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Taxe Bachelot, télétransmission et testing des médecins

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Nouvelles taxes et nouvelles contraintes pour les médecins2 800 euros par an : c’est le montant de la nouvelle taxe qu’a retenu l’Assemblée nationale au cours de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires. Cette contribution forfaitaire, à laquelle certains n’hésitent pas à donner le nom de « taxe Bachelot », prévue à l’article 15 du projet de loi viendra sanctionner les médecins qui refusent d’adhérer à un contrat santé solidarité par lequel ils s’engagent à contribuer à répondre aux besoins de santé de la population des zones comme les banlieues difficiles, considérées comme des déserts médicaux puisque de nombreux médecins ont cessé d’y exercer en raison de l’insécurité qui y règne. Ne voulant sans doute pas fâcher les praticiens avant les prochaines échéances électorales, cette taxe ne sera effective qu’en 2012.

Les députés ont aussi retenu l’article 17 ter du projet de loi qui instaure les sanctions financières dissuasives à la non-télétransmission obligatoire. Cette disposition avait été sanctionnée par le Conseil constitutionnel, le 11 décembre 2008, après le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale 2009. Ce texte devrait permettre au directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie de fixer, sans tenir compte des dispositions conventionnelles, le montant de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables par l’assurance maladie, qui n’assurent pas une transmission électronique. Ces mesures s’appliqueront au 1er septembre 2009 si les sénateurs suivent l’Assemblée nationale sur ce point.

Autre point qui fera sans doute débat : le recours au testing pour servir de preuve à charge contre les médecins soupçonnés de discriminations. L’article 18 du projet de loi prévoit la modification de l’article L 1110-3 du code de la santé publique et est ainsi rédigé :

Toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins illégitime peut soumettre au directeur de l’organisme local d’assurance maladie ou au conseil départemental de l’ordre professionnel compétent les faits qui permettent d’en présumer l’existence. Lorsqu’il est saisi de ces éléments, le président du conseil départemental de l’ordre ou le directeur de l’organisme local d’assurance maladie en accuse réception à l’auteur, en informe le professionnel de santé mis en cause et peut le convoquer dans un délai d’un mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte. Cette disposition est applicable également quand le refus est commis à l’encontre d’une personne ayant sollicité les soins dans le but de démontrer l’existence du refus discriminatoire.
La conciliation est menée par une commission mixte de conciliation composée à parité de représentants du conseil départemental de l’ordre professionnel concerné et de l’organisme local d’assurance maladie.
En cas d’échec de la conciliation, le conseil départemental transmet la plainte à la juridiction ordinale compétente avec son avis motivé dans un délai de trois mois à compter de la date d’enregistrement de la plainte, en s’y associant le cas échéant.
En cas de carence du conseil départemental, le directeur de l’organisme local d’assurance maladie peut prononcer à l’encontre du professionnel de santé une sanction dans les conditions prévues à l’article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale.
Les modalités d’application du présent article sont fixées par voie réglementaire.
Hors le cas d’urgence et celui où le professionnel de santé manquerait à ses devoirs d’humanité, le principe énoncé au premier alinéa ne fait pas obstacle à un refus de soins fondé sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l’efficacité des soins. Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée. S’il se dégage de sa mission, le professionnel de santé doit alors en avertir le patient et transmettre au professionnel de santé désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins.

Qu’en sera-t-il de ces testings ? Par qui seront-ils réalisés ? Selon quel protocole ? Les critères appliqués à ces enquêtes manqueront-ils autant de rigueur que ceux qui ont servi à la réalisation de celle du fonds CMU à l’origine de la modification de la loi ? De nombreuses questions restent en suspend, d’autant que les sanctions prévues, si les faits sont avérés, pourront être affichées au cabinet du médecin, voire même être publiées dans la presse en cas de récidive.

La procédure d’urgence ayant été choisie par le gouvernement pour ce projet de loi, l’ensemble des sénateurs n’aura qu’une seule occasion de modifier les choix des députés, avant que la commission mixte paritaire ne prenne le relais. On peut s’étonner de l’indifférence des praticiens face à de telles mesures. Aucune manifestation, aucune fermeture de cabinet, rien si ce n’est quelques vociférations de syndicats médicaux désunis… Le gouvernement joue sur du velours.

Des déserts médicaux dans le sud de la France

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Dans quelles régions exerceront les médecins de demain ?Si en 2009 les seuls déserts médicaux que l’on trouve dans le sud de la France sont les territoires de non-droit de cités situées à la périphérie des grandes villes de la région, le Languedoc-Roussillon et la région Midi-Pyrénées pourraient voir leur population de praticiens ne plus être suffisante pour répondre aux besoins de leurs habitants dans vingt ans. La démographie médicale va vraisemblablement évoluer pour être bien différente en 2030 si l’on en croit une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress) publiée le 20 février 2009.

