Articles tagués ‘directive’

Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Europe à la loupeMême si de plus en plus de citoyens des pays membres de l’Union européenne se demandent si ceux qui les dirigent tiennent vraiment compte de leur avis, la Commission européenne a compris depuis longtemps qu’il fallait au moins sauver les apparences grâce à ce qu’elle appelle des “consultations”. Elle offre ainsi la possibilité à ses ressortissants de s’exprimer sur les textes qu’elle envisage de proposer au Parlement et au Conseil de l’Union européenne. Les professionnels de santé et tous ceux qui s’intéressent à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union n’ont d’ailleurs plus que quelques jours pour donner leur opinion sur la prochaine réforme de la directive relative à ce sujet prévue pour la fin de l’année.

La Commission européenne a fixé au 20 septembre 2011 la fin de la consultation qu’elle a lancée sur la modernisation de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles (directive 2005/36/EC). Cette consultation est ouverte à tous et la Commission insiste sur le fait que « les contributions des particuliers, des organisations professionnelles, des administrations nationales et des autorités nationales compétentes sont particulièrement bienvenues ». Ces contributions serviront ensuite à la rédaction d’un « livre vert » censé servir de base au projet de réforme.
Cette directive intéresse, entre autres, les titres de formation de médecin donnant accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base et de médecin spécialiste, et les titres de formation d’infirmier responsable de soins généraux, de praticien de l’art dentaire, de praticien de l’art dentaire spécialiste, de vétérinaire, de sage-femme et de pharmacien détenus par les ressortissants des États membres. Si elle fait l’affaire de certaines universités, de cabinets de recrutement, des professionnels de santé eux-mêmes en fonction du lieu où ils exercent et de régions rurales de pays comme la France qui ont compris tous les avantages qu’ils pouvaient tirer de ce texte, elle fait aussi l’objet de nombreuses critiques et crée des conditions concurrentielles internationales qui ne sont pas toujours dans l’intérêt de la santé publique ou de la qualité des soins, suivant les points de vue. C’est dans ces conditions qu’une réforme que de nombreux acteurs, dont les autorités de santé de plusieurs pays européens, ont appelé de leurs voeux une réforme et ils ont été entendus par la Commission, même si la façon dont elle est présentée peut surprendre.

Pour la Commission européenne, « la réforme du système de reconnaissance des qualifications professionnelles en vue de faciliter la mobilité est l’une des actions prioritaires de l’Acte pour le marché unique élaboré par la Commission. Afin de préparer cette réforme, la Commission souhaite consulter les parties intéressées sur les moyens d’atteindre trois objectifs : renouveler les façons d’aborder la mobilité ; s’appuyer sur les structures existantes et de moderniser la reconnaissance automatique. »

C’est le 7 novembre 2011 qu’une conférence publique concernant la modernisation de la directive sur les qualifications professionnelles sera organisée par la Commission européenne.

Donner son avis est indispensable pour les instances dont dépendent les professionnels de santé concernés par une telle consultation. Le conseil européen des ordres des médecins (CEOM) travaille sur le sujet depuis bien longtemps et une réunion informelle a eu lieu le 6 septembre, en Estonie, à ce propos.
Né de la Conférence internationale des Ordres et des organismes d’attributions similaires (CIO), le Conseil des Ordres ne se contente pas d’attendre les consultations de la Commission pour rappeler aux décideurs les positions défendues par les Ordres qu’il représente et pour faire des propositions visant à une meilleure cohérence professionnelle à l’échelon européen et à la promotion de l’exercice d’une médecine de qualité, respectueuse des intérêts des patients.
La charte européenne d’éthique médicale, adoptée en juin 2011, est le dernier exemple des efforts faits par le CEOM pour montrer qu’il existe une déontologie et des valeurs communes à tous les praticiens européens.

À une époque où de nombreuses décisions prises à Bruxelles et à Strasbourg ont un impact direct sur l’exercice des professionnels de santé de chacun des pays membres, même si les gouvernants aiment à rappeler que la santé est une compétence nationale dans certaines circonstances, il n’est plus possible de se contenter d’actions nationales. Il faut juste espérer que les instances qui ont décidé de coopérer entre elles ne reproduiront pas au niveau européen ce qui leur arrive de faire à l’échelle de leur territoire : ajouter toujours un peu plus de contraintes aux professionnels dont elles ont la charge.

