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Travail, grossesse et licenciement

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La grossesse protège du licenciementEn matière de grossesse et de licenciement, la Cour de cassation vient régulièrement rappeler que les procédures sont strictes et que l’employeur doit faire preuve de la plus grande rigueur lorsqu’il est amené à se séparer d’une employée. Dans une décision du 21 janvier 2009 (no de pourvoi 07-41841), parue au Bulletin d’information de la Cour de cassation no 703 du 1er juin 2009, la chambre sociale insiste sur le fait que tous les motifs exigés par la loi, justifiant la rupture du contrat, doivent impérativement être mentionnés dans la lettre de licenciement lorsqu’elle est adressée à une salariée enceinte.

« En vertu de l’article L. 122-14-2, alinéa premier, devenu L. 1232-6, du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer le ou les motifs de licenciement dans la lettre de licenciement et, en application de l’article L. 122-25-2, alinéa premier, devenu L. 225-4, du même code, l’employeur ne peut résilier le contrat de travail d’une salariée en état de grossesse médicalement constatée que s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée non liée à cet état ou de l’impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, à l’accouchement ou à l’adoption, de maintenir le contrat.
La cour d’appel ayant constaté que la lettre de licenciement ne mentionnait pas l’un des motifs exigés par le second de ces textes en a exactement déduit que le licenciement était nul. »

Il convient de rappeler que les législations, tant européenne que française, vont très loin dans ce domaine puisque même le licenciement et la fécondation in vitro peuvent être concernés et que même une grossesse intervenant après le licenciement peut être prise en compte. On ne badine pas avec la maternité.

Rien n’interdit à un pays de l’Union européenne de réserver les officines aux seuls pharmaciens

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Le profit n'est pas ce qui prime pour les pharmaciensLa cour de justice des communautés européennes (CJCE) a rendu, le 19 mai 2009, des décisions favorables aux pharmaciens pour ce qui est de savoir si un pays de l’Union pouvait réserver la détention et l’exploitation d’une pharmacie aux seuls pharmaciens.

Il est intéressant de noter que c’est sur la sécurité et la qualité que repose la décision de la cour. « Les législations italienne et allemande prévoyant une telle règle sont justifiées par l’objectif visant à garantir un approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité ». Plutôt que de céder à la pression commerciale qui avait poussé le Land de la Sarre à autoriser une société anonyme néerlandaise à exploiter une pharmacie à Sarrebruck, la CJCE a choisi de privilégier la santé publique.

Les dispositions du traité européen relatives à la liberté d’établissement ne s’opposent donc pas aux législations nationales réservant les officines aux seuls pharmaciens. Certes, dans les arrêts, la cour relève que l’exclusion des non-pharmaciens de la possibilité d’exploiter une pharmacie ou d’acquérir des participations dans des sociétés d’exploitation de pharmacies constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux, mais la sécurité et la qualité de l’approvisionnement en médicaments de la population priment cette restriction. Le raisonnement de la cour est expliqué dans le communiqué que les services de la CJCE ont fait paraître. « Lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à l’importance de risques pour la santé des personnes, il importe que l’État membre puisse prendre des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité de ces risques soit pleinement démontrée. En outre, l’État membre peut prendre les mesures qui réduisent, autant que possible, un risque pour la santé publique, y compris, plus précisément, un risque pour l’approvisionnement en médicaments de la population sûr et de qualité.
Dans ce contexte, la Cour souligne le caractère très particulier des médicaments, les effets thérapeutiques de ceux-ci les distinguant substantiellement des autres marchandises.
Ces effets thérapeutiques ont pour conséquence que, si les médicaments sont consommés sans nécessité ou de manière incorrecte, ils peuvent gravement nuire à la santé, sans que le patient soit en mesure d’en prendre conscience lors de leur administration.
Une surconsommation ou une utilisation incorrecte de médicaments entraîne, en outre, un gaspillage de ressources financières qui est d’autant plus dommageable que le secteur pharmaceutique engendre des coûts considérables et doit répondre à des besoins croissants, tandis que les ressources financières pouvant être consacrées aux soins de santé ne sont, quel que soit le mode de financement utilisé, pas illimitées.
Compte tenu de la faculté reconnue aux États membres de décider du niveau de protection de la santé publique, ces derniers peuvent exiger que les médicaments soient distribués par des pharmaciens jouissant d’une indépendance professionnelle réelle. »

