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De nouvelles sanctions pour les médecins ne télétransmettant pas suffisamment

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Carte vitale 2Après la signature de la nouvelle convention nationale organisant les rapports entre médecins libéraux et assurance-maladie, la lune de miel continue entre l’Union nationale des Caisses d’assurance-maladie et les syndicats signataires. Et, à en croire le sujet du deuxième avenant signé à cette convention, il n’est pas compliqué de savoir qui porte la culotte dans ce couple contre nature. Il y est, en effet, question des sanctions à l’encontre des médecins ne télétransmettant pas de façon systématique les documents de facturation des actes et prestations…

Jusqu’à ces derniers mois, c’est le principe d’une contribution forfaitaire aux frais de gestion payée par les médecins qui avait été retenu. Il était question de faire payer au praticien 0,50 euro par feuille de soins papier au-delà d’un quota variant en fonction de son activité. Cette solution a été abandonnée suite à la modification de l’article L 161-35 du code de la Sécurité sociale par la loi nº 2011-940 du 10 août 2011. Cet article reprend le principe d’une obligation de transmission électronique des documents de facturation des actes et prestations pour les professionnels de santé et instaure « que le manquement à cette obligation de télétransmission donne lieu à l’application d’une sanction dont les modalités de mise en œuvre sont définies par les partenaires conventionnels », comme le rappelle l’avenant dont il est question ici.

Il est donc logique que figure au sein de la nouvelle convention organisant les rapports entre les médecins et l’assurance-maladie un article qui traite des sanctions susceptibles d’être prononcées en cas de ce qui est considéré comme un non-respect des engagements conventionnels. Il s’agit en l’occurrence de l’article 76 de ce texte qui prévoit désormais que le médecin qui s’oppose “systématiquement” à la télétransmission risque « une suspension de la participation des caisses aux avantages sociaux pour les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables d’une durée de trois mois en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la Sécurité sociale. Pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent, cette sanction est d’un montant équivalent à la participation que supporteraient les caisses au financement de leurs avantages sociaux, sur une durée de trois mois, dans les conditions définies aux articles 60 et suivants de la convention, s’ils exerçaient en secteur à honoraires opposables. Dans le cas où ce manquement est de nouveau constaté après qu’une sanction, devenue définitive, a déjà été prononcée pour le même motif, cette sanction peut être portée à six mois de suspension de la participation de l’assurance maladie aux avantages sociaux ou équivalent pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent. »
À ceci, rien n’interdit de penser que peut venir s’ajouter « une suspension de la possibilité d’exercer dans le cadre de la convention avec ou sans sursis », autre sanction prévue à l’article 76 de la convention.

Les termes « systématique » et « systématiquement » prêtent à sourire lorsque, dans le même temps, les partenaires de l’accord réaffirment qu’ils s’engagent à généraliser la facturation électronique. Cette généralisation est inscrite à l’article 47 de la convention et prévoit que ce n’est que de « manière exceptionnelle » que cette facturation peut s’effectuer par le biais de la feuille de soins sur support papier, selon les modalités prévues à l’article 52 de cette même convention.

En parcourant les forums et les sites consacrés à la télétransmission, ou tout simplement en discutant avec les professionnels concernés, il est évident que la question des sanctions est loin d’être une urgence aux yeux d’une grande majorité de médecins, non pas parce qu’ils ne souhaitent pas télétransmettre (87 % des généralistes le font et 67 % des spécialistes), mais parce qu’ils estiment qu’avant de prendre du temps à réfléchir à comment les punir, il serait préférable de leur apporter les réponses et les solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés lorsque, pleins de bonne volonté et soucieux de respecter la loi, ils télétransmettent déjà. Dans ces conditions, ils trouvent pathétique que des syndicats censés les représenter s’empressent de signer un tel avenant. Pour eux, faciliter l’accès aux soins des patients, c’est aussi faciliter les tâches administratives des praticiens afin qu’ils puissent pleinement se consacrer aux soins et non qu’ils perdent des heures à gérer de nouvelles tracasseries ou à tenir compte de nouvelles contraintes visant souvent à soulager le travail des employés des caisses d’assurance-maladie représentés, eux, par de vrais syndicats.

À décharge pour les syndicats signataires, il faut aussi prendre en compte les décisions prises par les autres personnes censées représenter les citoyens médecins que sont députés et sénateurs. En ayant voté la loi prévoyant qu’à défaut de dispositions conventionnelles applicables au titre de l’article L 161-35, le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie fixe les dispositions relatives aux sanctions dont il est question, elles ont mis un pistolet sur la tempe des syndicats, à moins qu’il ne s’agisse de leur avoir donné une excuse supplémentaire vis-à-vis de leurs adhérents pour signer…

Comme toujours, si les médecins sont sanctionnés, rien n’est prévu pour responsabiliser les patients ou pour contraindre les autres acteurs de la télétransmission (éditeurs de logiciel, administration, assurance-maladie) à apporter des solutions simples aux problèmes quotidiens des praticiens. Quelques exemples : pourquoi ne pas pénaliser le patient qui n’a pas sa carte vitale avec lui, retardant ainsi la télétransmission, voire même l’empêchant s’il ne revient pas la présenter ? Pourquoi ne pas imposer aux caisses d’assurance-maladie des sanctions lorsqu’elles tardent à établir ou à renouveler une carte vitale (principe d’un délai réglementaire, comme celui existant pour la télétransmission par le médecin) ? Quid de la carte vitale pour les enfants dont les parents sont séparés ? Pourquoi ne pas avoir usé plus tôt de coercition, comme on l’a fait vis-à-vis des médecins, auprès des éditeurs de logiciel et des fabricants de matériel pour qu’un seul et même standard soit mis en place et que tous les outils métier n’utilisent qu’un seul et même protocole de télétransmission ? Pourquoi ne pas avoir mis en place un renouvellement automatique de la CPS, à l’instar de ce qui existe pour n’importe quelle carte bancaire ? Pourquoi ne pas permettre un usage simple de la télétransmission par un médecin remplaçant ?
C’est en répondant à ces questions que l’on incitera les médecins à télétransmettre chaque jour un peu plus, pas en se contentant de sanctions négociées au mépris de ceux qui sont censés utiliser un système très imparfait au quotidien…

 

AVENANT Nº 2

À LA CONVENTION NATIONALE ORGANISANT LES RAPPORTS ENTRE LES MÉDECINS LIBÉRAUX ET L’ASSURANCE MALADIE SIGNÉE LE 26 JUILLET 2011

Vu le code de la sécurité sociale, et notamment les articles L. 161-35 et L. 162-5,
Vu la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 26 juillet 2011, publiée au Journal Officiel du 25 septembre 2011.

Préambule

L’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale issu de la loi nº 2011-940 du 10 août 2011 instaure une obligation de transmission électronique des documents de facturation des actes et prestations pour les professionnels de santé. Dans ce cadre, les partenaires conventionnels conviennent de la nécessité de généraliser la facturation par transmission électronique, qui permet un remboursement rapide des actes effectués par les professionnels et contribue à faciliter l’accès aux soins des assurés sociaux. Ce même article prévoit que le manquement à cette obligation de télétransmission donne lieu à l’application d’une sanction dont les modalités de mise en œuvre sont définies par les partenaires conventionnels.
Les partenaires conventionnels s’accordent sur le fait que le non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation des actes et prestations par un médecin constitue un manquement aux engagements conventionnels au sens des articles 75 et suivants de la convention nationale susceptible de conduire à la mise en œuvre de la procédure conventionnelle définie aux mêmes articles et à l’annexe XXII de la convention.
Le présent avenant a pour objet de définir la sanction conventionnelle applicable en cas de non-respect de manière systématique de cette obligation de télétransmission et les conditions de sa mise en œuvre.