 

Pas de sexe pour les assureurs

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Variation en fonction du sexeEn octobre 2010, l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait conclu qu’il était « incompatible avec les droits fondamentaux de l’Union de tenir compte du sexe de l’assuré en tant que facteur de risque dans les contrats d’assurance », avis qui n’engageait pas pour autant les juges de cette instance. Le 1er mars 2011, ces derniers ont néanmoins abondé dans le même sens que l’avocat général.

L’égalité entre les hommes et les femmes est un droit fondamental en Europe et la Cour est là pour sanctionner les discriminations directes ou indirectes en ce domaine. Peu importe le sexe d’un citoyen, l’accès à des biens et à des services et leur fourniture doit être identique pour tous. La prise en considération du critère du sexe comme facteur pour l’évaluation des risques en assurance concernant les contrats privés d’assurance vie est bien un élément discriminatoire au regard de la directive 2004/113/CE.

Pour la Cour, les droits fondamentaux au sein de l’Union européenne sont garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et sa Charte des droits fondamentaux interdit toute discrimination fondée sur le sexe. Ces textes imposent que l’égalité entre les hommes et les femmes soit assurée dans tous les domaines.

Malgré cela, concernant les assurances et les retraites privées, volontaires et non liées à la relation de travail (celles liées au travail étant régies par des textes différents), la directive 2004/113/CE prévoit en son article 5 que :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans tous les nouveaux contrats conclus après le 21 décembre 2007 au plus tard, l’utilisation du sexe comme facteur dans le calcul des primes et des prestations aux fins des services d’assurance et des services financiers connexes n’entraîne pas, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations.
2. Nonobstant le paragraphe 1, les États membres peuvent décider avant le 21 décembre 2007 d’autoriser des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises. Les États membres concernés en informent la Commission et veillent à ce que des données précises concernant l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel déterminant soient collectées, publiées et régulièrement mises à jour. Ces États membres réexaminent leur décision cinq ans après le 21 décembre 2007 en tenant compte du rapport de la Commission mentionné à l’article 16, et transmettent les résultats de ce réexamen à la Commission. »
C’est ce paragraphe 2 qui est au centre de l’affaire portée devant la Cour (nº d’affaire C-236/09).

La décision de la CJUEest claire à ce sujet : « Selon la jurisprudence constante de la Cour, le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié […]
Il est constant que le but poursuivi par la directive 2004/113 dans le secteur des services d’assurance est, ainsi que le reflète son article 5, paragraphe 1, l’application de la règle des primes et des prestations unisexes. Le dix‑huitième considérant de cette directive énonce explicitement que, afin de garantir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel ne devrait pas entraîner pour les assurés de différence en matière de primes et de prestations. Le dix-neuvième considérant de ladite directive désigne la faculté accordée aux États membres de ne pas appliquer la règle des primes et des prestations unisexes comme une « dérogation ». Ainsi, la directive 2004/113 est fondée sur la prémisse selon laquelle, aux fins de l’application du principe d’égalité de traitement des femmes et des hommes consacré aux articles 21 et 23 de la charte, les situations respectives des femmes et des hommes à l’égard des primes et des prestations d’assurances contractées par eux sont comparables.
Dans ces circonstances, il existe un risque que la dérogation à l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes prévue à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2004/113 soit indéfiniment permise par le droit de l’Union.
Une telle disposition, qui permet aux États membres concernés de maintenir sans limitation dans le temps une dérogation à la règle des primes et des prestations unisexes, est contraire à la réalisation de l’objectif d’égalité de traitement entre les femmes et les hommes que poursuit la directive 2004/113 et incompatible avec les articles 21 et 23 de la charte.
Par conséquent, cette disposition doit être considérée comme invalide à l’expiration d’une période de transition adéquate. »
La date à laquelle le sexe ne pourra plus être utilisé par dérogation comme facteur actuariel a été fixée au 31 décembre 2012 et il est intéressant de noter que cette décision ne concerne pas que les contrats d’assurance vie, mais bien tous les contrats d’assurance.

