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Un nouveau protocole pour la sécurité des professions de santé

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Agressions des professionnels de santéCe ne sont pas moins de trois ministres, celui de l’intérieur, celui de la justice et celui de la santé, qui étaient réunis place Beauvau à Paris, le 20 avril 2011, pour signer un protocole national pour la sécurité des professions de santé. Pendant pour les professionnels de santé libéraux du protocole santé sécurité signé en 2005 qui avait pour but d’améliorer la sécurité des établissements hospitaliers publics et privés, ce document n’a été signé par les ordres professionnels, seuls les principaux syndicats ayant répondu à cet appel. Il ne faut pas y voir là un désintérêt des Ordres pour la sécurité des professions de santé, comme le montrent des actions telles que l’observatoire de la sécurité des médecins mis en place par le conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) depuis 2004, mais bien un nouvel épisode de la lutte de pouvoir que se livrent Ordres et syndicats et dont savent fort habilement tirer partie les pouvoirs publics.

On ne peut que regretter qu’il ait fallu attendre que les résultats 2010 de l’observatoire de la sécurité des médecins montrent une hausse sans précédent des actes de violence à l’égard des médecins, tout comme d’autres études ont fait état de constatations identiques pour les professionnels de santé dans leur ensemble, et que les médias consacrent quelques reportages au phénomène pour que des mesures soient annoncées. Ne s’agit-il d’ailleurs pas là que d’un simple effet d’annonce lorsque l’on sait que le protocole signé pour les établissements de santé en 2005 n’a pas empêché la forte augmentation des déclarations des médecins et des autres personnels de soin exerçant dans ces lieux ? C’est à l’usage et au quotidien que les libéraux jugeront ces mesures diverses et variées.

Il est question d’une « boîte à outils adaptée aux réalités du terrain » et de de « solutions surmesure pour chaque type de situation » si l’on en croit les déclarations officielles : mise en place d’interlocuteurs dédiés au sein des commissariats et des brigades de gendarmerie, policiers et gendarmes pouvant réaliser à la demande des professionnels des diagnostics de sécurité, procédures de signalement simplifiées (comme des boîtiers de géolocalisation) sont au nombre des solutions proposées.

Plus que des mesures visant à empêcher les agressions, il semble surtout qu’il s’agit de donner l’impression aux professionnels de santé qu’ils pourront être secourus quand celles-ci auront eu lieu, ou que leurs auteurs pourront être poursuivis, comme en témoigne l’incitation faite aux élus locaux par le ministre de l’intérieur « à développer leur système de vidéoprotection de manière à couvrir, autant que possible, les abords des cabinets médicaux et paramédicaux ou des pharmacies ».
Plus qu’aux professionnels de santé auprès duquel les ministres ont voulu faire passer un message, c’est auprès des forces de l’ordre qu’il est souhaitable que l’information soit transmise. Entre les discours prononcés dans les salons feutrés parisiens et la réalité sur le terrain, il y a bien souvent un manque de corrélation. Lorsque le ministre de l’intérieur insiste « sur la nécessité de porter plainte systématiquement en cas de malveillance ou de violence en soulignant que c’est la plainte qui déclenche l’enquête et rend possible les poursuites judiciaires » et qu’il explique que « considérant l’utilité publique des professions de santé, il était possible, dans leur cas, de procéder à des prises de plainte sur rendez-vous ou à domicile », on aimerait le croire. Dans la pratique, les professions de santé qui ont passé du temps, parfois des heures, dans des commissariats au lieu d’être au chevet des patients pour s’entendre dire qu’une simple « main courante » pouvait faire l’affaire ne manqueront pas de sourire en prenant connaissance de ses propos.

