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Réseaux sociaux et déontologie médicale

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Actualités, Humeur

Médecins face à un ordinateur

Twitter, Facebook, LinkedIn et bien d’autres réseaux sociaux ont envahi le quotidien de 91 % des internautes français et le temps passé sur ces sites a plus que triplé ces dernières années pour en faire la catégorie de services sur la Toile la plus populaire dans le monde entier1. Les médecins surfant sur le Net ne font pas exception et nombre d’entre eux disposent d’un profil, d’une page ou un compte sur un réseau social, que ce soit à titre personnel ou professionnel. Voilà qui peut expliquer que le Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) se soit penché, dans son dernier livre blanc intitulé Déontologie médicale sur le Web, sur l’attitude qu’elle souhaite voir adopter par les praticiens sur ces réseaux sociaux.

Médecins face à un ordinateurS’ils continuent à fréquenter les forums de sites grand public ou professionnels ou à envoyer des messages à une communauté par le biais de listes de discussion plus ou moins ouvertes, les médecins n’hésitent plus à communiquer à l’aide d’un réseau d’informations comme Twitter ou à créer leur profil sur un réseau qui leur permet de rester en contact avec les personnes qui comptent pour eux, sur le modèle que propose Facebook. Comme l’immense majorité des internautes, les praticiens ont vu dans ces nouveaux moyens de communication de formidables outils pour dialoguer, apprendre, écouter ou informer. Souvent habitués à ces réseaux au sein de leur sphère familiale, les médecins sont encore souvent réticents à franchir le pas sur un plan professionnel. S’ils sont encore peu nombreux à les utiliser pour demander un avis à des confrères face à un cas difficile, ils commencent néanmoins à s’y intéresser pour diffuser de l’information ou pour surveiller l’actualité sur un sujet donné. Pour le CNOM, Twitter peut, par exemple, « compléter les outils déjà existants de veille des sources d’informations, d’autant plus qu’il attire régulièrement de nouveaux acteurs, institutionnels ».

Twitter et le micro-blogging

« Twitter n’a pas seulement aiguisé la curiosité de professionnels de santé pionniers du web puis du web 2.0. Le réseau de communication instantanée est progressivement investi en France par les associations de patients (timides), les institutions et quelques conseillers ordinaux (avec volontarisme), et, de façon remarquable, par les établissements de soins. […] cliniques et hôpitaux se mettent à tweeter aussi bien pour diffuser des offres d’emplois, que pour promouvoir des événements dans lesquels ils sont impliqués, mais aussi pour diffuser des informations médicales spécialisées (à l’instar de l’Institut de cancérologie Gustave Roussy). Ils suivent en cela une tendance qui s’affirme en Amérique du Nord où le média électronique est activement mis à profit pour soutenir le traditionnel bouche-à-oreille qui guide le patient dans son choix d’établissement. Un hôpital de Détroit est même allé assez loin en tweetant en direct le retrait d’une tumeur du rein. Pour le chirurgien, à l’origine de cette initiative, “cette pratique élimine les barrières de la communication. Elle aide à comprendre quelque chose d’effrayant a priori”. »

Facebook : les patients ne sont pas des amis

Pour ce qui est de Facebook ou d’autres réseaux comme Google+, le CNOM constate que « les frontières sont de plus en plus poreuses à la fois entre vie professionnelle et vie sociale et entre les différents médias en ligne auxquels chacun confie une facette de sa personnalité. » Pas question, dans ces conditions, de laisser les praticiens agir à leur guise dans ces espaces de communication. Pour l’Ordre, des règles de conduite s’imposent et la déontologie qui s’applique à la réalisation d’un site médical en ligne doit être respectée. « À̀ titre personnel, le médecin doit veiller à réserver l’accès à son profil et à paramétrer les filtres de confidentialité disponibles permettant de contrôler la divulgation des informations personnelles qui le concernent.
Il doit refuser toute sollicitation de patients désireux de faire partie de ses relations en ligne (c’est-à-dire être “ami” au sens de Facebook). Cette proximité “virtuelle” comporte en effet le risque de compromettre la qualité de la relation patients-médecins qui doit rester celle de l’empathie et de la neutralité des affects.
Les médecins – et étudiants en médecine – doivent se montrer vigilants sur l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes en ligne (leur e-réputation) et ne pas négliger l’influence que cette image peut avoir sur leur propre activité professionnelle comme sur la perception du corps médical dans son ensemble par les patients, et sur la confiance que ces derniers lui témoignent.
stethoscope sortant d'un écran d'ordinateurDès lors qu’un médecin poste un commentaire personnel, humeur ou récit, il doit veiller à ne pas manquer de respect tant à l’égard des patients que de ses confrères ou de tout public visé par sa publication. Si l’humour et l’émotion sont caractéristiques de ces écrits, ils ne doivent pas déraper vers la moquerie, l’ironie blessante, la stigmatisation d’une catégorie sociale, l’injure publique voire la diffamation.
Les risques de dérives sont bien réels comme on peut déjà s’en rendre compte dans les pays anglo-saxons. Un quotidien britannique a ainsi récemment révélé que de nombreux établissements du NHS ont dû procéder à des avertissements et des licenciements de personnels, tant soignants qu’administratifs, suite à leur utilisation des médias sociaux (et en particulier de Facebook). Commentaires inacceptables à propos des collègues ou des patients, conversations déplacées à propos des soins prodigués, publication inadmissible de photos… : le quotidien note que ces incidents deviennent préoccupants. »