Plusieurs assureurs interrogés par la presse suite à cette décision ont indiqué qu’elle allait avoir pour conséquence l’augmentation des primes de nombreux contrats, comme ceux concernant les jeunes conductrices qui, d’après eux, sont soumises à des tarifs moindres, les statistiques montrant qu’elles ont moins d’accidents que les jeunes conducteurs. Pas un mot sur le fait que cette mutualisation des risques puisse entraîner une baisse des primes concernant justement ces jeunes conducteurs : surprenant, non ?

Congé d’allaitement pour les pères salariés

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Père s'endormant en donnant le biberonLa Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a tranché : les pères salariés ont droit à un congé dit « d’allaitement » indépendamment du statut professionnel de la mère de leur enfant.

C’est une nouvelle fois au motif de « discrimination par le sexe » que la Cour s’est prononcée dans une affaire (C 104/09) opposant un salarié espagnol à son employeur. La loi ibérique, dans le cas où les deux parents travaillent, prévoit que les mères ou les pères peuvent, pendant les neuf premiers mois suivant la naissance de leur enfant, bénéficier d’un congé dit « d’allaitement », congé qui permet de s’absenter du lieu de travail pendant une heure ─ celle-ci pouvant être divisée en deux fractions ─ ou de réduire la journée de travail d’une demi-heure. Conformément à ce texte, un salarié a demandé ce congé d’allaitement à la société qui l’emploie. Cet avantage, prévu par la loi, lui a été refusé au motif que sa femme était travailleuse indépendante. En effet, le texte espagnol relatif au congé d’allaitement précise que les deux parents doivent être salariés pour que le père puisse bénéficier du congé. L’employé a décidé de faire appel à la justice pour ce qu’il estimait être une discrimination.

La Cour supérieure de justice de Galice (Tribunal Superior de Justicia de Galicia), saisie en instance d’appel, a relevé que « les évolutions réglementaires et jurisprudentielles nationales ont détaché ce congé du fait biologique de l’accouchement. Alors qu’il avait été institué en 1900 pour faciliter l’allaitement naturel de la mère, il peut être octroyé, depuis quelques années, même en cas d’allaitement artificiel. Désormais, il doit être considéré comme un simple temps d’attention à l’enfant et comme une mesure de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle à l’issue du congé de maternité. Néanmoins, aujourd’hui encore, ce n’est que si la mère est une travailleuse salariée et jouit donc, à ce titre, du droit au congé d’allaitement, que le père peut bénéficier du congé à sa place. »

Subodorant le caractère potentiellement discriminatoire d’un tel texte, la cour espagnole a préféré utiliser une procédure de renvoi préjudiciel avant de prendre sa décision. En agissant ainsi, elle a pu interroger la CJUE sur l’interprétation du droit européen en la matière. Il existe, en effet, des directives relatives à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, la dernière en date étant la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006.

Pour la CJUE, « ces directives s’opposent à une mesure nationale qui prévoit que les mères travailleuses salariées peuvent bénéficier d’un congé d’allaitement alors que les pères travailleurs salariés ne peuvent en bénéficier que lorsque la mère de leur enfant est également une travailleuse salariée. » Pour la Cour, il y a bien là une discrimination fondée sur le sexe, discrimination qui « ne peut être justifiée ni par des objectifs de protection de la femme ni par la promotion de l’égalité de chances entre hommes et femmes. » Pas question non plus pour la CJUE de rester sur une vision passéiste du rôle du père au sein de la famille : « le fait que seule la mère salariée soit titulaire du droit de bénéficier du congé, alors que le père ayant le même statut ne peut pas en bénéficier directement, est de nature à perpétuer une distribution traditionnelle des rôles, en maintenant les hommes dans un rôle subsidiaire en ce qui concerne l’exercice de leur fonction parentale. »

Messieurs, à vos biberons !

