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La reconnaissance automatique des diplômes dans le secteur de la santé au sein de l’Union européenne devrait évoluer prochainement

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

La santé en EuropeLa Commission européenne réfléchit depuis quelques années déjà à une réforme et à une modernisation de la directive visant à la reconnaissance automatique entre États membres de l’Union européenne (UE) des diplômes dans le domaine de la santé. Ces travaux pourraient déboucher sur du concret avant la fin 2011 si l’on en croit un article récent du BMJ.

La directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993 visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres, remplacée par la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, a permis à de nombreux professionnels de santé de faire reconnaître leur diplôme au sein d’un autre État de l’Union et d’aller ainsi travailler pour un système de soins différent de celui dans lequel ils ont reçu leur formation initiale. Pour Jonathan Faull, directeur général du marché intérieur et des services à la Commission européenne, les principes fondamentaux du système actuel de reconnaissance ne doivent pas, selon lui, être remis en question dans le domaine de la santé. Ils ont fait la preuve de leur utilité en aidant, par exemple, certains États membres à faire face à leur pénurie de personnel. Nombreuses sont les illustrations de ces propos au sein de l’atlas de la démographie médicale en France au 1er janvier 2011 qui précise qu’« aucun des médecins nouvellement inscrits au tableau de l’Ordre du Loir-et-Cher n’est diplômé de la région. 71 % proviennent d’un pays autre que la France dont 60 % sont originaires de la Roumanie » ou « que 71 % des nouveaux inscrits en Lozère sont diplômés d’une faculté de médecine hors de France dont 80 % sont originaires de Roumanie ».

Si le système actuel de reconnaissance systématique d’une très grande partie des diplômes du secteur de la santé a d’indéniables avantages, il a aussi ses travers. Ces dernières années, profitant de cette législation établie pour simplifier les flux professionnels dans l’UE, des pays comme la Roumanie en ont profité, par exemple, pour développer des filières de formation destinées, entre autres, aux étudiants étrangers n’ayant pas réussi à franchir la sélection instaurée au sein de leur pays d’origine.
Le système a aussi permis à des praticiens interdits d’exercice dans le pays où ils ont été formés de continuer à voir des patients dans un autre pays de l’UE, le conseil de l’Ordre des médecins anglais s’étant même vu opposé des textes de loi sur la vie privée par certains pays de l’Union pour lui refuser le droit de savoir si un médecin avait perdu ou non son droit d’exercice chez eux.
Ces dérives, même si elles rendent service à certains citoyens, ne sont pas du goût de ceux qui estiment que de telles pratiques vont à l’encontre de la notion de qualité prônée par les institutions politiques de certains États membres qui utilisent ce prétexte pour renforcer chaque jour un peu plus les contraintes pesant sur leurs professionnels de santé.

Les fonctionnaires de la Commission européenne reconnaissent eux-mêmes que le système actuel n’est pas parfait et qu’il mérite d’être réformé. Plusieurs d’entre eux l’ont reconnu devant des parlementaires britanniques le 7 juillet 2011 à l’occasion de leur audition à la Chambre des Lords concernant l’avancée des réflexions de la Commission européenne à ce sujet. Malgré tout, pour Jonathan Faull, « de nombreux États membres ont eu à élever leur niveau de formation pour permettre aux personnes formées dans leur pays de bénéficier de la reconnaissance automatique de leurs qualifications dans d’autres pays. » Pour lui, « cela montre que le principe de la reconnaissance automatique des diplômes, bien que pensé il y a une trentaine d’années, est toujours une question importante et d’actualités, et a été une force motrice dans l’amélioration des systèmes de santé de nombreux États membres ces dernières années. » Il ajoute néanmoins que la Commission européenne a bien conscience que « ces règles doivent être revues et modernisées » en raison des récentes controverses, d’où ses travaux sur le sujet et l’apparition d’une nouvelle législation avant la fin de cette année.
Jonathan Faull reconnaît, entre autres, que l’UE a besoin d’un dispositif de sécurité visant à diffuser des alertes immédiates aux services compétents des autres États de l’Union lorsqu’un médecin est interdit d’exercice dans le pays où il réside.