Les parties signataires de la convention nationale conviennent de ce qui suit :

Article 1

L’article 75 de la convention nationale est ainsi modifié : après : « le non respect du droit à la dispense d’avance des frais au profit des bénéficiaires de la CMUC et de l’ACS » est ajouté l’alinéa suivant : « — le non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique à l’assurance maladie, posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale, des documents de facturation des actes et prestations ».

Article 2

L’article 76 de la convention nationale est ainsi modifié : après les mots « six ou douze mois » est ajouté l’alinéa suivant : « — suspension de la participation des caisses aux avantages sociaux pour les médecins exerçant en secteur à honoraires opposables d’une durée de trois mois en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale. Pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent, cette sanction est d’un montant équivalent à la participation que supporteraient les caisses au financement de leurs avantages sociaux, sur une durée de trois mois, dans les conditions définies aux articles 60 et suivants de la convention, s’ils exerçaient en secteur à honoraires opposables. Dans le cas où ce manquement est de nouveau constaté après qu’une sanction, devenue définitive, a déjà été prononcée pour le même motif, cette sanction peut être portée à six mois de suspension de la participation de l’assurance maladie aux avantages sociaux ou équivalent pour les médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent. »

Article 3

À l’article 78, après les mots « d’une durée inférieure ou égale à six mois », il est ajouté un alinéa rédigé dans les termes suivants : « — suspension de la participation de l’assurance maladie aux cotisations sociales ou sanction financière équivalente dans les conditions définies à l’article 76, en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale. »

Article 4

L’annexe XXII de la convention nationale est ainsi modifiée :
À l’article 1er à la fin du paragraphe 1.1 relatif à la procédure préalable d’avertissement il est ajouté la phrase suivante :
« Dans le cas du non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale, le médecin dispose d’un délai de trois mois à compter de cet avertissement pour modifier sa pratique ».
À l’article 1er au premier alinéa du paragraphe 1.2 relatif au relevé de constatation préalable après les mots « à l’issue d’un délai d’au moins un mois » il est ajouté les termes suivants : « ou de trois mois en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation ».

À la fin du paragraphe 1.4 de l’article 1er, relatif à la décision et notification de la sanction est ajouté l’alinéa suivant :
« Dans le cas d’une sanction prononcée à l’encontre des médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent pour non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation, la notification précise qu’à défaut de paiement de la sanction dans le délai imparti le directeur de la caisse procède à son recouvrement dans les conditions de droit commun ».
À l’article 2 dans le paragraphe 2.1.1 relatif au cas d’appel devant la Commission Paritaire Régionale, il est inséré après le terme « six mois » un alinéa rédigé dans les termes suivants :
« • de suspension de la participation de l’assurance maladie aux cotisations sociales ou d’une sanction financière équivalente dans les conditions définies à l’article 76, en cas de non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l’article L. 161-35 du code de la sécurité sociale. »
À l’article 2, au paragraphe 2.3.5 relatif à la notification de la décision par les caisses à l’issue du recours consultatif, il est ajouté à la fin du dernier alinéa la phrase suivante :
« Dans le cas d’une sanction prononcée à l’encontre des médecins exerçant dans le secteur à honoraires différents ou titulaires du droit à dépassement permanent pour non-respect de manière systématique de l’obligation de transmission électronique des documents de facturation, la notification précise qu’à défaut de paiement de la sanction dans le délai imparti le directeur de la caisse procède à son recouvrement dans les conditions de droit commun ».

 

Fait à Paris le 24 novembre 2011

Pour l’Union nationale des caisses d’assurance maladie :

Le Directeur Général,
Frédéric van Roekeghem

 

Au titre des généralistes

Le Président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français,
Docteur Michel Chassang

Le Président de la Fédération Française des Médecins Généralistes
Docteur Claude Leicher

Le Président du Syndicat des Médecins Libéraux,
Docteur Christian Jeambrun

Au titre des spécialistes

Le Président de la Confédération des Syndicats Médicaux Français,
Docteur Michel Chassang

Le Président du Syndicat des Médecins Libéraux,
Docteur Christian Jeambrun

 

Mise à jour du 4 mai 2012
L’avis relatif à l’avenant nº 2 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 26 juillet 2011 est paru au Journal officiel de la République française nº 0064 du 15 mars 2012.

Combien coûtent les évènements indésirables associés aux soins à l’hôpital ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Unité de soins intensifsLes évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ne sont plus un sujet tabou depuis quelques années. Si la transparence est encore loin d’être totale en ce domaine, certains indicateurs de sécurité des patients permettent, depuis peu, de se faire tout de même une idée de leur ampleur. Clément Nestrigue et Zeynep Or, chercheurs à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), ont ainsi pu estimer le surcoût de ces évènements indésirables et viennent de publier les résultats de leur étude dans le numéro de décembre 2011 de la revue Questions d’économie de la santé, à l’image de ce qui s’est fait aux États-Unis dès la fin des années 90.

Cette étude, basée sur neuf indicateurs de sécurité des patients développés outre-Atlantique, « fournit de premières estimations nationales du coût de prise en charge d’une partie des événements indésirables associés aux soins qui surviennent à l’hôpital, en exploitant les données hospitalières collectées en routine. » Si la qualité et la sécurité des soins sont mises en avant pour justifier de nouvelles contraintes au sein des établissements hospitaliers, il faudrait être naïf pour croire que le poids des conséquences financières de ces évènements est négligeable dans les décisions qui sont prises par les pouvoirs publics. Ce travail est donc des plus intéressants.

Un évènement indésirable associé aux soins (EIS) « est défini comme un événement défavorable pour le patient, consécutif aux stratégies et actes de diagnostics et de traitements, et qui ne relève pas d’une évolution naturelle de la maladie ». Si certains évènements indésirables associés aux soins sont sans doute liés à l’état du patient et qu’il n’est pas possible de s’y soustraire, d’autres sont considérés comme “évitables”. C’est à ces derniers que sont associés les indicateurs de sécurité des patients. Neuf d’entre eux, au rang desquels figurent les corps étrangers oubliés pendant une procédure de soins, les septicémies postopératoires ou les escarres de décubitus, ont été choisis par les chercheurs de l’Irdes, en collaboration avec la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), pour mener à bien cette étude. Ces indicateurs ont permis d’en arriver à la conclusion qu’en 2007, dans l’Hexagone, 0,5 % des séjours hospitaliers (établissements publics, privés ou participant au service public hospitalier) était associé à l’un des évènements indésirables retenus.
Les désordres physiologiques et métaboliques postopératoires sont les EIS les plus fréquents, le plus rare étant l’oubli d’un corps étranger dans le corps d’un patient à l’occasion des soins.

Toujours pour 2007, c’est un surcoût moyen de près de 700 millions d’euros pour les neuf événements indésirables choisis qui a pu être estimé. Si le coût moyen de prise en charge des traumatismes obstétricaux du vagin lors d’un accouchement par voie naturelle est voisin de 500 euros, il se monte à près de 20 000 euros quand il est question des septicémies. Quatre des évènements indésirables étudiés représentent à eux seuls 90 % du surcoût calculé : les désordres physiologiques et métaboliques postopératoires ; septicémies postopératoires ; les escarres de décubitus et les embolies pulmonaires postopératoires. Il est donc vraisemblable que les efforts à venir porteront plus particulièrement sur ces EIS.