Santé et directive Bolkestein : du nouveau

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un palais de la RépubliqueC’est au cours du conseil des ministres du 15 septembre 2010 que le ministre de la santé, Roselyne Bachelot, a présenté un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne (UE) en matière de santé, de travail et de communications électroniques. La présidence de la République a publié un communiqué à cette occasion précisant que « Ce projet de loi doit permettre d’achever la transposition de quatre directives de l’Union européenne d’importance majeure : la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur, la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles et les directives 2009/136/CE et 2009/140/CE dites du nouveau “paquet télécom”. Ces directives doivent être transposées dans les meilleurs délais. »
Le ministère de la santé et des sports a été chargé du pilotage et de la coordination de ce projet de loi, qui comporte 11 articles dont un grand nombre relève de ses compétences : sur les débits de boissons, les dispositifs médicaux, l’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux, les services funéraires et les médicaments traditionnels à base de plantes.

Les acteurs du monde de la santé ne vont pas manquer de suivre avec intérêt l’évolution de ce projet de loi. En effet, la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur est la fameuse directive Bolkestein, du nom du commissaire européen qui l’a présentée, visant à libéraliser un peu plus le marché intérieur des services au sein de l’UE. Même si les professions de santé sont exclues de son champ, certains dossiers pourraient avoir un impact sur leurs pratiques, comme la vente des dispositifs médicaux par Internet depuis la France, par exemple. Les entrepreneurs de spectacles, les architectes et les agences de mannequins sont aussi concernés, même si c’est bien le ministre de la santé qui est chargé de la coordination du dossier.

Comme le laissait entendre l’état de la transposition de la « directive services » réalisé par la commission des affaires européennes du Sénat en juin 2009, l’échéance relative à la transposition de la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur n’a pas été tenue. Tout aurait dû être réglé avant le 28 décembre 2009, mais comme quasiment tous les États de l’Union européenne, la France est en retard. Il faut, par exemple, se souvenir que le Parlement n’a pas adopté la disposition du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires qui prévoyait d’assouplir les règles relatives à la détention du capital des laboratoires de biologie médicale, alors que celle-ci avait été proposée dans le cadre de la transposition de la directive Bolkestein.

Une tâche qui s’annonce difficile car, comme le disait la commission des affaires européennes du Sénat, « le contexte n’est plus porteur », depuis que la crise économique a touché l’Europe.

 

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques est disponible sur le site de l’Assemblée nationale.

Le projet de directive relative aux soins de santé transfrontaliers avance

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Union européenneIl aura fallu une proposition de compromis faite par l’Espagne, qui assure actuellement la présidence de l’Union européenne, pour que les ministres de la santé des États membres finissent par se mettre d’accord sur le projet de directive relative aux soins de santé transfrontaliers qui sera soumis en deuxième lecture au Parlement européen. Lancé en 2008, ce projet n’a eu de cesse d’être repoussé pour de multiples raisons. Les précédentes négociations sous la présidence suédoise avaient principalement achoppé sur le problème du remboursement des soins prodigués par les professionnels de santé non conventionnés et sur celui des soins des retraités résidant à l’étranger. Deux autres points ne faisaient pas non plus l’unanimité : l’interopérabilité des systèmes de technologies de l’information et de la communication dans le domaine des soins de santé et la part de la compétence exclusive des États dans le domaine de la santé que le traité leur reconnaît, compétence mise à mal par la jurisprudence de la Cour de justice européenne au nom du principe du marché intérieur.

