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Des recommandations de bonnes pratiques médicales contradictoires

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les recommandations de bonne pratique médicale sont très critiquables.Tout être censé pourrait croire que des recommandations de bonnes pratiques médicales, devenues opposables en justice et validées par la plus haute autorité en santé du pays, font l’unanimité. Quoi de plus simple pour les médecins que de suivre benoitement ces recommandations sans avoir besoin de réfléchir et sans avoir l’impression d’être manipulés pour réaliser des économies de santé. Sans compter la facilité qu’accordent ces textes à tous ceux à qui l’on décide de déléguer des tâches, ils n’ont qu’à appliquer des protocoles pour générer encore plus d’économies de santé, puisque le médecin n’intervient plus. La médecine économique rend les choses simples. Soigner un patient semble l’être beaucoup moins puisqu’il peut exister des recommandations contradictoires d’un pays à l’autre, voire même au sein d’une même nation…

Le British medical journal (BMJ) a publié un article intitulé What should clinicians do when faced with conflicting recommendations? qui liste différentes études montrant à quel point les recommandations peuvent être différentes d’un pays à l’autre et ce pour de bonnes et de mauvaises raisons, selon l’éditorial du BMJ. Au nombre des bonnes figurent des avis différents sur les éléments qui sont à la base des recommandations, en toute bonne foi (appréciation des biais, choix des sources, potentiels effets secondaires, etc.). Parmi les mauvaises, on peut compter la mauvaise évaluation ou l’omission des études disponibles, l’absence d’analyse critique, le poids donné à l’aspect économique, etc. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, comme le BMJ, insiste aussi sur les conflits d’intérêt qui peuvent influencer les experts travaillant à ces textes. Devenues opposables, le médecin ne peut pas se contenter d’ignorer ces recommandations, il doit les subir tout en étant persuadé de ne pas apporter au patient la qualité de soins qu’il s’engage à lui fournir.

Que les médecins acceptent de suivre des recommandations de bonnes pratiques établies par d’autres praticiens, habitués à la clinque et ayant l’expérience du terrain, paraît logique. Les médecins sont favorables et même demandeurs de ce type de guide, tout en étant conscients que chaque patient est unique et qu’il convient de les adapter en fonction des antécédents, de l’examen clinique et des résultats des examens complémentaires qui forment une combinaison propre à chaque cas. Nier cette évidence en condamnant des professionnels de santé pour ne pas avoir respecté des « recommandations » relève d’une politique économique irréfléchie, très loin d’une bonne pratique puisque les recommandations sont critiquables à bien des égards.

Médecins et conflits d’intérêts

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

transparenceIl a fallu cinq ans entre la promulgation de l’article  L 4113-13 du code de la santé publique, institué par la loi du 4 mars 2002, disposant que »les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits. » et la publication du décret fixant les conditions d’application du présent article. Pourquoi un délai aussi long entre ces deux textes et pourquoi une telle difficulté à ce qu’ils s’appliquent ?
C’est le 28 mars 2007 qu’a été publié au Journal officiel le décret no 2007-454 du 25 mars 2007, repris à l’article R 4113-110 du code de la santé publique, stipulant que « l’information du public sur l’existence de liens directs ou indirects entre les professionnels de santé et des entreprises ou établissements mentionnés à l’article L 4113-13 est faite, à l’occasion de la présentation de ce professionnel, soit de façon écrite lorsqu’il s’agit d’un article destiné à la presse écrite ou diffusé sur internet, soit de façon écrite ou orale au début de son intervention, lorsqu’il s’agit d’une manifestation publique ou d’une communication réalisée pour la presse audiovisuelle. »
 
Force est de constater que plus d’un an après, la majorité des médecins communiquant dans des manifestations publiques ou dans la presse audiovisuelle est loin de respecter ces obligations. Même lorsqu’il sagit de formation médicale continue, ces règles sont négligées.
Il peut y avoir deux raisons à cela :
– les médecins qui travaillent pour l’industrie n’ont pas toujours envie que cela se sache. Ce n’est pas pour autant qu’ils trahissent leur serment d’Hipocrate ou qu’ils ne relatent que les aspects les plus favorables d’un produit, mais ils craignent d’être jugés par leurs confrères. Qui dit liens avec l’industrie, dit financement sous une forme ou sous une autre et la profession médicale a encore beaucoup de mal à assumer ses rapports à l’argent, d’où ce sentiment de culpabilité ;
– ceux qui n’ont aucun conflit d’intérêts trouvent cela tellement évident qu’il ne leur vient pas à l’idée de le déclarer.
Il en existe certainement de nombreuses autres…

Peu importe que des sanctions, prononcées par l’ordre professionnel compétent, soient prévues à l’article L 4113-13, il est bien rare qu’elles soient prises à l’encontre d’un praticien. Il n’existe pas de contrôle dans ce domaine. Faut-il le regretter ? Si des peines étaient prononcées, n’encourageraient-elles pas ces professionnels à dissimuler encore un peu plus leurs rapports éventuels avec l’industrie ?

Rien n’est fait actuellement pour que la transparence s’installe. En pointant systématiquement du doigt les professions médicales lorsque l’on parle de déficits et d’abus, comment espérer qu’elles acceptent de jouer le jeu ? C’est à une révolution des mentalités que va devoir se plier le monde médical pour que ces dispositions soient systématiquement appliquées. Avec lui, c’est toute la société française qui doit évoluer vers la transparence et vers l’idée que le travail du médecin que ce soit pour l’industrie ou au service du patient doit être récompensé à sa juste valeur. Les Anglo-saxons ont compris depuis longtemps qu’être bien rémunéré pour un travail n’est pas honteux et ne veut pas dire être acheté…