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Tâches, compétences et protocoles entre professionnels de santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Accord passé entre deux personnes

L’article 51 de la loi no 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite HPST, a permis l’élaboration de protocoles entre professionnels de santé. Ces professionnels de santé peuvent, à leur initiative, désormais s’engager dans une démarche de coopération ayant pour objet de transférer entre eux, des activités ou des actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès des patients. Une idée séduisante pour certains médecins qui ne voient là qu’« un transfert de tâches » leur permettant de mieux gérer leur temps tout en gardant la main sur les actes qu’ils acceptaient ainsi de déléguer. Une aubaine pour de nombreux professionnels paramédicaux qui voient surtout là « un transfert de compétences » qui va leur permettre de réaliser à moyen terme des actes jusque-là effectués par les professions médicales.

Une clinique doit s’assurer de la compétence de ses chirurgiens

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

La clinique doit s'assurer des compétences du chirurgien qu'elle emploieDans un arrêt du 11 juin 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation a rendu une décision favorable à une patiente qui reprochait à un établissement de santé privé de ne pas lui avoir fourni du personnel qualifié pour l’opérer lors d’une intervention de chirurgie esthétique (pourvoi nº 08-10642). Il n’est pas question dans cette affaire d’une panseuse ou d’un brancardier, mais bien du chirurgien qui a pratiqué l’opération…

En 2003, la patiente décide de subir une opération de chirurgie esthétique en vue de la mise en place de prothèses mammaires dans une clinique du Pas-de-Calais. Elle s’adresse pour cela à un chirurgien généraliste, spécialiste du cancer du sein et gynécologique, exerçant au sein de cet établissement. Malheureusement, le résultat n’est pas à la hauteur des espérances de la patiente qui décide alors de traîner devant les tribunaux pour rechercher la responsabilité de la clinique et du chirurgien. Elle reproche à l’établissement « un manquement à son obligation générale d’organisation laquelle lui imposait de fournir un personnel qualifié », car le chirurgien n’était inscrit au tableau de l’ordre que comme « chirurgien généraliste » et qu’il n’avait aucune compétence ni spécialité dans le domaine de la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique. Les arguments de l’établissement basés sur l’expérience et la pratique du chirurgien, sur le recours à un cabinet de recrutement ayant vérifié les diplômes du médecin ainsi que sur l’examen du contrat le liant au praticien par le conseil de l’ordre n’ont pas suffi à convaincre la Cour de cassation. Pour cette dernière,  la clinique a manqué à ses obligations à l’égard de la patiente en laissant un chirurgien pratiquer des opérations relevant de la chirurgie esthétique, sans vérifier s’il disposait des compétences requises en ce domaine, nonobstant le fait que l’exercice de la chirurgie esthétique n’ait été restreint à une liste déterminée de spécialistes que postérieurement aux faits litigieux, par décret du 11 juillet 2005.
La Cour relève aussi « qu’en vertu du contrat d’hospitalisation et de soins le liant à son patient, l’établissement de santé privé est tenu d’une obligation de renseignements concernant les prestations qu’il est en mesure d’assurer, de procurer au patient des soins qualifiés, et de mettre à sa disposition un personnel compétent ».

Licence-Master-Doctorat (LMD) pour les infirmières

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LMD et études d'infirmièresEn plus des modifications qui vont intervenir quant à la première année d’études pour les professions médicales, de profonds changements sont prévus pour les études des professions paramédicales. Sous l’impulsion du chef de l’État, la formation des infirmiers, ou plutôt des infirmières si l’on s’en tient au communiqué de l’Élysée, devrait être reconnue au niveau licence dès la promotion 2009-2012.

Désaveu pour les actuels instituts de formation en soins infirmiers ? Il est prévu qu’une grande part des heures de cours soit transférée à la charge d’universitaires. Les enseignements scientifiques vont eux aussi être mis en avant. Ce communiqué donne des précisions sur les motivations présumées d’une telle évolution : « Cette réforme répond à l’évolution de la demande de soins, qui fait apparaître le besoin de “professions intermédiaires” entre les paramédicaux (à bac + 3) et les médecins (à bac + 9), notamment pour prendre en charge les patients atteints de pathologies chroniques. » Le système de santé français comportera donc vraisemblablement trois « niveaux » de compétences à terme, d’autant que « les infirmières déjà diplômées pourront valider les acquis de leur expérience auprès des universités. Au-delà de la reconnaissance de leur fonction, cette validation leur ouvrira la possibilité de préparer un master ». Les autres professions paramédicales déjà engagées sur la voie du LMD peuvent s’attendre au même type de mesures les concernant. Il est aussi possible d’imaginer une intégration de la filière infirmière à un premier cycle commun des professions de santé.

