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Une loi pour inciter les médecins à s’installer à la campagne

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Drapeau allemandLa France n’est pas la seule à être confrontée au vieillissement de sa population et à une mauvaise gestion de sa démographie médicale au cours des dernières décennies. L’Allemagne commence, elle aussi, à souffrir cruellement d’un manque de médecins en zone rurale et c’est pour cette raison que les autorités d’outre-Rhin viennent de faire voter une loi visant à favoriser l’installation des praticiens à la campagne.

Comme l’explique Annette Tuffs, dans le BMJ, le gouvernement de coalition allemand a promulgué une loi incitant les jeunes médecins à assurer la relève au sein des cabinets de généralistes et des cliniques spécialisées en zone rurale, là où le ratio médecin/patient baisse de façon constante, tandis que le nombre de personnes âgées, lui, est en hausse. L’Allemagne a pourtant mieux anticipé que la France la crise de la démographie médicale : elle a actuellement un ratio de 38 médecins pour 100 000 habitants, contre 30 pour 100 000 en 1990. Mais cela n’empêche pas la moitié des patients qui vivent à la campagne de devoir aller en ville pour pouvoir être examinés par un praticien, situation qui ne devrait pas s’arranger quand on sait que 67 000 médecins vont prendre leur retraite dans les dix ans qui viennent.
Ce sont les régions rurales de l’ancienne Allemagne de l’Est et de Basse-Saxe qui sont les plus mal loties.

La nouvelle loi prévoit une prime pour chaque patient traité, sans limitation de nombre et sans forfait, pour les médecins installés à la campagne. Il faut dire que le mode de rémunération des praticiens outre-Rhin les encourage à l’exode face à une population rurale où le nombre de personnes âgées et de patients souffrant d’affections chroniques lourdes à gérer augmente sans cesse.

Le texte prévoit aussi la suppression des gardes et astreintes sur place, tâches incombant dorénavant en partie aux hôpitaux, permettant ainsi aux praticiens de ne plus résider sur leur lieu d’exercice et de ne pas se retrouver seuls la nuit à couvrir d’immenses secteurs de garde dans des conditions souvent difficiles.
Tout comme leurs homologues français, les médecins allemands ne supportent plus de devoir être disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, comme c’est souvent le cas en zone rurale, préférant laisser les affres du burn-out à d’autres. Même s’ils ont la vocation et sont prêts à faire preuve d’abnégation, ils estiment que leur famille ne mérite pas d’être sacrifiée pour autant. Sachant que ceux avec qui ils vivent ne trouvent pas d’emploi dans ces zones où l’activité économique a disparu, qu’il n’y a pas de crèches et que le choix est restreint quand il est question d’écoles, d’activités sportives ou culturelles, ils préfèrent s’installer en ville.

Si cette loi a été bien accueillie par les organisations représentant les médecins, elle est critiquée par les compagnies d’assurance santé qui estiment qu’il aurait mieux valu pénaliser les praticiens exerçant dans des villes comme Munich, Hambourg ou Heidelberg, où la densité médicale est plus forte qu’ailleurs. Les médecins de ces villes devraient recevoir moins d’argent, alors que les praticiens dans les campagnes devraient être mieux payés, selon eux. Les partis d’opposition ont le même discours et expliquent que ces mesures incitatives ne seront pas efficaces tant que l’on ne dissuadera pas les médecins de s’installer en ville dans le même temps.
Pour le gouvernement allemand, cette loi, dotée d’une enveloppe de 320 millions d’euros, devrait permettre de réaliser des économies en réduisant les temps d’hospitalisation des patients vivant en milieu rural qui pourront être suivis à domicile ou près de chez eux. Elle va aussi permettre de réduire le coût de la prise en charge des urgences et de diminuer les frais de transport.

Qui a dit que vivre à la campagne était bon pour la santé ?

