. La 2e chambre civile de la Cour de cassation, le 20 décembre 2007 (no de pourvoi : 07-13403), a décidé que « l’employeur-commettant qui a indemnisé la victime d’un dommage provoqué par son salarié-préposé, en application des dispositions de l’article 1384, alinéa 5, du code civil, ne dispose d’aucune action récursoire contre ce salarié devant la juridiction de droit commun dès lors qu’il ne peut se prévaloir d’une subrogation dans les droits de la victime, laquelle ne dispose d’aucune action contre le préposé qui a agi dans les limites de la mission qui lui était impartie, hors le cas où le préjudice de la victime résulte d’une infraction pénale ou d’une faute intentionnelle. Dès lors, l’appréciation éventuelle de l’existence d’une faute commise par le salarié dans l’exécution du contrat de travail relève de la compétence d’attribution de la juridiction prud’homale ».

Si le salarié n’est pas responsable quand il agit dans les limites de sa mission, « le commettant s’exonère de sa responsabilité à la triple condition que son préposé ait agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions. » Ainsi en a décidé l’assemblée plénière en audience publique le 19 mai 1988 (no de pourvoi : 87-82654). Dans une telle situation, le médecin salarié est donc responsable de ses actes à titre individuel.

 


1- Médecine & Droit. No 92. p.131-138.

2- La subrogation est, dans une relation juridique, la substitution d’une personne ou d’une chose par une autre.