Le projet de directive ayant fait l’objet du compromis reprend pour commencer quelques fondamentaux : « Dans la présente directive, on entend par soins de santé l’ensemble des services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé. Cependant, il est clair que l’obligation de rembourser le coût des soins de santé transfrontaliers doit se limiter aux soins de santé auxquels la personne assurée a droit conformément à la législation de son État membre d’affiliation. » Le texte ne s’applique pas aux services dont le but est d’aider les personnes qui ont besoin d’aide pour accomplir des tâches quotidiennes courantes, comme les prestations de soins de longue durée dispensées dans des maisons de retraite ou des foyers-logements (« maisons de soins ») par des services de soins à domicile ou dans des résidences offrant des services. Il ne concerne pas non plus à l’attribution et à l’accès aux organes aux fins des transplantations.
« Aux fins du remboursement des soins de santé transfrontaliers, la présente directive devrait couvrir non seulement la situation du patient qui reçoit des soins de santé dispensés dans un État membre autre que l’État membre d’affiliation, mais également la prescription, la préparation et la délivrance de médicaments et de dispositifs médicaux lorsque ceux-ci sont fournis dans le cadre d’un service de santé. La définition des soins de santé transfrontaliers devrait couvrir à la fois la situation du patient qui achète ces médicaments et dispositifs médicaux dans un État membre autre que l’État membre d’affiliation et la situation du patient qui achète ces médicaments et dispositifs médicaux dans un État membre autre que celui où la prescription a été établie.
La présente directive n’affecte pas les dispositions réglementaires des États membres relatives aux ventes de médicaments et dispositifs médicaux par Internet. »

Les professionnels de santé ont tout intérêt à lire ce projet, car certaines propositions risquent de les interpeller.
Les médecins, au même titre que les autres « prestataires de soins de santé », se verraient, par exemple, contraints de remettre une « facture transparente » aux patients et une information sur sa « couverture d’assurance ou tout autre moyen de protection personnelle ou collective au titre de la responsabilité professionnelle », couverture assurantielle qui pourrait connaître une certaine harmonisation européenne. Des mesures visant à faciliter le dépôt de plainte ou la demande de réparation des patients devraient être prises par les différents États.
Une prescription de médicaments, par exemple, aurait une valeur transfrontalière : avec une ordonnance établie dans un pays de l’Union, un patient pourrait se faire délivrer son traitement dans un autre pays membre. Il en serait de même pour les dispositifs médicaux.
Des réseaux européens de référence devraient être mis en place.

Le compromis a pu être trouvé grâce à la possibilité donnée aux États de mettre en place un système d’autorisation préalable relatif au remboursement de certains soins transfrontaliers et de refuser cette autorisation « si ces soins de santé peuvent être dispensés sur son territoire dans un délai acceptable sur le plan médical, compte tenu de l’état de santé du moment de la personne concernée et de l’évolution probable de sa maladie », par exemple. Les États ont aussi obtenu que la directive précise qu’ils peuvent limiter l’application des règles relatives au remboursement des soins de santé transfrontaliers « pour des raisons impérieuses d’intérêt général telles que le risque de porter gravement atteinte à l’équilibre financier du système de sécurité sociale ou pour satisfaire à l’objectif de maintenir un service médical et hospitalier équilibré et accessible à tous ».
Le remboursement des soins transfrontaliers par télémédecine est aussi évoqué dans le compromis.

Enfin, une ébauche de dossier médical européen pourrait voir le jour et il est question qu’il existe « une liste non exhaustive de données à faire figurer dans le dossier des patients et pouvant être partagées par les professionnels de la santé pour permettre la continuité des soins et promouvoir la sécurité des patients par-delà les frontières ». Il faut espérer que ces mesures seront véritablement axées sur la santé et non sur l’aspect économies de santé, facteur qui n’a toujours pas permis au dossier médical personnel (DMP) à la française de prendre de l’essor.

Malgré l’apparente volonté des États de conserver leur compétence exclusive dans le domaine de la santé, c’est une nouvelle fois à l’échelon européen que les futures évolutions du droit de la santé se jouent. Si les industriels l’ont compris depuis bien longtemps, les professionnels de santé doivent en prendre conscience le plus rapidement possible et s’organiser en conséquence s’ils veulent que leur point de vue soit pris en compte au moment de la deuxième lecture du projet de directive au Parlement européen.

 


Pour aller plus loin :
Les Vingt-sept s’accordent sur le compromis espagnol par Sophie Petitjean sur le site Europolitique
UE : Accord pour le remboursement des soins transfrontaliers par Damien Dozol sur le site News-assurances


Les incitations à prescrire des génériques en Europe sont légitimes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Des génériques à foisonAlors que les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice de l’Union européenne (anciennement Cour de justice des Communautés européennes), dans une affaire opposant l’Association of the British Pharmaceutical Industry et la Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency, laissaient penser que les incitations à prescrire des génériques imposées par les organismes sociaux des États membres pourraient ne pas être autorisées par le droit européen, la Cour en a décidé autrement dans un arrêt du 22 avril 2010 (n° C-62/09).