Cette réforme LMD du diplôme d’État infirmier s’accompagne au sein de la fonction publique d’une « revalorisation statutaire » censée permettre à toutes les infirmières d’atteindre la catégorie A. Cette promesse ne sera tenue que si des « contreparties » sont obtenues par les pouvoirs publics.
Pas un mot de l’harmonisation européenne ainsi obtenue, facilitant la mobilité des personnels infirmiers des autres États membres vers le territoire national et leur éventuelle installation en secteur libéral, certes moins facile depuis que les syndicats infirmiers ont renoncé à certains aspects de la liberté d’installation.
En procédant ainsi, il est clair que le transfert de nombreux actes médicaux n’en sera que facilité, le tout dans le but de réaliser des économies de santé. Même si le numerus clausus a été augmenté récemment, c’est bien par des professionnels de santé formés moins longtemps et « meilleur marché » qu’il semble être prévu de remplacer le maximum de médecins.

Retrait progressif de l’association dextropropoxyphène / paracétamol : la France s’incline face à l’Europe

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L'l'association dextropropoxyphène/paracétamol retirée du marché progressivementQue penser du document mis en ligne par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) intitulé « Médicaments contenant l’association dextropropoxyphène/paracétamol : recommandation de l’EMEA de retrait de ces médicaments à la suite de l’évaluation européenne et avis divergent de l’Afssaps » ?

L’association dextropropoxyphène/paracétamol est sur le marché français depuis 1964. Plus connu sous le nom de Di antalvic même s’il est commercialisé sous une trentaine de noms différents, cette association de molécules est un anti douleur très prescrit sur le territoire national. Alertée dès 2004 par le Royaune-Uni et la Suède sur un nombre de décès anormalement élevé dans le contexte d’intoxications volontaires (tentatives de suicide) ou accidentelles, au moment où ces pays avaient retiré les médicaments de ce type de la vente, l’Afssaps avait mené plusieurs enquêtes sur ces spécialités. Après avoir mis en évidence un nombre de décès inférieur à celui observé en Suède et au Royaume-Uni, puis avoir considéré que les données issues des études suivantes ne justifiaient pas de mesures de restriction ou de remise en cause de l’usage du dextropropoxyphène, l’Agence française s’était contentée de poursuivre la surveillance des risques d’intoxication aiguë.

Malgré les travaux français, la Commission européenne a décidé de pousser plus loin les investigations. Elle a fait appel pour cela au Comité des médicaments à usage humain de l’EMEA (Agence européenne d’évaluation des médicaments) qui « a considéré que les preuves d’efficacité thérapeutique sont insuffisantes au regard du risque de décès, en cas de surdosage accidentel ou volontaire. Il a conclu qu’aucune mesure complémentaire permettant de minimiser le risque ne pourrait être suffisante pour éviter les conséquences graves d’un surdosage. Il a recommandé que le retrait de l’association dextropropoxyphène/paracétamol intervienne de façon progressive pour permettre aux pays concernés de prendre les dispositions nécessaires à sa mise en œuvre.

Les arguments français n’y changeront rien. Même si on cherche à donner l’impression que la santé est toujours une compétence nationale, l’évolution des textes au plan européen fait de la sécurité sanitaire une compétence partagée. L’Afssaps s’incline devant l’EMEA. La France s’efface devant l’Europe…

