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Revues scientifiques et procès en diffamation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et liberté d'expressionLe 11 novembre 2011, s’est ouvert à Londres un procès en diffamation qui pose, une nouvelle fois, la question de la crédibilité de certaines grandes revues scientifiques et celle de la liberté d’expression de ceux qui oeuvrent à une plus grande transparence dans les domaines scientifiques et médicaux. Le plaignant, Mohamed El Naschie, est un ingénieur égyptien, mathématicien et physicien, ancien éditeur en chef de la revue Chaos, Solitons et Fractals des éditions Elsevier. Il reproche à la célèbre revue Nature de l’avoir accusé dans l’un des articles publiés en 2008 de s’être servi de son poste de rédacteur en chef afin de publier de nombreux articles écrits de sa main sans qu’ils aient été appréciés et validés par ses pairs, comme l’explique le BMJ.

Il faut savoir que les revues scientifiques qui jouissent de la plus grande crédibilité sont, de nos jours, basées sur un système qui oblige les auteurs désireux de faire connaître le résultat de leurs travaux au sein d’une telle revue à soumettre leurs articles à son comité de lecture composé d’experts dans le domaine évoqué. Ce comité est censé relire ces articles avec un oeil critique, s’assurer que les recommandations aux auteurs propres à chaque revue ont bien été respectées, faire des remarques ou émettre des réserves sur la méthodologie employée pour obtenir les données présentées, apprécier la qualité et valider ou non l’ensemble de ce qui a été soumis. En procédant ainsi, une revue scientifique est censée diminuer les risques de faire paraître dans ses colonnes des travaux manquant de rigueur, d’objectivité, voire même des études falsifiées. Qu’une revue dispose d’un comité de lecture ne suffit pas à faire d’elle une publication de référence, mais sans comité de lecture une publication n’a aucune chance, à l’heure actuelle, de devenir une référence.
C’est sur ce principe que reposent, entre autres, les grandes revues médicales ou les publications de référence en droit. En santé, il est d’autant plus important de respecter ces règles de fonctionnement que les articles tirés de ces revues vont ensuite être utilisés pour influencer la politique de santé, permettre à des médicaments de s’imposer ou à des techniques chirurgicales de prendre leur essor.
Même si ne pas soumettre son travail avant publication à la critique de ses pairs ne présage en rien de sa qualité ou de son intérêt, il en va de la crédibilité du système que la procédure soit respectée, tout particulièrement par ceux qui sont à sa tête et qui se doivent de montrer l’exemple.

Pour les éditeurs de Nature, des doutes existent quant à la relecture des travaux de Mohamed El Naschie publiés dans la revue dont il était rédacteur en chef, élément que conteste l’intéressé et qui l’a amené à poursuivre devant les tribunaux le journaliste à l’origine de cette affaire et le Nature Publishing Group, appartenant à la société Macmillan Publishers Limited basée en Angleterre et au Pays de Galles. Pour l’avocat de Nature, il s’agit là d’un « enjeu fondamental pour la liberté d’expression scientifique ». En effet, cette affaire est la dernière d’une série d’actions en diffamation relatives à des questions scientifiques qui, selon cet avocat, nuirait à la liberté des débats au sein de la communauté scientifique. Comment imaginer qu’il ne soit pas possible de remettre en question le travail d’un scientifique, surtout lorsqu’il ne respecte pas les standards de sa profession, sans encourir une plainte pour diffamation ?

Nature a passé deux ans à préparer son dossier et a interrogé plusieurs scientifiques pour recueillir un avis sur les travaux de M. El Naschie. Selon ces derniers, les publications de cet auteur étaient de « mauvaise qualité » et leur relecture laissait à désirer. C’est en se basant sur ces témoignages que la revue Nature a décidé de publier un article à ce sujet.