Les parlementaires anglais ont aussi demandé au représentant de la Commission européenne si celle-ci ne faisait pas parfois passer la liberté de circulation des personnes avant la sécurité des patients. Ils ont évoqué les craintes soulevées par les disparités subsistant entre les différentes formations nationales des professionnels de santé, des disparités qui font peser des doutes sur le bien-fondé d’une reconnaissance automatique. M. Faull a reconnu qu’il existait un débat à ce sujet. Plutôt que de baser la reconnaissance des diplômes uniquement sur une durée de formation minimale commune, il est question de reconnaître des compétences réelles. La plupart des pays de l’Union verraient bien un système mixte comprenant une durée d’études minimale commune et la prise en compte de compétences spécifiques.

La reconnaissance automatique entre États membres des diplômes dans le domaine de la santé est un élément essentiel des flux migratoires au sein de professions médicales et paramédicales. Si elle permet à certains États de pallier leur démographie médicale déclinante, elle entraîne parfois de fait la désertification de leurs voisins. Il s’agit donc d’une question complexe face à laquelle la Commission doit faire des choix délicats qui impacteront la santé de nombreux Européens. Reste maintenant à attendre quelques mois pour en savoir plus…

Pour l’interdiction de fumer en voiture quand un enfant est à bord

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Une enfant et de la fuméeDe nombreux parlementaires anglais ont décidé d’apporter leur soutien à un mouvement citoyen souhaitant qu’il soit interdit de fumer en voiture en présence d’un enfant dans l’habitacle, selon un article publié dans le BMJ.

Profitant de son temps de parole à la Chambre des communes, Alex Cunningham, un élu appartenant au parti travailliste actuellement dans l’opposition, a demandé aux ministres du gouvernement de David Cameron de faire voter une loi interdisant de fumer en voiture et a déposé une motion allant dans ce sens. Soixante-dix-sept de ses collègues ayant soutenu cette dernière, ce sujet sera à nouveau débattu le 25 novembre 2011. Voilà qui devrait satisfaire les plus de 16 600 personnes ayant signé une pétition remise il y a quelques mois au premier ministre britannique pour qu’une telle loi voie le jour.

Au Royaume-Uni, la British Lung Fundation (BFL), une oeuvre de bienfaisance visant à promouvoir la santé respiratoire des citoyens et aidant les patients atteints de maladies pulmonaires, se bat contre le tabagisme passif, tout particulièrement lorsqu’il est question d’enfants. Cette fondation publie régulièrement un classement des zones géographiques où les enfants risquent le plus d’être exposés à la fumée de cigarette et il se trouve que la circonscription d’Alex Cunningham est située à la quinzième place sur cette liste expliquant peut-être sa motivation à combattre ce fléau.

Pourquoi parler de fléau ? Tout simplement parce qu’une étude de la BFL a montré que plus de la moitié des enfants outre-Manche étaient exposés à la fumée de cigarette en voiture. Or, pour Alex Cunningham et la BFL, les données scientifiques dont on dispose actuellement sont sans appel : « les experts reconnaissent que les enfants sont particulièrement vulnérables au tabagisme passif, car ils ont une fréquence respiratoire plus élevée. Cela implique qu’une exposition passive non négligeable à la fumée de cigarette peut conduire un enfant à souffrir toute sa vie de problèmes pulmonaires.
Le Chartered Institute of Environmental Health a démontré que le tabagisme en voiture est dangereux pour les enfants, même après que la cigarette est éteinte. Les niveaux de tabagisme passif dans les voitures peuvent être extrêmement élevés, en raison du petit volume d’air dans lequel la fumée est concentrée. » Au Royaume-Uni, l’équivalent de notre Académie de médecine a publié une étude sur le tabagisme passif chez l’enfant montrant qu’il serait à l’origine de 300 000 consultions chez les médecins généralistes et de plus de 9 500 hospitalisations chaque année.

Si la santé publique réussit parfois à faire l’unanimité, la réaction des soixante-six parlementaires favorables au gouvernement Cameron qui ont voté contre la motion d’Alex Cunnigham montre que les enjeux politiques priment bien souvent. Sous couvert de liberté individuelle et de preuves scientifiques contestables, ces parlementaires ne souhaitent pas voir aboutir la proposition de leur opposant.

Comparé aux États-Unis, au Canada ou à l’Australie, le Royaume-Uni est à la traîne, ces pays ayant déjà adopté une législation interdisant de fumer en voiture en présence d’enfants. Une mesure efficace si l’on en croit des recherches publiées au Canada. Alors que le programme de sensibilisation aux dangers du tabagisme passif en voiture n’avait eu que peu d’effets, le fait de légiférer a permis d’obtenir une baisse significative de l’exposition des enfants à la fumée de cigarette en voiture.