Psychothérapeutes et business du ticket psy

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Qui se cache derrière votre psychothérapeute ?Nul besoin de diplôme jusque-là pour que n’importe qui puisse se décréter psychothérapeute et se mette ainsi à demander de l’argent à des personnes crédules et souvent en détresse psychologique. La loi de modernisation de l’économie no 2008-776 du 4 août 2008, avec la mise en place du statut d’auto-entrepreneur au 1er janvier 2009, a même eu tendance à faciliter les démarches pour tous ceux qui souhaitent vivre de cette pratique. Ce nouveau statut est en effet ouvert aux professions libérales relevant de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) depuis la loi no 2009-179 du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, venue compléter la précédente. Sont ainsi concernés les psychanalystes non médecins diplômés ou non ; les psychologues cliniciens ou non ; les psychothérapeutes diplômés ou non et les psychothérapeutes sophrologues non diplômés. Diplôme ou pas, monter son entreprise de psychothérapie est devenue un jeu d’enfant.

Le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) devrait mettre fin à cela si son article 22 septies est maintenu jusqu’au vote définitif de la loi. Ce texte stipule qu’ « Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article et les conditions de formation théorique et pratique en psychopathologie clinique que doivent remplir l’ensemble des professionnels souhaitant s’inscrire au registre national des psychothérapeutes. Il définit les conditions dans lesquelles les ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur agréent les établissements autorisés à délivrer cette formation.
L’accès à cette formation est réservé aux titulaires d’un diplôme de niveau doctorat donnant le droit d’exercer la médecine en France ou d’un diplôme de niveau master dont la spécialité ou la mention est la psychologie ou la psychanalyse.
Le décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles les titulaires d’un diplôme de docteur en médecine, les personnes autorisées à faire usage du titre de psychologue dans les conditions définies par l’article 44 de la loi nº 85-772 du 25 juillet 1985 portant diverses dispositions d’ordre social et les psychanalystes régulièrement enregistrés dans les annuaires de leurs associations peuvent bénéficier d’une dispense totale ou partielle pour la formation en psychopathologie clinique.
Le décret en Conseil d’État précise également les dispositions transitoires dont peuvent bénéficier les professionnels justifiant d’au moins cinq ans de pratique de la psychothérapie à la date de publication du décret. »
Si la création de l’entreprise reste facile, l’obtention du titre de psychothérapeute devrait l’être un peu moins… Cela ne peut qu’être bénéfique à ceux qui pratiquent cette profession avec sérieux.
Un point du texte est tout de même étonnant : le fait qu’un doctorat en médecine permette d’accéder au même niveau de formation qu’un master, et non un doctorat, en psychologie ou en psychanalyse. Dépréciation du diplôme de docteur en médecine et de ses onze ans d’études et de stages à temps plein, souvent doublé d’un diplôme d’études spécialisées en psychiatrie, ou reconnaissance exceptionnelle des cinq années de formation au rythme universitaire de ces masters ? Sans parler des personnes non diplômées qui exercent la psychothérapie depuis tout juste cinq ans ; leur expérience est-elle jugée équivalente ? Il sera intéressant de voir qu’elles seront les mesures transitoires prévues dans le décret…

Réglementer pouvait s’avérer urgent, car avec la création du « ticket psy », présenté par la société qui le commercialise comme « un service pour les entreprises qui souhaitent contribuer au mieux-être psychologique de leurs salariés, dans le cadre de leur obligation de prévention des risques psychosociaux » et la très médiatique suspicion de harcèlement moral ou de souffrance psychologique au travail qui pèse sur les chefs d’entreprise, l’accès aux psychothérapeutes a lui aussi été facilité. À tel point que des services de médecine du travail se sont émus d’avoir vu la fréquence à laquelle ils étaient sollicités par des psychothérapeutes augmenter ces derniers temps alors qu’ils disposent de solutions alternatives de qualité à de telles pratiques.

 

Exercice illégal de la médecine et délégation d’actes

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Médecin complice d'exercice illégal de la médecineUn médecin qui délègue la réalisation d’un acte médical à un professionnel de santé à qui la loi ne reconnait pas la compétence de l’effectuer est complice d’exercice illégal de la médecine. Beaucoup de praticiens estiment que ce type de sanction n’est que théorique et que personne ne viendra leur reprocher d’avoir demandé oralement ou fait une ordonnance à un auxiliaire médical pour qu’il exécute un acte médical. Ils en sont d’autant plus persuadés qu’ils pensent qu’ils confient cette tâche à une personne dont ils sont convaincus qu’elle est en mesure de le réaliser. Un exemple ? L’ophtalmologiste qui envoie un patient faire adapter ses lentilles de contact chez l’opticien. Ou un stomatologue qui demande à une assistante dentaire qui travaille pour lui de procéder au détartrage des dents d’un patient, comme vient de le décider la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 16 décembre 2008 (no de pourvoi : 08-80453).