M. El Naschie, après avoir fait appel à un cabinet d’avocats acceptant de n’être payé qu’en cas de victoire, assure désormais seul sa défense. Bien qu’ayant engagé la procédure, il a informé la cour qu’il ne disposait pas des moyens nécessaires pour se présenter devant elle, d’autant qu’il ne séjournerait en Grande-Bretagne qu’épisodiquement. Pour la revue Nature, l’auteur indélicat partagerait son temps entre l’Égypte, les États-Unis, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre et tenterait de faire traîner l’affaire. Une situation qui n’est pas favorable à Nature, selon la juge en charge de cette affaire, car même si la revue est reconnue innocente, elle ne pourra vraisemblablement pas obtenir de la partie adverse le remboursement des frais de procédure.

En Angleterre, selon le BMJ, le montant élevé des frais engagés pour se défendre d’une plainte en diffamation et l’issue judiciaire incertaine de telles affaires ont amené le gouvernement à réfléchir à une réforme des procédures afin qu’elles ne soient pas utilisées pour nuire à la liberté d’expression et à la santé publique. Une arme qui n’est pas propre aux Anglais à en juger par des affaires comme celle du médecin australien attaqué par le fabricant d’un produit amaigrissant, celle du chercheur ayant critiqué l’excès de sel dans les produits alimentaires ou dans le cas du Mediator et maintenant du Protelos.

Un médecin poursuivi en diffamation après avoir critiqué un produit amaigrissant

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le poids dans la balance de la justiceAlors que l’affaire du Mediator bouleverse le landernau français, Ken Harvey, un médecin australien militant pour un marketing éthique des médicaments et autres produits pour la santé continue à être poursuivi en justice pour diffamation par la société commercialisant un produit amaigrissant, le SensaSlim, qu’il a osé critiquer sur Internet et dénoncer auprès des autorités sanitaires. La cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud a décidé, le 14 juin 2011, de le faire comparaître en août pour juger l’affaire au fond en refusant de rejeter de la plainte dont il fait l’objet. S’il est condamné, il risque une amende de 590 000 €.

Selon les dirigeants de la société vendant le SensaSlim, ils ont engagé des poursuites contre le docteur Harvey afin de protéger leurs intérêts et de faire respecter leurs droits. Ils contestent les conclusions des études défavorables à leur produit mises en ligne par cet universitaire à la retraite et estiment qu’il a agi de façon déloyale, portant ainsi atteinte à l’image de leur entreprise. Pour le porte-parole de la société, il n’est pas question d’interdire à ce médecin de critiquer leur ligne de produits amaigrissants, mais de l’empêcher de continuer à dénoncer sur Internet la publicité qu’il présente comme mensongère pour le SensaSlim sans avoir laissé le temps à cette société de se défendre devant les tribunaux comme la loi l’y autorise. « Il ne s’agit pas bâillonner le Dr Harvey. Nous continuerons à poursuivre notre droit de protéger nos franchisés et leur investissement dans notre produit », ce dernier étant vendu en pharmacie, salons de beauté et dans le commerce sans ordonnance. Il est vrai que cette contre-publicité risque de compromettre l’argumentaire de cette société quand elle promet un bénéfice pouvant aller jusqu’à quinze millions de dollars à ceux qui deviendraient ses distributeurs exclusifs de par le monde.

Pourtant cette affaire ressemble bien à une nouvelle attaque contre un médecin dénonçant un produit amaigrissant et rappelle le combat qu’a eu à mener Irène Frachon contre le laboratoire Servier et le Mediator. Un combat auquel l’agence gouvernementale de santé locale, The Australian Therapeutic Goods Administration, équivalent de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), semble préférer ne pas être mêlée. Si elle reconnaît avoir reçu plusieurs plaintes à l’encontre du SensaSlim, y compris celle de Ken Harvey, elle explique ne pas pouvoir donner un avis tant que la justice ne s’est pas prononcée. La plainte en diffamation et l’enquête qui s’en est suivi bloqueraient l’action de l’agence de santé, selon sa porte-parole dans une déclaration au BMJ. Pour les médecins qui ont signalé la campagne publicitaire et dénoncé les arguments scientifiques servant à promouvoir le SensaSlim, il s’agit là d’une aberration du système de vigilance nécessitant qu’il soit réformé. On comprend facilement leur demande quand on sait que le Dr Capehorn, médecin qui avait scientifiquement cautionné la campagne publicitaire pour l’amaigrissant, a depuis peu reconnu ne jamais avoir pris connaissance des études cliniques censées prouver l’efficacité du produit promise par son fabricant. Comment accepter qu’un produit amaigrissant, vendu dans dix-sept pays de l’hémisphère nord et ailleurs sur la planète, puisse continuer à induire en erreur les consommateurs ?
Certes, il ne s’agit pas là d’effets indésirables graves mettant en jeu la vie des patients, mais il est tout de même question d’intérêts financiers, de santé et d’intimidation pour faire taire ceux qui dénoncent un produit au mieux inefficace et au pire dangereux…