Pour la British Lung Fundation, il n’est pas logique de protéger les adultes du tabagisme passif en interdisant de fumer dans les lieux publics et dans les entreprises, si dans le même temps on laisse les enfants courir de graves risques en voiture…

Médecine & Droit — Numéro 108

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de mai — juin 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

Protection de la personne
Perinde ac cadaver
Mathieu Reynier et François Vialla

L’exposition anatomique « Our Body » : une atteinte à la dignité du cadavre ?
Gwénaëlle Claire

Expertise
Critères de qualité pour une expertise civile réussie : le point de vue de l’expert médecin
Bertrand Gachot

Santé publique
La nouvelle architecture sanitaire d’organisation des soins depuis la loi du 21 juillet 2009
Arnaud Le Gall

Exercice professionnel
La solitude du médecin collaborateur libéral
Rémi Bonnefont

Agenda

Médecine & Droit — Numéro 107

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Médecine & Droit

Sommaire du numéro de mars — avril 2011

CouvertureElsevier — Masson

 

Droit civil
La réparation du manquement à l’information médicale : d’une indemnisation corporalisée à la mise en oeuvre d’un droit de créance
Philippe Pierre

Médecine judiciaire
Prise en charge médicojudiciaire des auteurs d’infractions sexuelles
Alexandre Baratta, Alexandre Morali, Olivier Halleguen et Georges-Alin Milosescu

Exercice professionnel
Sanction disciplinaire d’une personne morale exerçant la pharmacie
Valérie Siranyan, Olivier Rollux et François Locher

Ouvrages parus

Mediator : premier procès en 2012

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Evolution

Statue de la justiceLa justice se fait moins docile aux politiques au fil du temps et la décision prise par la Cour de cassation, contre l’avis du parquet, le 15 juin 2011 dans l’affaire du Mediator en est un nouvel exemple. Au nom de la « bonne administration de la justice », la Cour a rejeté le souhait du parquet de voir le dossier ouvert à Nanterre, suite à des citations directes délivrées par 150 plaignants, regroupé avec deux autres informations judiciaires ouvertes à Paris pour homicides involontaires et tromperie concernant 1 500 autres plaignants. Cette décision est lourde de conséquences puisque cela devrait permettre à un procès pour tromperie aggravée de se tenir au printemps 2012 dans les Hauts-de-Seine avec sur le banc des accusés les laboratoires Servier, sa filiale commerciale, son président fondateur Jacques Servier et quatre autres dirigeants de la société au lieu d’allonger la procédure d’au moins dix ans.

Ce procès, en pleine campagne présidentielle et à la veille d’élections législatives, alors même que Nicolas Sarkozy a été l’avocat de Jacques Servier avant de devenir président de la République et qu’il est difficile de croire que, sans quelques appuis politiques, le Mediator ait pu être commercialisé d’aussi nombreuses années en France tandis que d’autres pays européens l’avait déjà interdit, risque de tomber au plus mauvais moment. D’autant que si la justice ne se montrait pas complaisante avec les prévenus, il pourrait être tentant pour certains de laisser filtrer quelques noms afin de ne pas être les boucs émissaires d’un scandale sanitaire aux multiples ramifications. Une longue procédure longue n’aurait eu que des « avantages » pour les principaux protagonistes de cette affaire : multiples expertises et contre expertises décourageantes ; lassitude des plaignants ; décès de patients pour lesquels les ayants droit préfèrent abandonner les poursuites ; opinion publique qui a oublié l’affaire ; pression médiatique sans commune mesure au moment du jugement ; responsables à la retraite ou décédés de leur belle mort sans avoir eu à répondre de leurs actes ; temps donné au laboratoire pour se restructurer ou pour provisionner afin de payer ce à quoi il sera condamné ; etc.

