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Risque aggravé de santé et assurance-maladie aux États-Unis

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Affiche de Barack ObamaLa politique de santé de Barack Obama a fait de l’assurance-maladie des personnes présentant un risque aggravé l’une de ses priorités. Lors de sa campagne électorale, le président Obama avait insisté sur le fait qu’il était particulièrement difficile de trouver une couverture santé complète à un tarif raisonnable lorsque l’on était atteint d’un cancer, mais aussi lorsque l’on souffrait de diabète, d’une maladie cardiaque ou de tout autre risque aggravé de santé. Pas question ici de garantie pour un prêt immobilier ou pour un bien, quel qu’il soit, mais d’une simple assurance-maladie, une situation qui surprend souvent de ce côté-ci de l’Atlantique où la Sécurité sociale est considérée comme un droit ou plutôt un dû.

Les Américains étant plus attachés à leurs libertés, ils ont une conception profondément différente de la notion de couverture sociale. C’est ce qui explique que la tâche de Barack Obama n’a pas été simple quand il s’est agi de faire voter des réformes visant, entre autres, à contraindre les assureurs santé à offrir des contrats abordables aux personnes se sachant malades. Bien qu’élu en 2008, il a fallu attendre 2010 pour que la volonté du Président se concrétise et que ce dispositif, appelé Pre-existing Condition Insurance Plan (PCIP), soit enfin proposé aux citoyens.
Malgré l’avancée que semble représenter cette offre aux yeux des habitants du Vieux Continent, l’administration fédérale n’a de cesse de devoir convaincre l’opinion publique de chacun des 50 États américains. C’est pour cette raison que le ministère américain de la santé et des services sociaux (U.S. Department of Health and Human Services ou HHS) met régulièrement en ligne de nouveaux documents à l’attention des médias, des associations de consommateurs, des États et des fournisseurs de soins de santé afin qu’ils puissent sensibiliser le plus grand nombre de personnes au dispositif mis en place. Le 10 février 2011, un communiqué et plusieurs documents ont ainsi été rendus accessibles au public afin que tout le monde puisse continuer à prêcher la bonne parole.

Pour Steve Larsen, directeur du Centre pour l’information des consommateurs et la surveillance de l’assurance (Center for Consumer Information and Insurance Oversight ou CCIIO) qui gère le dispositif, « ce programme a aidé des milliers de personnes qui avaient désespérément besoin d’une couverture [maladie, NDLR] ». Comme cela a été le cas dans les années 90 avec l’assurance-maladie pour les enfants (Children’s Health Insurance ou CHIP), un dispositif destiné aux enfants et aux adolescents mis en place par l’administration Clinton, on assiste actuellement à une montée en puissance du PCIP. « Nous travaillons chaque jour à faire passer le mot au sujet de ce programme et à trouver des gens qui ont été abandonnés par le secteur de l’assurance santé afin de leur redonner la couverture [maladie, NDLR] dont ils ont été privés depuis si longtemps. »

Ce qui est intéressant dans le communiqué officiel, c’est qu’il y est clairement fait mention du côté “temporaire” de ce dispositif, précaution oratoire destinée, là encore, à rassurer une opinion publique qui n’aime pas voir l’État fédéral venir intervenir dans ce qu’elle estime appartenir à la sphère privée et au libre choix de chacun, très loin de la notion d’assistanat et de solidarité, tout sauf temporaire, présente en France. Il est même question d’outils de propagande destinés à convaincre le plus grand nombre.
« Ce programme temporaire couvre un large éventail de prestations de santé et est conçu comme un pont pour les personnes atteintes de maladies pré-existantes qui ne peuvent pas obtenir une couverture d’assurance-maladie dans le marché actuel des assurances privées. En 2014, tous les Américains — quel que soit leur état de santé — auront accès à une couverture abordable, soit par leur employeur, soit par l’intermédiaire d’un nouveau marché concurrentiel de l’assurance et il sera interdit de refuser une couverture à quiconque en fonction de son état de santé.
Le ministère travaille activement avec les États, les associations de consommateurs, les associations de patients souffrant de maladies chroniques, les fournisseurs de soins de santé, les travailleurs sociaux, d’autres organismes fédéraux, et le secteur de l’assurance pour promouvoir le dispositif, y compris à l’aide de réunions avec les représentants de l’État, les groupes de consommateurs et d’autres. De nouvelles ressources sont mises à la disposition des communautés pour aider à informer les Américains admissibles au dispositif, comme une bannière à inclure sur leur site Web pointant vers le site PCIP.gov, ainsi qu’une nouvelle lettre d’information et un site Web rédigé dans un langage que nos partenaires peuvent utiliser dans leurs efforts de sensibilisation. »