Outre la sécurité des professionnels de santé, c’est la désertification médicale et le maillage du territoire qui sont en jeu pour le ministre de la santé. Il est vrai que l’on peut se demander quelles actions peuvent avoir des mesures incitatives à l’installation dans des zones de non-droit. Sans parler des mesures coercitives évoquées par certains, au prétexte de soigner les personnes âgées dans les départements ruraux, mais élaborées en fait pour obliger les professionnels de santé à visser leur plaque dans certains déserts médicaux, quand on sait que les membres des forces de l’ordre ne pénètrent dans ces mêmes zones qu’armés et à plusieurs ?
Certains regretteront sans doute que ce thème sécuritaire soit mis en avant. Peut-être est-ce parce qu’ils n’ont jamais été victimes d’une agression alors qu’ils allaient porter secours ou prodiguer leurs soins à un patient ?

 

Signature du protocole national pour la sécurité des professions de santé,
une vidéo réalisée par les services du ministère de l’interieur.

La semaine de la médecine de proximité

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Médecin de proximitéC’est par une visite du Chef de l’État, le 1er décembre 2010, dans un « pôle de santé libéral et ambulatoire » du Calvados que cette semaine politique de la médecine de proximité va arriver à son terme. Une table ronde sur le sujet au cours de laquelle les conditions d’exercice des métiers de la santé, les difficultés posées par la démographie médicale en zone rurale et l’exigence d’accès aux soins seront notamment abordées.

Cette semaine de la médecine de proximité a commencé le 23 novembre 2010 au 93e congrès des maires de France, durant lequel Nicolas Sarkozy a abordé le thème de la santé à plusieurs reprises. Il a tout d’abord rappelé qu’il avait constaté à son arrivée à la tête de l’État que 69 % des hôpitaux étaient en déficit et que, malgré le mécontentement que pouvait engendrer la fermeture de tels établissements de proximité, il n’y avait d’autre solution que de fermer des établissements. L’excuse de la sécurité des patients n’a pas servi, cette fois, à masquer la principale raison qui explique la disparition de maternités ou de services de chirurgie de proximité : l’aspect économique. Dans un pays dont la dette représente 90 % du PIB, comme serait-il possible d’ignorer une telle donnée ?
Sur le plan de la démographie médicale, le Président a dit qu’il ne comprenait la situation actuelle : « Il n’y a jamais eu autant de médecins dans notre pays, 210 000, et en même temps, on a des régions entières, même pas des départements, qui ont une démographie médicale désertifiée avec certains quartiers de nos villes qui ont une hypertrophie de la représentation médicale. J’ajoute que dans les spécialités, tout le monde va vers les spécialités où il n’y a pas de gardes et on n’a plus de médecins anesthésistes, plus d’obstétriciens et on a beaucoup de difficultés à trouver un certain nombre de spécialités. Là encore, l’État doit vous [les maires de France, NDLR] aider à installer durablement des professionnels de la santé. Nous allons complètement repenser le statut des médecins, repenser leurs rémunérations. La rémunération à l’acte doit rester la base, mais elle n’est pas suffisante. Eux aussi, il faut leur libérer du temps pour des actes médicaux et non pas pour remplir quantité de formulaires qui, par ailleurs, ne servent à rien. Je crois également qu’il faut aller plus loin dans le financement des études des jeunes internes qui s’engageront en échange du fait que l’État ait payé leurs études à s’implanter dans des régions et des départements où il n’y a pas de médecins, sinon on ne va pas pouvoir s’en sortir. »
Des propos qui semblaient montrer que le Chef de l’État avait déjà des idées précises de sa future politique en matière de médecine de proximité trois jours avant qu’Élisabeth Hubert ne lui remette le rapport de la mission qu’il lui avait confié sur le sujet.