Selon Clément Nestrigue et Zeynep Or, leur étude « montre que les défaillances dans l’organisation et le processus de soins à l’hôpital, qui peuvent se manifester par la survenue d’événements indésirables, représentent un coût économique significatif. Dans le contexte actuel de contrainte budgétaire des établissements de santé, il est essentiel d’explorer comment améliorer la qualité des soins tout en renforçant le rapport coût-efficience des établissements. » 

Sachant que ces chiffres ne portent que sur neuf évènements indésirables associés aux soins, il est probable que les économies susceptibles d’être réalisées puissent être bien plus importantes. Sans compter celles qui pourraient aussi être faites en s’intéressant aux coûts liés aux évènements indésirables liés aux médicaments, EIS qui n’ont pas été pris en compte faute de mesures standardisées, à la perte de productivité ou au nombre de jours non travaillés.

Autre élément à ne pas oublier : les évènements indésirables associés aux soins dans les établissements de santé ont un coût pour la justice et pour les assurances. À l’origine, chaque année, d’un nombre de plaintes non négligeable, les ESI à l’origine de ces affaires chronophages et dispendieuses doivent bénéficier du plus grand intérêt. Certes, ils sont souvent à l’origine de jurisprudences ou de textes faisant progresser le droit de la santé, mais au regard de la souffrance de ceux qui en sont victimes, mieux vaut tout faire pour qu’ils soient encore plus rares au fil des ans.

Si l’approche économique des EIS a tendance à les déshumaniser, elle n’en est pas moins nécessaire pour faire évoluer les pratiques. L’étude de l’Irdes montre que de gros progrès restent à faire.

Revues scientifiques et procès en diffamation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et liberté d'expressionLe 11 novembre 2011, s’est ouvert à Londres un procès en diffamation qui pose, une nouvelle fois, la question de la crédibilité de certaines grandes revues scientifiques et celle de la liberté d’expression de ceux qui oeuvrent à une plus grande transparence dans les domaines scientifiques et médicaux. Le plaignant, Mohamed El Naschie, est un ingénieur égyptien, mathématicien et physicien, ancien éditeur en chef de la revue Chaos, Solitons et Fractals des éditions Elsevier. Il reproche à la célèbre revue Nature de l’avoir accusé dans l’un des articles publiés en 2008 de s’être servi de son poste de rédacteur en chef afin de publier de nombreux articles écrits de sa main sans qu’ils aient été appréciés et validés par ses pairs, comme l’explique le BMJ.

Il faut savoir que les revues scientifiques qui jouissent de la plus grande crédibilité sont, de nos jours, basées sur un système qui oblige les auteurs désireux de faire connaître le résultat de leurs travaux au sein d’une telle revue à soumettre leurs articles à son comité de lecture composé d’experts dans le domaine évoqué. Ce comité est censé relire ces articles avec un oeil critique, s’assurer que les recommandations aux auteurs propres à chaque revue ont bien été respectées, faire des remarques ou émettre des réserves sur la méthodologie employée pour obtenir les données présentées, apprécier la qualité et valider ou non l’ensemble de ce qui a été soumis. En procédant ainsi, une revue scientifique est censée diminuer les risques de faire paraître dans ses colonnes des travaux manquant de rigueur, d’objectivité, voire même des études falsifiées. Qu’une revue dispose d’un comité de lecture ne suffit pas à faire d’elle une publication de référence, mais sans comité de lecture une publication n’a aucune chance, à l’heure actuelle, de devenir une référence.
C’est sur ce principe que reposent, entre autres, les grandes revues médicales ou les publications de référence en droit. En santé, il est d’autant plus important de respecter ces règles de fonctionnement que les articles tirés de ces revues vont ensuite être utilisés pour influencer la politique de santé, permettre à des médicaments de s’imposer ou à des techniques chirurgicales de prendre leur essor.
Même si ne pas soumettre son travail avant publication à la critique de ses pairs ne présage en rien de sa qualité ou de son intérêt, il en va de la crédibilité du système que la procédure soit respectée, tout particulièrement par ceux qui sont à sa tête et qui se doivent de montrer l’exemple.

Pour les éditeurs de Nature, des doutes existent quant à la relecture des travaux de Mohamed El Naschie publiés dans la revue dont il était rédacteur en chef, élément que conteste l’intéressé et qui l’a amené à poursuivre devant les tribunaux le journaliste à l’origine de cette affaire et le Nature Publishing Group, appartenant à la société Macmillan Publishers Limited basée en Angleterre et au Pays de Galles. Pour l’avocat de Nature, il s’agit là d’un « enjeu fondamental pour la liberté d’expression scientifique ». En effet, cette affaire est la dernière d’une série d’actions en diffamation relatives à des questions scientifiques qui, selon cet avocat, nuirait à la liberté des débats au sein de la communauté scientifique. Comment imaginer qu’il ne soit pas possible de remettre en question le travail d’un scientifique, surtout lorsqu’il ne respecte pas les standards de sa profession, sans encourir une plainte pour diffamation ?

Nature a passé deux ans à préparer son dossier et a interrogé plusieurs scientifiques pour recueillir un avis sur les travaux de M. El Naschie. Selon ces derniers, les publications de cet auteur étaient de « mauvaise qualité » et leur relecture laissait à désirer. C’est en se basant sur ces témoignages que la revue Nature a décidé de publier un article à ce sujet.

M. El Naschie, après avoir fait appel à un cabinet d’avocats acceptant de n’être payé qu’en cas de victoire, assure désormais seul sa défense. Bien qu’ayant engagé la procédure, il a informé la cour qu’il ne disposait pas des moyens nécessaires pour se présenter devant elle, d’autant qu’il ne séjournerait en Grande-Bretagne qu’épisodiquement. Pour la revue Nature, l’auteur indélicat partagerait son temps entre l’Égypte, les États-Unis, l’Allemagne, la Suisse et l’Angleterre et tenterait de faire traîner l’affaire. Une situation qui n’est pas favorable à Nature, selon la juge en charge de cette affaire, car même si la revue est reconnue innocente, elle ne pourra vraisemblablement pas obtenir de la partie adverse le remboursement des frais de procédure.

En Angleterre, selon le BMJ, le montant élevé des frais engagés pour se défendre d’une plainte en diffamation et l’issue judiciaire incertaine de telles affaires ont amené le gouvernement à réfléchir à une réforme des procédures afin qu’elles ne soient pas utilisées pour nuire à la liberté d’expression et à la santé publique. Une arme qui n’est pas propre aux Anglais à en juger par des affaires comme celle du médecin australien attaqué par le fabricant d’un produit amaigrissant, celle du chercheur ayant critiqué l’excès de sel dans les produits alimentaires ou dans le cas du Mediator et maintenant du Protelos.

Affaire Mediator : de plus en plus de médecins entendus par la police

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Justice et menottes« Depuis quelques jours certains médecins sont convoqués devant les services de police à Amiens, Montpellier, dans le Berry, le Cantal … pour interrogatoire au sujet de leurs prescriptions hors AMM de Benfluorex (Mediator®). » C’est ainsi que commence la lettre d’information de la cellule juridique de la Fédération des médecins de France (FMF) du 29 octobre 2011. Selon cette dernière, c’est le juge en charge du dossier mettant en cause le laboratoire Servier suite à l’affaire du Mediator qui, depuis son bureau de Nanterre, serait à l’origine de ces convocations.