Des efforts de sensibilisation qui ne se cantonnent pas qu’au Web puisqu’en partenariat avec les services de l’assurance-maladie américaine (US Social Security Administration ou SSA), le CCIIO prévoit des spots télévisés. Il est aussi question de faire figurer des informations concernant ce dispositif sur plus de 3 millions de formulaires administratifs.
Autre facteur d’espoir pour les autorités fédérales, même si des grands groupes d’assurance privés refusent encore d’assurer certaines personnes, ils se sont portés volontaires pour ajouter à leur lettre de refus des informations sur le dispositif mis en place par le gouvernement Obama.

On comprend mieux les efforts de communication réalisés quand on s’intéresse aux chiffres. Il n’y a pour le moment que 12 000 Américains à avoir souhaité bénéficier de ce dispositif et ceci bien que cet effectif est augmenté de 50 % ces trois derniers mois dans un pays qui compte plus de 308 millions d’habitants et où 47 millions de personnes n’auraient pas d’assurance-maladie.

Ne pas nuire à la réputation des laboratoires

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Ouvrage

Couverture censurée du livre Mediator 150 mg - Combien de morts ?En France, se poser des questions sur les effets indésirables d’un médicament, même quand ils sont avérés, semble être bien compliqué.

Il n’est pas question ici des vaccins contre la grippe A(H1N1) ou de ceux contre l’hépatite B, mais d’un médicament prescrit pour perdre du poids : le Mediator des laboratoires Servier. Dans un ouvrage intitulé Mediator 150 mg, initialement sous titré « Combien de morts ? », le docteur Irène Frachon, pneumologue hospitalier à Brest, raconte le combat qu’elle a dû mener pour que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) en arrive à suspendre l’autorisation de mise sur le marché d’un produit dont les effets toxiques pouvaient être fortement soupçonnés en raison de sa métabolisation proche de celle de l’isoméride, un autre coupe-faim de triste mémoire.

Comment expliquer qu’un praticien ait été obligé de dépenser autant d’énergie, d’affronter une bureaucratie censée protéger le public et non des intérêts privés et passer du temps à lutter contre un système qui lui impose pourtant de déclarer les effets indésirables graves ? Si les médecins sont habitués à sauver des vies en toute discrétion et à accompagner des malades qui souffrent, pourquoi ont-ils l’impression de ne plus être aidés pour ce faire ? Pourquoi l’actuel dispositif de pharmacovigilance donne-t-il l’impression d’être fait pour décourager les médecins de l’utiliser ? Pourquoi l’industrie a-t-elle un tel poids en son sein sans que cela soit vraiment transparent ? Combien de morts sont nécessaires pour que les pouvoirs publics osent remettre en question les investissements réalisés par un laboratoire sans trop traîner dans l’espoir que le seuil de rentabilité ait été atteint ? Ce sont des questions que l’on peut se poser à la lecture de cet ouvrage.

À noter l’initiative de l’éditeur qui offre gracieusement divers formats numériques de son ouvrage à l’acheteur de la version papier.

 

La couverture de l’ouvrage a été censurée par le tribunal des référés de Brest, le 7 juin 2010, à la demande du laboratoire Servier. Malgré la suspension de l’AMM par l’Afssaps pour un risque avéré de valvulopathie du Benfluorex (nom du principe actif contenu dans le Mediator), le juge a estimé que « la relation entre la valvulopathie et un décès n’est pas pour l’instant établie par l’Afssaps. » L’éditeur a fait appel de ce jugement.

