Articles tagués ‘condamnation’

Moins de médecins devant les tribunaux qu’il y a dix ans

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Evolution

poupée vaudou et courbe statistique

La judiciarisation croissante de la santé est une idée reçue : c’est ce que vient de prouver une étude d’Anne Laude, de Jessica Pariente et de Didier Tabuteau, membres de l’Institut droit et santé (IDS) dépendant de l’université Paris Descartes, publiée sous la forme d’un ouvrage intitulé La judiciarisation de la santé aux éditions Éditions de santé.

L’ordre national des pharmaciens condamné par la Commission européenne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Analyses de biologie médicaleC’est pour des restrictions à la concurrence sur le marché français des analyses médicales que la Commission européenne a condamné le 8 décembre 2010 l’ordre national des pharmaciens (ONP). Supervisant à la fois les officines et les laboratoires d’analyses de biologie médicale tenus par des pharmaciens, l’ONP a pris des décisions visant systématiquement des entreprises associées à des groupes de laboratoires avec l’objectif d’entraver leur développement sur le marché français et de ralentir ou d’empêcher des acquisitions et des modifications statutaires ou au capital de ces entreprises. Alors qu’elles auraient débuté fin 2003, ces pratiques ne semblent pas avoir cessé à ce jour, selon la Commission.

« Par ailleurs, entre septembre 2004 et septembre 2007, l’ONP a pris des décisions visant à imposer des prix minimums, notamment au détriment d’hôpitaux publics et d’organismes d’assurance santé publics, en cherchant à interdire les remises supérieures à 10 % sur les prix publics octroyées par des entreprises privées dans le cadre de contrats. Il a été constaté que pendant la période de l’enquête les prix de tests d’analyse de biologie médicale parmi les plus fréquents étaient jusqu’à deux à trois fois plus élevés en France que dans d’autres États membres. » C’est ce qu’indique le communiqué de la Commission européenne (référence IP/10/1683).

C’est un groupe leader en Europe dans le domaine des analyses de biologie médicale, présent dans six des vingt-sept pays membres de l’Union, qui a porté plainte en octobre 2007 auprès de la Commission européenne. Après une enquête et même une inspection au siège de l’ONP, la responsabilité de cette dernière a bien été retenue. En menaçant de sanctions disciplinaires les pharmaciens biologistes refusant de se plier à ses injonctions, l’Ordre a outrepassé ses fonctions et a protégé les intérêts de certains de ses membres. Pour Joaquìn Almunia, vice-président de la Commission en charge de la politique de concurrence, « une association qui représente et défend des intérêts privés ne peut pas se substituer à l’État pour édicter ses propres règles, en limitant la concurrence par les prix là où l’État avait entendu la maintenir et entravant le développement d’entreprises sur le marché au-delà de ce qui est prévu par la loi ». Or, pour la Commission, l’ONP doit bien être considérée comme une association d’entreprises au sens du droit européen de la concurrence, car certains de ses membres exercent une activité économique. De plus, les instances dirigeantes de l’ONP disposent d’une autonomie décisionnelle qui fait que c’est son comportement qui a été sanctionné et non la façon dont le marché français des analyses de biologie médicale est organisé par les dispositions légales.

C’est la première fois que la Commission européenne impose une amende à une association d’entreprises en invoquant la possible responsabilité financière des entreprises des membres dirigeants. En conséquence, l’amende s’élève à cinq millions d’euros. L’Ordre n’en est pas au bout de ses peines puisque d’autres actions en réparation peuvent être intentées contre lui. « Toute personne ou entreprise lésée par des pratiques anticoncurrentielles telles que celles qui sont décrites ci-dessus peut porter l’affaire devant les tribunaux des États membres pour obtenir des dommages et intérêts. La jurisprudence de la Cour et le règlement (CE) nº 1/2003 du Conseil confirment que, dans les affaires portées devant les juridictions nationales, une décision de la Commission constitue une preuve contraignante de l’existence et du caractère illicite des pratiques en cause. Même si la Commission a infligé une amende à l’association d’entreprise et ses organes dirigeants considérés, des dommages et intérêts peuvent être accordés sans que le montant en soit réduit en raison de l’amende infligée par la Commission. »
Voilà qui pourrait donc coûter très cher à l’ONP. Cinq millions d’euros représentent, en effet, six mois de salaires et traitements de cet organisme. Si à cette somme viennent s’ajouter d’autres condamnations, l’Ordre des pharmaciens va devoir mobiliser une partie de ses ressources pour y faire face.

Tout ceci est d’autant plus étonnant qu’au sein du conseil national des pharmaciens siègent deux représentants des ministères et un conseiller d’État.

La médecine traditionnelle chinoise en accusation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La médecine traditionnelle chinoise en questionPourquoi, en France, ne laisse-t-on pas tranquille ceux qui désirent pratiquer la médecine traditionnelle chinoise et pourquoi les règles de la médecine “classique” leur sont-elles imposées ? Il s’agit là de questions que beaucoup d’adeptes de ces pratiques se posent. Un début de réponse se trouve peut-être dans l’affaire qui a été jugée à la mi-février 2010 par la Old Baley, la Haute Cour criminelle anglaise.