Ce n’est que le 26 novembre 2010 que l’ancien ministre Élisabeth Hubert a remis son rapport quant à sa mission de concertation sur la médecine de proximité. Elle y propose de revoir en profondeur la formation des futurs médecins. « En ce qui concerne, en premier lieu, le second cycle des études médicales, il convient de présenter précocement aux étudiants toute la diversité de la pratique médicale, de mettre en œuvre dans toutes les facultés de vrais stages d’initiation à la médecine générale, de faire effectuer aux étudiants des stages hors des CHU, de leur faire découvrir l’activité des autres professions de santé et ainsi faire l’apprentissage du partage des compétences, de modifier les modalités des épreuves classantes nationales. L’internat en médecine générale doit lui aussi être sensiblement modifié en augmentant le nombre de stages effectués chez le médecin généraliste, en créant une année complémentaire de “séniorisation” en formant les internes en médecine générale aux particularités de l’exercice libéral et à la gestion d’un cabinet médical.
Dans le même temps, il est urgent de procéder aux nominations de professeurs de cette spécialité en fonction du rythme prévu par la loi HPST, de rendre attractif le statut de chefs de clinique de médecine générale, de recruter en nombre suffisant les maîtres de stage pour encadrer les étudiants et internes en médecine générale et pour cela, d’améliorer l’attrait de cette fonction.
Mais les réalités du XXIe siècle justifient, aux yeux de la mission, deux autres changements qui seraient, il est vrai, vécus comme une réelle révolution : réduire la durée des études de médecine avant l’internat de 6 à 5 ans et dissocier la fonction d’enseignant de celle de praticien hospitalier. »
Élisabeth Hubert insiste ensuite sur la nécessité de développer la télémédecine et de la mettre au service des patients et des praticiens. Selon elle, « il faut rompre avec le développement anarchique et non coordonné des systèmes d’information aboutissant au fait que, sur un territoire de santé, les politiques d’informatisation sont conçues sans recherche d’interopérabilité entre elles » et que « les informations recueillies doivent servir la santé de chaque patient, permettre de mieux piloter le système de santé et réduire les tâches administratives des praticiens. Ceci impose de lever les obstacles juridiques au développement de la télémédecine, d’en clarifier les conditions de facturation et de faire en sorte que le traitement des données de santé soit réalisé de manière professionnelle. »

Accélérer les protocoles de coopération entre professionnels de santé et par là même le transfert des actes de soins est un autre axe de proposition d’Élisabeth Hubert, tout comme les regroupements pluridisciplinaires.
Allant dans le sens de ce qu’évoquait quelques jours plus tôt le président de la République, il est question dans ce rapport d’envisager « une refonte totale du système de rémunération des professionnels de santé et en particulier des médecins […] Il n’est plus possible de payer le même prix pour une consultation quelles qu’en soient la complexité et la durée. La grille tarifaire doit donc tenir compte de cette variabilité. Les situations, éminemment complexes, qui imposent l’intervention coordonnée de plusieurs professionnels et des réunions de concertations, seraient quant à elles rétribuées sous la forme de forfaits selon des modalités s’inspirant de la tarification à l’activité telle qu’utilisée en hospitalisation à domicile. Une clarification du régime social et fiscal de ces sommes forfaitaires devra être opérée, leur assimilation aux honoraires conventionnels apparaissant le système le plus simple et le moins pénalisant pour les professionnels.
Par ailleurs, les surcoûts engendrés par les formes d’exercices regroupés, tant dans les MSP que dans les Pôles de Santé, doivent faire l’objet d’un financement spécifique, pérenne compte tenu de l’enjeu organisationnel qu’elles représentent. »

Alors que pour de nombreux médecins, la mission d’Élisabeth Hubert représentait une lueur d’espoir quant à leur malaise vis-à-vis de l’assurance-maladie et des contraintes chaque jour plus fortes qu’elle leur impose, la lecture du rapport devrait très vite les ramener à la réalité : « L’État, garant du bon fonctionnement du système et non gérant du quotidien, doit être seul investi de la décision politique. Cela impose que les organismes payeurs soient, eux, les vrais maitres d’œuvre d’une politique conventionnelle dont les contours et le contenu sont à redéfinir. Quant aux Agences régionales de santé, créées par la loi HPST, il importe d’en renforcer le rôle. »

D’autres propositions viennent s’ajouter aux précédentes, comme celle d’ouvrir les maisons de santé et les pôles de santé pluriprofessionnels en soirée pour désengorger les services d’urgence à l’hôpital. Il est aussi question « d’améliorer la couverture maternité des médecins libéraux exerçant en secteur 1 » et d’« appeler toutes les parties concernées par le sujet de l’assurance vieillesse à prendre leur responsabilité, l’état catastrophique de ce régime faisant peser de lourdes craintes sur les retraites des médecins. »
« La mission s’est aussi penchée sur deux autres objets d’interrogations : le développement professionnel continu (DPC) et la responsabilité civile professionnelle. Il convient de dépassionner ce dernier sujet pour les médecins généralistes au regard du faible nombre de plaintes enregistrées et du montant inchangé des primes d’assurance. Quant au DPC, plus que de réglementations multiples c’est d’autonomie dont ont besoin les professionnels de santé, la confiance et l’évaluation devant désormais être les piliers des relations instituées. »