Fin du parcours de soins en Slovaquie

Écrit par Thomas Rollin le . Dans la rubrique Evolution

Parcours du maladeEn Slovaquie, habituée à un système de santé étatisé hérité de son passé au sein de l’ancien « bloc de l’Est », il n’était pas question jusque-là pour un patient d’aller voir directement un médecin spécialiste s’il voulait être remboursé par l’assurance-maladie publique. Quant aux patients disposant d’une assurance privée complémentaire, c’est vers un médecin agréé qu’ils avaient l’obligation de se tourner pour que les dépenses engagées soient prises en charge. C’est à ce parcours de soins coordonnés, présenté en France comme une source d’économies de santé ces derniers temps, que le gouvernement slovaque vient de renoncer. Plutôt que de rembourser deux consultations (une chez le généraliste et une chez le spécialiste) et d’obliger les malades à perdre plusieurs heures dans la salle d’attente d’un médecin surchargé au risque de voir la propagation des virus et autres germes facilitée, les autorités slovaques ont décidé de modifier leur loi relative à l’assurance-maladie afin que l’accès direct au spécialiste puisse être pris en charge sans restriction.

Le ministre de la santé, Ivan Uhliarik, a justifié cette décision en expliquant que le parcours de soins coordonnés était une exigence absurde, pouvant conduire parfois des patients à renoncer à se faire soigner faute de pouvoir perdre une demi-journée entre le cabinet du généraliste, puis celui du spécialiste. Le gouvernement slovaque a choisi de faire confiance aux patients en leur permettant, en fonction des symptômes qu’ils présentent, de s’orienter directement vers le spécialiste qui leur semble être le mieux à même de les prendre en charge.

En France, le parcours de soins coordonnés a été instauré ces dernières années afin de « rationaliser les différentes interventions des professionnels de santé pour un même assuré », comme le précise la Direction de l’information légale et administrative. « Le respect de ce dispositif par l’usager de la santé conditionne la prise en charge normale de ses dépenses de santé par la sécurité sociale ». À part pour quelques spécialités, comme l’ophtalmologie, et sous certaines conditions (pour des problèmes de santé bien précis et non pour toutes les pathologies, comme le patient le croit parfois), l’accès direct aux spécialistes par le patient, pourtant libre de choisir son médecin, implique qu’il est moins bien remboursé. Il est obligé de passer par son médecin spécialisé en médecine générale afin que ce dernier l’adresse à un médecin spécialisé en autre chose… Une logique très loin d’être évidente quand on prend la peine d’étudier les arguments de ceux qui dénigrent ou, au contraire, qui défendent le parcours de soins coordonnés. Une pratique qui a toutefois conduit le système de soins anglais au bord du gouffre, obligeant les pouvoirs publics britanniques à revoir en profondeur la prise en charge des patients.

Rationalisation des soins ou libre choix du patient ? Reconnaissance du rôle fondamental du médecin spécialisé en médecine générale ou démagogie des pouvoirs publics à l’égard des généralistes pour mieux contrôler une profession tout entière ? Excellent moyen de faire des économies de santé ou subtile façon de décourager des malades à consulter ? Qu’en pensez-vous ?

Vaccin contre le papilloma virus et sages-femmes

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Jurisprudences

L'injection est prête.L’arrêté du 10 janvier 2011 modifiant l’arrêté du 22 mars 2005 fixant la liste des vaccinations que les sages-femmes sont autorisées à pratiquer est paru au Journal officiel de la République du 14 janvier 2011. Il permet désormais aux sages-femmes de réaliser la vaccination contre le papilloma virus humain et le méningocoque C, une mesure que les uns verront comme favorisant la prévention et reconnaissant un peu plus les compétences de ces professionnelles de santé, et que les autres estimeront être un nouveau transfert d’acte dans le but de réaliser des économies de santé. Peu importe l’origine de cette décision, le plus ennuyeux est qu’elle soit intervenue quelques jours avant que l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), prise en pleine tourmente de l’affaire Mediator, ne publie une liste de 59 médicaments faisant l’objet d’un plan de gestion des risques sur laquelle figure le Cervarix®, « vaccin papillomavirus humain [types 16, 18] (recombinant, avec adjuvant ASO4, adsorbé) », ainsi que le Gardasil®, « vaccin papillomavirus humain [types 6, 11, 16, 18] (recombinant, adsorbé) ».

S’il n’est pas permis d’affirmer que ces vaccins sont dangereux pour la santé, il faut néanmoins prendre en compte qu’il figure sur une liste de 59 médicaments sur plusieurs milliers qui font l’objet d’une surveillance accrue de la part des autorités de santé. Il faut aussi rappeler que ces produits ne semblent pas avoir prouvé leur efficacité si l’on en croit la revue Prescrire : « l’effet en termes de prévention des cancers du col utérin n’est pas démontré : un suivi prolongé et attentif des populations vaccinées est nécessaire ».