Les précédents scandales sanitaires ont montré au moins deux choses : les intérêts des victimes passent bien après ceux de l’industrie, comme dans le cas de l’amiante par exemple ; les responsables politiques ne sont pas déclarés coupables et continuent leur carrière sans jamais vraiment être inquiétés, avec la conscience tranquille de ceux qui sont réélus par des citoyens à la mémoire bien courte tant qu’ils ne sont pas au rang des victimes.
Pourquoi en serait-il autrement avec le Mediator ? Après quelques mois de tapage médiatique, au cours desquels les déclarations péremptoires et démagogiques se succèdent et quelques hauts fonctionnaires sont congédiés ou mutés, tout finit par rentrer dans l’ordre, et ce d’autant plus vite que l’actualité est riche en affaires diverses et variées.
Tout cela est assez facile à comprendre : mettre à terre un laboratoire comme Servier, c’est risquer de voir mis au chômage un grand nombre d’hommes et de femmes qui travaillent pour lui ; c’est compromettre ses exportations et affaiblir le commerce extérieur de la France ; c’est laisser le champ libre aux multinationales étrangères ; etc. N’est-on pas plus facilement réélu lorsque quelques centaines de patients meurent que quand des usines ferment ? Comment s’en prendre à une très riche industrie dont les dirigeants ne craignent pas les politiques qu’ils fréquentent régulièrement ? Comment mordre la main qui vous a peut-être nourrie en pleine campagne ? Cynique constat qui se reproduit pourtant d’un scandale à l’autre…

Malgré les beaux discours, tout est déjà en place pour calmer l’opinion publique tout en préservant l’intérêt des puissants. Les assises du médicament et leur promesse de transparence en manque cruellement ; des rapports parlementaires fleurissent et des réformes seront faites, des reformes qui auront reçu l’assentiment de l’industrie, qui ne remettront surtout pas en cause les liens d’intérêts au plus haut niveau, qui ne bouleverseront pas le travail de l’administration et renforceront un peu plus le pouvoir de la Sécurité sociale, mais qui créeront surtout de nouvelles contraintes pour les exécutants en bout de chaîne, c’est-à-dire les professions médicales uniquement.
Enfin, les contribuables, au rang desquels figurent les victimes, seront mis à contribution : un fonds d’indemnisation pour les victimes du Mediator est créé. Son fonctionnement est basé sur des fonds publics, ce qui permet aux pouvoirs publics de le contrôler bien plus sereinement et de minimiser les risques que représente une indemnisation laissée entre les mains de la justice. C’est de l’argent public qui ira donc dédommager les victimes, charge ensuite à l’État de se retourner au civil contre les laboratoires Servier, procédure excessivement longue qui n’est même pas sûre d’aboutir…

Le procès de Nanterre mettra-t-il un terme à cette chronique d’un scandale étouffé ? Aura-t-il vraiment lieu au printemps ? La justice finit toujours par triompher… dans nos rêves.

Et si on fermait les Urgences à 22 h ?

Écrit par Radoslava Dvorska le . Dans la rubrique Evolution

Malade en fauteuil roulantPourquoi ne pas fermer l’accès direct aux services d’urgence à l’hôpital après 22 h ? C’est la question qu’a posée aux députés de son pays le ministre de la santé slovaque, Ivan Uhliarik, en leur soumettant un projet de loi allant dans ce sens. Plus question de pousser directement la porte des Urgences après dix heures du soir si le texte est adopté, les patients devront appeler un centre de régulation hospitalier ou un service d’ambulances s’ils veulent être admis.

Selon Ivan Uhliarik, les services d’urgence dans les hôpitaux slovaques ne sont pas suffisamment fréquentés la nuit pour qu’ils soient jugés rentables, mieux vaut donc renvoyer une partie du personnel chez lui et réguler les appels de ceux qui estiment devoir être vus rapidement. Jusque-là, quand ils en ont besoin, les Slovaques sont habitués à être accueillis aux Urgences le soir, le week-end et les jours fériés. Même si les services hospitaliers d’urgence ne sont pas engorgés par des consultations médicalement non justifiées, contrairement à un phénomène qui se développe en France où le taux de ces consultations peut atteindre 20 %, les malades slovaques pourraient bien devoir montrer patte blanche avant de voir aux Urgences une blouse de la même couleur à partir de janvier 2012.