 


 

Résumé

« Le 25 novembre 2009, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé — Afssaps — annonce la suspension de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament. Il s’agit du Mediator, commercialisé depuis plus de trente ans par le laboratoire Servier, alors consommé quotidiennement par près de 300 000 Français. Cette décision fait suite à la révélation d’une toxicité grave directement liée au médicament : une atteinte des valves du coeur, aux conséquences parfois mortelles.

Les premiers éléments laissant suspecter la possibilité d’une telle toxicité remontent à 1997, date à laquelle un médicament proche et commercialisé par le même laboratoire, le coupe-faim Isoméride, est interdit pour les mêmes raisons.

Médecin, j’ai été pendant vingt ans témoin puis acteur de cet épisode dramatique. La transparence est une condition de la qualité de la politique de santé des populations. C’est pourquoi je témoigne dans ce livre de ce que j’ai vécu, de la manière la plus factuelle possible. Mon objectif est de permettre à chacun de comprendre comment sont prises certaines décisions de santé publique en France et de contribuer ainsi au débat public, constitutif de l’exercice de la démocratie. »

Irène Frachon

 

Irène Frachon.
Mediator 150 mg — Combien de morts ?
Editions-dialogues.fr, 2010.
ISBN 9782918135142 — 152 pages – 15,90 €.

 

La réforme du système de couverture santé américain selon Barack Obama

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Variations

Vu de l’Hexagone, où la Sécurité sociale est érigée en religion qui ne tolère aucune opposition, il est difficile de comprendre ce qui est en train de se passer autour de la réforme du système de prise en charge des soins de santé outre-Atlantique. Pourquoi un tel déchainement ? Que prévoit cette réforme ? Le plus simple est d’aller prendre les informations à leur source. Le point de vue du président Barack Obama est facilement accessible grâce à Internet, ce qui permet d’en extraire les idées phares afin que chacun puisse se faire une idée concrète de ses propositions.

Une étude sur les complémentaires santé

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Faire ses comptesLa Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) vient de publier une étude sur la typologie des contrats les plus souscrits auprès des complémentaires santé en 2006. Ce travail « met en évidence une certaine corrélation des niveaux de garantie concernant les prothèses dentaires, les lunettes et, dans une moindre mesure, les dépassements d’honoraires, et confirme les niveaux de garantie plus élevés des contrats collectifs par rapport aux contrats individuels ».

La typologie a été établie à partir du niveau de garantie offert par les contrats d’assurance-maladie complémentaire pour six types de prestations : les consultations de médecins spécialistes de secteur 2, les lunettes à verres complexes, les prothèses dentaires céramo-métalliques, le forfait journalier hospitalier en psychiatrie, la chambre particulière en chirurgie et les prothèses auditives. Seuls les trois premiers critères sont déterminants pour différencier les propositions des assurances complémentaires. À partir de ce constat, la DRESS a pu établir que 80 % des individus couverts par les contrats étudiés disposent d’un contrat « standard » ou « bon ».

Confirmation est donnée que les contrats les plus chers, tant à titre individuel qu’à titre collectif offrent le meilleur niveau de garantie. Il est aussi prouvé qu’il est plus intéressant de pouvoir souscrire à un contrat collectif qu’à un contrat individuel.

La DRESS a étudié en parallèle la complémentaire associée à la couverture médicale universelle (CMUC). Elle a constaté que la CMUC offre une meilleure garantie pour les prothèses dentaires, proche de celle des contrats privés considérés comme « bons », que la garantie pour les lunettes qui est plutôt au niveau des contrats « standard » ou d’entrée de gamme.

Le médecin peut « se plaindre » de la CMU-C

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

S’il est normal d’attacher de l’importance aux plaintes des patients qui estiment être victimes d’une discrimination par certains médecins en raison de leur statut de bénéficiaires de la couverture médicale universelle complémentaire (CMU-C), il est logique d’écouter les praticiens qui s’estiment, eux aussi, victimes du comportement discourtois ou préjudiciable au système de soins de ces mêmes patients. Ce discours choquera sans doute les adeptes du « politiquement correct », mais une vision manichéenne est la preuve d’un manque d’objectivité. 