On ne badine pas avec la déontologie sur les réseaux sociaux (comme ailleurs), à tel point que l’Ordre rappelleque « tout médecin qui agirait ainsi de manière à déconsidérer la profession doit être averti qu’il pourrait devoir en répondre devant les juridictions disciplinaires, même si l’acte a été commis en dehors de son exercice professionnel, mais en faisant usage de sa qualification ou de son titre. »

Des pseudonymes sous surveillance

Mieux vaut ne pas accepter un conseiller ordinal dans ses “amis”, se diront certains. D’autres penseront être protégés par un nom de plume ou par l’usage d’un pseudonyme. Il n’en est rien. Le Conseil de l’ordre des médecins « admet l’usage de pseudonymes, dans des contextes distincts du strict exercice professionnel et comme liberté d’expression de tout citoyen. Il demande toutefois à leurs utilisateurs de veiller à ne rien écrire qui puisse être lourd de conséquences ou reproché si l’identité venait à être révélée.Le pseudonyme d’un médecin doit impliquer les mêmes conditions éthiques et déontologiques que lorsque l’identité est connue. Conformément au code de déontologie médicale, le pseudonyme doit faire l’objet d’une déclaration auprès de l’Ordre. Le Cnom a engagé les travaux en vue de l’établissement d’un répertoire national qui puisse lui permettre de publier la qualité de médecin sous l’usage d’un pseudonyme, sans lever aucunement cet anonymat, ce qu’il exprime sous le vocable de “pseudonymat enregistré”. »

Alors que pour l’article L 4163-5 du code de la santé publique (CSP) « l’exercice de la médecine, l’art dentaire ou la profession de sage-femme sous un pseudonyme est puni de 4500 euros d’amende » et que « la récidive est punie de six mois d’emprisonnement et de 9000 euros d’amende », le code de déontologie médicale (art. R 4127-75 du CSP) précise qu’« un médecin qui se sert d’un pseudonyme pour des activités se rattachant à sa profession est tenu d’en faire la déclaration au conseil départemental de l’ordre » Quand on sait que l’une des définitions de “libérale” est l’« ensemble des doctrines actuelles qui tendent à garantir les libertés individuelles dans la société », voilà qui prête à sourire concernant la médecine dans un tel cas, surtout quand, dans le même temps, les autorités chinoises et certains parlementaires français envisagent d’interdire l’usage du pseudonyme sur Internet. Empêcher un charlatan de se faire passer pour un médecin et de tromper un malade est un principe des plus légitimes, mais il convient de rester vigilant afin qu’il n’en vienne à servir d’autres desseins.
Faut-il s’attendre à d’autres mesures visant à plus de “transparence” ? Le CNON « proposera aux médecins de référencer leur compte de micro-blogging sur le site web de l’Ordre national, agissant alors seulement en nom collectif, comme Twitter le propose actuellement aux sociétés. Ce référencement, qui ne vaut ni approbation ni improbation des contenus publiés sous la seule responsabilité légale de leur auteur, garantirait seulement contre l’usurpation d’identité numérique, qu’elle soit en nom propre ou sous pseudonyme enregistré. »

Internet et les réseaux sociaux sont devenus l’un des principaux vecteurs de l’information en ce début de XXIe siècle. On comprend que l’Ordre, garant du respect de la déontologie, s’y intéresse. À n’en pas douter, il va être amené à se servir de plus en plus de ces nouveaux espaces de communication pour faire passer des consignes aux praticiens ou à les surveiller pour être à même de sévir quand il se doit.

