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Prendre des décisions pour les patients déments

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Prendre en charge une personne âgéeLes patients souffrant d’une démence débutante, voire modérée, ont très souvent besoin d’aide. La confiance est importante, car la personne qui va les accompagner au quotidien va être régulièrement amenée à prendre des décisions à la place du patient et à les lui faire accepter.
Contrairement à ce qui se passe de ce côté-ci de la Manche, au Royaume-Uni il existe un statut particulier pour ces personnes qui aident ces malades : on les appelle les family carers. Même si ce terme d’ “aidant” ou de “soignant” familial évoque la famille, car c’est le plus souvent un parent qui assume ce rôle, il peut très bien s’agir d’un voisin ou d’un ami. Des services sociaux sont à la disposition de ces accompagnants prêts à prendre en charge des patients en fin de vie ou des malades touchés par une démence plus ou moins prononcée ; divers avantages leur sont même concédés.
Ces personnes ne sont pas à confondre avec les aides à domicile que l’on connaît en France ou les aides familiales en Belgique. Le family carer n’est pas un employé, sa démarche est volontaire et il s’agit, bien souvent, d’un “travail” de tous les instants.

Une équipe de gériatres britanniques a voulu se faire une idée du type de décisions prises par les family carers. Elle a aussi souhaité identifier les éléments facilitant ces prises de décisions ou, au contraire, les compliquant. Le but de ce travail était d’apporter des informations à ces aidants familiaux sur les obstacles qu’ils auront à surmonter. Son enquête a été publiée le 25 août 2010 sous le titre Making decisions for people with dementia who lack capacity: qualitative study of family carers in UK dans le BMJ.
Basée sur des groupes de parole associés à des entretiens individuels, cette étude qualitative a été menée à Londres. 43 family carers intervenant auprès de personnes démentes ont participé aux réunions de groupe et 46 autres ayant eu à prendre de telles décisions ont été entendues individuellement.

Dans la vie de tous les jours, les principaux domaines dans lesquels les accompagnants interrogés ont eu à prendre des décisions sont les suivants : recours aux services sociaux ou de santé dédiés aux patients déments ; entretien du domicile ; affaires juridico-financières ; soins sans rapport avec la démence ; prise en charge du patient quand le family carer tombe malade et ne peut plus assurer son travail.
Ils ont souligné combien il était difficile de choisir pour quelqu’un d’autre, surtout lorsque cette personne ne coopère pas, voire même oppose une certaine résistance. Il est tout aussi délicat d’imposer son rôle décisionnaire, que ce soit vis-à-vis du patient ou des autres parents. Les familles élaborent souvent des stratégies pour s’assurer que le patient conserve néanmoins sa dignité.

Au terme de cette étude, l’équipe de gériatres propose des solutions pour faire accepter au patient dément une telle situation : présenter ce changement de façon progressive et faire appel à un professionnel afin de faire accepter la présence du family carer, insister sur les avantages de recourir à une telle solution, qui n’est pas une contrainte, mais un moyen de garder son indépendance. Pour faciliter l’accès du patient dément aux services de santé ou sociaux, l’accompagnant doit se charger de prendre les rendez-vous, d’accompagner le malade en consultation ou lorsqu’il doit se faire opérer. Il doit aussi être là pour expliquer les symptômes dont peut être amené à souffrir le patient et pour recueillir les informations données par les soignants. Il aide ces derniers à obtenir le consentement de la personne démente et c’est à lui de demander le recours à un spécialiste si nécessaire.
Les décisions en fin de vie sont particulièrement délicates. Le fait que le family carer ait connu le patient à un moment où ses facultés intellectuelles permettaient encore d’aborder de tels sujets avec lui peut aider à ces prises de décisions. C’est une façon pour les équipes soignantes de connaître les souhaits du patient qui n’est plus réellement en mesure de les exprimer.

Chaque situation est particulière, mais une telle étude permet de faire prendre conscience à ceux qui n’y ont jamais été confrontés à quel point la prise en charge d’une personne atteinte de démence peut être délicate. La dépendance est l’un des enjeux majeurs des futures politiques de santé, car peu nombreux sont ceux qui ne seront pas un jour confronter pour l’un de leurs proches ou pour eux-mêmes à de telles circonstances.

Haute Autorité de santé et Alzheimer

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Indépendance médicale et AlzheimerLa lettre d’information no 15 (janvier/février 2009) de la Haute Autorité de santé s’intitule « Améliorer la prise en charge des personnes âgées ». La Haute Autorité de santé (HAS) insiste dans ses colonnes sur le rôle prépondérant qu’elle est amenée à jouer dans le plan « bien vieillir » mis en place par l’État. Les décisions qui sont prises actuellement sont cruciales puisqu’en 2040, 25 % de la population française aura plus de 65 ans.
Outre une recommandation sur la prévention des chutes et l’élaboration d’un programme d’évaluation et d’amélioration des prescriptions médicamenteuses concernant les personnes âgées, la HAS s’est investie à produire des avis sur les traitements anti-Alzheimer. Il faut dire que 800 000 personnes sont actuellement touchées par cette maladie dans l’Hexagone et que l’État a lancé un autre plan à ce sujet. La HAS y joue là aussi un rôle capital en pilotant la mesure 15 du plan Alzheimer, soit l’amélioration de la prescription médicamenteuse dans ce domaine. Elle participe aussi à l’amélioration du dispositif d’annonce du diagnostic.
L’intérêt de la HAS pour cette maladie n’est pas nouveau puisqu’en mars 2008 elle avait publié des recommandations de bonnes pratiques concernant son diagnostic et sa prise en charge et qu’en novembre de cette même année elle avait réévalué, sous un angle médico-économique, les médicaments indiqués dans son traitement. Ses travaux ne s’arrêtent pas là et la lettre d’information d’indiquer : « À noter également, la parution prochaine d’une liste des actes et prestations (LAP) décrivant avec précision le parcours de soins des personnes admises en affection de longue durée (ALD) au titre de la maladie d’Alzheimer. Un guide ALD médecin sur la prise en charge de ces patients devrait également être édité. »
Pour ses dirigeants, le programme de travail 2008 de la HAS « a témoigné d’un fort engagement de l’institution au service de la qualité de la prise en charge des personnes âgées. » Tout semble idyllique…

Il semble pourtant qu’il pourrait exister une ombre à ce tableau. Et c’est sur Internet que l’on peut trouver un éclairage différent sur la HAS et l’Alzheimer. Le collectif Formindep qui milite pour une formation et une information médicales indépendantes au service des seuls professionnels de santé et des patients a, en effet, publié un article intitulé « Des recommandations professionnelles peu recommandables ». D’après l’enquête réalisée par les membres de ce collectif, il existerait des conflits d’intérêts majeurs entre l’industrie pharmaceutique et les experts travaillant pour la HAS à l’élaboration des recommandations de bonnes pratiques. La recommandation « Prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées » semble, par exemple, poser problème.

Tout ceci pourrait s’avérer très ennuyeux, car les recommandations de bonnes pratiques médicales engagent la responsabilité médicale des praticiens et leur sont devenues opposables