Les praticiens entendus par la police n’ont, semble-t-il, pas été choisis au hasard. Ils auraient tous subi ces dernières années un contrôle du service médical des caisses d’assurance-maladie traitant leurs prescriptions de Benfluorex hors AMM (autorisation de mise sur le marché) au motif qu’ils n’avaient pas inscrit « NR » sur celles-ci. En effet, la mention « NR », abréviation de « Non remboursable », permet d’indiquer aux services de la Sécurité sociale que le produit délivré n’a pas à être pris en charge puisque prescrit pour un usage sortant du cadre de son autorisation de mise sur le marché et hors de tout accord préalable ou disposition particulière en prévoyant malgré tout le remboursement. Pouvant identifier assez facilement les patients souffrant de diabète grâce à leur prise en charge liée à l’affection de longue durée (ALD), il n’est pas très difficile pour la Sécurité sociale de suspecter la prescription hors AMM et non remboursable d’un antidiabétique, connu pour être utilisé comme coupe-faim, en étudiant les dossiers des assurés. Une fois les indus mis en évidence et après avoir entendu le praticien, l’assurance-maladie a la possibilité d’engager des poursuites à l’encontre du médecin au regard des griefs initialement notifiés si elle estime qu’il y a abus. C’est alors à la section de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre, dite section des affaires sociales, qu’est confiée l’affaire (art. L 145-1 du code de la Sécurité sociale).
Selon la FMF, tous les médecins actuellement entendus par la police au sujet du Mediator dans les régions précédemment citées avaient fait l’objet ces dernières années d’une procédure devant la section des affaires sociales de leur conseil régional de l’Ordre suite à l’absence de mention « NR » sur des prescriptions de Benfluorex hors AMM. Ce serait par le biais d’une commission rogatoire lui permettant d’obtenir du conseil national de l’ordre des médecins (CNOM) la liste des médecins ainsi poursuivis que le juge de Nanterre a pu remonter jusqu’à eux.

D’après la Fédération des médecins de France, aucun des médecins entendus n’a, pour l’instant, été mis mis en examen. Rien ne dit qu’ils le seront, même s’il leur est conseillé d’être prudent. Ces médecins savaient-ils qu’ils mettaient en danger la vie des patients alors que les effets délétères du Benfluorex ne figuraient pas sur sa notice jusqu’à son retrait du marché en 2009 ? Ont-ils fait preuve de négligence ? Ont-ils vraiment omis d’informer les malades des risques à utiliser un médicament hors AMM ? Ou ont-ils plutôt été trompés par le discours du laboratoire et de sa force de vente ? On peut penser que c’est cette dernière hypothèse que le juge cherche à confirmer étant donné les circonstances. Faut-il s’en étonner ? Pas vraiment. La justice est censée travailler en toute indépendance et peut demander à entendre les personnes susceptibles de l’éclairer.

Pour la FMF, « l’avenir des prescriptions hors AMM en France en sera à jamais affecté. » Il est vrai que, jusqu’à cette affaire, les médecins n’avaient pas pris conscience à quel point leur responsabilité est engagée lorsqu’ils prescrivent une spécialité hors AMM. Si beaucoup le font bien souvent sans le savoir, de nombreux médicaments étant utilisés depuis des dizaines d’années, sans aucun souci, pour le traitement ou le diagnostic de pathologies pour lequel ils n’ont pas l’AMM, il est possible que certains abusent de ce type de prescription par complaisance ou par intérêt. Si les premiers n’ont pas à être condamnés, les seconds ne doivent pas s’étonner d’être inquiétés.

L’utilisation hors AMM est une pratique que l’on trouve choquante quand une affaire comme celle du Mediator survient, mais qui est pourtant couramment utilisée par les Français quand il est question d’automédication. C’est aussi une pratique qui fait évoluer l’AMM de certains produits lorsqu’à l’usage, l’expérience montre qu’ils peuvent soigner un problème de santé pour lequel ils n’avaient pas été initialement prévus.

Qui est responsable dans l’affaire du Mediator ? Le laboratoire ? Les autorités de santé et leurs tutelles ? Les médecins ? Les patients ? Si la réponse à cette question est évidente pour chacun, elle n’est pas prête de faire l’unanimité. Il faut juste espérer que la justice triomphera avant que ce scandale ne soit oublié…

Dépassements d’honoraires des médecins : qu’en pensent le gouvernement et les députés ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médecin refusant un dépassement d'honorairesLe projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012 est en pleine discussion à l’Assemblée nationale. Si le sujet d’une éventuelle réduction des indemnités journalières a fait les gros titres des journaux à cette occasion, le texte comporte une multitude de mesures qui intéressent tant les patients que les médecins. Si, parmi celles-ci, beaucoup font débat, le sort réservé aux dépassements d’honoraires paraît faire l’objet d’un consensus entre le gouvernement et les députés de la majorité. Les élus de l’opposition, quant à eux, dénoncent ce qu’ils estiment souvent être le symbole d’une médecine à deux vitesses.

Les dépassements d’honoraires donnent une certaine liberté tarifaire aux médecins conventionnés du secteur 1 lorsqu’ils sont encore titulaires du droit permanent à dépassement (DP) ou des médecins à honoraires différents (secteur 2). Ils sont mis en cause régulièrement, car ils sont souvent mal compris par les patients et vilipendés par les mutuelles ou les complémentaires santé à qui ils coûtent cher. Ils sont aussi un sujet de dissension entre les praticiens du secteur 1 et du secteur 2. Leur limitation ou leur suppression est donc un argument politique plus ou moins démagogique en fonction des intérêts défendus.

Il est important de rappeler que les dépassements d’honoraires ne sont pas pris en charge par l’Assurance-Maladie et que tous les patients sont libres de choisir un médecin à honoraires opposables (secteur 1) s’ils ne souhaitent pas avoir à régler un dépassement d’honoraires. Les patients disposant d’une mutuelle ou d’une complémentaire santé peuvent, en fonction du contrat souscrit, voir une partie ou la totalité du montant d’un éventuel dépassement d’honoraires remboursée par l’organisme auprès duquel ils ont contracté. Enfin, les patients titulaires de la couverture maladie universelle (CMU) ne font pas l’objet de dépassements d’honoraires pour les actes pris en charge par l’Assurance-maladie quand ils consultent un médecin secteur 1 avec DP ou d’un médecin secteur 2.

Les extraits des séances publiques ayant eu lieu entre le 25 octobre 2011 et le à l’Assemblée nationale présentés ci-dessous permettent de se faire une idée de la teneur des débats et du point de vue des principaux intervenants au sujet des dépassements d’honoraires. Si certains parlementaires évoquent les dépassements excessifs, d’autres semblent condamner le principe même de ces dépassements. Pour les internautes qui souhaitent plus de précisions, il est toujours possible de se référer à l’intégralité des débats disponible sur le site du Palais Bourbon.