Pour les représentants de l’industrie pharmaceutique anglaise et pour la Commission européenne, la directive européenne 2001/83 s’opposait « à ce qu’un organisme public faisant partie d’un service national de santé publique mette en place un système qui offre des incitations financières à des cabinets médicaux afin que les médecins exerçant dans ces cabinets prescrivent un médicament spécifiquement désigné, et ce même si l’objectif de ce système est de réduire les dépenses publiques globales en matière de médicaments. » Mais plusieurs gouvernements, dont celui de la France, prônant l’intérêt économique des génériques, cette directive ne visait pas les autorités nationales compétentes en matière de santé publique et qu’elles n’avaient été prises que pour « garantir l’accès pour tous à une quantité suffisante de médicaments à un prix raisonnable ». La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) devait donc trancher.

La CJUE rappelle que l’« article 94, paragraphe 1, de la directive 2001/83 interdit d’octroyer, d’offrir ou de promettre aux personnes habilitées à prescrire ou à délivrer des médicaments une prime, un avantage pécuniaire ou un avantage en nature à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable et n’aient trait à l’exercice de la médecine ou de la pharmacie », mais ce « dans le cadre de la promotion des médicaments » par l’industrie elle-même. Un tiers indépendant, même en dehors d’une activité commerciale ou industrielle, n’est pas plus autorisé à faire la promotion d’un médicament. Par contre, les campagnes approuvées par les autorités compétentes des États membres sont, elles, permises par le droit européen. C’est dans ce même esprit qu’il faut considérer que les incitations financières à la prescription de médicaments ne sauraient viser les autorités nationales en charge de la santé publique, même s’il est question de rationalisation des dépenses publiques. « D’une manière générale, la politique de santé définie par un État membre et les dépenses publiques qu’il y consacre ne poursuivent aucun but lucratif ni commercial. Un système d’incitations financières tel que celui en cause au principal, relevant d’une telle politique, ne saurait donc être considéré comme s’inscrivant dans le cadre de la promotion commerciale de médicaments. »
Les seules limites à ces dispositifs sont que les systèmes d’incitations financières mis en œuvre par les autorités publiques s’appuient sur des critères objectifs et qu’aucune discrimination ne soit opérée entre les médicaments nationaux et ceux provenant d’autres États membres. Il faut aussi que les autorités nationales en charge de la santé publique adoptant un tel système d’incitations le rendent public et mettent « à la disposition des professionnels de la santé et de l’industrie pharmaceutique les évaluations établissant l’équivalence thérapeutique entre les substances actives disponibles appartenant à la classe thérapeutique faisant l’objet dudit système. »

Pour autant, ces incitations ne semblent pouvoir être des obligations, le médecin devant pouvoir garder son libre arbitre et apprécier la situation au cas par cas. « Un médecin prescripteur est tenu, d’un point de vue déontologique, de ne pas prescrire un médicament donné si celui-ci ne convient pas au traitement thérapeutique de son patient, et ce nonobstant l’existence d’incitations financières publiques à la prescription de ce médicament. » Pour la Cour, dans le cadre de leur mission de contrôle et de surveillance de l’activité des médecins, « les autorités publiques ou les organisations professionnelles délégataires sont habilitées à dispenser aux médecins des recommandations en matière de prescription de médicaments, sans que de telles recommandations puissent affecter de manière préjudiciable l’objectivité des médecins prescripteurs […] ».