Dernier point, fondamental celui-là à la veille de la fin de cette semaine de la médecine de proximité : que faut-il entendre par “proximité” ? « Proximité, ne signifie pas disposer à sa porte. Accéder à l’issue d’un trajet de 20 minutes à un lieu où puissent être pratiqués interrogatoire, examen clinique et prescriptions, apparait raisonnable. » Mais que les patients se rassurent, quoiqu’il arrive le rapport parle de la mise en place « des moyens de transport pour se rendre chez le médecin le plus proche »…

Explications sénatoriales à l’actuelle démographie médicale et taxe Bachelot

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La taxe Bachelot votée par le SénatLes praticiens sont sans cesse montrés du doigt lorsqu’il s’agit d’expliquer l’actuelle démographie médicale. La stigmatisation est telle que l’on pourrait croire qu’ils sont à l’origine de leur propre déficit. Jacques Blanc, sénateur de la Lozère, appartenant à l’Union pour un mouvement populaire (UMP), lors des débats au Sénat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), lutte contre cette idée reçue et analyse la situation de façon bien différente.

Voici un extrait de l’intervention au Sénat de Jacques Blanc lors de l’examen de l’article 15 du projet de loi, le 28 mai 2009, en présence de Roselyne Bachelot, ministre de la santé :

« D’une manière générale, un grand nombre de médecins exercent en milieu hospitalier, mais les médecins libéraux sont moins nombreux en zone rurale. Ce n’est pas une critique, c’est un constat.

Par ailleurs, la profession est féminisée à plus de 50 %. Ces femmes, et on les comprend, veulent maîtriser leur emploi du temps, et elles exercent donc souvent à temps partiel.

En outre, il existe des fonctions médicales dans divers secteurs.

Lorsque l’on compare le nombre de médecins en France et dans d’autres pays européens, il faut tenir compte de ces données. En fait, il n’est pas étonnant que l’on manque de médecins dans les campagnes, mais également dans certains secteurs urbains.

Pendant trop longtemps, madame la ministre, vos prédécesseurs ont cru que, en réduisant le nombre de médecins, on diminuerait les dépenses. Or, cette analyse est totalement fausse. C’est comme si l’on prétendait que l’on allait manger plus de pain parce qu’il y a plus de boulangers. Ce n’est pas parce qu’il y a plus de médecins que l’on dépensera plus ! Peut-être même est-ce l’inverse.

Si les médecins ne sont pas assez nombreux, ils sont surmenés. Faute de temps, ils multiplient les actes au lieu de procéder à un examen approfondi. Et ceux qui ont exercé la médecine savent qu’il faut parfois aller vite pour assurer toutes les visites et consultations !

En tout état de cause, mes chers collègues, il faut tordre le cou à cette fausse analyse ! »

Loin de tout clivage politique, cette analyse semble être approuvée par l’opposition puisque Jean Desessard, sénateur de Paris, a systématiquement abondé dans le sens de Jacques Blanc à ce sujet.

Les médecins ne sont donc pas en nombre suffisant en raison de décisions politiques ayant limité le numerus clausus durant de nombreuses années dans l’espoir de réaliser des économies de santé. Le numerus clausus a atteint son plus bas niveau en 1993. Moins de praticiens, cela voulait dire un accès plus difficile aux soins pour les patients et donc moins d’actes à rembourser… Face à ce constat, il est difficile de comprendre pourquoi ce serait aux praticiens de devoir être sanctionnés pour ces choix politiques inappropriés. C’est pourtant ce que les sénateurs viennent de faire en réintroduisant dans la future loi ce que certains appellent la « taxe Bachelot ». Après que la commission des affaires sociales a supprimé les dispositions relatives à la « contribution forfaitaire annuelle », pour les médecins refusant de signer un « contrat santé solidarité » les obligeant à aller exercer une partie du temps dans les campagnes ou les banlieues défavorisées, les sénateurs, à la demande du gouvernement, ont réintégré cette taxe dans la loi.