1re séance du mardi 25 octobre

 C’est principalement le ministre de la santé, Xavier Bertrand, qui s’est exprimé au sujet des dépassements d’honoraires : « En outre, pour répondre structurellement à la question des dépassements d’honoraires, qui, j’en suis conscient, peuvent entraîner des retards dans les soins, voire des renoncements aux soins, j’ai dit que j’étais très favorable à la prise en charge, dans les meilleurs délais, de ces dépassements pour les trois spécialités de chirurgie, d’anesthésie-réanimation et de gynécologie obstétrique. Plus précisément, sur les bases d’un accord intervenu entre les différentes parties prenantes, au moins 30 % de l’activité devrait se faire à tarif opposable ; les dépassements supérieurs à 50 % du tarif remboursable ne seraient pas pris en compte ; et il s’agit d’avoir un nombre d’actes suffisant pour garantir la qualité des soins.
En l’absence d’un accord avec l’UNOCAM [Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, NDLR] – je le déplore profondément, mais il n’est pas trop tard – le Gouvernement prendra ses responsabilités et proposera au Parlement de mettre en place cette prise en charge par la loi, avec une prise en charge obligatoire du secteur optionnel dans les contrats responsables, à hauteur de 150 %.
Je proposerai que ce secteur optionnel soit ouvert au secteur 2, afin de prendre en charge les dépassements et de ne pas ouvrir de nouvelles possibilités de dépassement.
J’aurais préféré un accord, mais il n’est pas trop tard. Pour l’instant, nous nous en tenons à notre proposition. Si un accord intervient, tant mieux. Si tel n’est pas le cas, nous aurons renforcé l’accès aux soins et la prise en charge des dépassements pour nos concitoyens.
Cette mesure sera accompagnée d’autres mesures de lutte contre les dépassements. L’assurance maladie va, à notre demande, lancer de nouveaux contrôles sur les professionnels ne respectant pas le tact et la mesure, en ville comme à l’hôpital. Nous y reviendrons pendant la discussion.
Le Conseil national de l’ordre des médecins que j’ai vu vendredi est prêt à nous suivre dans cette voie. Par ailleurs, le Gouvernement s’est déjà engagé, dans la loi de financement de la sécurité sociale 2011, à élargir la couverture pour les plus modestes, en augmentant le plafond de ressources ouvrant droit à l’aide complémentaire santé – l’ACS – à 30 % du plafond CMU-C [couverture maladie universelle complémentaire, NDLR] au 1er janvier 2012 : cela permettra ainsi de passer de 532 000 bénéficiaires à 760 000 bénéficiaires. C’est encore insuffisant.
Le président de votre commission [des affaires sociales, NDLR], Pierre Méhaignerie, a proposé de relever à nouveau ce plafond, à 35 % du plafond CMU-C cette fois, ce qui devrait porter le nombre de bénéficiaires à quasiment un million. Je salue cette initiative et je la soutiendrai – un amendement sera déposé – parce qu’elle va permettre d’élargir la couverture des plus modestes. Ceux qui ne sont pas assez riches pour se payer une bonne mutuelle, mais trop riches pour être pris en charge par la CMU-C, auront droit à l’aide complémentaire santé que nous avons mise en place depuis 2004. »

2e séance du mardi 25 octobre

Pour Pierre Méhaignerie, membre du groupe Union pour un mouvement populaire (UMP), en plus d’un objectif régional des dépenses de santé (ORDAM) qui responsabilise et laisse de l’autonomie, « il faut également affronter les dépassements d’honoraires excessifs. »

Pour Anny Poursinoff, membre du groupe Gauche démocrate et républicaine et de la commission des affaires sociales, « les dépassements d’honoraires ne cessent d’augmenter » et l’Inspection des affaires sociales (IGAS) les dénonce.

Pour Jean-Luc Préel, membre du groupe Nouveau centre et vice-président de la commission des affaires sociales, « certes, il est possible de contester les prévisions économiques sur lesquelles est bâti ce projet de loi. Il est permis de regretter que cette loi de financement ne soit pas votée en équilibre, mais avec un déficit qui, aujourd’hui, n’est pas financé. Nous pourrions également vouloir régler les problèmes que rencontrent nos concitoyens, comme la répartition des professionnels de santé sur le territoire, la permanence des soins ou les dépassements d’honoraires. Mais c’est en débattant des amendements – avec l’espoir qu’ils soient adoptés –, que nous pouvons peut-être faire bouger le texte. »
« Les dépassements d’honoraires n’existeraient sans doute pas si – Xavier Bertrand le répète souvent – les rémunérations avaient été revues régulièrement en tenant compte des évolutions des charges, si la CCAM clinique avait été mise en place et si la CCAM technique était réactualisée régulièrement, mais aujourd’hui ces dépassements existent et atteignent parfois des sommes importantes.
Le secteur optionnel est prévu depuis 2004 ; il vient d’être confirmé par la nouvelle convention médicale. Mais les assurances complémentaires ne semblent pas vouloir honorer leur signature, perturbées à juste titre par l’augmentation sans concertation de la taxe qui s’applique à elles à hauteur de 1,1 milliard. […]
Ce secteur n’est toutefois pas la panacée. Tout d’abord, il ne concerne que les spécialistes à plateau technique, qui ne sont pas les plus défavorisés, et c’est là un euphémisme. Qu’en sera-t-il pour les autres, notamment les spécialistes cliniques, comme les psychiatres, les pédiatres, les endocrinologues ? Ensuite, il ne concerne que le secteur 2 ; qu’en sera-t-il des professionnels du secteur 1 ? Il demande de soigner 30 % de la clientèle à tarif remboursable ; quels sont ces 30 % ? Il prévoit la prise en charge par les complémentaires des dépassements d’honoraires limités à 50 %. Or, dans certains départements, les dépassements sont inférieurs à 50 % ; n’y aura-t-il pas un effet d’aubaine ?
Dans d’autres départements, à Paris, en PACA, les dépassements peuvent atteindre 400 ou 500 % des tarifs remboursables. » 

Pour Marisol Touraine, membre du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et de la commission des affaires sociales, le gouvernement a renoncé à protéger nos concitoyens face à l’explosion des dépassements d’honoraires et essaye de forcer la décision sur le secteur optionnel qui ne serait en rien une solution. « Tel que le système est conçu, il va se traduire par des dépassements en plus. Il permettra à des médecins actuellement en secteur 1, donc qui pratiquent des tarifs opposables, de dépasser, alors que ceux qui dépassent beaucoup en secteur 2 ne seront nullement incités à baisser leurs trafics.
Plus préoccupant encore, le système du secteur optionnel fait tout simplement du dépassement d’honoraires la règle, les organismes complémentaires étant appelés à en assurer le paiement. »
Elle affirme enfin que « l’encadrement et le plafonnement des dépassements d’honoraires seront une priorité pour le futur gouvernement de gauche. »

Pour Jean Mallot, membre du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche, et secrétaire de la commission des affaires sociales, « entre 2005 et 2010, le reste à charge pour les ménages est passé de 9 % à 9,4 %. Tout cela résulte d’une série de déremboursements et de franchises, ainsi que de la multiplication des dépassements d’honoraires. »