Voilà qui devrait donc conforter certains gouvernements de l’Union dans leur politique économique de santé. Cet arrêt ne peut que renforcer un peu plus la légitimité des contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) sur laquelle le Conseil d’État devrait bientôt se prononcer : une bien mauvaise nouvelle pour leurs détracteurs…

Médecine & Droit — Numéro 97

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Revue Médecine & Droit - numéro 97Sommaire du numéro de juillet — août 2009

Elsevier — Masson

Bioéthique
L’apport des États-Généraux au débat bioéthique
Christian Byk

Protection de la personne
Directives anticipées et autonomie de la personne en fin de vie
Roger Mislawski

Droit civil
Enfant né handicapé : responsabilité du radiologue ayant pratiqué des examens iconographiques complémentaires. Commentaire
Christophe Radé

Responsabilité civile
Le préjudice moral né du défaut d’information du patient
Nathalie Jousset, Clotilde Rouge-Maillart et Michel Penneau

Expertise
Critères d’imputabilité d’une infirmité motrice d’origine cérébrale à un manque d’oxygène pendant l’accouchement. En réponse aux observations de Racinet et al.
Dimitri Philopoulos

Santé publique
L’indemnisation par la solidarité nationale des dommages imputables à des contaminations d’origine transfusionnelle
Sabine Gibert

 

Code européen de la santé

Écrit par Bertrand Hue le . Dans la rubrique Ouvrage

C’est une première au sein de l’Union que ce code européen de la santé. Ouvrage réalisé à l’initiative de l’Institut droit et santé de l’université Paris Descartes, sous la direction d’Anne Laude et de Didier Tabuteau, ses plus de deux mille deux cents pages montrent à quel point ce sujet est riche et fait l’objet d’une importante réglementation. S’il était jusque-là difficile de se faire une idée de son ampleur, ce recueil montre bien la dimension européenne prise par la santé sur un plan juridique.

Obsolescence des dispositifs médicaux

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le temps qui passe est l'un des facteurs d'obsolescence des dispositifs médicauxLa loi ne prévoit pas qu’un dispositif médical puisse être obsolète. C’est la constatation que fait l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) dans un document de janvier 2009 relatif à l’obsolescence des dispositifs médicaux.

Difficile d’imaginer que la question ne se soit pas posée jusque-là, d’autant qu’une procédure de déclaration en matériovigilance existe à ce sujet et qu’il arrive que des dossiers de cet ordre aient à être traités par l’Afssaps. C’est le groupe de travail dédié aux dispositifs médicaux d’anesthésie-réanimation de la commission nationale de dispositifs médicaux (CNDM) qui semble avoir été confronté à cet évènement. Comme il n’existe pas de définition de l’obsolescence des dispositifs médicaux, c’est vers les dictionnaires que l’Agence s’est tournée pour mieux appréhender le problème : dépréciation d’un outillage résultat d’un vieillissement lié au progrès technique (source : dictionnaire Hachette) ; dépréciation d’un équipement, tendant à le rendre périmé du seul fait de l’évolution technique, et s’ajoutant aux facteurs de dépréciation (source : dictionnaire Larousse) ; état de produits ou d’équipements dont la valeur et les perspectives d’utilisation future diminuent en fonction des progrès de la technologie et de l’évolution des conditions du marché qui les rendent périmés avant leur usure physique. Synonyme : désuétude (source : Office de langue française).

Les fabricants et les distributeurs de dispositifs médicaux ne sont pas hostiles à une telle réflexion, car il pourrait être intéressant pour eux d’informer leurs clients d’un risque sur l’un de leurs produits du fait d’un composant électronique dépassé, par exemple. Pouvoir définir leur dispositif comme obsolète serait un avantage pour eux. Bien entendu, le patient pourrait lui aussi y gagner en ne risquant plus d’être confronté à des dispositifs médicaux dont la fiabilité ne peut plus être assurée. Les professionnels de santé, enfin, pourraient bénéficier d’informations sur la sécurité d’utilisation des produits qu’ils sont amenés à utiliser et pourraient donner leur avis sur les modalités de renouvellement de certains articles.

Pour les dispositifs médicaux, plusieurs obsolescences pourraient être définies : une de performance, une de sécurité et une d’utilisation. Le temps est à la réflexion et l’Afssaps semble vouloir tenir compte au moins du contexte local des établissements de soins, des utilisateurs ; des revendications médicales du dispositif médical ; des contextes réglementaires européens (directives) et français (code de la santé publique) ; des produits alternatifs présents sur le marché en France et de la capacité d’accès à ceux-ci par les utilisateurs. Démarches intéressantes si elles ne finissent pas par céder la place à des considérations économico-commerciales.