En 2003, une femme souffrant d’une affection bénigne de la peau fait appel à Susan Wu, pratiquant la médecine traditionnelle chinoise au « Chinese Herbal Medical Center » de Chelmsford, dans le comté de l’Essex. Elle lui prescrit et lui vend alors un remède traditionnel : des comprimés de Longdan Xie Gan Wan, une décoction de gentiane. La “patiente” prend ce traitement durant cinq ans, persuadée de ses bienfaits, lorsqu’elle est victime d’une crise cardiaque et que l’on découvre qu’elle souffre d’un cancer et d’une insuffisance rénale qui l’oblige à être dialysée trois fois par semaine.
Il ne faudra pas longtemps aux praticiens exerçant la médecine “occidentale” pour mettre en cause le remède, ce qui sera confirmé par la Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency (MHRA), l’équivalent de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Ce produit contenait de l’acide aristolochique, venant d’une plante de la famille des aristolochia, connu pour ses propriétés toxiques et cancérigènes, dont l’usage est interdit au Royaume-Uni.

Pour la MHRA, cette affaire prouve les dangers très graves qui peuvent être associés aux produits présumés “naturels” et explique pourquoi Susan Wu a été condamnée à l’équivalent de deux années de prison avec sursis (conditional discharge) après avoir plaidé coupable.
« Ce n’est pas parce qu’un produit est à base de plantes ou qu’il est prétendument naturel qu’il est pour autant inoffensif », a expliqué l’Agence. Elle insiste aussi sur le fait que certains médicaments traditionnels chinois, comme d’autres préparations à base de plantes, peuvent présenter des risques graves pour la santé de ceux qui les utilisent.
La MHRA recommande à ses concitoyens de ne pas acheter ou consommer des produits qui ne sont pas étiquetés en anglais et souligne le fait que, même si un produit est étiqueté dans la langue de Shakespeare, ce n’est pas une garantie de sécurité ou de bonne qualité.

Cet exemple n’affirme en rien la supériorité de la médecine occidentale sur la médecine traditionnelle chinoise, mais il pourrait en partie expliquer pourquoi certains législateurs tiennent à ce que l’exercice de toutes les médecines fasse l’objet de la même réglementation.

L’interdiction de la publicité pour le tabac n’est pas une atteinte aux libertés individuelles

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La publicité indirecte pour le tabac met en danger la santé publiqueL’Observatoire du droit européen publie une veille bimestrielle de droit européen dont certains éléments sont repris dans le bulletin d’information de la Cour de cassation. C’est dans le numéro 700 de ce dernier, publié le 15 avril 2009, qu’il est fait mention d’une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme ayant trait à la publicité pour le tabac et datant du 5 mars 2009. Une société de presse, éditrice d’un magazine automobile, avait publié des photographies prises lors d’un grand prix de Formule 1 sur lesquelles il était possible de voir le vainqueur de la course. Sur ces images, figuraient à plusieurs endroits les logos de sponsors qui n’étaient autres que des marques de tabac. C’est pour cette raison que la société éditrice et son directeur de la publication à l’époque des faits ont été condamnés en France pour violation du texte interdisant ce type de publicité pour le tabac conformément à la législation issue de la loi no 91‑32 du 10 janvier 1991, dite loi Evin. Mécontentes de cette décision, les parties condamnées ont choisi de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme pour violation de leur droit à la liberté d’expression et non-respect de l’interdiction de discrimination.

Le droit à la liberté d’expression est prévu à l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, alors que l’interdiction de discrimination fait l’objet de son article 14. Concernant l’article 10, si la Cour reconnaît une ingérence dans le droit à la liberté d’expression de la société de presse et de son directeur de la publication, elle constate que cette ingérence était prévue par la loi française et qu’elle avait pour but légitime la protection de la santé publique, par la lutte contre le tabagisme. Les photographies ayant bien eu pour but de faire de la publicité pour les sponsors et d’inciter à la consommation, les condamnations infligées ne violent pas le droit à la liberté d’expression, d’autant qu’il était possible de flouter les logos sur les images incriminées avant leur parution. Si les médias audiovisuels jouissent d’une exception à l’interdiction de la publicité indirecte en faveur des produits du tabac pour une retransmission en temps réel d’une course, en raison de l’absence de solutions techniques permettant de rendre floues les images en direct, les solutions pour traiter des photographies avant publication existent. C’est pour cette raison que la Cour européenne des droits de l’Homme a estimé qu’il n’y avait pas violation de l’article 14 de la Convention puisque les situations des médias audiovisuels et des médias de presse écrite ne sont pas comparables.

Tout cela semble indiquer que le tabac ne pourra plus jamais avoir une bonne image.