Alors que des médecins généralistes, les mêmes qui avaient été parmi les premiers à dénoncer les excès de la campagne de vaccination contre la grippe A(H1N1), dénonce une campagne de prévention très médiatisée sur la vaccination à l’aide de ces vaccins et que d’autres s’étonnent de possibles conflits d’intérêts, n’est-il pas étonnant qu’un arrêté favorise l’utilisation de ces produits et autorise son usage par les sages-femmes ? Si la prévention est un moyen des plus efficaces de sauver des vies ou d’éviter qu’une maladie ne soit découverte que tardivement, entraînant par la même un traitement plus coûteux ou un handicap socialement dispendieux, il semble que l’industrie et certains médecins aient compris tous les avantages pouvant être tirés de la peur et de l’angoisse d’une partie de la population vis-à-vis de la maladie.

Était-il urgent de publier un tel arrêté quand de nombreux décrets autrement plus attendus par les professionnels de santé tardent à être finalisés ? L’intérêt des patients est-il la raison majeure d’une telle publication ? Sans doute…

La révolution du NHS

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Un vent nouveau sur la santé anglaiseLe mois de juillet est décidément propice aux révolutions, puisque c’est le 12 juillet 2010 que le nouveau secrétaire d’État à la santé britannique, Andrew Lansley, a présenté au Parlement un projet destiné a changé profondément le National Health Service (NHS). Dans un livre blanc, intitulé Equity and excellence: Liberating the NHS [Équité et excellence : pour libérer le NHS, NDLR], ce membre du gouvernement dévoile les grandes lignes de ce que sera la nouvelle politique de santé outre-Manche.

Contrairement à ce qui se faisait jusque-là, ce n’est plus aux tutelles chargées de tout faire pour obtenir des économies de santé qu’est accordée la confiance, mais aux médecins généralistes proches des patients. En faisant réaliser à la “bureaucratie” actuelle du NHS des gains d’efficacité sans précédent (45 % de réduction du coût de gestion en 4 ans), 80 milliards de livres sterling vont être mis à la disposition des généralistes pour qu’une meilleure prise en charge des malades soit assurée. Plutôt que de consacrer cette somme aux services chargés de réfléchir à de nouvelles mesures censées faire faire de nouvelles économies au système ou aux services servant à contrôler que les mesures précédentes ont bien été respectées, le gouvernement britannique a choisi de l’utiliser à la prise en charge des patients, y compris par le secteur privé.

Les hôpitaux vont avoir le droit d’augmenter leurs activités de consultations privées pour accroître leurs recettes, mais ils se verront aussi contraints de faire plus d’enquêtes de satisfaction auprès des patients et de les informer au cas où une erreur dans la prise en charge a été commise.

Les patients, comme les médecins généralistes, retrouvent une place décisionnaire au sein du système, place qu’ils avaient dû céder ces dernières années aux administratifs de tous poils. Plutôt que de se voir imposé des références opposables ou des parcours obligatoires pour que les soins soient pris en charge, les patients vont avoir leur mot à dire, avec pour nouvelle devise : « Pas de décision à mon sujet, sans moi ».
Les malades vont aussi pouvoir reprendre la main sur leur dossier médical et décider qui peut y avoir accès. Ils pourront le télécharger facilement afin de le mettre à la disposition des médecins, des cliniques ou des hôpitaux de leur choix, voire même d’une association de patients. Les médecins et les malades seront également en mesure de communiquer par Internet pour plus d’efficacité et de facilité.
Un plus grand nombre d’organisations sera susceptible de donner des informations à la portée de tous sur les maladies, leurs traitements ou sur l’hygiène de vie ; ces informations devant répondre à des critères minimums de qualité.
Un budget sera alloué aux patients présentant des affections de longue durée pour qu’ils puissent eux-mêmes choisir leurs soins, contrairement au système actuel encadrant très strictement leur parcours de santé.

Le ministère de la santé devra davantage mettre l’accent sur l’amélioration de la santé publique que sur la gestion courante du NHS. Les autorités locales seront impliquées conjointement au système national de santé dans les actions de lutte contre l’obésité, le tabagisme ou l’alcoolisme. Les campagnes de vaccination seront poursuivies et l’accent sera mis sur le dépistage. Les régions dont la population, souvent défavorisée, souffre le plus de problèmes de santé obtiendront des rallonges budgétaires afin de réduire les inégalités.