Il est à noter que cette taxe ne concerne pas que les médecins généralistes, qu’ils soient de premier recours ou non, mais tous les médecins libéraux des zones qui seront considérées comme surdotées. Les spécialistes en accès direct, qui sont amenés à donner les soins de premier recours prévus par la loi, ne peuvent s’estimer à l’abri, les spécialités de second recours, non plus.

Si tout le monde s’accorde à dire que la solution au problème démographique actuel n’est pas d’obliger des hommes et des femmes à aller travailler dans des quartiers ou des régions qu’ils n’auront pas librement choisis, malgré leur statut “libéral”, c’est pourtant la voie de la coercition qui semble s’imposer.

Libérer du temps médical

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Libérer du temps pour les soins du médecinAlors que la taxe Bachelot, liée à la démographie médicale, va peut-être être votée par le Sénat dans les semaines qui viennent, une réflexion est menée dans certaines régions pour savoir comment il est possible de libérer du temps médical. Plutôt que de faire payer, au propre comme au figuré, aux médecins l’erreur politique de la fermeture du numerus clausus pendant de nombreuses années dans l’espoir de réduire l’offre de soins pour diminuer les dépenses de santé, certains acteurs de la filière santé proposent de réfléchir à de nouvelles solutions pour que les médecins aient plus de temps à consacrer aux soins.

L’assureur Groupama et la Mutualité sociale agricole (MSA) ont proposé un projet dénommé « Pays de santé » dans cette optique. Cette initiative serait une réponse à la désertification médicale dans des régions comme les Ardennes ou la Dordogne. « Après un diagnostic local des besoins de santé du territoire réalisé avec les professionnels de santé et la population, une palette de services “à la carte” sera proposée aux médecins afin de leur permettre de libérer du temps et de rendre plus attractif leur exercice », voilà ce que propose le projet. Dans la palette de ce que l’on se propose d’offrir aux médecins figurent des aides pour les tâches administratives ou la gestion du cabinet, mais aussi une « coordination pluridisciplinaire de tâches liées aux soins ». Des spécialistes en management comme conseillers, des élus de Groupama et de la MSA comme animateurs de groupes de travail, une évaluation en continu par des experts indépendants, tout est prévu. Même les tâches définies comme mineures pour les médecins par les initiateurs du projet sont suggérées : remplir les renseignements des dossiers médico-sociaux (qui peuvent intéresser les assureurs), suivi et éducation thérapeutique de certains patients chroniques, recherche de consultations spécialisées, réalisation d’examens complémentaires, etc.
Toutes ces propositions ont reçu le soutien de Roselyne Bachelot, le 29 janvier 2009, en expliquant qu’elles étaient complémentaires au projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). La ministre de la santé n’aurait-elle aucun autre moyen pour diminuer les charges administratives des médecins et leur libérer du temps médical ?

Les assureurs et les complémentaires santé se font de plus en plus présents dans des opérations qui laissent penser que de nombreux actes médicaux peuvent être délégués à des paramédicaux, allant ainsi dans le sens des pouvoirs publics. L’enjeu économique pour ces acteurs privés de secteur de la santé est majeur. Le contrôle des réseaux de santé est aussi capital, car il pourrait être la première étape de la mise en place de réseaux de médecins agréés par l’assureur. La santé publique et la qualité de la prise en charge pourraient pâtir d’un désir de rentabilité exacerbé, selon de nombreux professionnels de santé qui tentent de tirer la sonnette d’alarme. L’initiative « Pays de santé » peut paraître intéressante puisqu’elle semble associer étroitement les médecins généralistes au projet, tout du moins dans la phase initiale du projet. Rien concernant les spécialistes qui vont eux aussi manquer. Rien sur la liberté de choix du médecin par le patient pour qui un paramédical prend rendez-vous auprès d’un spécialiste. Rien sur d’éventuels problèmes de secret médical et de responsabilité du médecin libéral avec du personnel qu’il n’aura pas choisi. Qui tire vraiment avantage d’un tel projet ?