L’affaire jugée est d’autant plus intéressante que l’assistante dentaire est titulaire d’un diplôme de chirurgien-dentiste, mais d’un pays étranger ne permettant pas d’exercer en France, et d’un certificat de « parodontologie clinique et hygiène bucco-dentaire appliquée » délivré par une université parisienne. Malgré ces éléments qui peuvent laisser penser que l’accusée est capable de réaliser le détartrage des dents d’un patient, ce geste n’en est pas moins un acte médical et il a été réalisé à plusieurs reprises par l’assistante.
Autre point digne d’intérêt, la Cour a estimé qu’en agissant pour un médecin, l’infraction d’exercice illégal de la médecine était caractérisé et qu’il n’était pas question d’exercice illégal de la chirurgie dentaire.

Le médecin stomatologue n’ignorait pas que l’assistante dentaire n’était pas titulaire des diplômes reconnus par le droit français pour pratiquer un acte médical. Lui en ayant néanmoins confié la réalisation, la Cour a confirmé qu’il s’était bien rendu complice d’exercice illégal de la médecine.

C’est l’ordre des médecins qui a porté plainte dans cette affaire. Avait-il une dent contre le praticien ?

L’Afssaps manque d’experts

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Expert en santé en plein travailC’est dans le bilan 2007 du dispositif de gestion des conflits d’intérêts, mis en place par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) concernant les experts extérieurs auxquels elle est obligée de faire appel, que l’on peut trouver ce constat. Jean Marimbert, directeur général de cette institution, reconnaît que, suivant les spécialités ou les domaines pour lesquels l’Afssaps est habilitée à prendre des décisions, il est difficile de trouver des experts. Cela peut être ennuyeux, car les seules personnes compétentes travaillent bien souvent aussi pour l’industrie et que la gestion des conflits d’intérêts arrive, dans ces circonstances, à ses limites.

Pour Jean Marimbert, « les cumuls d’activités peuvent générer des conflits d’intérêts quand la nature et l’importance du lien d’un expert avec un opérateur est susceptible de jeter objectivement un doute sur l’impartialité du processus d’évaluation. […] L’Agence est confrontée à une difficulté pratique liée au nombre insuffisant d’experts dans certains domaines. […] Ce problème se pose notamment avec acuité dans le domaine des plantes, de l’homéopathie ou des produits biologiques et dans le secteur des dispositifs médicaux.
Par rapport aux besoins d’expertise de l’Agence, on constate également un trop faible nombre d’experts participant à l’évaluation de la sécurité et de la qualité pharmaceutique des produits – analystes, biologistes, galénistes, cinéticiens, pharmacognostes – ou dans les domaines cruciaux de la pharmacologie et de la toxicologie.
Le manque d’experts dans ces domaines peut provenir de la rareté objective de spécialistes de la discipline, de la difficulté à diffuser l’information pour atteindre un large éventail de spécialistes. Mais il traduit aussi l’insuffisante valorisation de l’expertise d’intérêt général en santé publique, notamment dans la gestion des carrières académiques et hospitalières. La prise en compte des travaux d’expertise dans la carrière professionnelle des experts notamment des praticiens hospitaliers et des chercheurs est amorcée depuis quelques années, mais elle nécessite notamment d’améliorer l’objectivation des travaux d’expertise pour qu’ils puissent davantage servir à cette valorisation dans les carrières ».

Ce document est important, car il montre qu’il existe une prise de conscience des limites de la gestion des conflits d’intérêts sous sa forme actuelle, basée sur du déclaratif et sur la confiance que l’on accorde à l’expert. Le plus intéressant est la volonté affichée du directeur général de l’Afssaps de communiquer à ce sujet, plutôt que de se réfugier dans un mutisme propre à accroître la suspicion. Il s’agit là d’une démarche courageuse qu’il convient de souligner et d’encourager.