EnquêteIl est vrai que l’approche fallacieuse du rapport du Fonds CMU a réussi à faire passer dans les médias, et donc dans l’opinion publique, l’idée que les médecins, tout particulièrement les spécialistes dits à honoraires libres, refusaient de soigner des patients au prétexte qu’ils étaient bénéficiaires de la CMU-C. Le rapport de mai 2006, intitulé « Analyse des attitudes de médecins et de dentistes à l’égard des patients bénéficiant de la Couverture Maladie Universelle », a étonné bon nombre de médecins par son manque de rigueur et d’objectivité et par sa partialité. Sept à huit soi-disant témoignages de praticiens, recueillis sur la base d’informations erronées, servent à condamner toute une profession. Plutôt que de discréditer le Fonds couverture médicale universelle et la caisse primaire d’assurance-maladie du Val-de-Marne qui a apporté son concours à sa réalisation, le battage médiatique a déclenché de virulentes réactions de parlementaires de tous bords contre ce manque d’humanisme des médecins nantis. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, ému par ce tintamarre, a sollicité la toute nouvelle HALDE (haute autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l’égalité) qui s’est hâtée de rendre un avis basé sur l’enquête biaisée et disant qu’il était discriminatoire de refuser de voir un patient CMU-C. La HALDE a donné des conseils au conseil de l’ordre des médecins qui s’est empressé de les suivre pour ne pas être soupçonné de couvrir ces pratiques. Personne pour relever les incohérences de l’enquête, juste quelques remarques timides quant à des difficultés rencontrées par les médecins concernant les CMU-C.
Le ministre a aussi commandé un rapport à Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales et directeur du Fonds CMU sur le sujet. Bien entendu, le directeur de l’organisme à l’origine de l’enquête de départ a cautionné les conclusions erronées et a proposé des sanctions et un contrôle renforcé des médecins… Xavier Bertrand a immédiatement validé ces conclusions. Il n’aurait pas été politiquement correct de donner l’impression de soutenir les praticiens dans une affaire médiatique liée à une possible discrimination.

Des décisions bien hâtives

Est-il objectif de dire que le rapport du Fonds CMU était biaisé et partial ? Il suffit pour s’en convaincre de lire la synthèse officielle de ce document. Les méthodes statistiques utilisées le prouvent : « En appliquant ces méthodes de surreprésentation, on était en mesure d’obtenir, un nombre de testing avec refus supérieur à celui d’un sondage aléatoire simple, ce qui permettait d’enrichir l’analyse » 1. C’est en effet un testing par téléphone, faisant appel à un comédien, qui a été utilisé pour obtenir les statistiques sur lesquelles sont basés les résultats.
« D’autre part, des entretiens avec quelques médecins et dentistes des 6 villes en questions, ont complété la méthodologie de manière à comprendre les logiques à l’œuvre, expliquant les attitudes différenciées des professionnels » 1. Sur les 230 médecins qui ont été testés, seuls 15 ont été interrogés. Parmi ces quinze, seuls 50 % d’entre eux avaient « refusé » de voir un patient, soit 7 ou 8 praticiens pour expliquer le comportement de l’ensemble des médecins français fautifs de refuser un patient… Suivant les conditions, ce n’est d’ailleurs pas une faute de refuser de voir un patient 2, mais le rapport se garde bien de le rappeler, si tant est que ses auteurs l’aient su…
OphtalmologisteDes « vérités » sont énoncées dans ce rapport : « Ainsi, les discriminations médicales, sociales et raciales se renforcent les unes les autres » 3. Ce n’est pourtant pas ce qu’il ressort de la conclusion de ce travail, qui presque à regret, n’a pas réussi à mettre en évidence de discrimination raciale dans ce qui a été considéré comme les « refus » des praticiens. Car lorsque l’on étudie les motifs de ces « refus », certains étonnent.