Eva Madajova, présidente de l’association pour la protection des droits des patients, s’insurge contre cette proposition. Pour elle, la fréquentation des services d’urgence est suffisante pour justifier qu’ils soient ouverts la nuit. Elle estime que la population est attachée à ce fonctionnement et qu’il serait préjudiciable de le réformer.
Un avis que ne partage pas Ladislav Pazstor, président de l’association des médecins libéraux, pour qui cet ajustement des horaires d’ouverture des services d’urgence à l’hôpital ne fait que mettre le droit slovaque en conformité avec la directive européenne sur le temps de travail dans le secteur de la santé publique. Il explique par ailleurs que les cas les plus graves seront pris en charge par les médecins libéraux de garde et les services d’aide médicale urgente (SAMU).

En France, l’idée de mettre en place des plateformes téléphoniques complétant les services offerts par le 15 ou le 112 pour réguler les urgences est lancée depuis plusieurs années, mais à l’inverse de la Slovaquie, c’est pour lutter contre la saturation des services hospitaliers que des propositions sont faites, pas pour les fermer faute de fréquentation. L’état de santé de la population slovaque serait-il meilleur que celui de la population française ? Pas vraiment. Autres lieux, autres moeurs…

Les recommandations HAS remises dans le droit chemin

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Jurisprudences

Chemin baliséQui aurait pu croire il y a encore quelques mois que les effets secondaires du Mediator affecteraient le président de la Haute Autorité de santé (HAS) ou, tout du moins, ses décisions ? Qui aurait pu imaginer que les « recommandations » de bonne pratique de cette instance officielle, imposées à tous les médecins dans un but d’uniformiser les dépenses de santé, sous couvert d’améliorer la qualité de la prise en charge en méprisant l’unicité de chaque patient, et reconnues par le Conseil d’État comme opposables aux praticiens, ne s’appuyaient pas toujours sur des fondements scientifiques transparents ? Qui aurait pu douter de la détermination des experts à faire passer l’intérêt des patients avant celui de l’industrie ou d’un besoin de reconnaissance que chacun trouve légitime ? Pas grand monde, si ce n’est quelques rares médecins qui semblent avoir continué à faire leur l’un des préceptes de leur Art, garder l’esprit critique, plutôt que de sombrer dans le conformisme bien pensant par facilité, par compromission ou au nom de la sauvegarde du spectre de notre système de protection sociale…

C’est en 2009, bien avant que n’éclate le scandale du Mediator, que le Formindep, association pour une formation médicale indépendante, a déposé un recours en Conseil d’État contre le refus par le président de la HAS d’abroger deux recommandations émises par ses services, la première concernant le traitement du diabète de type 2 et la seconde la maladie d’Alzheimer, pour non-respect des règles de déclaration de liens d’intérêts des experts les ayant établies. Un combat qui valait la peine d’être mené puisque le 27 avril 2011, le Conseil d’État a annulé la décision par laquelle le président de la Haute Autorité de santé a refusé d’abroger la recommandation intitulée Traitement médicamenteux du diabète de type 2 et l’a contrait à abroger cette recommandation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision. En ce faisant, le Conseil d’État a reconnu que « la recommandation litigieuse a été élaborée en méconnaissance du principe d’impartialité dont s’inspirent les dispositions rappelées ci-dessus [article L 161-44 du code de la Sécurité sociale et L 5323-4 du code de la santé publique, NDLR], en raison de la présence, au sein du groupe de travail chargé de sa rédaction, d’experts médicaux apportant un concours occasionnel à la Haute Autorité de santé ainsi que d’agents de la Haute Autorité de santé et de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui entretenaient avec des entreprises pharmaceutiques des liens de nature à caractériser des situations prohibées de conflit d’intérêts ».

Suite à ce camouflet et alors qu’une décision était attendue pour la recommandation Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, le président de la HAS a préféré couper court aux critiques. Dans un communiqué du 20 mai 2011, la HAS précise qu’elle retire cette recommandation de bonne pratique « dans un contexte d’exigence accrue en matière d’indépendance et de transparence des institutions et afin de restaurer la confiance avec les usagers du système de soins ». Prenant acte de la décision du Conseil d’État, la HAS décide par ailleurs de lancer l’analyse de toutes les recommandations élaborées entre 2005 et 2010 pour vérifier qu’elles sont conformes aux règles en matière de déclarations publiques d’intérêt. Cette mission est confiée au groupe Déontologie et Indépendance de l’expertise de la HAS présidée par Christian Vigouroux, conseiller d’État. La HAS suivra les conclusions de cette mission et s’engage à retirer immédiatement les recommandations qui seraient concernées et à réinscrire les thèmes à son programme de travail. » Il est aussi question d’un audit externe de ses procédures de gestion des conflits d’intérêts en 2012.