Parler dans le désert médical du Medec

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Mettre les banlieues et les médecins à la campagneLa conférence inaugurale du Medec, salon annuel destiné aux médecins généralistes, avait cette année pour thème la démographie médicale. Roselyne Bachelot devait l’honorer de sa présence, mais d’autres priorités l’ont obligée à se tenir éloignée du Palais des congrès de la Porte Maillot où se déroulait l’évènement. Après avoir acquiescé pendant une dizaine de jours aux critiques des députés envers les praticiens au cours de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) , il eût sans doute été délicat de se commettre avec les félons qui ruinent le système social français…

Il est peu probable que cette absence soit due aux critiques formulées par le Canard enchaîné concernant la compromission supposée des sessions de formation du salon avec l’industrie, puisque le soutien aux lobbys de l’agroalimentaire, de l’alcool en particulier, n’a rien de choquant sur les bancs de l’Assemblée ou au sein des ministères.

Que du beau monde pour parler dans le désert, ou plutôt du désert médical, puisque c’est vers là que semble aller la démographie médicale. Michel Chassang, président de la confédération des syndicats médicaux français ; Frédéric van Roekeghem, directeur des caisses d’assurances maladie ; Michel Legman, président de l’ordre national des médecins ; Marc Gentilini, président honoraire et membre de l’Académie nationale de médecine, président du Comité d’orientation médical et scientifique du Medec ; Jean Parrot, président de l’ordre national des pharmaciens ; Martial Olivier Koehret, président de MG France ; Laurent Degos, président de la Haute Autorité de santé ; Gérard Kouchner, président-directeur général de la division éducation et communication du groupe MediMedia France ont rivalisé dans l’art de la rhétorique pour expliquer à un auditoire contrit à quel point la situation était grave. Pour lutter contre la désertification des banlieues, il a été dit qu’il était fortement question de faire une équivalence entre DIS et DES ou que la consultation du spécialiste en médecine générale (C) devait être revalorisée au niveau de celles des autres spécialistes (CS), à moins que l’on ne dévalorise la CS pour la ramener au niveau de la C, ce qui plairait bien plus aux élus du peuple.
De nombreux constats ont été faits. Par exemple, que la médecine salariée est promise à un bel avenir, puisque même les médecins de la communauté européenne qui viennent s’installer en France choisissent ce type d’exercice. Les professions paramédicales sont pleines d’espoir, grâce à la délégation des tâches, que les ophtalmologistes ont eu la chance d’étrenner au profit des opticiens. Un point noir toutefois : les infirmières qui pensaient bientôt pouvoir réaliser les endoscopies digestives britanniques ont appris que même si elles réalisaient cet examen avec beaucoup de doigté, l’assurance-maladie n’y gagne rien, car l’examen dure plus longtemps que s’il est réalisé par un médecin gastro-entérologue.
Décharger les médecins de leur lourd fardeau est presque devenu une grande cause nationale. Les sages-femmes vont ainsi pouvoir prescrire des contraceptions et assurer des suivis gynécologiques et les infirmiers diplômés d’État (IDE) peuvent depuis peu pratiquer les vaccinations. Cette délégation des tâches n’est pas un transfert de compétences si l’on en croit l’administration, les élus ou même les leaders d’opinion du monde médical proches du pouvoir. La Sécurité sociale, elle-même, semble le confirmer puisque des médecins généralistes auraient reçu des listes de patients dans le but de vérifier qu’ils ont bien été vaccinés par les IDE.

Une note d’optimisme pour finir : cette réunion au sommet sur les déserts médicaux a fini par reconnaître que la densité médicale française est très supérieure en France à celle des autres pays de l’OCDE. Selonplusieurs observateurs présents sur le salon, la désertication galopante du Medec serait bien plus inquiètante que celle des campagnes hexagonales…