Pour mieux comprendre, il faut s’intéresser à quelques exemples. Le testing a été fait en demandant à l’acteur d’appeler pour prendre rendez-vous pour une simple conjonctivite lorsqu’il téléphonait à un ophtalmologiste, si l’on en croit le rapport. Est-il étonnant que des cabinets d’ophtalmologie aient pu conseiller au patient d’aller voir son généraliste pour une simple conjonctivite ? La Sécurité sociale, les parlementaires soucieux des économies de santé et le ministre recommandent-ils à tous les patients souffrant d’une conjonctivite d’aller directement consulter un spécialiste ? Il n’était pas question d’une conjonctivite chez un porteur de lentilles, puisqu’il est indiqué dans la synthèse du rapport que « Des restrictions ont été également repérées concernant la prescription de lentilles alors que pour d’autres demandes, les mêmes ophtalmologues acceptent les patients (prescription de lunettes ou conjonctivite) ». Les auteurs du rapport reprochent aussi aux ophtalmologistes d’informer les patients CMU-C sur le fait que les lentilles de contact ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale et assimilent cette information (censée décourager le patient à consulter) à un refus de soins.
Ce n’est pas le corps médical qui fixe la « Liste des produits et prestations remboursables » par l’assurance-maladie. Les lentilles de contact et leurs produits d’entretien sont exclus à de très rares exceptions près, ces exceptions n’étant aucunement basées sur des critères sociaux… N’est-ce pas le devoir du médecin d’informer le patient des conditions de prise en charge des soins ? C’est pourtant ce que la loi prévoit dans le code de la Sécurité sociale et le code de la santé publique, sachant que ces dispositions ont même été renforcées récemment au prétexte que les praticiens n’informaient pas suffisamment les patients sur leurs honoraires et leur prise en charge. Le directeur du Fonds CMU et la caisse d’assurance-maladie du Val-de-Marne ne connaissent-ils pas les conditions de prise en charge des lentilles de contact ?

Une enquête biaisée ?

Dans plusieurs cas, les cabinets n’ont été appelés qu’une fois et, tous médecins confondus, une simple « impression de malaise chez la secrétaire » a pu être considérée comme un refus ! Il serait intéressant d’avoir un sondage représentatif digne de ce nom sur le ressenti des secrétaires des cabinets médicaux concernant certains patients CMU-C pour pouvoir interpréter l’ « impression de malaise » de façon objective. Il est difficile de croire que ce personnel fasse partie des nantis, si ce n’est à considérer que toute personne ayant un emploi est de nos jours un nanti, et cela éviterait de s’en remettre à l’interprétation subjective et partiale qui en a été faite. Il se pourrait d’ailleurs que les résultats d’un tel sondage donnent à réfléchir…

La fiabilité des statistiques peut aussi prêter à discussion. Que penser d’une étude qui reconnaît avoir exclu des médecins après que les tirages au sort ayant servi à la rendre soi-disant fiable aient été effectués ? Comment considérer un travail qui repose sur des hypothèses non vérifiées quant à la fréquence des refus pour utiliser un modèle de surreprésentation ? Que dire d’une enquête qui se veut rigoureuse et qui traite les cabinets de groupe comme s’ils ne correspondaient qu’à un seul individu ?

justiceComment serait-il possible qu’un tel rapport puisse être à la base d’une modification législative comme il en est question dans la version non définitive d’un projet de loi obtenue par l’Agence France-Presse (AFP) ? Il serait question de lutter contre la « discrimination », en renforçant les sanctions à l’égard des praticiens qui refuseraient de soigner un patient sans raison valable. Ces sanctions « pourront faire l’objet d’une publication afin de montrer que le refus de soins est un acte grave » 4. On voit bien que la notion de « raison valable » peut être très subjective…