L’Angleterre n’est pas favorable au tourisme médical en Europe

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les anglais et le tourisme médicalSuite à une enquête publique réalisée auprès des citoyens de l’Union européenne, la Commission européenne a adopté un projet de directive relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers en août 2008. Jusque-là, seule une jurisprudence incomplète, établie pour des questions préjudicielles par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), obligeait les États à évoluer sur la question des remboursements des soins par l’assurance-maladie d’un ressortissant d’un pays de l’Union pour des soins effectués dans une autre région communautaire. Par exemple, la loi française a été modifiée par le décret no 2005-386 du 19 avril 2005 pour reconnaître le droit des patients de l’Hexagone à la prise en charge des soins reçus hors de France. Ce texte a fait suite à la circulaire DSS/DACI nº 2001-120 du 1er mars 2001 relative au remboursement des frais d’optique engagés dans un autre Etat membre de l’Union européenne et de l’espace économique européen, sans autorisation préalable de la caisse d’assurance maladie d’affiliation, intervenue après des décisions de la CJCE concernant le remboursement des lunettes ou des soins d’orthodontie réalisés hors d’un service hospitalier au sein de l’Union européenne.

Il est évident que les organismes de remboursement de soins, les professionnels de santé et même le pouvoir politique de certains États de l’Union ne voient pas cela d’un bon oeil. Le Royaume-Uni, rarement considéré comme europhile, fait partie de ceux-là, même si les choses évoluent. Un article de Rory Watson publié le 24 février 2009 dans le British medical journal (BMJ 2009;338:b810) et intitulé New law is needed to clarify right to be treated in another European country, Lords committee says explique qu’un influent comité de la Chambre des Lords a publié un rapport affirmant son soutien aux initiatives prises par la Commission européenne pour qu’il soit plus facile pour les patients d’aller se faire soigner dans un autre pays de la communauté européenne.
Toutefois, étant donné qu’il s’agit d’un sujet sensible ayant des implications politiques, financières et médicales, le rapport recommande que toute future loi soit revue au bout de trois ans.

Si la Chambre des Lords approuve le principe reconnaissant le droit aux citoyens anglais d’aller se faire soigner à l’étranger, elle préférerait que le patient soit obligé de recevoir l’autorisation préalable de son service de santé ou de sa compagnie d’assurance médicale avant d’aller recevoir les soins. Un tel système, selon elle, permettrait de protéger les ressources financières des systèmes de santé nationaux, tout en laissant la possibilité aux cliniciens anglais d’expliquer aux patients les options locales qui s’offrent à eux.

Dans le même temps, elle s’oppose à la proposition tendant à ce que les patients fassent l’avance des frais pour le traitement pour être ensuite remboursés. Ce serait pour des raisons sociales que cette décision est intervenue. Elle vise à ne pas exclure des traitements transfrontaliers les personnes n’ayant pas les moyens de faire cette avance de frais. Le comité de la Chambre des Lords voudrait qu’une fois l’autorisation donnée, il soit possible de transférer les fonds nécessaires à l’État où le traitement sera effectué. Face aux difficultés administratives engendrées par un tel système, est-ce vraiment la meilleure solution pour simplifier la vie aux citoyens qui auraient choisi d’aller recevoir des soins loin du Royaume Uni ?

Face à l’incertitude quant aux soins qui pourraient être dispensés loin du fabuleux système de santé anglais, la Chambre des Lords affirme qu’une loi en la matière devrait s’assurer que les patients sont conscients de leurs droits, qu’ils sont informés de la qualité des soins qu’ils peuvent en attendre et qu’ils sont bien informés sur la façon de déposer une plainte si cela est nécessaire. La confiance règne…

La future directive européenne sur les soins transfrontaliers en est encore à l’état de projet, mais les choses devraient se préciser le 12 mars 2009, après le vote de plusieurs centaines d’amendements sur le sujet par l’un des comités du parlement européen. Le texte devra ensuite être approuvé par l’ensemble du Parlement et les gouvernements membres de l’Union européenne avant de pouvoir être transposé en droit national. La chambre des Lords semble préférer prendre les devants.