Que les apothicaires fassent du commerce n’y change rien. La CJCE estime que les pharmaciens ne sont pas des commerçants comme les autres et qu’il n’exerce pas son métier dans le seul but de faire des bénéfices. La cour met en avant la formation, l’expérience professionnelle et la responsabilité de ces professionnels de santé. L’éthique s’invite ainsi dans les réflexions de la CJCE. Pour un pharmacien, la légitime recherche du profit est contrebalancée par les règles légales et déontologiques auxquelles il est soumis. Ces éléments offrent des garanties aux citoyens

De telles décisions contrastent fortement avec certaines politiques nationales, ou avec les discours de complémentaires santé pensant surtout aux profits de leurs actionnaires, fustigeant les médecins, les dentistes ou les pharmaciens. La CJCE fait confiance aux professionnels de santé soumis à un code de déontologie pour prendre conscience des risques qu’ils encourent en privilégiant le lucre à l’éthique. Elle reconnaît la valeur ajoutée liée à la formation et à l’expérience dans le domaine de la santé. La Cour comprend qu’un État puisse estimes que les équivalents dans l’univers du commerce n’offrent pas les mêmes garanties à la population. Elle trouve tout aussi légitime l’idée qu’un professionnel de santé tel que le pharmacien puisse perdre de son indépendance s’il dépend financièrement d’un organisme unique, comme cela peut être le cas d’un salarié.

Pour la cour de justice des communautés européennes, « les libertés d’établissement et de circulation des capitaux ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui empêche des personnes n’ayant pas la qualité de pharmaciens de détenir et d’exploiter des pharmacies ». En fonction de l’évolution des législations nationales, les citoyens européens peuvent maintenant savoir si leur pays privilégie la santé publique ou le commerce…

Vaccin contre l’hépatite B et sclérose en plaques : le Conseil d’État dit oui

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Hépatite B, vaccin et sclérose en plaquesAlors que le calendrier vaccinal vient d’affirmer qu’il n’y avait pas de lien entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques, le Conseil d’État maintient sa jurisprudence de 2007 (décision no 267635), selon laquelle « le lien direct entre la vaccination contre l’hépatite B et la sclérose en plaques doit être regardé comme établi lorsque la maladie apparaît dans un bref délai à la suite de l’injection du vaccin alors que le patient était en bonne santé et ne présentait aucun antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination » pour un agent du secteur public.

Dans une décision du 10 avril 2009 (no 296630), le Conseil d’État confirme que « Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert commis au titre du règlement amiable, que Mme A n’a présenté aucun antécédent de la sclérose en plaques avant de recevoir les trois premières injections du vaccin les 27 juillet, 9 septembre et 19 octobre 1988 ; que les premiers symptômes de l’affection ultérieurement diagnostiquée qui aient fait l’objet de constatations cliniques ont été ressentis dès les mois de novembre et décembre 1988, soit dans un bref délai après la troisième injection ; que dans ces conditions, l’affection doit être regardée comme imputable à la vaccination ; qu’il revient dès lors à l’État, en application des dispositions précitées, de réparer les dommages subis par Mme A du fait de cette affection ».

Le Conseil d’État ne donne, bien entendu, pas un avis scientifique. Il constate que la sclérose en plaques a été imputée au vaccin par la cour, suivant l’avis de l’expert. Cette décision montre bien qu’il faut tenir compte des délais entre l’expertise, le jugement et le passage devant le Conseil d’État. La justice suit l’avis de l’expert jusqu’au bout de la procédure, même si l’on sait que cet avis, au cours de ce lent processus, peut évoluer, au point de s’inverser, en fonction de la progression des connaissances scientifiques.