Tout cela mérite réflexion, tant la déontologie médicale sur le web peut soulever de paradoxes ; un débat public autour du thème « Éthique et technologie de l’information et de la communication », organisé par le Conseil national de l’ordre des médecins, est d’ailleurs prévu pour le 20 septembre 2012. Un débat qui ne manquera sans doute pas d’être tweeté…

1— Source comScore

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Les paradoxes de la déontologie medicale sur le Web

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Souris d'ordinateur et électrocardiogramme

L’accès aux connaissances médicales, tant pour les médecins que pour les patients, a été révolutionné en quelques années par le Web. Si le colloque singulier reste la base des rapports entre un praticien et un patient, l’Internet s’est néanmoins imposé comme un outil pratique et simple pour obtenir des conseils et des informations en santé fiables. C’est dans ce contexte que le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) a publié, en décembre 2011, un livre blanc intitulé Déontologie médicale sur le Web. Ouvrage intéressant, mais plein de paradoxes : si une partie du propos vise à encourager les praticiens à investir le Web, les solutions imposées et les conseils prodigués laissent à penser qu’au-delà d’un discours de façade, la volonté de tenir les médecins français à l’égard d’Internet et de ses “dangers” est bien présente. Il est vrai que si le Web peut parfois donner l’image d’une certaine anarchie bien éloignée d’une pratique rigoureuse comme celle qu’impose la médecine, Internet représente plutôt un espace de liberté et d’innovations que les autorités, chacune à leur niveau, rêvent de réglementer et surtout de contrôler. Trouver un juste équilibre en ce domaine n’est pas simple et l’ouvrage du Cnom en est un nouvel exemple.

HON, nouveau bras armé du conseil national de l’ordre des médecins ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Stéthoscope et ordinateurDepuis la publication de la loi 2004-810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, l’article L 161-38 du code de la Sécurité sociale (CSS) impose à la Haute Autorité de santé (HAS) d’établir une procédure de certification des sites informatiques dédiés à la santé et des logiciels d’aide à la prescription médicale ayant respecté un ensemble de règles de bonne pratique. Le décret 2004-1139 du 26 octobre 2004 relatif à la Haute Autorité de santé et modifiant le code de la Sécurité sociale et le code de la santé publique prévoit, quant à lui sous la forme de l’article R 161-75 du CSS, que « La Haute Autorité de santé détermine les règles de bonne pratique devant être respectées par les sites informatiques dédiés à la santé et les logiciels d’aide à la prescription médicale pour lesquels la certification mentionnée à l’article L 161-38 est demandée. Elle définit les modalités de cette certification. » Il est prévu que ces décisions réglementaires soient publiées au Journal officiel de la République française (art R 161-76 du CSS).

Même si l’article L 161-38 avait prévu que cette certification soit mise en oeuvre et délivrée par un organisme accrédité attestant du respect des règles de bonne pratique édictées par la Haute Autorité de santé à compter du 1er janvier 2006, ce n’est qu’en novembre 2007 que la fondation Health on the Net (HON) a obtenu l’accréditation. Un choix somme toute logique puisque de nombreux sites médicaux avaient déjà accordé leur confiance pour leur certification à cette organisation non gouvernementale (ONG) suisse reconnue de par le monde avant que le législateur ne s’intéresse au problème. D’après cette ONG , « la certification est fondée sur le respect des 8 principes du HONcode par les sites de santé. C’est une démarche volontaire de l’éditeur du site qui, en la demandant, traduit son adhésion à ces principes et son engagement à les respecter. Elle est gratuite, son coût est pris en charge par la HAS et HON dans le cadre de la convention de partenariat. »
Chose étrange, il n’est nulle part fait référence aux règles de bonne pratique devant être publiées au Journal officiel. Le site de la HAS n’offre que des documents d’information sur le sujet et son rapport d’activité (novembre 2007 — novembre 2008) n’en fait pas plus mention, même s’il explique comment la certification a été mise en place. Malgré ce que prévoit l’article R 161-76 du CSS, c’est néanmoins le HONcode qui sert à certifier les sites santé en France…

Le “code” de la fondation HON est fondé sur huit principes comme l’explique la HAS aux éditeurs des sites santé :