La décision du Conseil d’État a un autre intérêt, celui de préciser le rôle des recommandations de bonne pratique. Il considère que ces dernières « ont pour objet de guider les professionnels de santé dans la définition et la mise en oeuvre des stratégies de soins à visée préventive, diagnostique ou thérapeutique les plus appropriées, sur la base des connaissances médicales avérées à la date de leur édiction ». Il estime aussi « qu’eu égard à l’obligation déontologique, incombant aux professionnels de santé en vertu des dispositions du code de la santé publique qui leur sont applicables, d’assurer au patient des soins fondés sur les données acquises de la science, telles qu’elles ressortent notamment de ces recommandations de bonnes pratiques, ces dernières doivent être regardées comme des décisions faisant grief susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ».

Malgré tout, les recommandations de bonne pratique ont encore de belles années devant elles. Beaucoup de médecins en redemandent, car il est plus simple de suivre une recette universelle toute faite que d’élaborer un diagnostic en tenant compte des spécificités de chaque patient, surtout quand cette réflexion chronophage, pourtant salutaire au malade, leur attire les foudres de l’assurance-maladie.
Les professions paramédicales en redemandent elles aussi. À l’heure où la délégation des tâches est portée aux nues, mieux vaut disposer de conduites à tenir élaborées par des experts pour pouvoir jouer au docteur sans trop engager sa responsabilité.
Les juristes en sont friands, habitués qu’ils sont aux normes, les utilisant pour faire condamner, plus souvent que pour défendre, les praticiens faisant preuve de sens critique (ou d’incompétence).
L’industrie les réclame, puisqu’elle ne doute pas un seul instant de réussir à nouveau à influencer d’une façon ou d’une autre leur contenu d’ici quelques mois.
La Sécurité sociale, les complémentaires santé et les décideurs, enfin, qui voient en elles un formidable frein aux dépenses de santé et la mise sous coupe réglée des professionnels de santé.
Médecine et indépendance ne sont décidément pas prêtes à ne plus être antinomiques…

Ostéopathie et chiropraxie : un pas en avant, deux en arrière sur la durée minimale de la formation

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Manipuler le squeletteAlors que le syndicat national des ostéopathes de France (SNOF) et de nombreux acteurs de ce secteur se félicitaient du vote de l’article 64 relatif à la durée minimale de formation en vue de l’obtention du diplôme d’ostéopathe au sein de la loi nº 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST), venant ainsi compléter la reconnaissance officielle du diplôme obtenue à l’article 75 de la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, il aura fallu attendre un an et demi pour que le Conseil constitutionnel rende une décision annulant ce qui était considéré comme un progrès.

C’est à la demande du Premier ministre que le Conseil constitutionnel s’est penché sur la nature juridique des mots « qui doivent être au minimum de 3 520 heures » ajoutés en 2009 au premier alinéa de l’article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002. L’institution a estimé dans une décision du 3 février 2011 (nº 2011-223) que cette durée minimale de formation avait un caractère réglementaire. De ce fait, elle n’a pas à figurer au sein d’un article de loi, mais doit émaner d’un décret. La modification intervenue suite à l’adoption de la loi 2009-879 ne peut donc pas être prise en considération.

C’est que vient d’officialiser le décret nº 2011-390 du 12 avril 2011 modifiant l’article 75 de la loi nº 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, paru au Journal officiel du 14 avril 2011. Ce texte supprime la durée minimale de formation en ostéopathie et en chiropraxie ajoutée à la loi de 2002, dite loi Kouchner, et rétablit que la durée minimale de formation en ostéopathie reste fixée à 2 660 heures conformément aux dispositions du décret nº 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l’agrément des établissements de formation et doit encore être fixée pour la chiropraxie.

En attendant un nouveau décret, la durée minimale de formation pour les ostéopathes reste donc indéterminée pour les chiropracteurs et repasse à trois ans au lieu de quatre pour les ostéopathes. Un contretemps qui n’est pas fait pour arranger les affaires de professions souvent en mal de reconnaissance.