Pour Jacqueline Fraysse, membre du groupe Gauche démocrate et républicaine et secrétaire de la commission des affaires sociales, « en 2010, 29 % de nos concitoyens déclaraient avoir renoncé à se soigner pour des raisons financières. D’autres contractent des microcrédits. Des maladies d’un autre âge resurgissent, que l’on croyait disparues, comme la tuberculose ou la gale.
Ce sont là des conséquences des nombreuses participations forfaitaires, franchises médicales, forfaits hospitaliers, forfaits de 18 euros et autres déremboursements de médicaments, qui visent, selon vous, à responsabiliser les patients, comme s’ils étaient responsables de leur maladie et du coût des traitements qui leur sont prescrits.
C’est également l’effet des dépassements d’honoraires, contre lesquels l’inaction du Gouvernement est patente et qui ont encore augmenté de 6 % par rapport à 2009. Sur dix ans, leur augmentation est de 50 %.
Si cette situation traduit l’abus d’un certain nombre de médecins, elle traduit surtout la déconnexion entre les tarifs opposables remboursés par l’assurance-maladie, qui sont insuffisamment revalorisés, et les tarifs pratiqués par les médecins. Le secteur optionnel que vous appelez de vos vœux n’est pas une solution : il va juste siphonner ce qui reste du secteur 1 et inciter les médecins à considérer le plafond de dépassement comme le nouveau tarif de référence.
L’augmentation conjointe des franchises et des dépassements d’honoraires conduit mécaniquement à une augmentation du reste à charge pour les patients. Je sais que M. Bertrand récuse cette affirmation, allant même jusqu’à indiquer que ce reste à charge baisse, passant de 9,7 % en 2008 à 9,4 % aujourd’hui.
Ce chiffre ne rend pas compte de la réalité, car c’est une moyenne qui inclut les patients en ALD, lesquels concentrent 60 % des dépenses de remboursement : la vérité, c’est que, hors ALD, le reste à charge avoisine les 45 %, et ce chiffre n’intègre pas les complémentaires santé, rendues obligatoires par le désengagement de la sécurité sociale, dont le coût est en augmentation constante.
Cette augmentation, conséquence directe des déremboursements et dépassements d’honoraires que les complémentaires santé doivent prendre en charge, est encore accentuée par la hausse continue des taxes auxquelles elles sont soumises. Ainsi, entre 2005 et 2012, la fiscalité sur les contrats d’assurance santé aura été multipliée par plus de sept. Et il est illusoire de penser, mais vous le savez, bien sûr, que les complémentaires santé ne répercuteront pas la nouvelle hausse de leur taxe. La Mutualité française parle d’ailleurs de 4,7 % d’augmentation. »

Pour Michel Heinrich, membre du groupe Union pour un mouvement populaire et de la commission des affaires sociales, le problème du secteur 2 est « mal compris et très peu accepté par les patients. Je sais bien qu’un nombre important d’actes n’ont pas été revalorisés depuis longtemps, mais certains praticiens, on le voit bien, ne pratiquent pas le dépassement d’honoraires avec tact et mesure, rendant de ce fait difficile l’accès aux soins. J’ai bien entendu l’engagement de Xavier Bertrand de mettre en place le secteur optionnel, et je m’en réjouis, car il y a urgence. Mais il faudra se méfier des effets d’aubaine, notamment pour les médecins demeurés dans le secteur 1, ou pour ceux du secteur 2 qui ne pratiquaient pas des dépassements d’honoraires supérieurs à 50 %. »

Médecine & Droit — Numéro 110

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de septembre — octobre 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

Droit civil — Protection de la personne
État du droit sur le transsexualisme en France et en Europe
Emmanuel Pierrat et Clémence Lemarchand

Responsabilité pénale
Dissimulation d’un dictaphone dans la rampe d’éclairage du hall d’accueil d’un cabinet médical : la tentative d’atteinte à la vie privée est constituée
Pierre-Laurent Vidal

Exercice professionnel
Société de biologistes : actualités jurisprudentielle
Valérie Siranyan et François Locher

Droit et médicament
La rétrocession de médicaments par les hôpitaux : quels bénéfices pour les acteurs ?
Inna Gridchyna et Marine Aulois-Griot

Licences obligatoires de médicaments pour les pays connaissant des problèmes de santé publique : mythe ou réalité juridiques ?
Caroline Mascret

Moderniser la directive sur les qualifications professionnelles

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Europe à la loupeMême si de plus en plus de citoyens des pays membres de l’Union européenne se demandent si ceux qui les dirigent tiennent vraiment compte de leur avis, la Commission européenne a compris depuis longtemps qu’il fallait au moins sauver les apparences grâce à ce qu’elle appelle des “consultations”. Elle offre ainsi la possibilité à ses ressortissants de s’exprimer sur les textes qu’elle envisage de proposer au Parlement et au Conseil de l’Union européenne. Les professionnels de santé et tous ceux qui s’intéressent à la reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union n’ont d’ailleurs plus que quelques jours pour donner leur opinion sur la prochaine réforme de la directive relative à ce sujet prévue pour la fin de l’année.

La Commission européenne a fixé au 20 septembre 2011 la fin de la consultation qu’elle a lancée sur la modernisation de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles (directive 2005/36/EC). Cette consultation est ouverte à tous et la Commission insiste sur le fait que « les contributions des particuliers, des organisations professionnelles, des administrations nationales et des autorités nationales compétentes sont particulièrement bienvenues ». Ces contributions serviront ensuite à la rédaction d’un « livre vert » censé servir de base au projet de réforme.
Cette directive intéresse, entre autres, les titres de formation de médecin donnant accès aux activités professionnelles de médecin avec formation de base et de médecin spécialiste, et les titres de formation d’infirmier responsable de soins généraux, de praticien de l’art dentaire, de praticien de l’art dentaire spécialiste, de vétérinaire, de sage-femme et de pharmacien détenus par les ressortissants des États membres. Si elle fait l’affaire de certaines universités, de cabinets de recrutement, des professionnels de santé eux-mêmes en fonction du lieu où ils exercent et de régions rurales de pays comme la France qui ont compris tous les avantages qu’ils pouvaient tirer de ce texte, elle fait aussi l’objet de nombreuses critiques et crée des conditions concurrentielles internationales qui ne sont pas toujours dans l’intérêt de la santé publique ou de la qualité des soins, suivant les points de vue. C’est dans ces conditions qu’une réforme que de nombreux acteurs, dont les autorités de santé de plusieurs pays européens, ont appelé de leurs voeux une réforme et ils ont été entendus par la Commission, même si la façon dont elle est présentée peut surprendre.

Pour la Commission européenne, « la réforme du système de reconnaissance des qualifications professionnelles en vue de faciliter la mobilité est l’une des actions prioritaires de l’Acte pour le marché unique élaboré par la Commission. Afin de préparer cette réforme, la Commission souhaite consulter les parties intéressées sur les moyens d’atteindre trois objectifs : renouveler les façons d’aborder la mobilité ; s’appuyer sur les structures existantes et de moderniser la reconnaissance automatique. »

C’est le 7 novembre 2011 qu’une conférence publique concernant la modernisation de la directive sur les qualifications professionnelles sera organisée par la Commission européenne.

Donner son avis est indispensable pour les instances dont dépendent les professionnels de santé concernés par une telle consultation. Le conseil européen des ordres des médecins (CEOM) travaille sur le sujet depuis bien longtemps et une réunion informelle a eu lieu le 6 septembre, en Estonie, à ce propos.
Né de la Conférence internationale des Ordres et des organismes d’attributions similaires (CIO), le Conseil des Ordres ne se contente pas d’attendre les consultations de la Commission pour rappeler aux décideurs les positions défendues par les Ordres qu’il représente et pour faire des propositions visant à une meilleure cohérence professionnelle à l’échelon européen et à la promotion de l’exercice d’une médecine de qualité, respectueuse des intérêts des patients.
La charte européenne d’éthique médicale, adoptée en juin 2011, est le dernier exemple des efforts faits par le CEOM pour montrer qu’il existe une déontologie et des valeurs communes à tous les praticiens européens.

À une époque où de nombreuses décisions prises à Bruxelles et à Strasbourg ont un impact direct sur l’exercice des professionnels de santé de chacun des pays membres, même si les gouvernants aiment à rappeler que la santé est une compétence nationale dans certaines circonstances, il n’est plus possible de se contenter d’actions nationales. Il faut juste espérer que les instances qui ont décidé de coopérer entre elles ne reproduiront pas au niveau européen ce qui leur arrive de faire à l’échelle de leur territoire : ajouter toujours un peu plus de contraintes aux professionnels dont elles ont la charge.