1. Autorité
• Indiquer la qualification des rédacteurs

2. Complémentarité
• Complémenter et non remplacer la relation patient-médecin

3. Confidentialité
• Préserver la confidentialité des informations personnelles soumises par les visiteurs du site

4. Attribution
• Citer la/les source(s) des informations publiées et dater les pages de santé

5. Justification
• Justifier toute affirmation sur les bienfaits ou les inconvénients de produits ou traitements

6. Professionnalisme
• Rendre l’information la plus accessible possible, identifier le webmestre, et fournir une adresse de contact

7. Transparence du financement
• Présenter les sources de financement

8. Honnêteté dans la publicité et la politique éditoriale
• Séparer la politique publicitaire de la politique éditoriale

Ces principes sont explicités sur le site d’HON.

Bien que la loi n’impose rien concernant la durée de validité de cette certification, la HAS a choisi de reprendre à son compte l’un des fondements de la certification HON, comme elle l’explique dans son document à l’attention éditeurs de sites diffusant de l’information en santé : la certification est délivrée pour un an avec une réévaluation annuelle systématique des sites par HON. Pendant cette période, les sites font l’objet d’une surveillance par HON afin de s’assurer du respect des principes du HONcode dans la durée. Un système de plainte en ligne permet à tout internaute de signaler à HON ce qu’il estimerait être une non-conformité. HON instruit les plaintes et le cas échéant demande aux sites de corriger les non-conformités. La certification peut être suspendue voire retirée si un site ne corrige pas les non-conformités.

C’est dans le cadre de cette procédure de suivi que des sites de chirurgie esthétique, ayant la certification depuis plusieurs années pour certains, ont vu apparaître de nouvelles exigences pour continuer à être certifiés. Des conditions vraiment surprenantes puisqu’il leur est demandé de se conformer aux recommandations de l’ordre national des médecins du 22 mai 2008 relatives à la déontologie médicale sur le Web santé, ce qui n’avait jamais été le cas jusque-là. Les mails reçus d’HON par les gestionnaires de ces sites dont Droit-medical.com a pu avoir connaissance ne laissent aucun doute : « Par ailleurs, votre site comporte des photos sur la page d’accueil […] : l’ordre interdit formellement les photos dans ses recommandations sur la déontologie médicale sur le web santé. […] Pour être en accord avec l’ordre des médecins, vous avez l’obligation d’enlever toutes les photos de votre site. En effet ces photos vous engagent à une obligation de résultats pouvant être préjudiciable pour vous, et vous pouvez être dénoncé par vos confrères pour avoir affiché ces photos. » Dans d’autres mails, il est demandé de faire figurer situation au regard de la convention médicale, les principaux honoraires, l’appartenance à une AGA, les conditions de réalisation de devis lorsque la réglementation pour la discipline exercée l’impose. Il est aussi imposé de retirer les formulaires de contact destinés à autre chose qu’à la prise de rendez-vous. Tout ceci avec pour seul motif d’être en conformité avec les recommandations de l’Ordre.

À aucun moment les documents de la HAS ne font référence aux recommandations de l’ordre des médecins. Rien dans le HONcode ne les évoque. Et pourtant, voilà que de simples recommandations sont imposées aux praticiens qui ont fait la démarche volontaire de demander une certification et qui l’avait obtenue jusque-là… Si le conseil de l’Ordre s’est engagé depuis quelques mois dans une réflexion sur la qualité des sites santé aux côtés de la HAS et de la fondation HON, à aucun moment il ne semble avoir été question d’imposer de nouvelles contraintes aux praticiens dans le cadre de la certification. Excès de zèle d’HON ou nouvelle politique décidée de façon bien peu transparente ? Les seuls retours que nous ayons eus jusqu’à présent concernent des sites de chirurgie esthétique, y aurait-il une discrimination à leur égard ou ces dispositions touchent elles tous les sites de médecins ? Il est vrai que la justice ayant habitué les praticiens à voir dans les recommandations, à l’élaboration desquelles certains d’entre eux participent, des textes ayant quasiment force de loi, il est peut être tentant pour les autorités de santé comme pour l’Ordre de les multiplier et de trouver de nouveaux moyens pour les voir appliquées.