L’interdiction de la publicité pour le tabac n’est pas une atteinte aux libertés individuelles

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La publicité indirecte pour le tabac met en danger la santé publiqueL’Observatoire du droit européen publie une veille bimestrielle de droit européen dont certains éléments sont repris dans le bulletin d’information de la Cour de cassation. C’est dans le numéro 700 de ce dernier, publié le 15 avril 2009, qu’il est fait mention d’une décision de la Cour européenne des droits de l’Homme ayant trait à la publicité pour le tabac et datant du 5 mars 2009. Une société de presse, éditrice d’un magazine automobile, avait publié des photographies prises lors d’un grand prix de Formule 1 sur lesquelles il était possible de voir le vainqueur de la course. Sur ces images, figuraient à plusieurs endroits les logos de sponsors qui n’étaient autres que des marques de tabac. C’est pour cette raison que la société éditrice et son directeur de la publication à l’époque des faits ont été condamnés en France pour violation du texte interdisant ce type de publicité pour le tabac conformément à la législation issue de la loi no 91‑32 du 10 janvier 1991, dite loi Evin. Mécontentes de cette décision, les parties condamnées ont choisi de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’Homme pour violation de leur droit à la liberté d’expression et non-respect de l’interdiction de discrimination.

Le droit à la liberté d’expression est prévu à l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, alors que l’interdiction de discrimination fait l’objet de son article 14. Concernant l’article 10, si la Cour reconnaît une ingérence dans le droit à la liberté d’expression de la société de presse et de son directeur de la publication, elle constate que cette ingérence était prévue par la loi française et qu’elle avait pour but légitime la protection de la santé publique, par la lutte contre le tabagisme. Les photographies ayant bien eu pour but de faire de la publicité pour les sponsors et d’inciter à la consommation, les condamnations infligées ne violent pas le droit à la liberté d’expression, d’autant qu’il était possible de flouter les logos sur les images incriminées avant leur parution. Si les médias audiovisuels jouissent d’une exception à l’interdiction de la publicité indirecte en faveur des produits du tabac pour une retransmission en temps réel d’une course, en raison de l’absence de solutions techniques permettant de rendre floues les images en direct, les solutions pour traiter des photographies avant publication existent. C’est pour cette raison que la Cour européenne des droits de l’Homme a estimé qu’il n’y avait pas violation de l’article 14 de la Convention puisque les situations des médias audiovisuels et des médias de presse écrite ne sont pas comparables.

Tout cela semble indiquer que le tabac ne pourra plus jamais avoir une bonne image.

La fiabilité des experts médicaux discutée au Royaume-Uni

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Difficile équilibre entre avis du médecin expert et réalité des faits en justiceL’Angleterre et le Pays de Galles réfléchissent à l’opportunité pour leurs juges de devoir s’assurer de la fiabilité des preuves basées sur l’avis des experts avant qu’une affaire ne passe devant la cour. Selon un article publié dans le British Medical Journal, le 9 avril 2009, intitulé Expert evidence should be reliability tested, says law reform body, plusieurs affaires récentes montreraient qu’il existe un problème qu’il est urgent de régler à ce sujet. Les expertises seraient admises trop facilement ce qui pourrait être à l’origine d’acquittements ou de condamnations injustifiés.

Afin d’actualiser la loi, une commission a été mise en place pour faire des propositions au gouvernement. Les juges pourraient recevoir des recommandations sur la façon d’évaluer la fiabilité des expertises. La preuve devra être fondée sur des principes, des techniques et des hypothèses solides et les experts devront pouvoir les justifier. Pour cette commission, les juges et les jeunes avocats devraient être formés pour réagir si les experts sortent de leur domaine de compétences, émettent des avis basés sur des hypothèses non fondées ou présentent des preuves d’une façon inappropriée. Des expertises d’une fiabilité douteuse font foi devant les tribunaux sans que les avocats de la défense s’y opposent avec virulence et les jurys en tiennent malheureusement compte pour l’issue du procès.

Les exemples d’expertises douteuses ayant entraîné une condamnation ne manquent pas : Sally Clarke et Angela Cannings — toutes deux condamnées en première instance pour avoir tué leur bébé et qui ont été innocenté en appel — ou des affaires dans lesquelles des parents ont été condamnés pour avoir « secoué » leur bébé. Dans l’affaire Clarke, un pédiatre a pu témoigner sur un sujet qui ne relevait pas de son domaine de compétences et donner une appréciation dénuée de fondement et mensongère sur la probabilité de décès multiples d’enfants au sein d’une même famille. Ses propos n’ont fait l’objet d’aucune vérification afin de s’assurer que ce témoignage était suffisamment fiable pour être entendu par le jury.
Quatre affaires de bébé secoué, plaidées en appel, ont remis en cause la façon dont le corps médical déduisait qu’une blessure à la tête était non-accidentelle. La cour a prouvé que dans de rares cas les blessures pouvaient résulter d’une chute sans gravité ou de gestes non violents, contrairement à ce qu’avaient affirmé les experts.