Le Conseil d’État oblige le directeur de l’UNCAM à revoir sa copie concernant la contribution forfaitaire sur les feuilles de soins papier

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

Carte de santé électroniqueC’est au plus grand désarroi des professionnels de santé que le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM) avait rendu le 19 mars 2010 une décision fixant le montant de la contribution forfaitaire aux frais de gestion due par les professionnels, organismes ou établissements qui n’assurent pas la transmission électronique pour la facturation de leurs actes, produits ou prestations aux organismes d’assurance maladie obligatoire. Il s’agissait là d’une décision prise en application de l’article L 161-35 du code de la santé publique qui prévoit que « les professionnels, organismes ou établissements dispensant des actes ou prestations remboursables par l’assurance maladie, qui n’assurent pas une transmission électronique, acquittent une contribution forfaitaire aux frais de gestion. Le directeur de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie […] fixe le montant de cette contribution forfaitaire. Cette somme, assimilée pour son recouvrement à une cotisation de sécurité sociale, est versée à l’organisme qui fournit lesdits documents. »

Pour les chantres des économies de santé et pour les personnels de l’UNCAM, la télétransmission est présentée depuis longtemps comme la solution idéale pour le remboursement des frais engagés par les patients. Personne ne conteste qu’il s’agit d’un système simplifiant la vie de l’assuré qui n’a plus à compléter une feuille de soins qu’il doit ensuite adresser à son organisme d’assurance-maladie. Cette procédure lui permettant d’être remboursé plus rapidement, elle est bien souvent appréciée par le patient. Mais il faut reconnaître que si elle est mise en avant par les services de la Sécurité sociale, c’est aussi parce qu’elle a de gros avantages pour ces derniers. Le traitement d’une feuille papier est bien plus lourd que celui d’une feuille de soins électronique et, en cette période de déficit chronique de l’assurance-maladie, pouvoir réduire le nombre d’agents chargés de ce travail n’est pas chose négligeable. D’autant que si un problème survient à l’occasion du remboursement, c’est en premier vers le praticien qui a pris la carte vitale et assuré la télétransmission que le patient se tourne, allégeant ainsi la charge des personnels d’accueil des caisses. Les récriminations iront d’abord au secrétariat ou au praticien lui-même avant d’arriver de façon atténuée aux guichets des organismes sociaux.
Outre le fait de devoir investir dans du matériel non standardisé, spécifique à la télétransmission, associé à un onéreux contrat de maintenance, les praticiens ont de nombreux reproches à faire à ce système et ils n’y ont pas tous adhéré de gaîté de coeur. Même ceux qui ont été parmi les plus motivés sont bien souvent confrontés à de multiples problèmes et acceptent mal que le manque de responsabilisation de l’usager et la stigmatisation dont ils ont l’impression de faire l’objet de la part des caisses d’assurance maladie viennent refroidir leurs ardeurs à poursuivre sur le chemin de la télétransmission. En effet, comment ne pas être étonné qu’un médecin puisse être pénalisé parce que le patient a oublié sa carte vitale nécessaire à l’élaboration de la feuille de soins électronique ? Comment comprendre qu’un praticien, qui est souffrant et qui doit s’en remettre à un remplaçant pour assurer la continuité du service durant parfois plusieurs mois en raison de l’affection grave, dont il est atteint puisse être sanctionné du fait de l’utilisation de feuilles de soins papier par son confrère venu éviter la fermeture du cabinet ? Comment expliquer que de nombreux concepteurs de logiciels médicaux n’aient pas développé de solution de télétransmission faute d’un cahier des charges stable privant ainsi le médecin de solutions adaptées ou que les matériels proposés n’acceptent pas la carte professionnelle d’un remplaçant ? Comment accepter que des services de l’assurance-maladie conseillent aux praticiens de laisser leur carte de professionnel de santé (CPS) à leur remplaçant pour qu’il puisse télétransmettre en parfaite contradiction avec le principe voulant que cette carte soit personnelle, poussant ainsi les médecins à agir de façon illégale ?

