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Santé, travail et indépendance médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Être indépendant...L’impartialité des médecins est depuis de nombreuses années un sujet sensible lorsqu’il est question de santé et de travail. Qu’il s’agisse de l’indépendance des praticiens de santé au travail vis-à-vis des entreprises pour lesquelles ils interviennent ou de la possible complaisance de certains médecins qui signent des arrêts maladie larga manu. Deux évolutions législatives relatives à ces sujets ont d’ailleurs amené le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) à faire des remarques et à émettre des recommandations à ce propos.

Personne n’ignore que la réforme des textes régissant la santé au travail est en cours de discussion et devrait déboucher sur une refonte de la loi. Lors de sa session plénière du 25 juin 2010, le CNOM s’est donc penché sur cette question et l’a mesuré à son aune. Un rapport présentant ses recommandations et intitulé La réforme de la santé au travail passée au crible de la déontologie médicale résume ces travaux.
Dès la première recommandation, c’est l’indépendance des médecins de santé au travail qui est abordée : « L’indépendance des médecins du travail ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail. Il ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. » Nouvelle remarque quelques lignes plus bas : « Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir le respect effectif de l’indépendance professionnelle du médecin du travail. Le législateur doit prendre toute mesure pour garantir la confidentialité absolue des données de santé à l’égard des employeurs dès lors que la consultation du DMP par le médecin du travail pourrait le conduire à en reporter des éléments dans le dossier médical de médecine du travail ». Il est, en effet, question que le médecin de santé au travail puisse accéder directement au DMP (dossier médical personnel : celui tenu par le médecin traitant ou les autres spécialistes auxquels l’employé fait appel dans sa sphère privée), d’où les craintes de certains : des employeurs indélicats pourraient tenter d’utiliser ces informations au mépris du secret médical et faire pression dans ce sens sur les médecins du travail. Pas seulement sur les praticiens d’ailleurs puisque qu’il est aussi question des employés dans le rapport du CNOM : « Tout comportement d’un employeur visant directement ou indirectement à faire pression auprès d’un salarié pour qu’il donne accès à son DMP doit être sévèrement puni. »

Deuxième évolution législative déjà consommée celle-là : la mise en place d’une nouvelle procédure visant à mieux contrôler les arrêts maladie des salariés du régime général et du régime agricole. Le décret n° 2010-957 du 24 août 2010 relatif au contrôle des arrêts de travail a fait réagir l’Ordre. Ce texte fixe les délais nécessaires à la mise en œuvre de deux dispositifs ayant pour objet de mieux contrôler les arrêts de travail dus à une maladie ou un accident.
Le premier dispositif concerne les salariés qui ont fait l’objet, pendant leur arrêt de travail, du contrôle d’un médecin mandaté par leur employeur. Lorsque ce médecin conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail, le médecin-conseil de l’assurance maladie peut demander à la caisse de suspendre les indemnités journalières. Le salarié dispose alors d’un délai de dix jours francs à compter de la notification de la décision de suspension des indemnités journalières pour demander à la caisse de sécurité sociale dont il relève un examen de sa situation par le médecin-conseil. Ce dernier doit se prononcer dans un délai de quatre jours francs à compter de la saisine du salarié.
Le second dispositif prévoit que tout arrêt de travail prescrit dans les dix jours francs suivant une décision de suspension des indemnités journalières est soumis à l’avis du médecin-conseil de l’assurance maladie qui dispose d’un délai de quatre jours francs pour se prononcer.
Le CNOM conteste ce décret d’application relatif à la loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 de financement de la sécurité sociale pour 2010. Pour l’Ordre, ce texte veut dire que le service médical de l’assurance maladie peut demander la suspension du versement des indemnités journalières de l’assurance maladie sur la seule base d’un contrôle effectué par un médecin mandaté par l’employeur. L’examen de l’assuré par le médecin-conseil n’est plus obligatoire, il se borne alors à valider l’avis du médecin contrôleur patronal.
En relisant les débats parlementaires, l’esprit de la loi semble être respecté par ce décret. En effet, pour venir en aide à un système de contrôle institutionnel vraisemblablement débordé et dans un souci d’économies, le législateur a mis en place un système faisant appel à un médecin privé, mandaté par l’employeur qui rend normalement un avis en toute indépendance. Dans ces conditions, pourquoi suspecter cet avis et refuser qu’il soit utilisé par un confrère, fut-il médecin-conseil ? Parce qu’il s’agit d’un médecin contrôleur “patronal” ?
Le CNOM s’insurge aussi contre l’une des dispositions de ce texte qui, selon lui, « jette une suspicion inacceptable sur la justification médicale de l’arrêt de travail qui est présumé avoir été prescrit par simple complaisance ». S’il est scandaleux de présumer qu’un médecin qui donne un arrêt maladie peut agir par complaisance, en quoi est-ce légitime de soupçonner un médecin contrôleur patronal de rendre un avis partial ? Et si cet avis est indépendant, pourquoi ne pourrait-il pas être utilisé par le service de contrôle de l’assurance-maladie pour suspendre les indemnités journalières ? La Sécurité sociale ne se fonde-t-elle pas chaque jour sur l’avis de médecins extérieurs à ses services pour accorder ou refuser des prestations aux assurés sociaux ? L’article 69 du code de déontologie médicale précisant que « L’exercice de la médecine est personnel ; chaque médecin est responsable de ses décisions et de ses actes » ne doit-il s’appliquer que quand il est question de refus ?