Une association australienne, Australian Skeptics, connue pour lutter contre ceux qui usent d’arguments pseudoscientifiques ou paranormaux pour faire la promotion de leurs produits ou de leurs méthodes thérapeutiques, a pris parti pour le docteur Harvey. Elle collecte actuellement des fonds pour lui permettre d’assurer sa défense dans les meilleures conditions possible.

 

En France, l’Afssaps vérifie « chaque année pour plus de 10 000 dossiers le contenu des messages promotionnels des firmes. […] La publicité de produits présentés comme bénéfiques pour la santé prévus à l’article L 5122-14 du code de la santé publique, à savoir les produits autres que les médicaments présentés comme favorisant le diagnostic, la prévention ou le traitement des maladies, des affections relevant de la pathologie chirurgicale et des dérèglements physiologiques, le diagnostic ou la modification de l’état physique ou physiologique, la restauration, la correction ou la modification des fonctions organiques » fait l’objet d’un contrôle a priori dénommé visa PP.

Dépassements d’honoraires : un patient condamné pour complicité de diffamation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Presse

Diffamation des chirurgiens et dépassements d'honorairesIl y a des informations qui ne font pas les gros titres dans les quotidiens grand public, là où quelques mois plus tôt, elles barraient la une. Tel est le cas de la condamnation d’un patient pour complicité de diffamation qui en 2007 avait accusé publiquement un chirurgien de Chalon-sur-Saône de tentative d’extorsion de fonds pour lui avoir demandé 5 000 euros en liquide pour ce qu’il estimait être un dépassement d’honoraires abusif. La presse s’était rapidement emparée de l’affaire, parlant de “dessous de table”, et avait cloué au pilori ce praticien sans vraiment tenir compte de ses explications. Les micros et les caméras ayant subitement investi cette paisible ville de province, la tribune était trop belle pour qu’elle ne soit pas très vite occupée. Le député de Saône-et-Loire, Arnaud Montebourg, se fait l’avocat de ce patient, prend à son compte cette affaire et condamne avec virulence les pratiques du médecin. L’occasion est trop belle de mener une croisade médiatique contre les dépassements d’honoraires dans leur ensemble. Pour ne pas rester en reste, le ministre de la santé de l’époque y va de son appréciation et, confondant dessous de table et dépassements d’honoraires, déclare « Les médecins qui commettraient des abus peuvent se voir retirer l’autorisation d’activité libérale ». Que penser de ces prises de position deux ans plus tard ?

Le patient n’a jamais porté plainte, le chirurgien, lui, l’a fait. Sûr de son bon droit, ayant simplement expliqué au patient que l’intervention qu’il souhaitait n’était pas prise en charge par la Sécurité sociale et que la prothèse à utiliser valait 5 000 euros, le médecin à porté plainte contre les journalistes, les patrons de presse, le patient et Arnaud Montebourg pour diffamation une fois la tempête médiatique calmée. Sa réputation entachée et la suspicion planant sur tous les chirurgiens de sa région, il ne pouvait faire autrement. Bien lui en a pris puisque plusieurs médias et le patient viennent d’être condamnés pour diffamation et complicité de diffamation, comme l’explique Le Quotidien de médecin du 16 avril 2009, dans un article intitulé « Quand les dépassements d’honoraires font la une. À Chalon-sur-Saône, l’arroseur arrosé », repris sur le site de l’Union des chirurgiens de France (UCDF). Le patient devra verser 5 000 euros de dommages et intérêts au chirurgien. Il n’est pas prévu que des caméras et des micros soient présents à cette occasion…