Il est évident que, dans un tel contexte, la décision du directeur général de l’UNCAM du 19 mars 2010 prévoyant une sanction financière de 50 centimes d’euros pour les professionnels de santé utilisant des feuilles de soins papier pour plus de 25 % des actes réalisés sur une année ne pouvait ressentie que comme une injustice par les médecins « de base ». Alors que les grandes centrales syndicales médicales, censées pourtant les représenter, semblaient résolues à accepter ce qu’elles avaient peut-être négocié officieusement, c’est un syndicat régional qui a attaqué cette décision. Bien lui en a pris puisque le Conseil d’État lui a donné raison le 7 avril 2011 après avoir estimé que le directeur général de l’UNCAM avait outrepassé les droits que lui confère la loi en imposant que cette contribution forfaitaire soit appliquée aux supports de facturation établis sur papier à l’exclusion des supports concernant les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, les nourrissons de moins de trois mois et les prestations de soins effectuées dans leur totalité hors de la présence du patient ; en déterminant les catégories de professionnels et organismes débiteurs ou en décidant que la notification de la contribution est effectuée par la CPAM au 1er juillet de l’année suivante, la contribution étant exigible au 1er septembre.

Si l’obligation d’être en mesure de télétransmettre pour les professionnels de santé est toujours d’actualité, la menace des sanctions pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas utiliser ce système pour la majorité de leurs actes est une nouvelle fois repoussée. Bien malin celui qui est en mesure de dire quand et comment cette situation évoluera dans l’immédiat. Les échéances électorales qui approchent ne vont pas être propices à de nouvelles sanctions, surtout dans des domaines où les praticiens ont l’impression que les intérêts des personnels de l’assurance-maladie passent bien avant les leurs ou ceux des patients…

Fin du parcours de soins en Slovaquie

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique Evolution

Parcours du maladeEn Slovaquie, habituée à un système de santé étatisé hérité de son passé au sein de l’ancien « bloc de l’Est », il n’était pas question jusque-là pour un patient d’aller voir directement un médecin spécialiste s’il voulait être remboursé par l’assurance-maladie publique. Quant aux patients disposant d’une assurance privée complémentaire, c’est vers un médecin agréé qu’ils avaient l’obligation de se tourner pour que les dépenses engagées soient prises en charge. C’est à ce parcours de soins coordonnés, présenté en France comme une source d’économies de santé ces derniers temps, que le gouvernement slovaque vient de renoncer. Plutôt que de rembourser deux consultations (une chez le généraliste et une chez le spécialiste) et d’obliger les malades à perdre plusieurs heures dans la salle d’attente d’un médecin surchargé au risque de voir la propagation des virus et autres germes facilitée, les autorités slovaques ont décidé de modifier leur loi relative à l’assurance-maladie afin que l’accès direct au spécialiste puisse être pris en charge sans restriction.

Le ministre de la santé, Ivan Uhliarik, a justifié cette décision en expliquant que le parcours de soins coordonnés était une exigence absurde, pouvant conduire parfois des patients à renoncer à se faire soigner faute de pouvoir perdre une demi-journée entre le cabinet du généraliste, puis celui du spécialiste. Le gouvernement slovaque a choisi de faire confiance aux patients en leur permettant, en fonction des symptômes qu’ils présentent, de s’orienter directement vers le spécialiste qui leur semble être le mieux à même de les prendre en charge.

En France, le parcours de soins coordonnés a été instauré ces dernières années afin de « rationaliser les différentes interventions des professionnels de santé pour un même assuré », comme le précise la Direction de l’information légale et administrative. « Le respect de ce dispositif par l’usager de la santé conditionne la prise en charge normale de ses dépenses de santé par la sécurité sociale ». À part pour quelques spécialités, comme l’ophtalmologie, et sous certaines conditions (pour des problèmes de santé bien précis et non pour toutes les pathologies, comme le patient le croit parfois), l’accès direct aux spécialistes par le patient, pourtant libre de choisir son médecin, implique qu’il est moins bien remboursé. Il est obligé de passer par son médecin spécialisé en médecine générale afin que ce dernier l’adresse à un médecin spécialisé en autre chose… Une logique très loin d’être évidente quand on prend la peine d’étudier les arguments de ceux qui dénigrent ou, au contraire, qui défendent le parcours de soins coordonnés. Une pratique qui a toutefois conduit le système de soins anglais au bord du gouffre, obligeant les pouvoirs publics britanniques à revoir en profondeur la prise en charge des patients.

Rationalisation des soins ou libre choix du patient ? Reconnaissance du rôle fondamental du médecin spécialisé en médecine générale ou démagogie des pouvoirs publics à l’égard des généralistes pour mieux contrôler une profession tout entière ? Excellent moyen de faire des économies de santé ou subtile façon de décourager des malades à consulter ? Qu’en pensez-vous ?