Pour le responsable de la commission en charge des propositions visant à faire évoluer la loi, les expertises, en particulier les preuves scientifiques, peuvent avoir une grande influence sur un jury. Il est donc indispensable que ces témoignages ne lui soient livrés que s’ils reposent sur une base solide permettant d’apprécier l’innocence ou la culpabilité d’un accusé. Les tribunaux doivent pouvoir s’assurer de la crédibilité d’une expertise avant d’en user.
La commission a fait des propositions dans ce sens et souhaite recueillir l’avis des experts et des scientifiques à ce sujet. Un forum de discussion sur Internet, traitant de la recevabilité des expertises dans les procédures criminelles en Angleterre et au Pays de Galles, a été ouvert à cet effet : www.lawcom.gov.uk/expert_evidence.htm.

La France n’est donc pas la seule à s’interroger sur le rôle des experts médicaux au sein des procédures judiciaires. L’article du British Medical Journal, écrit par Clare Dyer, montre que même un pays ayant un système juridique différent de celui de l’Hexagone peine à apprécier la valeur probante d’une expertise basée sur une science inexacte comme l’est la médecine et sur la subjectivité consciente ou non de l’avis d’un expert. Deux experts en arrivent rarement à des conclusions strictement identiques. Il est peut-être temps de réfléchir à une nouvelle approche de l’expertise médicale judiciaire avec, pourquoi pas, un avis obtenu dans certains cas avec des outils basés sur le Web 2.0 ?

Les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires sont des données personnelles

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulairesSelon un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) du 8 décembre 2008 (requêtes nos 30562/04 et 30566/04), les empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires sont des données personnelles au sens de la Convention sur la protection des données. Cette convention du Conseil de l’Europe de 1981 pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel définit les « données à caractère personnel » comme toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable.

C’est en partant du constat que « la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données indique que l’objet des législations nationales relatives au traitement des données à caractère personnel est d’assurer le respect notamment du droit à la vie privée reconnu également à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et dans les principes généraux du droit communautaire » et que « cette directive énonce un certain nombre de principes qui précisent et amplifient ceux contenus dans la Convention sur la protection des données du Conseil de l’Europe », que la CEDH a donné raison à deux citoyens anglais qui avaient demandés à ce que leurs empreintes digitales, les profils ADN et les échantillons cellulaires soient effacés des fichiers de la police après que l’un des deux ait bénéficié d’un acquittement et l’autre d’une décision de classement sans suite, des poursuites pénales dont ils faisaient l’objet. Les accusés devenus plaignants avaient été poursuivis initialement pour vol avec violence pour le premier et harcèlement à l’égard de sa compagne pour le second.

Pour la cour européenne des droits de l’homme, l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales a bien été violé en refusant à ces citoyens le droit de voir ces données personnelles détruites. Cet article 8 régit le droit au respect de la vie privée et familiale et stipule que « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
Pour la Cour si un État ne respecte pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu, il outrepasse ses droits. Selon la CEDH, la conservation litigieuse des empreintes digitales, des profils ADN et des échantillons cellulaires de personnes non condamnées s’analyse en une atteinte disproportionnée au droit des citoyens au respect de leur vie privée et ne peut passer pour nécessaire dans une société démocratique.

Cet arrêt ne remet pas en cause la légitimité de la conservation des données de ce type pour les personnes condamnées ou servant à confondre des criminels à l’occasion d’affaires non élucidées depuis plusieurs années. Il s’agit néanmoins d’un élément important dont les pouvoirs publics français vont devoir tenir compte dans leur légitime volonté de mettre en place de nouveaux fichiers pour lutter contre la délinquance et le crime.