À moins qu’il ne s’agisse là d’une réaction de la HAS et de la fondation HON au vent de fronde qui souffle depuis peu au sujet de la certification ? Si tel est le cas, il n’est pas certain que cette mesure soit judicieuse, car elle impose aux médecins des obligations que des sites de l’industrie ou de l’administration n’ont pas pour obtenir le même label. Il y aurait donc une certification à deux vitesses ? Difficile dans un tel contexte de continuer à imposer un label unique, sauf à vouloir induire en erreur le patient en lui faisant croire qu’il peut accorder la même confiance à des sites ayant été certifiés par des procédures plus ou moins strictes.
Par ailleurs, malgré des discours de façade, la certification HAS/HON n’a en rien résolu le problème de la qualité des informations proposées par les sites santé aux patients. Le respect des recommandations de l’Ordre et la certification d’un site ne sont en rien un gage d’informations médicales pertinentes ou exemptes de conflits d’intérêts. En ce domaine, chacun pense avoir la solution, mais en pratique la solution semble encore bien loin d’être trouvée.

Face à un tel manque de transparence pour les sites santé, que faut-il penser de la note de cadrage qu’a mise en ligne en décembre 2010 la HAS au sujet des « critères de qualité des revues et journaux de la presse médicale française » ? S’il est indéniable que de nombreuses questions se posent quant aux nombreux conflits d’intérêts qui peuvent exister entre cette presse et l’industrie pharmaceutique, on est en droit de se demander s’il sera question d’y répondre ou si cette réflexion n’aura pour autre but que d’imposer de nouvelles contraintes aux seuls praticiens…

Un seul collaborateur libéral par médecin, dentiste ou sage-femme

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Face à faceLe Conseil d’État a tranché : « il n’est loisible à tout médecin que de conclure un seul contrat de collaborateur libéral avec un confrère ». Et le Conseil d’État va même plus loin, puisque cette limitation à un seul contrat de collaborateur libéral s’impose aussi aux autres professions médicales (chirurgien dentiste, sage femme) : « la réglementation de la profession de médecin, ainsi d’ailleurs que celle des autres professions médicales, justifie légalement de limiter le nombre de collaborateurs libéraux dont le praticien peut s’entourer » comme l’explique une décision du 11 octobre 2011 (nº 330296).

Dans cette affaire, un praticien avait trouvé deux confrères souhaitant travailler à temps partiel au sein du cabinet, en parallèle de sa propre activité. Disposant, à cette époque, d’un remplaçant pour ses périodes de congés ou de formation continue, il n’était nullement pour lui question de laisser en d’autres mains les patients qui désiraient être suivis par lui, simplement d’offrir de nouvelles possibilités d’accès aux soins dans une région considérée comme sous médicalisée dans la spécialité qui est la sienne. Pour des raisons pratiques, les collaborateurs libéraux étaient intégrés à une société d’exercice libérale (SEL).
Mais le conseil de l’ordre des médecins ne l’a pas entendu de cette oreille et a refusé le recours à deux collaborateurs libéraux au motif qu’un contrat de collaboration libérale doit être conclu dans le respect des règles régissant la profession aux termes de l’article 18 de la loi nº 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises et que, selon les principes du code de déontologie, le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle, l’exercice de la médecine est personnel, la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce, tout compérage entre médecins est prohibé et qu’il est interdit à un médecin de faire gérer son cabinet par un confrère.
Des principes qui semblaient compatibles ou très éloignés de l’esprit de la loi du 2 août 2005, comme pouvaient le laisser penser les conclusions du rapporteur public du Conseil d’État. Pour ce dernier, aucune disposition de l’article 18 de la loi du 2 août 2005, ni de l’article R 4127-87 du code de la santé publique ne permettait de limiter le recours à plus d’un collaborateur libéral par praticien ou société de praticiens, ce qui paraissait somme toute logique à la lecture de l’article Un seul collaborateur libéral par cabinet médical ? Pas selon la loi… publié en février 2009. De plus, le rapporteur public estimait que le risque d’atteinte aux principes déontologiques par le recours à deux collaborateurs libéraux n’était pas plus élevé que dans le cadre d’un exercice en société. Une telle limitation constituait même, selon lui, une atteinte à la liberté contractuelle dont seul le législateur pouvait décider.

Le Conseil d’État qui n’est pas lié aux conclusions de son rapporteur public en a donc décidé autrement et a reconnu le bien-fondé de la décision du conseil national de l’ordre des médecins selon laquelle un médecin ne peut recourir aux services que d’un seul collaborateur libéral aux motifs que le cumul de contrats de collaboration serait constitutif d’une gérance de cabinet et d’un exercice de la médecine comme un commerce, sur le fondement de l’article R 4127-91 du code de la santé publique.