Enfin, les performances des équipes médicales et des hôpitaux seront étudiées avec soins et leurs résultats en matière d’infections nosocomiales, de décès, de rechutes ayant nécessité une nouvelle hospitalisation ou d’incidents au cours d’un traitement seront mis à la disposition du public.
Il sera demandé aux patients s’ils estiment que le traitement qui leur a été donné a été efficace et s’il a répondu à leurs attentes. Des réponses dont pourront se servir les autres patients pour choisir où ils désirent se faire soigner ou accoucher, n’étant plus obligé de s’adresser à leur médecin référent, au spécialiste ou à la maternité qu’on leur impose.
Plutôt que sur leur potentiel à respecter certains objectifs économiques, c’est sur l’efficacité clinique de leur travail que les médecins seront jugés. Il en sera de même pour le système de santé dans son ensemble dont les progrès seront appréciés sur la diminution du taux de mortalité pour les maladies curables ou sur l’augmentation des taux de survie à un ou cinq ans chez les patients atteints par un cancer.

Les Anglais ont donc décidé d’abandonner un modèle de santé basé sur des économies de santé programmées par des administrations toutes puissantes qui reniaient sans cesse sur la liberté des patients et des professionnels de santé. Il faut dire qu’après avoir placé leurs espoirs en lui pendant plusieurs dizaines d’années, il était très loin d’avoir fait ses preuves.
Voilà qui pourrait donner à réfléchir à tous ceux pour qui l’actuel NHS représentait un idéal. En France, la déclaration du « médecin traitant », le parcours de soins, le renforcement du pouvoir administratif, les référentiels de bonnes pratiques ou les contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) mis en place très récemment sont directement inspirés du modèle britannique…

 

Dans le livre blanc d’Andrew Lansley, il n’est question que du NHS anglais et non des autres systèmes de santé (écossais, gallois et irlandais) présents au sein du Royaume-Uni. Pour plus de précisions, se référer à l’article intitulé Le National Health Service ou NHS.

Les personnes âgées n’aiment pas les génériques

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Les génériques en questionLe BMJ est un journal médical britannique qui fait référence, or c’est dans cette revue que vient d’être publiée une lettre intitulée Controversy over generic substitution. Des auteurs australiens y expliquent avoir réalisé une étude qualitative auprès de plus d’une centaine de personnes âgées du pays des kangourous. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces consommateurs réguliers de médicaments, habitués depuis de nombreuses années à la substitution, n’apprécient pas du tout cette pratique.

Les personnes interrogées n’ont pas confiance en l’industrie pharmaceutique et lui reprochent, en particulier, la trop grande diversité géographique de ses lieux de production. Sur les produits eux-mêmes, les critiques sont multiples : absence de cohérence entre la présentation des génériques et celle du médicament princeps (comprimés ou gélules de taille et de forme différente) ; goût différent ; incohérence des emballages, mais aussi des noms !

Pour les auteurs, peu importe que les professionnels de santé et les patients aient signalé ces problèmes depuis longtemps, les autorités de santé, obnubilées par les économies à réaliser, n’en ont cure. Selon les professionnels australiens, un renforcement des cadres réglementaires est nécessaire pour assurer non seulement une équivalence thérapeutique, mais aussi une cohérence de l’emballage et de l’étiquetage afin de minimiser la confusion causée par la substitution, surtout chez les patients qui prennent plusieurs médicaments.

En France, les critiques vont même parfois plus loin puisque, lors de la conférence sur les contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) qui a eu lieu au Medec 2010, le président du Conseil national de l’ordre des médecins, Michel Legmann, a reconnu que de nombreux rapports démontrent que les génériques ne sont pas équivalents au médicament princeps, contrairement à l’information diffusée par les chantres des économies de santé. Même Christian Lajoux, président des entreprises du médicament (LEEM), a confirmé que la biodisponibilité des génériques n’était pas la même que celle du médicament d’origine.

Lobbying pharmaceutique ou réalité, les génériques restent controversés. Quoiqu’il en soit, les propositions des auteurs australiens semblent pleines de bon sens.

La fin des “incitations” à prescrire des génériques ?