Prisonnier et régime alimentaire

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Régimes alimentaire et carcéralOn est très loin de l’eau et du pain sec dans les prisons européennes du XXIe siècle. Malgré tout, c’est le régime alimentaire qui vient de porter un coup au régime pénitentiaire. Un prisonnier bulgare diabétique, mis en détention pour avoir proféré des menaces de mort à l’encontre de trois personnes, vient de faire condamner son pays par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) pour ne pas avoir pu disposer d’un régime alimentaire adapté à son état de santé. Ce n’est pas la seule chose dont cet homme se soit plaint puisqu’il a été démontré que des médicaments périmés lui ont été fournis pour se soigner.

Le 8 janvier 2009, la cinquième section de la CEDH (requête no 37449/02) a décidé que ce type de comportement à l’égard d’une personne incarcérée violait l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme qui stipule que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » La Cour rappelle que le troisième rapport général du comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants précise que « Le service de santé pénitentiaire doit être en mesure d’assurer les traitements médicaux et les soins infirmiers, ainsi que les régimes alimentaires, la physiothérapie, la rééducation ou toute autre prise en charge spéciale qui s’impose, dans des conditions comparables à celles dont bénéficie la population en milieu libre. Les effectifs en personnel médical, infirmier et technique, ainsi que la dotation en locaux, installations et équipements, doivent être établis en conséquence. Une supervision appropriée de la pharmacie et de la distribution des médicaments doit être assurée. En outre, la préparation des médicaments doit être confiée à un personnel qualifié (pharmacien, infirmier, etc.) » et reste dans la ligne des jurisprudences précédentes en reprenant dans sa décision la notion que « L’État doit veiller à assurer de manière adéquate la santé et le bien-être des prisonniers, notamment par l’administration des soins médicaux appropriés. »

Deux éléments sont intéressants à noter : pour la Cour, une polypathologie (diabète, hypertension artérielle, maladie ischémique du coeur et fibrose pulmonaire dans le cas décrit précédemment) n’est pas incompatible avec un séjour en prison à condition que le détenu puisse bénéficier d’un suivi de santé régulier et être au besoin placé dans une unité médicale adaptée ; le fait que le prisonnier ait suivi une grève de la faim durant son incarcération n’entre pas en compte dans la dégradation de son état général, contrairement au fait qu’il n’ait pas pu respecter son régime alimentaire !

Cour de justice des Communautés européennes et droit de la santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Congrès

Cour de justice des Communautés européennesL’Institut droit et santé continue en 2009 « Les entretiens droit et santé ». Le prochain rendez-vous de ces manifestations de qualité est prévu le lundi 16 mars 2009 de 17 h 30 à 19 h. La Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) sera au coeur des débats, animés par Jean-Claude Bonichot, juge à la Cour de justice. Le thème retenu « CJCE et Droit de la Santé » est rarement abordé ce qui ne peut que rendre plus attrayant cet échange.

Les entretiens se dérouleront dans la salle du conseil de l’université Paris Descartes, 12, rue de l’École de médecine, dans le sixième arrondissement de Paris (métro Odéon). L’accès est libre et gratuit dans la limite des places disponibles. Il est toutefois obligatoire de s’inscrire au préalable sur le site de l’Institut droit et santé.

 

Harcèlement au travail : méthodologie pour les juges

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

BalanceLe harcèlement moral dans le monde du travail entraîne de plus en plus de procédures et il était devenu nécessaire de faire une mise au point sur le sujet, selon la chambre sociale de la Cour de cassation.

Il n’est pas nécessaire de rappeler les répercussions qu’a sur la santé le harcèlement plus souvent moral que physique. Le lecteur peut se reporter à l’article « Harcèlement moral, souffrance au travail » s’il souhaite plus de détails à ce sujet. 

Par quatre arrêts rendus le 24 septembre 2008, la chambre sociale de la Cour de cassation a précisé les règles méthodologiques que les juges doivent suivre dans la recherche de la preuve de l’existence d’une situation de harcèlement dans l’entreprise et le site de la Cour présente une synthèse de ces décisions. Elle souhaite renforcer la nature de son contrôle, harmoniser les pratiques des différentes cours d’appel et préciser les règles qui conduisent la recherche de la preuve. Il s’agit d’un revirement de la jurisprudence puisque jusque-là la chambre sociale avait choisi de ne pas contrôler l’appréciation faite par les juges des éléments produits par les parties pour établir l’existence d’un harcèlement, estimant qu’une telle appréciation relevait du pouvoir souverain des juges du fond.