Plus que l’indépendance de tous les médecins, c’est celle des praticiens payés par une entreprise qui semble poser problème. Mais, en dehors de tout aspect idéologique, doit-il vraiment exister une suspicion légitime à l’égard des médecins de santé au travail ou des praticiens contrôleurs “patronaux” ?

Certificat médical et divorce

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Rupture et divorceOn ne compte plus, chaque année, le nombre de médecins mis en cause pour avoir rédigé un certificat médical, tout particulièrement lorsque ce document va être utilisé par un patient ou par son avocat dans une procédure de divorce. Cet acte, qui paraît souvent anodin au praticien, engage pourtant sa responsabilité au même titre qu’un acte diagnostic ou thérapeutique.

La section du contentieux du Conseil d’État, dans une décision du 26 mai 2010 (requête n° 322128), résume bien ce qui caractérise le médecin imprudent.

En août 2006, un généraliste du sud-est de la France remet à la mère d’un jeune garçon de quatorze ans qu’il vient d’examiner un certificat médical dans lequel il constate que cet adolescent présente des troubles psychosomatiques. Alors que les parents sont en instance de divorce, ce même praticien un mois plus tard délivre « un second certificat médical présentant ces troubles comme en rapport avec des problèmes relationnels avec son père et prescrivant qu’il ne se rende pas chez ce dernier pendant un mois, sans invoquer d’éléments nouveaux et sans avoir eu de contact avec le père ». Réaction immédiate du père qui demande au conseil de l’ordre dont dépend le praticien une sanction à l’égard de ce dernier. Après la procédure habituelle, le médecin se voit infliger un blâme. Cette peine, contestée par le généraliste, ayant été confirmée par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, il a formulé une requête devant le Conseil d’État.

Pour la section du contentieux, « en jugeant qu’en ne se bornant pas à relater les constatations médicales qu’il avait pu effectuer sur son patient et en mettant en cause la responsabilité du père, le Dr B s’est immiscé dans les affaires de famille et a établi un certificat tendancieux, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins n’a pas entaché sa décision d’erreur de qualification juridique au regard » de l’article R 4127-28 du code de la santé publique (art. 28 du code de déontologie) qui précise que « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite » et de l’article R 4127-51 du même code (art. 51 du code de déontologie) disant que « Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».

Un certificat médical doit être basé sur un examen clinique réalisé par le médecin lui-même et préciser la date à laquelle cet examen a eu lieu si le praticien ne veut pas voir sa responsabilité engagée. Revoir son diagnostic a posteriori sans nouvel examen ou sans élément nouveau et délivrer un autre certificat à cette occasion est une faute, surtout quand une tierce personne est mise en cause par cet acte. Lorsqu’il est question de divorce, le médecin doit être particulièrement prudent et son ressenti ne doit pas influencer ses actes s’il veut continuer à exercer en toute sérénité.