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Médicaments génériques et droit européenLes pouvoirs publics français et l’assurance-maladie ont, depuis plusieurs années, misé sur les “incitations”, pour ne pas dire les contraintes, à l’utilisation des médicaments génériques, dans l’espoir de réduire le coût des dépenses de santé. Ces mesures, loin de faire l’unanimité chez les professionnels de santé et surtout chez les patients, ont néanmoins réussi à être imposées, en grande partie grâce au rôle actif joué par les pharmaciens et à leur fameux “droit de substitution” et à grand renfort de publicité. Une façon efficace de faire des économies de santé pour les uns, un moyen d’obtenir des avancées très favorables sur les produits vendus en officine sans prescription médicale, des produits souvent beaucoup plus rémunérateurs, pour les autres…

Des “incitations” qui s’imposent aussi au sein des nouveaux contrats d’amélioration des pratiques individuelles (CAPI) signés par la Sécurité sociale avec des médecins libéraux, ces derniers cherchant souvent à pallier, selon eux, l’insuffisante revalorisation de leurs honoraires. Prescrire plus de génériques, c’est respecter le contrat et voir ses revenus augmenter. Une façon efficace de faire des économies de santé pour les uns, un moyen habile d’encadrer ce qui reste de la liberté de prescription pour les autres…

Mais la vision purement économique de la prescription et de la délivrance des médicaments semble en passe de se retourner contre ceux qui l’ont privilégiée, si l’on en croit les conclusions de l’avocat général de la Cour de justice européenne (CJE) dans une affaire concernant l’Association of the British Pharmaceutical Industry et des systèmes d’incitation à la prescription de médicaments qui ont été mis en place par les caisses de soins primaires (Primary Care Trusts) en Grande-Bretagne. C’est en effet pour des raisons économiques liées à l’interdiction de la promotion de médicaments par l’intermédiaire de prime, avantage pécuniaire ou avantage en nature à des personnes habilitées pour les prescrire, à moins que ceux-ci ne soient de valeur négligeable et n’aient trait à l’exercice de la médecine, prévue par le droit européen que la situation pourrait être amenée à évoluer.

« L’article 94, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE fait obstacle à ce qu’un organisme public faisant partie d’un service national de santé public mette en place, afin de réduire ses dépenses en matière de médicaments, un système qui offre des incitations financières à des cabinets médicaux (lesquels peuvent à leur tour conférer un avantage pécuniaire au médecin prescripteur) afin qu’ils prescrivent un médicament spécifiquement désigné, soutenu par le système d’incitation, et qui sera :
a) soit un médicament soumis à ordonnance différent du médicament antérieurement prescrit par le médecin au patient ;
b) soit un médicament différent de celui qui aurait été prescrit au patient si le système d’incitation n’existait pas,
lorsque le médicament différent fait partie de la même classe thérapeutique que ceux utilisés pour le traitement de la pathologie particulière du patient. »

La mission des avocats généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l’affaire dont ils sont chargés, mais leurs conclusions ne lient pas la CJE. Reste donc à savoir ce que décidera la Cour après en avoir délibéré…

Liberté d’expression, droit, santé et Internet contestataire

Écrit par Charles Duchemin le . Dans la rubrique Humeur

Santé, liberté et droit d'expressionDe nombreux acteurs du droit et de la société civile tentent de dénoncer régulièrement un amenuisement des libertés individuelles dans le monde, mais aussi et surtout dans l’Hexagone. En fonction des individus concernés, la tribune qui leur est offerte n’est pas la même.

Le monde de la santé n’échappe pas à ce processus. Qu’il s’agisse de la liberté d’entreprendre avec la limitation arbitraire du nombre de collaborateurs libéraux dans différentes professions de santé, de la liberté de prescription ou de la liberté d’installation, pour ne citer que quelques exemples, l’avalanche de textes réglementaires ou de recommandations, édictés par les instances législatives ou par différents Conseils et Autorités, ne laisse plus aucune place à l’initiative, à la recherche ou au développement de solutions innovantes à l’échelon individuel, voire même à celui des petites entreprises que représentent les cabinets médicaux ou paramédicaux.