Une décision surprenante, d’autant plus qu’elle est susceptible de s’appliquer à toutes les professions médicales, quand on sait que le décret nº 2009-168 du 12 février 2009 portant modification de diverses dispositions du code de la santé publique relatives à l’exercice de la profession de chirurgien-dentiste, publié au Journal officiel du 14 février 2009 a assoupli la restriction à un seul collaborateur qui pesait sur les chirurgiens-dentistes. Une décision qui laisse aussi songeur à un moment où l’on encourage les praticiens à travailler en équipe au sein de maisons médicales ou à développer le principe du travail aidé en collaborant avec des professionnels paramédicaux.
Les arguments retenus laissent penser que le cumul de contrats de collaboration salariée serait aussi constitutif d’une gérance de cabinet ou de l’exercice de la médecine comme un commerce pour le secteur libéral. Deux pas en avant, trois pas en arrière ?

Certificat médical et divorce

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Rupture et divorceOn ne compte plus, chaque année, le nombre de médecins mis en cause pour avoir rédigé un certificat médical, tout particulièrement lorsque ce document va être utilisé par un patient ou par son avocat dans une procédure de divorce. Cet acte, qui paraît souvent anodin au praticien, engage pourtant sa responsabilité au même titre qu’un acte diagnostic ou thérapeutique.

La section du contentieux du Conseil d’État, dans une décision du 26 mai 2010 (requête n° 322128), résume bien ce qui caractérise le médecin imprudent.

En août 2006, un généraliste du sud-est de la France remet à la mère d’un jeune garçon de quatorze ans qu’il vient d’examiner un certificat médical dans lequel il constate que cet adolescent présente des troubles psychosomatiques. Alors que les parents sont en instance de divorce, ce même praticien un mois plus tard délivre « un second certificat médical présentant ces troubles comme en rapport avec des problèmes relationnels avec son père et prescrivant qu’il ne se rende pas chez ce dernier pendant un mois, sans invoquer d’éléments nouveaux et sans avoir eu de contact avec le père ». Réaction immédiate du père qui demande au conseil de l’ordre dont dépend le praticien une sanction à l’égard de ce dernier. Après la procédure habituelle, le médecin se voit infliger un blâme. Cette peine, contestée par le généraliste, ayant été confirmée par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, il a formulé une requête devant le Conseil d’État.

Pour la section du contentieux, « en jugeant qu’en ne se bornant pas à relater les constatations médicales qu’il avait pu effectuer sur son patient et en mettant en cause la responsabilité du père, le Dr B s’est immiscé dans les affaires de famille et a établi un certificat tendancieux, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins n’a pas entaché sa décision d’erreur de qualification juridique au regard » de l’article R 4127-28 du code de la santé publique (art. 28 du code de déontologie) qui précise que « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite » et de l’article R 4127-51 du même code (art. 51 du code de déontologie) disant que « Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».

Un certificat médical doit être basé sur un examen clinique réalisé par le médecin lui-même et préciser la date à laquelle cet examen a eu lieu si le praticien ne veut pas voir sa responsabilité engagée. Revoir son diagnostic a posteriori sans nouvel examen ou sans élément nouveau et délivrer un autre certificat à cette occasion est une faute, surtout quand une tierce personne est mise en cause par cet acte. Lorsqu’il est question de divorce, le médecin doit être particulièrement prudent et son ressenti ne doit pas influencer ses actes s’il veut continuer à exercer en toute sérénité.

Les étudiants en médecine se laissent aller sur Internet

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Lendemain de fête sur InternetHaro sur les carabins ! Mais que l’on se rassure, ce sont les étudiants en médecine américains et canadiens qui sont pointés du doigt dans un article intitulé Online Posting of Unprofessional Content by Medical Students [Mise en ligne de contenu pas très professionnel par les étudiants en médecine, NDLR] paru dans le JAMA (Journal of the American Medical Association), fin septembre 2009, grâce à des informations données par l’association des écoles de médecine américaines (Association of American Medical Colleges, AAMC).