La charge de la preuve des faits constitutifs de harcèlement est partagée entre l’employeur et le salarié. Si l’entreprise est capable de justifier les mesures incriminées, elle ne devrait pas être condamnée. L’employé doit quant à lui apporter des éléments probants permettant de faire présumer l’existence d’un harcèlement à son encontre.

Entreprise pharmaceutique et exportations parallèles

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

« Une entreprise pharmaceutique exploite de façon abusive sa position dominante si elle refuse d’honorer des commandes normales de grossistes afin d’empêcher les exportations parallèles ». C’est ainsi que la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) commente sa décision du 16 sept. 2008 1.

MédicamentsLa filiale d’un fabricant de médicaments basée en Grèce, pays où ces derniers sont vendus moins chers que dans la plupart des autres pays européens, a refusé de fournir ses médicaments aux grossistes locaux au prétexte qu’ils les revendaient ensuite à d’autres grossistes basés dans des pays où ces spécialités pharmaceutiques sont vendues plus chers. 

Pour la Cour, « les exportations parallèles de médicaments d’un État membre où les prix sont bas vers d’autres États membres dans lesquels les prix sont plus élevés permettent, en principe, aux acheteurs desdits médicaments dans ces derniers États de disposer d’une source alternative d’approvisionnement à des prix inférieurs à ceux pratiqués par les entreprises pharmaceutiques. Il ne saurait donc être soutenu que les exportations parallèles n’auraient qu’une utilité minime pour les consommateurs finals ». 

L’entreprise pharmaceutique a fait valoir qu’il lui fallait préserver ses intérêts commerciaux ce qu’a reconnu la Cour : « une telle entreprise doit pouvoir adopter des mesures raisonnables et proportionnées à la nécessité de préserver ses propres intérêts commerciaux ». Mais, pour elle, « le caractère normal des commandes doit être déterminé par rapport aux besoins du marché national en cause ainsi qu’aux relations commerciales antérieures ». Elle laisse l’appréciation du caractère normal aux juridictions locales.

À première vue, ces décisions sont favorables aux citoyens européens, mais il convient de pousser un peu plus loin l’analyse pour ne pas s’arrêter à une simple logique commerciale.
Tout d’abord, si le prix des médicaments dans un pays européen est plus faible que dans les autres, il est important de comprendre que cela n’est pas dû au jeu de l’offre et de la demande, mais, le plus souvent, a une volonté politique, par le biais d’une réglementation spécifique, d’offrir des remèdes à moindre coût aux grossistes locaux et, par ce biais, à sa population.  Ces tarifs sont souvent négociés entre les entreprises pharmaceutiques et le gouvernement de ce pays, chacun faisant des concessions. La décision de la CJCE implique que seules les concessions faites par le laboratoire sont prises en compte et s’appliquent à toute la Communauté, alors que les conditions de commercialisation et les exigences au sein des autres pays n’ont pas fait l’objet de concessions. Sans se faire le défenseur de l’industrie pharmaceutique, il y a là quelque chose de surprenant.
Vient ensuite un autre aspect des exportations parallèles qui n’a pas été soulevé dans cette affaire et qui pose un problème de santé publique, celui de la traçabilité. Malgré les Directives, les fabricants de médicaments (ou de dispositifs médicaux) semblent constater que plus la chaîne de distribution entre eux et le patient est longue, plus la traçabilité perd en efficacité. Selon eux, lorsque les produits passent aux mains de plusieurs grossistes d’un pays à l’autre, il ne leur est plus possible d’assurer le suivi des produits et de s’assurer de leurs conditions de stockage. Ce problème est encore plus flagrant lorsque le circuit des grossistes passe par un pays hors de l’Union européenne. C’est ainsi que des produits marqués CE sont vendus à l’étranger, où les textes régissant la traçabilité sont bien moins contraignants, voire même inexistants, et où la contrefaçon existe, avant de revenir sur le marché européen pour être revendu à des prix plus faibles. Dans de tels cas, la concurrence devrait savoir céder le pas à la sécurité sanitaire.

 


1 – Affaires jointes C-468/06 à C-478/06, Sot. Lélos kai Sia EE e.a. c/ GlaxoSmithKline AEVE.