Plus étonnant, la liberté d’expression scientifique a aussi souffert ces dernières années. Des médecins qui osent étudier d’éventuelles différences inter raciales, ne serait-ce que pour prouver qu’elles n’existent pas, souffrent d’ostracisme. Seul le courant qui présente la théorie d’une race unique reçoit les faveurs des médias et des intellectuels. Celui qui explique que « Ce qui est en question dans le racisme, ce n’est pas la diversité des races humaines, c’est l’égalité des droits des individus, quelle que soit leur race » a été mis à l’index.
L’entretien incessant de « la peur du docteur Mengele », susceptible de sommeiller en chaque praticien, sert d’argument pour discréditer des professionnels qui donnent leur avis, basé sur leur expérience aux côtés des patients et des familles, sur l’euthanasie, par exemple. Dans un registre proche, il est intéressant de voir la suspicion de racisme qui pèse aussi sur les médecins. C’est dans le but de confirmer un tel a priori que le fonds CMU avait axé une partie du testing qu’elle a effectué auprès des praticiens. On sent poindre la déception dans les résultats de cette parodie d’étude qui n’a pas permis de mettre en évidence ce type de discrimination.
Cette même enquête a aussi permis de malmener la liberté d’expression sociale des professionnels de santé. S’il est apparu logique qu’un patient puisse se plaindre d’un praticien, les mesures visant à la réciproque ont été fortement critiquées et remises en question. Qu’il y ait un malaise au sein de la profession médicale fait l’objet de bien moins d’attentions.

Les économies de santé sont également un facteur clé des atteintes à la liberté d’expression. Comment dénoncer les dysfonctionnements de la Sécurité sociale pour des médecins que l’on considère à l’origine de son déficit ? Pas question d’offrir une tribune aux professionnels de santé dans ce cas. Tout ce qui touche au social est d’ailleurs frappé d’un manque d’objectivité ce qui permet de masquer les carences des politiques menées depuis plusieurs dizaines d’années dans ce domaine. Émettre une critique sur les grèves du personnel hospitalier ne peut être marqué que d’un état d’esprit partisan, par exemple.

Les intérêts financiers interviennent, bien entendu, eux aussi. Tout le monde se souvient de Pierre Meneton, chargé de recherche à l’INSERM au sein du département de santé publique et d’information médicale (SPIM) de Jussieu qui a mis son grain de sel dans les possibles méfaits de ce chlorure de sodium dans l’alimentation et dans le rôle joué par l’industrie du secteur dudit condiment. Il a été poursuivi pour diffamation par ce qu’il présente comme le « lobby » du sel. Les industriels ont fini roulés dans la farine. Cet exemple est l’archétype de ces pressions. D’autres scientifiques et praticiens sont mis à l’index par l’industrie pharmaceutique quand ils dénoncent des pratiques contraires à l’éthique.

Heureusement, la liberté d’expression existe encore… sur le Net. Plusieurs liens au sein de cet article ou un blog comme celui intitulé « Quitter la Sécu » en sont l’exemple. On comprend mieux que tous les gouvernements du monde ou presque cherchent à encadrer l’Internet. Sous couvert de la lutte contre la piraterie, c’est bien plus souvent la liberté d’expression qui est la cible visée.

Réforme de la biologie médicale

Écrit par Droit-medical.com le . Dans la rubrique Evolution

Le Conseiller général des établissements de santé Michel Ballereau a remis, le 23 septembre 2008, son rapport sur la réforme de la biologie médicale à la ministre de la santé. Selon la synthèse de ce travail, « Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a montré, en 2006, que la qualité moyenne des laboratoires de biologie médicale était bonne mais avec quelques insuffisances, plus particulièrement sur des laboratoires à faible activité. Par ailleurs, la structure des laboratoires français de biologie médicale n’a pas progressé aussi vite que l’évolution des connaissances scientifiques et des technologies l’aurait exigé et certains ont une activité trop faible pour être solides et capables de s’adapter aux techniques d’analyses les plus modernes, tout en dégageant le temps nécessaire à la prestation intellectuelle toujours plus importante, partie intégrante de l’examen de biologie médicale ».Laboratoire

Ce rapport met en avant l’aspect médical de cette spécialité qui ne doit pas se contenter de remettre quelques feuilles de résultats sans explication en échange d’une prescription qui ne s’accompagne quasiment jamais d’informations. Elle doit rapprocher cliniciens et biologistes afin qu’ils travaillent de concert. Une analyse biologique hors de son contexte clinique n’a que peu de valeur. Il en va de même de tout examen pratiqué sans une connaissance parfaite des circonstances qui amènent à sa réalisation. Les médecins spécialistes ne sont pas de simples techniciens, mais des praticiens à part entière qui doivent participer activement à l’amélioration des soins.
Belle déclaration d’intentions qui devrait s’adresser à tous les confrères des médecins biologistes qui ne seraient sans doute pas mécontents de voir arriver tous les patients avec un courrier leur expliquant la raison des prescriptions. Le code de déontologie impose ce type de correspondance, mais tout un chacun sait qu’il n’est quasiment jamais respecté, dans un sens comme dans l’autre…