À l’heure du Web 2.0 et des réseaux sociaux en ligne, qui n’a pas entendu parler de candidats à un poste confondus par leurs recruteurs pour s’être laissé aller sur leur blog ou sur leur page de Facebook ? Si ces pratiques sont rarement reconnues par ceux qui les emploient dans notre pays, de peur d’être condamnés, elles n’en existent pas moins.
Sur le Nouveau continent, ces méthodes ne s’appliquent pas seulement aux jeunes que l’on cherche à recruter, mais aussi à ceux qui ont déjà été sélectionnés, et les étudiants en médecine l’apprennent à leurs dépens. Pas question, bien entendu, de mettre sous surveillance les quelques 75 000 étudiants appartenant aux institutions membres de l’AAMC ou d’aller visiter leurs pages personnelles une à une, mais il y a d’autres moyens. C’est une enquête par voie électronique auprès des doyens de toutes les facultés de médecine américaines et canadiennes, de leurs équivalents ou de leurs représentants pour connaître le pourcentage d’incidents répertoriés par leur administration concernant la mise en ligne par leurs étudiants de contenu pouvant être considéré comme ne faisant pas honneur à la profession, qui a été réalisée. Les résultats étaient anonymes et ont été recueillis entre mars et avril 2009. Les données obtenues portent aussi sur le type d’infraction reproché à l’étudiant, les mesures disciplinaires prises, l’existence d’un règlement ou d’un projet de règlement à ce sujet au sein de l’établissement.

60 % des établissements ont répondu à cette enquête et, parmi elles, 60 % ont reconnu avoir pu identifier ce type d’incidents. Qu’il s’agisse de l’usage de grossièretés (52 %), d’un langage franchement discriminatoire (48 %), de scènes d’ivresse (39 %) ou de contenu à caractère sexuel (38 %), les reproches sont divers. 13 % de violations du secret professionnel ont été recensées. Face à ces comportements jugés outre-Atlantique comme non-professionnels, 67 % des institutions ayant décidé d’agir se sont contentées d’un avertissement informel alors que 7 % sont allés jusqu’à prononcer des exclusions. Il faut dire que 38 % des organismes ayant répondu ont un règlement relatif à ce que peuvent ou non poster leurs étudiants sur Internet et 11 % sont en train d’en élaborer un.

En France, le vote de la loi Hadopi a montré que la surveillance d’activités privées sur Internet, y compris par des organismes eux aussi privés, allait pouvoir devenir une procédure employée à grande échelle. Dans le milieu professionnel, c’est principalement l’usage des outils informatiques professionnels ou du temps passé à des activités extra-professionnelles qui a conduit à des jurisprudences qui, si elles ont pu sanctionner des pratiques abusives, ont pris soin de respecter la vie privée de l’employé. Verra-t-on pour autant de telles procédures se mettre en place ? L’interdiction des bizutages a montré que les excès de quelques-uns peuvent aboutir au blâme du plus grand nombre. Pour certains, la féminisation des internats de médecine a sonné le glas d’une tradition paillarde ; pour d’autres, c’est le politiquement correct et une volonté d’uniformisation morale qui laissent de moins en moins de place à l’esprit carabin.

Transfert d’actes des professionnels de santé et absence de déontologie

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Déontologie et transfert d'actes des professionnels de santéL’article 51 de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) prévoit que « les professionnels de santé peuvent s’engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d’opérer entre eux des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganiser leurs modes d’intervention auprès du patient ». Même s’il est indiqué que ces transferts « interviennent dans les limites de leurs connaissances et de leur expérience ainsi que dans le cadre des protocoles » prévus au code de la santé publique, il est évident qu’au prétexte d’une démographie médicale considérée comme alarmante par les pouvoirs publics et comme préoccupante par le conseil de l’ordre des médecins, des transferts d’actes de soins vont intervenir entre des professionnels de santé dont l’activité est régie par un code de déontologie vers d’autres professionnels de santé qui ne sont pas astreints à respecter un tel code. À une époque où l’on oppose régulièrement la déontologie aux médecins, en matière de permanence des soins ou d’une soi-disant discrimination économique envers les patients, il est étonnant que le législateur ait pu envisager de telles pratiques…

Même si « Le patient est informé, par les professionnels de santé, de cet engagement dans un protocole impliquant d’autres professionnels de santé dans une démarche de coopération interdisciplinaire impliquant des transferts d’activités ou d’actes de soins ou de réorganisation de leurs modes d’intervention auprès de lui », il est peu probable qu’il soit imposé aux professionnels de santé concernés de faire référence à une éventuelle absence de code de déontologie.