 

Déchets d’activité de soins à risque infectieux perforants : les textes évoluent

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Goutte au bout d'une aiguillePour un patient en autotraitement, la gestion des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) perforants, comme les aiguilles des stylos à insuline ou les lancettes servant à mesurer la glycémie au doigt, par exemple, n’était jusqu’à maintenant pas chose facile. L’entrée en vigueur, le 1er novembre 2011, des dernières mesures prévues par le décret nº 2010-1263 du 22 octobre 2010 relatif à l’élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux produits par les patients en autotraitement devrait grandement faciliter les choses et éviter que des contaminations accidentelles des personnels chargés de collecter les ordures ménagères ou d’autres personnes pouvant être en contact avec ces déchets ne continuent à survenir.

Pour le code de la santé publique (art. R 1335-1 et suivants), les déchets d’activités de soins sont les déchets issus des activités de diagnostic, de suivi et de traitement préventif, curatif ou palliatif, dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire. Au sein de ceux-ci, certains présentent des risques infectieux. Il s’agit des déchets présentant un réel risque infectieux « du fait qu’ils contiennent des micro-organismes viables ou leurs toxines, dont on sait ou dont on a de bonnes raisons de croire qu’en raison de leur nature, de leur quantité ou de leur métabolisme, ils causent la maladie chez l’homme ou chez d’autres organismes vivants ». Il s’agit aussi des matériels et matériaux piquants ou coupants destinés à l’abandon, qu’ils aient été ou non en contact avec un produit biologique ; des produits sanguins à usage thérapeutique incomplètement utilisés ou arrivés à péremption ; des déchets anatomiques humains, correspondant à des fragments humains non aisément identifiables.
Les déchets issus des activités d’enseignement, de recherche et de production industrielle dans les domaines de la médecine humaine et vétérinaire, ainsi que ceux issus des activités de thanatopraxie ayant les mêmes caractéristiques que les déchets à risques infectieux sont aussi considérés comme des déchets d’activité de soins.

Toute personne qui produit ce type de déchets est tenue par la loi de les éliminer. Cette obligation incombe à l’établissement de santé, l’établissement d’enseignement, l’établissement de recherche ou l’établissement industriel, lorsque ces déchets sont produits dans un tel établissement ; à la personne morale pour le compte de laquelle un professionnel de santé exerce son activité productrice de déchets ; dans les autres cas, à la personne physique qui exerce à titre professionnel l’activité productrice de déchets. Les professionnels de santé sont confrontés à cette obligation depuis plusieurs années, mais les patients étaient un peu livrés à eux-mêmes quand ils produisaient ces déchets à leur domicile, hors de toute structure de soins et sans l’intervention concomitante d’un professionnel de santé. Difficile à titre individuel de confier l’élimination ses déchets d’activités de soins et assimilés à une autre personne en mesure d’effectuer ces opérations, comme le font les professionnels, voire même de se procurer un conteneur adapté à leur récupération.

À partir du 1er novembre, les patients vont eux aussi pouvoir enfin agir efficacement pour éviter toute pollution de l’environnement par les DASRI qu’ils produisent, au moins concernant les produits piquants ou coupants. Des collecteurs adaptés et conformes aux règles en vigueur vont être mis gratuitement à la disposition des officines de pharmacie et des pharmacies à usage intérieur, charge à elles de les remettre gratuitement aux patients dont l’autotraitement comporte l’usage de matériels ou matériaux piquants ou coupants. Le collecteur de déchets remis doit être d’un volume correspondant à celui des produits délivrés. Une amende est prévue pour les pharmaciens qui ne s’exécuteraient pas.

Le décret nº 2011-763 du 28 juin 2011 relatif à la gestion des déchets d’activités de soins à risques infectieux perforants produits par les patients en autotraitement a prévu quant à lui que les exploitants et les fabricants des produits induisant des DASRI des dispositifs de collecte de proximité où les patients ou leur famille pourront aller déposer les collecteurs pleins. Ces dispositifs de collecte sont répartis sur tout le territoire national à des endroits qui sont facilement accessibles à leurs utilisateurs, sachant qu’un certain nombre d’organismes, comme les associations agréées dans le domaine de la santé, les collectivités territoriales ou les établissements de santé peuvent participer à la mise en place de ces dispositifs de collecte.
Si une zone du territoire ne dispose pas d’un dispositif de collecte spécifique, la loi prévoit que les officines de pharmacies, les pharmacies à usage intérieur et les laboratoires de biologie médicale collectent gratuitement les déchets d’activités de soins à risques infectieux perforants produits par les patients en autotraitement qui leur sont apportés par les particuliers dans les collecteurs prévus à cet effet.
Les exploitants et les fabricants sont chargés de l’enlèvement et du traitement des déchets collectés, à leurs frais ; un coût qu’il serait étonnant qu’ils ne finissent pas par répercuter sur les utilisateurs.

Il faut savoir que tous les patients ne sont pas considérés comme susceptibles de produire des DASRI et donc d’obtenir les collecteurs gratuitement. Seuls ceux souffrant d’une affection prévue par l’arrêté du 23 août 2011 fixant, en application de l’article R 1335-8-1 du code de la santé publique, la liste des pathologies conduisant pour les patients en autotraitement à la production de déchets d’activité de soins à risque infectieux perforants, sont concernés.
Cette liste est la suivante :
acromégalie ;
algies vasculaires de la face et migraines ;
anémie secondaire à l’insuffisance rénale chronique ;
choc anaphylactique ;
déficits immunitaires traités par immunoglobulines par voie sous-cutanée ;
diabète ;
dysfonction érectile d’origine organique ;
hémophilie sévère A et B ;
hépatites virales ;
infection à VIH ;
infertilité ovarienne ;
insuffisance rénale chronique ;
insuffisance surrénale aiguë ;
maladie de Parkinson ;
maladie veineuse thrombo-embolique ;
maladies auto-immunes ;
ostéoporose post-ménopausique grave ;
retard de croissance de l’enfant et déficit en hormone de croissance.

Pour un patient, mieux vaut ne pas négliger la collecte de ses déchets. On peut rappeler à ce propos la jurisprudence de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 2 juin 2005 (pourvoi nº 03-20011) qui a décidé que « L’employé d’un service de ramassage des ordures, imputant sa contamination par le virus d’immunodéficience humaine (VIH) à la piqûre d’une aiguille de seringue déposée dans un sac-poubelle provenant d’un immeuble, une cour d’appel a pu déduire l’existence d’un lien de causalité certain entre cette contamination et les fautes commises par le syndicat des copropriétaires et un médecin exerçant dans l’immeuble en retenant que, selon les experts médicaux, rien ne permettait d’exclure que la contamination soit due à la piqûre subie, que les circonstances de l’accident et l’évolution de la contamination établissaient des présomptions suffisamment graves précises et concordantes pour imputer la contamination à la piqûre, que, si les seringues provenaient bien des déchets médicaux du médecin incorporées aux ordures ménagères des autres copropriétaires, l’accident ne se serait pas produit si les ordures ménagères de l’immeuble avaient été laissées dans le bac prévu à cet effet, pour être enlevées dans des conditions excluant toute manipulation autre que le bac lui-même. » Le médecin, son assureur et le syndicat des copropriétaires se sont vus condamnés in solidum à verser à l’employé du service de ramassage des ordures une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination. Un exemple qui se retrouve aussi chez nos voisins belges.

La vie en société, c’est aussi savoir préserver la santé des autres.