Ce qui est assez surprenant, c’est qu’après avoir réaffirmé l’aspect médical de cette spécialité, la synthèse du rapport propose une réforme marquant « le passage d’obligations de moyens à des obligations de résultats tournées vers le patient ». Une nouvelle fois, un haut fonctionnaire, pourtant médecin à l’origine, veut obliger une science qui n’est pas exacte à des résultats… Heureusement, ce fantasme semble ne pas concerner les résultats médicaux en eux même, mais plutôt le cabinet médical qui passerait d’un régime de normes à une accréditation du type de celles qui ont été mises en place pour les établissements de santé. Un système de certification ISO, du type de celui mis spontanément en place par les ophtalmologistes dans un souci d’amélioration de la qualité de la prise en charge du patient, n’a pas été retenu en raison de l’importante part technique de la biologie médicale. Cette accréditation serait obligatoire. La synthèse du rapport n’aborde ni le coût d’une telle accréditation pour les professionnels, ni le temps consacré par ces derniers à répondre à de nouvelles obligations administratives et qui sera perdu pour la prise en charge des patients.
Toute aussi surprenante l’idée de diminuer le prix des actes de biologie au regard de l’automatisation des analyses et de la standardisation de l’interprétation si on estime que le médecin est là pour apporter son expérience et faire appel à ses longues années de formation.

« La définition du laboratoire de biologie médicale, qu’il soit hospitalier ou libéral, change dans la réforme proposée. Cette définition impose au laboratoire de biologie médicale de participer à l’offre de soins et elle permet l’existence de laboratoires multisites sur un territoire de santé. Il en résulte une plus grande liberté d’organisation du biologiste et la fin de règles telles que le rattachement du biologiste à un site (ex laboratoire) ». Il ne fait pas de doute que c’est un pur hasard si ce rapport va exactement dans le sens du projet de loi « Hôpital, patients, santé et territoires »… C’est aussi en toute indépendance que ce travail alloue aux directeurs généraux des futures agences régionales de santé (ARS) des pouvoirs importants dans le secteur de la biologie médicale. Les investissements seraient sous leur surveillance et les délocalisations pourraient être interdites. Il s’agit là de mesures administratives tendant vraisemblablement à s’opposer à la volonté des instances européennes de voir le capital des sociétés médicales s’ouvrir à tous les investisseurs. En 2006, la Commission européenne avait déjà rappelé à l’ordre l’Hexagone « en raison de l’incompatibilité avec la liberté d’établissement établie par l’article 43 du traité CE de restrictions en matière de détention du capital d’une société exploitant des laboratoires d’analyse de biologie médicale par un non-biologiste (limitation à un quart au maximum des parts sociales pouvant être détenues par un non-biologiste) et de l’interdiction faite à une personne physique ou morale de détenir des participations dans plus de deux sociétés constituées en vue d’exploiter en commun un ou plusieurs laboratoires d’analyses de biologie médicale. La Commission considère que ces restrictions limitent les possibilités de partenariat, notamment avec des personnes morales d’autres États membres et la liberté d’établissement en France de laboratoires établis dans d’autres États membres et ne satisfaisant pas aux critères posés par la législation française ». Le conseil national de l’ordre des médecins sera-t-il satisfait par ces mesures ? Il est lui aussi très hostile aux idées européennes d’un capital ouvert, mais de là à souhaiter le renforcement du rôle de l’Administration…

La réforme proposée tient compte de l’arrêté du 21 juillet 2008 fixant les critères permettant de vérifier les conditions d’autorisation ou d’agrément des laboratoires établis hors de France dans un État membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen puisque ces derniers vont pouvoir réaliser des analyses sur des prélèvements effectués en France, pour le compte de patients français.

Enfin, Michel Ballereau insiste sur un point sur lequel Droit-medical.com revient fréquemment : « en l’absence de cadre européen spécifique, la santé est considérée le plus souvent sous l’égide de règles économiques pures, qui sont inadaptées à certaines situations ». Sur un plan national, qui lui ne manque pas de cadre, l’auteur du rapport propose un montant d’économies dans le domaine de la biologie médicale d’environ 100 millions d’euros net, sur trois années consécutives.