Le demandeur d’un protocole auprès de l’Agence régionale de santé (ARS) dont il dépend doit disposer d’une garantie assurantielle portant sur le champ défini par le protocole et fournir la preuve de son expérience dans le domaine considéré et de sa formation. Plus que l’ensemble des règles et des devoirs qui régissent la conduite de ceux qui exercent une profession, c’est la couverture assurantielle qui prime désormais. Plus question de compétences, régime qui prévalait jusque-là pour être autorisé à accomplir un acte, il suffit qu’une autorité administrative, créée principalement dans un esprit d’économies de santé, valide une expérience et une formation… Certes les protocoles sont soumis à la Haute Autorité de santé (HAS), mais celle-ci n’émet qu’un avis. Le rôle de l’HAS est consultatif. Qu’en sera-t-il du pouvoir de force entre certaines ARS et la HAS ? Entre les économies et la santé ?

Ces questions n’ont pas un caractère anodin : des professionnels de santé comme les opticiens ou les audioprothésistes, qui n’ont pas de code de déontologie à respecter et qui peuvent, pour certains, avoir une approche très commerciale des maux dont souffrent les patients ne vont pas manquer d’être concernés par des protocoles de transfert. Vont-ils se voir imposer un ordre professionnel et un code déontologie ? Vont-ils le demander ? La déontologie et l’assurance sont-elles équivalentes ?

Nouveau code de déontologie des masseurs kinésithérapeutes

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KinésithérapieLe décret no 2008-1135 du 3 novembre 2008 portant code de déontologie des masseurs-kinésithérapeutes a été publié au Journal officiel du 5 novembre 2008. C’est une première pour cette profession.

Les différents articles qui le composent sont repris au code de la santé publique (art. R 4321-51 à R 4321-145). Ce code couvre les devoirs généraux des masseurs-kinésithérapeutes ; les devoirs envers les patients ; les devoirs entre confrères et membres des autres professions de santé ; l’exercice de la profession. Sur ce dernier point, il fait la part des choses entre les règles communes à tous les modes d’exercice, ceux propres à l’exercice libéral ou à d’autres formes d’exercices.

L’ordre des masseurs-kinésithérapeutes est, bien entendu, chargé de veiller au respect de ces dispositions. Les infractions à ces dispositions relèvent de la juridiction disciplinaire de l’ordre.

À la lecture de ce code, on peut se poser une question : le masseur-kinésithérapeute est-il encore amené à travailler sur prescription médicale ? D’ailleurs, le médecin a-t-il encore une quelconque utilité dans le nouveau système de santé qui se dessine ?

Déontologie du médecin militaire

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MédaillesLe décret no 2008-967 du 16 septembre 2008 fixant les règles de déontologie propres aux praticiens des armées a été publié au Journal officiel.
Ce n’est pas le caractère médical qui prime dans la déontologie médicale, mais l’esprit militaire si l’on en croit le premier aspect abordé par les règles de déontologie de ces praticiens. Il est stipulé à l’article 2 qu’ « Il doit se comporter en toutes circonstances avec l’honneur, la probité et la dignité qu’exige de lui son état d’officier ». Ce n’est qu’à l’article 4 que l’esprit médical apparaît : « Le praticien des armées exerce sa mission dans le respect de la vie, de la personne et de sa dignité. Il ne doit en aucun cas participer, même passivement, à des actions cruelles, inhumaines ou dégradantes. Il écoute, examine, conseille ou soigne avec la même conscience et le même dévouement toute personne, quels que soient son origine, sa condition, ses moeurs, son appartenance ou non à une ethnie, une nation ou une religion déterminée ou les sentiments qu’elle lui inspire ». Quant à l’article 11, il met sur un même plan l’éthique médicale et la hiérarchie militaire. Un chapitre entier est consacré aux « relations d’autorité ».
 
Bien que le praticien des armées en activité ne soit pas inscrit au conseil de l’ordre des médecins, de nombreuses obligations sont communes à celles des praticiens civils. Le devoir d’information ou le secret professionnel en font partie.
 
Par contre, « il ne peut exercer aucune activité professionnelle privée lucrative de quelque nature que ce soit, ni accepter d’avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, pour la réalisation d’un acte professionnel quelconque ». 
 
Le médecin des armées est d’autant plus responsable des patients que sur un théâtre d’opérations, le malade ou le blessé n’a pas le libre choix du praticien. Il est responsable de ses subordonnés et la confraternité revêt un caractère plus fort que dans le civil : « Au cours de leur exercice professionnel, les praticiens des armées se doivent mutuellement assistance, conseil et service ».
 
Les circonstances semblent exiger qu’un praticien des armées soit un militaire avant d’être un médecin.