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Interdiction d’exercice d’un médecin ou d’un dentiste, collaborateur et remplaçant

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Interdiction d'exercice et remplacementIl peut arriver pour des raisons diverses qu’il soit interdit à un médecin ou à un chirurgien-dentiste de donner des soins aux assurés sociaux pour une période donnée. Lorsqu’il exerce en libéral, une telle sanction équivaut à la perte de ses revenus pendant le temps que dure l’interdiction, sans pour autant que les lourdes charges sociales, mais aussi celles liées au fonctionnement du cabinet et aux investissements effectués ne cessent de devoir être payées. Il peut aussi s’agir des charges relatives à une association au sein d’une société d’exercice libéral ou d’un autre type. C’est pour cette raison que l’intéressé peut être tenté de faire appel à un remplaçant ou à un collaborateur pour la durée de la sanction. Le Conseil d’État, dans une décision du 18 décembre 2009 (no 333873), a rappelé que cela n’était pas autorisé par la loi, même par le biais d’un contrat entre la société au sein de laquelle exerce le praticien et un remplaçant.

Dans cette affaire, un chirurgien-dentiste s’est vu refusé par le conseil de l’ordre, puis par la justice la possibilité de faire appel à un remplaçant pendant laquelle il lui avait été interdit de donner des soins aux assurés sociaux par la section des assurances sociales de son conseil de l’ordre régional, dans un premier temps, puis par celle du conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD), dans un second. Le praticien a accepté la sanction, mais a décidé de ne pas en rester là.
Sachant qu’il ne pouvait pas se faire remplacer directement, il a eu recours à un montage plus subtil. Le chirurgien-dentiste a signé au nom de la SELARL un contrat de remplacement libéral avec un confrère remplaçant. Comme la loi l’y oblige, il a transmis ce contrat au président du conseil départemental du conseil de l’ordre des chirurgiens-dentistes. Bien que le contrat ait prévu que le versement de tous les honoraires perçus à la SELARL pendant la période de remplacement et la rémunération du remplaçant sous forme de vacation en pourcentage des honoraires encaissés, le président de ce conseil départemental a informé le dentiste « de ce qu’il était interdit de se faire remplacer pendant les périodes de sanction d’interdiction de donner des soins et de prendre un collaborateur et a déclaré nul et non avenu le contrat qui lui avait été transmis », interdisant de ce fait le remplacement. Mécontent, le chirurgien a porté l’affaire devant le juge des référés pour qu’il annule cette décision, mais pour ce dernier le refus d’approuver le contrat organisant le remplacement n’était entaché d’aucune illégalité pour en déduire qu’aucune urgence ne s’attachait à l’organisation du remplacement du praticien. Contestant ce jugement, le chirurgien-dentiste a déposé un pourvoi au Conseil d’État demandant l’annulation de l’ordonnance par laquelle le juge des référés du tribunal administratif avait rejeté sa demande et afin que cette haute juridiction ordonne qu’il puisse recourir à un remplaçant durant sa période d’interdiction de donner des soins.

Pour le Conseil d’État, même si « Considérant qu’aux termes de l’article R 4113-17 du code de la santé publique : En cas d’interdiction temporaire d’exercer ou de dispenser des soins aux assurés sociaux, sauf à être exclu par les autres associés (d’une société d’exercice libéral) […], l’intéressé conserve ses droits et obligations d’associé, à l’exclusion de la rémunération liée à l’exercice de son activité professionnelle », le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit en estimant qu’il était interdit au chirurgien-dentiste de « percevoir une rémunération liée à l’exercice de sa profession alors qu’elle était sous le coup d’une interdiction d’exercer » et de relever que la suspension temporaire de l’activité professionnelle prononcée à titre de sanction à l’encontre du dentiste impliquait que celui-ci s’abstienne durant la période de suspension de percevoir des revenus tirés de son activité et non pas seulement qu’il s’abstienne de pratiquer des actes de sa propre main.

Un médecin ou un chirurgien-dentiste qui fait l’objet d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercice, même s’il exerce en association sous une forme ou sous une autre et hors de conditions particulières d’urgence, ne peut donc pas se faire remplacer ou prendre un collaborateur le temps de sa sanction. Reste néanmoins à apprécier ce qu’un juge pourra estimer être une “urgence” à l’organisation d’un remplacement face à l’évolution démographique au sein de certaines spécialités médicales ou dans des régions où priver la population du seul praticien restant équivaut à la priver de soins. Peut-être serait-il bon de commencer à réfléchir à des solutions permettant de sanctionner le fautif sans pour autant pénaliser les patients ?

Certificat médical et divorce

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Rupture et divorceOn ne compte plus, chaque année, le nombre de médecins mis en cause pour avoir rédigé un certificat médical, tout particulièrement lorsque ce document va être utilisé par un patient ou par son avocat dans une procédure de divorce. Cet acte, qui paraît souvent anodin au praticien, engage pourtant sa responsabilité au même titre qu’un acte diagnostic ou thérapeutique.

La section du contentieux du Conseil d’État, dans une décision du 26 mai 2010 (requête n° 322128), résume bien ce qui caractérise le médecin imprudent.

En août 2006, un généraliste du sud-est de la France remet à la mère d’un jeune garçon de quatorze ans qu’il vient d’examiner un certificat médical dans lequel il constate que cet adolescent présente des troubles psychosomatiques. Alors que les parents sont en instance de divorce, ce même praticien un mois plus tard délivre « un second certificat médical présentant ces troubles comme en rapport avec des problèmes relationnels avec son père et prescrivant qu’il ne se rende pas chez ce dernier pendant un mois, sans invoquer d’éléments nouveaux et sans avoir eu de contact avec le père ». Réaction immédiate du père qui demande au conseil de l’ordre dont dépend le praticien une sanction à l’égard de ce dernier. Après la procédure habituelle, le médecin se voit infliger un blâme. Cette peine, contestée par le généraliste, ayant été confirmée par la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins, il a formulé une requête devant le Conseil d’État.

Pour la section du contentieux, « en jugeant qu’en ne se bornant pas à relater les constatations médicales qu’il avait pu effectuer sur son patient et en mettant en cause la responsabilité du père, le Dr B s’est immiscé dans les affaires de famille et a établi un certificat tendancieux, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins n’a pas entaché sa décision d’erreur de qualification juridique au regard » de l’article R 4127-28 du code de la santé publique (art. 28 du code de déontologie) qui précise que « La délivrance d’un rapport tendancieux ou d’un certificat de complaisance est interdite » et de l’article R 4127-51 du même code (art. 51 du code de déontologie) disant que « Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison professionnelle dans les affaires de famille ni dans la vie privée de ses patients ».

Un certificat médical doit être basé sur un examen clinique réalisé par le médecin lui-même et préciser la date à laquelle cet examen a eu lieu si le praticien ne veut pas voir sa responsabilité engagée. Revoir son diagnostic a posteriori sans nouvel examen ou sans élément nouveau et délivrer un autre certificat à cette occasion est une faute, surtout quand une tierce personne est mise en cause par cet acte. Lorsqu’il est question de divorce, le médecin doit être particulièrement prudent et son ressenti ne doit pas influencer ses actes s’il veut continuer à exercer en toute sérénité.