 

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Wikileaks : pots-de-vin et pots à pharmacie

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Reflet sur la vitrine d'une pharmacie slovaqueQui n’a pas entendu parler de l’affaire Wikileaks et de ses centaines de milliers de documents confidentiels de la diplomatie américaine mis à la disposition des médias internationaux, puis du grand public, par Julian Assange ? Les 251 000 câbles diplomatiques révèlent au fil de leur dépouillement bien des secrets. L’un des derniers en date concerne les pharmacies slovaques et vient de l’ambassade des États-Unis à Bratislava, capitale de la Slovaquie, comme l’explique The daily.sk dans son édition en ligne du 5 septembre 2011. Il y est question de l’achat du vote de parlementaires de ce pays par un groupe financier afin que soit adoptée une loi permettant d’ouvrir le capital des officines libérales à des investisseurs ne disposant pas du statut de pharmacien, alors que jusque-là, seule une personne possédant un diplôme d’apothicaire pouvait détenir une pharmacie.

Le groupe financier Penta aurait offert, à partir d’avril 2005, environ 66 000 euros à plusieurs députés indépendants pour les amener à voter pour l’adoption de six textes de loi visant à réformer le système de santé slovaque, selon l’ambassade américaine. Cette dernière s’appuie sur des informations provenant d’une source digne de confiance ayant des liens avec Penta, d’après le câble diplomatique.

Scott Thayer, chargé d’affaires à l’ambassade à cette époque, fait état de conjectures sur ces achats de vote par Penta, société contrôlant indirectement trois des cinq assureurs santé slovaques à cette époque et se tenant prêt à acquérir plus d’une centaine d’officines dans le pays.

Voilà qui arrive à point nommé pour les pharmaciens slovaques qui tentent de s’opposer à cette réforme doit être à nouveau débattue en septembre au parlement. Ils entendent lutter contre la possibilité offerte aux grands groupes financiers de créer des chaînes de pharmacies offrant à leurs clients des primes de fidélité ou des rabais en tout genre. Ils estiment que les exploitants de pharmacie ne doivent être autorisés à n’en posséder qu’une, comme c’est la règle dans la plupart des pays de l’Union européenne. Ils disent craindre pour leur survie et pour la qualité de service offerte aux clients. Un argument que semble confirmer le câble dévoilé par Wikileaks dans lequel il est précisé qu’une telle ouverture du marché des pharmacies viserait à en exclure, à terme, les pharmaciens indépendants.

La société Penta s’est empressée de démentir ces informations. Elle n’a d’intérêts que de 80 pharmacies (sous l’enseigne Dr. Max) sur les 1 800 que compte le pays et dit ne pas vouloir voir disparaître les officines indépendantes.

L’ouverture du capital officinal à des non-pharmaciens est un débat sur lequel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a déjà eu à se pencher (affaires jointes C-171/07 et C-172/07, 19 mai 2009), estimant que c’étaient aux législations nationales que revenait le choix. Au regard des enjeux financiers, il est évident que les uns et les autres ne vont pas manquer de continuer à exercer diverses pressions sur les instances politiques en fonction des intérêts qui leur sont propres. Reste à espérer que les intérêts de la santé publique et des patients ne soient pas oubliés dans tout ça.

Une plainte contre les images-chocs sur les paquets de cigarettes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Homme opéré du coeurMettre des images-chocs sur les paquets de cigarettes n’est pas une idée nouvelle et une trentaine d’États à travers le monde, dont la France, ont déjà adopté des lois en ce sens afin de faire prendre conscience des risques encourus aux consommateurs de ce produit toxique. Les États-Unis ont fait de même et la Food and Drug Administration (FDA) a publié en juin 2011 un règlement obligeant les fabricants de cigarettes à faire figurer sur leurs paquets des images qui ne laissent aucun doute sur la nocivité du produit qu’ils vendent à partir de septembre 2012.

Qu’il s’agisse des images choisies par l’Union européenne ou par les États-Unis, le but n’est pas tant d’informer ou d’effrayer les fumeurs que de nuire à l’image du tabac au sein de la société afin de permettre à celle-ci d’accepter plus facilement d’autres mesures législatives antitabac, comme la standardisation des paquets ou l’interdiction de fumer à l’échelle d’un pays tout entier. C’est la synergie de ces diverses mesures qui est efficace, bien plus que chaque mesure prise individuellement. C’est sans doute l’une des raisons qui expliquent que cinq des plus grands cigarettiers américains aient porté plainte contre les autorités de santé pour retarder l’apparition de telles images sur leurs produits. Afin d’appuyer leur action, ces entreprises ont aussi demandé à ce que le nouveau texte de loi soit considéré comme portant atteinte au premier amendement à la constitution des États-Unis : « Le Congrès ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre exercice d’une religion, ni qui restreigne la liberté de parole ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler paisiblement et d’adresser des pétitions au gouvernement pour le redressement de ses griefs. » Pour les cigarettiers, le message et les images qui leur sont imposées font qu’ils se voient ramener au rôle de porte-parole de la politique antitabac menée par le gouvernement de leur pays alors qu’une jurisprudence n’autoriserait pas l’État à utiliser des biens privés pour faire passer ses messages “idéologiques”. Mais, plus que tout, ils sont mécontents que ces images s’accompagnent d’une mention disant « Arrêtez maintenant », ce qui équivaut à leurs yeux à « N’achetez pas notre produit », au lieu de simples affirmations relatives à la santé et aux méfaits du tabac. Cette mention les agace d’autant plus qu’elle renvoie vers une hotline du type Tabac info service, destinée à aider les consommateurs voulant arrêter de fumer.

L’idée que les différentes mesures antitabac prises par un gouvernement puissent nuire aux libertés individuelles est souvent mise en avant par les fumeurs ou par les défenseurs des multinationales vendant cigarettes, cigares et autres produits dérivés du tabac, mais cette fois il est intéressant de voir la stratégie utilisée par ces entreprises pour justifier leur action en justice. Elles arguent qu’il serait dangereux pour la liberté d’expression de laisser aux autorités de santé la possibilité d’utiliser les paquets de tabac pour faire passer un message visant à décourager les citoyens à acheter un produit au prétexte que ces mêmes autorités pourraient se servir de ce précédent pour imposer le même type de mesures sur d’autres produits. Au sein de l’assignation, on peut ainsi voir l’image du sachet d’une marque de restauration rapide et d’une bouteille de vin français affublés du même type de messages. Il y a là un très net appel du pied aux entreprises de l’agroalimentaire pour faire front commun dans une lutte contre une politique de santé publique susceptible de nuire à leur chiffre d’affaires.

Sachet de restauration rapide et bouteille de vin

S’il est question de santé dans les arguments des cigarettiers, il s’agit uniquement de leur santé financière. Ils reprochent en effet aux autorités de santé de leur pays de les obliger à dépenser des millions de dollars pour revoir le design de leurs paquets en quelques mois. L’un des plaignants, la société R.J. Reynolds Tobacco Co., explique qu’elle a déjà 1,5 million de dollars, soit un peu plus d’un million d’euros, dans l’achat de nouveau matériel de gravure pour répondre aux exigences d’images en couleurs de la FDA, et estime qu’elle aura besoin de dépenser au moins 10 millions de dollars (6,89 millions d’euros) de plus pour la conception et la production du nouveau packaging. Ces chiffres sont à comparer à ceux donnés par cette société pour 2003 : des revenus annuels d’environ 8,4 milliards de dollars (5,79 milliards d’euros) ; un volume annuel de ventes de cigarettes aux États-Unis de 119 milliards d’unités, soit plus de 30 % des ventes dans ce pays. De l’argent qu’elle regrette sans doute de ne pouvoir utiliser pour développer de nouveaux produits destinés à attirer les plus jeunes, à l’image des cigarettes aromatisées que la France est censée avoir interdites en 2009