Ce travail, intitulé « La démographie médicale à l’horizon 2030 : de nouvelles projections nationales et régionales détaillées » et réalisé par Ketty Attal-Toubert et Mélanie Vanderschelden, explique que l’Hexagone n’a jamais compté autant de médecins en exercice qu’au 1er janvier 2007. Ils étaient 208 000 en activité à cette date. Après ce record historique, c’est à une baisse régulière que l’on devrait assister. En 2019, les effectifs des praticiens auront chuté de 9,7 % selon les auteurs de cette étude. Triste constat que celui qui est fait : « la baisse du nombre de médecins attendue dans les dix prochaines années est inéluctable : elle est la conséquence des décisions prises concernant les numerus clausus dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix. » Le nombre de généralistes résisterait mieux que celui des spécialistes, d’après les projections. Les professions les plus touchées seraient la médecine du travail (moins 62 % de praticiens en 2030), la rééducation fonctionnelle (moins 47 %) et l’ophtalmologie (moins 35 %). Si ces chiffres sont exacts, on peut penser qu’ils auront une répercussion sur les textes législatifs permettant la délégation des actes : infirmiers du travail et orthoptistes pourraient avoir un bel avenir devant eux…
Plus qu’au niveau national, c’est à l’échelle régionale que les décisions devraient se prendre. C’est la Corse qui verra sa population médicale diminuer le plus si les comportements sur lesquels reposent les projections ne changent pas. La densité des médecins y serait inférieure de 34 % à ce qu’elle est actuellement. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur ou l’Île-de-France auront des densités bien plus faibles que celles qui les distinguent actuellement.

Si les décideurs politiques pensent être les seuls à pouvoir influencer l’avenir, ils se trompent : « l’évolution de la démographie médicale dépendra largement des décisions publiques prises aujourd’hui et de l’évolution des choix individuels des jeunes médecins. » Il paraît évident qu’augmenter les taxes pesant sur les professionnels de santé ou faire peser sur eux chaque jour plus de responsabilités tout en les désignant à la vindicte populaire ne favorisera pas l’éclosion de nouvelles vocations. Les jeunes praticiens aspirent à une meilleure qualité de vie et il convient aussi de tenir compte de la féminisation de la profession. Or, souvent femme varie…

Exercice libéral : toujours plus de taxes…

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Liberté d'installation du médecinSous la pression du chef de l’État, une solution réglementaire basée sur une « contribution » devrait être imposée aux médecins afin de pallier certaines carences régionales. Plus question de laisser les praticiens exercer en toute quiétude dans des zones où ils sont nombreux. Pour ceux-là, l’idée est de leur faire payer une taxe s’ils refusent de partager leur activité entre le lieu où ils ont choisi de s’installer librement et une banlieue en manque de médecins, en raison de l’insécurité ambiante par exemple. Gardes de nuit et de week-end, vacations ou actions de santé publique dans les zones à faible densité médicale devront être acceptées, en plus du travail habituellement effectué, pour que le praticien n’ait pas à régler cette contribution. Ouvrir un cabinet secondaire en zone déficitaire pourrait aussi dispenser le médecin de cette nouvelle taxe.

Pour les décideurs politiques, la notion de médecine libérale ou privée va devoir laisser la place à celle d’une médecine devant remplir une mission de service public. Il est impératif de trouver du personnel de santé pour remédier aux carences dans des régions où les services publics hospitaliers (et les autres) ont été fermés. Il faut aussi obliger des soignants à se rendre dans des territoires de non-droit où même les pompiers, pourtant accompagnés par des fonctionnaires de police, hésitent à se rendre. Tout le monde a compris que les promesses d’aides à l’installation ne feraient pas recette, surtout quand on sait quel cas a été fait de nombreuses promesses dans le domaine de la santé par des gouvernements de tous horizons. Plutôt que de limiter la liberté d’installation des jeunes diplômés, cette idée de contribution permet de faire porter les contraintes sur les médecins installés comme sur les nouveaux arrivants.

Dans un premier temps, on peut imaginer que cette mesure ne va pénaliser que les médecins ayant les revenus les plus faibles qui préféreront peut-être prendre le risque de se faire agresser ou d’être bloqué sur une petite route de campagne enneigée, car délaissée par les services de l’équipement, plutôt que de payer une nième taxe. Ce n’est que dans un second temps, une fois que les mesures visant à tirer vers le bas les honoraires de tous les praticiens qui sont progressivement mises en place auront fait leur effet, que tous les médecins réfléchiront pour savoir s’il est préférable de payer pour continuer à exercer dans de bonnes conditions.

Le gouvernement devrait réfléchir dès maintenant au moyen (une autre taxe sans doute) d’obliger les médecins en retraite, les médecins-conseil, les praticiens salariés des administrations et les remplaçants à participer à la permanence des soins dans les régions inhospitalières ou dangereuses, selon un principe d’équité et pour décourager les futurs médecins ou ceux déjà installés de se tourner vers ces voies. Il faut aussi se demander si les médecins ministres, députés ou sénateurs ne devraient pas être obligés, pour une fois, de montrer l’exemple.