Il est déjà regrettable de constater que de nombreux travaux découlent de ce document. Preuve en est la circulaire 33/2008 de l’assurance maladie qui commence par cette phrase : « S’appuyant sur l’enquête réalisée au mois de juin 2006 par le Fonds de financement de la CMU, Monsieur Jean-François Chadelat a montré que des bénéficiaires de la CMU complémentaire éprouvent encore beaucoup de difficultés pour obtenir des soins ou des produits médicaux ». Il est tout de même heureux de constater que l’objet de cette circulaire est la « prise en charge des réclamations et plaintes formulées par les bénéficiaires de la CMU complémentaire ou par les professionnels de santé ». Il y est même admis qu’un soignant puisse « se plaindre » d’un bénéficiaire de la CMU-C : « Pour mettre fin aux situations de refus de soins, il convient de prendre également en compte les réclamations portées par les professionnels de santé ou établissements de santé à l’encontre des bénéficiaires de la CMU complémentaire ». Les plaintes peuvent porter, par exemple, sur retard injustifié aux rendez-vous, des rendez-vous manqués et non annulés ou des exigences exorbitantes du patient. Plus étonnants, les traitements non suivis ou interrompus sont des griefs admissibles.

Des droits et des devoirs

La lettre no 29 de l’assurance maladie confirme les informations de la circulaire 33/2008 et vient préciser que le refus de remboursement aux professionnels de santé par l’assurance-maladie de soins prodigués à un patient CMU-C est aussi un motif de réclamation légitime.

Après l’importance prise par l’enquête du Fonds CMU, le dernier épisode concernant ce sujet montre bien que la peur du ridicule n’est pas à l’ordre du jour. Un collectif de médecins, estimant que les bénéficiaires de la CMU-C ont bien raison de se plaindre de leurs confrères, vient de saisir la HALDE au motif que cette circulaire et cette lettre seraient discriminatoires à l’encontre des patients CMU-C, en rappelant à ces derniers, qu’en plus de droits, ils ont aussi des devoirs… L’assurance-maladie, qui a collaboré activement à l’enquête du Fonds CMU, va-t-elle être l’arroseur arrosé ? Ne sommes-nous pas là dans une dérive extrémiste ? Il est probable que la pression médiatique fasse à nouveau son oeuvre et que les devoirs de ceux qui bénéficient de soins gratuits du fait de l’effort de la Nation et des droits de ceux qui les soignent passent aux oubliettes. Roselyne Bachelot, ministre de la santé et des sports, dans une interview en direct des Jeux olympiques de Pékin, a déjà indiqué que cette circulaire n’avait pour but que de préciser le rôle des conciliateurs mis en place avant tout pour recueillir les plaintes des patients et n’a évoqué la « responsabilisation » de toutes les parties que du bout des lèvres.

On peut penser qu’un rapport du type de celui du Fonds CMU et la pression politico-médiatique qui s’en est suivie ne peuvent que créer un sentiment de malaise entre les professionnels de santé et les patients CMU-C. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille exonérer tous les acteurs de la santé d’une tentation discriminatoire. La profession en est consciente et il faut saluer des initiatives comme celle que l’Union régionale des médecins libéraux d’Aquitaine a présenté, le 19 janvier 2008, lors de la journée des Associations de patients organisée à la Maison des Associations de Mérignac-Bordeaux un document intitulé « CMU : pour des soins sans dysfonctionnement Droits et Devoirs ».
Pour cet organisme, il s’agirait de la première charte de « bonne conduite » concernant la couverture médicale universelle (CMU). Elle rappelle les droits et les devoirs de chacun, sans esprit polémique et sans arrière-pensée politique.
Il s’agit d’un travail mené avec des patients, des professionnels de santé et l’assurance-maladie afin que ces trois parties respectent leurs engagements concernant la CMU.
Bel exemple de concertation, sans aucune intervention politique…

 


1 – page 3, de la synthèse officielle du rapport du Fonds CMU.
2 – Lire l’article « Un médecin libéral peut-il refuser de voir un patient ? »
3 – page 6, de la synthèse officielle du rapport du Fonds CMU.
4 – « Santé: plus de pouvoir aux agences régionales et directeurs d’hôpitaux »